II. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS : UNE GESTION COMPLEXE POUR LES URSSAF ET POUR LES ENTREPRISES

Le coût de gestion, à la fois pour les URSSAF et les entreprises, de trente-cinq mécanismes différents d'exonération de charges sociales, est loin d'être neutre. Mais, au-delà du nombre sans doute trop important de mécanismes, la complexité résulte également de la différence des techniques utilisées.

A. LES MÉCANISMES D'EXONÉRATION SONT PARTICULIÈREMENT COMPLEXES

Très peu de mécanismes d'exonération ont été supprimés depuis leur entrée en vigueur. La logique est -comme l'explique M. Bernard Caron, président de l'ACOSS- celle d'une " superposition de strates successives ".

1. Des règles de gestion complexes et modifiées de manière incessante

a) Une évaluation insuffisante des contraintes de gestion

Les gestionnaires ne sont que très peu associés à la conception des mécanismes d'exonération. Les études d'impact accompagnant les projets de loi, qui doivent normalement insister sur les modifications juridiques et organisationnelles des dispositions présentées, apparaissent lacunaires.

En effet, elles ne se préoccupent pas des coûts de gestion des mesures d'exonération.

La lecture des deux études d'impact annexées au projet de loi d'orientation et d'incitation sur le temps de travail (loi future Aubry I) et du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (loi future Aubry II) est tout à fait édifiante.

Le première ne mentionne en aucune façon le rôle des organismes de recouvrement. Tout se passe comme s'il s'agissait d'aides directement versées par l'Etat.

La seconde décrit davantage le mécanisme d'allégement des charges, en expliquant qu'il s'appuie " sur la base d'une déclaration adressée aux organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale " (art. 12 du projet de loi - point 4 - " Impact en termes des formalités administratives "). Les conséquences en termes de " complexité de l'ordonnancement juridique " sont ainsi évaluées : " La réforme n'a pas de conséquence particulière en termes de complexité de l'ordonnancement juridique " .

Les différents textes qui se sont succédé depuis la parution de la loi au Journal Officiel, décrets d'application, circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité du 3 mars 2000, circulaire de l'ACOSS du 29 mars 2000 montrent -a minima- l'inverse.

Par ailleurs, il n'existe pas d'unité de " conception " des mécanismes d'exonération, même si la Délégation générale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle joue un rôle important. Par exemple, une exonération " DOM-TOM " sera conçue par l'administration en charge des DOM-TOM ; une exonération " travailleurs non salariés " sera conçue par l'administration en charge du commerce et de l'artisanat, une exonération " exploitants agricoles " par le ministère de l'agriculture, etc.

L'administration qui " conçoit " la mesure n'est pas celle qui assumera la gestion de la mesure. Dès lors, elle est peu incitée à rechercher la simplicité.

b) Une modification incessante des dispositifs

La gestion de ces différents mécanismes par les URSSAF nécessite de connaître parfaitement le droit en vigueur (législation, réglementation), particulièrement évolutif. L'ACOSS actualise, tous les trois mois, un classeur juridique permettant à chaque URSSAF de disposer d'une réglementation identique et à jour.

Votre rapporteur, lors de son déplacement à l'ACOSS le 15 février 2000, a pu constater que ce classeur était d'une taille tout à fait respectable.

La " frénésie " législative et réglementaire :
l'exemple de l'abattement temps partiel

Cette mesure est régie successivement par les textes suivants :

- Loi du 31 décembre 1992

- Décret du 22 février 1993

- Loi du 20 décembre 1993

- Décret du 31 décembre 1993

- Décret du 5 avril 1994

- Décret du 30 août 1994

- Loi du 19 janvier 2000

L'abattement est d'abord de 30 % (du 1 er septembre 1992 au 31 décembre 1992), puis de 50 % (du 1 er janvier 1993 au 7 avril 1994), puis de nouveau de 30 % (à compter du 8 juin 1994).

c) Des règles de cumul particulièrement subtiles

Le casse-tête de la gestion des mécanismes d'exonération, pour les URSSAF et pour les entreprises, tient pour beaucoup aux règles de cumul ou de non-cumul.

Certains mécanismes d'exonération sont cumulables avec un autre dispositif. D'autres dispositifs sont exclusifs de toute autre mesure d'exonération.

Exemples de mécanismes cumulables et non cumulables

Mécanismes cumulables

Mécanismes non cumulables

- ristourne dégressive bas salaires (avec abattement temps partiel et allégements RTT " de Robien ", " Aubry I ", " Aubry II "

- Aubry I (avec réduction bas salaires et exonération afférente au CIE)

- CIE (sauf aide forfaitaire RTT)

- CES

- CEC

d) Une complexité dommageable, pouvant induire en erreur les entreprises et les administrations

Du côté des entreprises, celles-ci peuvent parfaitement ignorer qu'elles remplissent les conditions pour obtenir une exonération de charges sociales. L'URSSAF peut jouer alors un rôle de " conseil ", à rebours de sa mission traditionnelle de recouvrement.

En sens inverse, les entreprises peuvent s'appliquer, en toute bonne foi, une exonération à laquelle elles n'ont pas droit.

Pour certaines exonérations, soumises à un agrément administratif, les services déconcentrés donnent un " feu vert " qui s'avère parfois inapproprié. L'URSSAF -ne pouvant pas infirmer cette décision- se contente alors de le signaler à la direction départementale concernée.

2. Les rares dispositifs supprimés n'apportent pas de simplification à court et moyen termes

Lorsqu'une disposition législative introduisant une mesure d'exonération revient sur une ancienne mesure d'exonération, les dispositifs restent en vigueur pour les " contrats en cours ".

Les dispositifs supprimés en " flux " demeurent en vigueur

 

En vigueur de... à ...

Date d'extinction

ARTT de Robien

octobre 1996- juin 1998

16 juin 2005

Aide forfaitaire RTT Aubry I

juin 1998 - 1 er janvier 2000 (pour les entreprises de plus de 20 salariés)

demeure en vigueur pour les entreprises de moins de 20 salariés et les entreprises nouvelles (jusqu'au 1 er janvier 2002)

1 er janvier 2005

(pour les entreprises de plus de 20 salariés)

1 er janvier 2007

(entreprises de moins de 20 salariés et entreprises nouvelles)

Contrat de retour à l'emploi

janvier 1990 - juillet 1995

(remplacé par CIE)

théoriquement 2005

(demeure applicable aux contrats en cours (chômeurs âgés de + 50 ans et demandeurs d'emploi depuis plus d'un an ou percevant le RMI depuis plus d'un an)

Emplois de ville

mesure expérimentale de janvier 1995 à juin 1996

pérennisée en 1996

supprimée au 1 er janvier 1998

demeure applicable aux contrats en cours

1 er janvier 2003

Abattement temps partiel

cesse d'être applicable au 31 décembre 2000 (ou 31 décembre 2002) pour les embauches réalisées à compter du 1 er janvier 2000 (+ 20 salariés) ou 1 er janvier 2002 (- 20 salariés)

demeure applicable aux contrats en cours

théoriquement 2044

Dès lors, la suppression d'un dispositif n'a que peu d'effets à court et moyen termes sur la simplification.

3. Des techniques d'exonération différentes

Les techniques d'exonération sont variables selon les dispositifs. L'exonération peut porter sur une assiette différente : soit les cotisations patronales seules, soit les cotisations, le versement transports (VT) et la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL), c'est-à-dire l'ensemble des charges recouvrées par les URSSAF. L'exonération peut porter sur un seul risque (cotisations d'allocations familiales). L'exonération peut être calculée par une réduction du taux de cotisation, ou grâce à une formule mathématique.

Exemples de techniques différentes

Abattement forfaitaire

- de Robien

- Aubry I

- Hôtels cafés restaurants

Abattement proportionnel

- Abattement temps partiel et abattement pour les emplois à temps réduit dans les entreprises ayant réduit la durée du travail (30 % des cotisations patronales de sécurité sociale)

- Emploi de salariés occasionnels agricoles (58 % des cotisations hors cotisations allocations familiales, 75 % pour certaines activités maraîchères)

Exonérations limitées aux cotisations d'allocations familiales

- Salariés des exploitants agricoles (selon montant mensuel de la rémunération)

- Régimes spéciaux (selon montant mensuel de la rémunération)

Exonérations limitées à une partie du salaire

- Exonération premier salarié (SMIC)

- Ristourne Juppé (1,3 SMIC)

Exonérations au-delà des cotisations de sécurité sociale

- Contrat d'apprentissage (également chômage, retraite complémentaire, CSG, CRDS, FNAL, VT, taxe sur les salaires pour entreprises artisanales d'au plus 10 salariés)

- Zones franches urbaines (également FNAL, VT)

- Emploi d'une aide à domicile par une personne âgée ou invalide (également FNAL)

Ces techniques obéissent à des logiques d'expérimentation permanente. Les concepteurs des mécanismes d'exonération de charges sociales, soumis à l'impératif de réduire le chômage, rivalisent d'ingéniosité.

Certains dispositifs ont été adoptés pour une durée limitée, d'autres sont applicables de manière permanente.

Des dispositifs à durée variable

Dispositifs à durée limitée

Dispositifs permanents

- exonération premier salarié (31 décembre 2001)

- zones franches urbaines (1 er janvier 2002)

- zone franche de Corse (1 er janvier 2002)

- ristourne dégressive

- loi Aubry II

Enfin, des dispositifs d'exonération ne s'appliquent à des contrats que pour une durée limitée.

Par exemple, l'exonération premier salarié ne joue que pour vingt-quatre mois s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée, dix-huit mois s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée. Ou encore, l'exonération relative aux zones de redynamisation urbaine n'est effective que pour les douze premiers mois du contrat.

B. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS NÉCESSITENT UN SUIVI ET UN CONTRÔLE RIGOUREUX PAR LA BRANCHE DU RECOUVREMENT

1. Le traitement des exonérations de cotisations

L'utilisation d'outils informatiques permet une amélioration du contrôle des exonérations de cotisations par la branche du recouvrement.

a) Le traitement comptable : le système RACINE

Les URSSAF enregistrent dans le système informatique et comptable RACINE les " manques à gagner " liés aux exonérations. RACINE comptabilise les exonérations par type de mesures et par branche (maladie, accidents du travail, vieillesse, famille). Deux types d'éléments sont traités en dehors du système RACINE :

- le contrat d'apprentissage, géré par un logiciel spécifique (CONTRAP), du fait de l'absence totale de cotisations dues par l'employeur ;

- les mesures emploi concernant des organismes divers, comme la pêche maritime ou la Caisse nationale de compensation de cotisations de sécurité sociale des voyageurs représentants et placiers à cartes multiples (CCVRP).

Tous les mois, les URSSAF transmettent leur balance comptable à l'ACOSS qui les centralise et -selon sa propre terminologie- " notifie aux branches leurs encaissements du mois, y compris les mesures faisant l'objet d'une exonération " . Les exonérations sont ainsi " transparentes " pour les branches du régime général, puisque la notification concerne non seulement les cotisations réellement encaissées, mais également les recettes qui auraient dû être encaissées . L'ACOSS, par le mécanisme de la compensation budgétaire, est remboursée de cette " avance " aux branches.

Gestion dans RACINE des exonérations des cotisations sociales

Le coût de l'exonération est calculé d'après les données figurant sur les bordereaux récapitulatifs de cotisations renseignés par les employeurs.

Les divers dispositifs sont tous différenciés par des codes type personnel particuliers désignant la nature de la mesure.

Pour certains dispositifs (1) les cotisations restant dues par les entreprises sont mentionnées, tandis que pour d'autres dispositifs (2) , l'entreprise renseigne la déduction à apporter au calcul des cotisations.

(1) Ne figurent sur le bordereau que les cotisations effectivement dues. Il s'agit notamment de l'apprentissage, des contrats de qualification, des contrats de retour à l'emploi. Une des tables RACINE (table de répartition des produits) associe aux données relatives aux cotisations dues par l'entreprise (contribution FNAL dans le cadre d'apprentissage) un code associé permettant de calculer les cotisations prises en charge (par exemple, dans le cadre de l'apprentissage = l'intégralité des cotisations ouvrières et patronales de sécurité sociale). En fin de mois, l'agrégation de ces données est retracée dans les balances comptables dans des comptes désignant par mesure les montants calculés pour chaque branche du régime général.

(2) Ces mesures donnent lieu à une ligne soustractive sur le bordereau : il s'agit des dispositifs les plus récents : ristourne dégressive sur les bas salaires (loi de Robien, loi Aubry, etc.). Les cotisations figurent sur le bordereau avant déduction, un pavé soustractif en fin de déclaration représente le montant de l'exonération. Aucune répartition par branche n'est faite au niveau de la déclaration. Ultérieurement, et par programme, la déduction est répartie entre les branches d'après la structure des cotisations patronales figurant sur le bordereau. Les URSSAF ont la possibilité de procéder à ces contrôles de ces dispositifs à un rythme quotidien ou plus espacé.

b) Le traitement statistique : la base ORME

La base de données ORME (Observatoire pour le recouvrement des mesures d'exonération) contient l'ensemble des données statistiques concernant les dispositifs d'exonération. Cette base est gérée par l'ACOSS, à partir d'extractions dans les fichiers des URSSAF. Elle contient les informations suivantes :

- numéro du compte cotisant ;

- période d'emploi ;

- forme juridique de l'employeur ;

- activité économique ;

- mesures d'exonération concernées ;

- effectif exonéré déclaré par le cotisant ;

- assiettes déplafonnées et plafonnées sur lesquelles est calculée l'exonération.

Actualisée chaque mois, elle permet d'alimenter les prévisions de l'ACOSS et d'informer régulièrement les ministères. Elle est également utilisée comme outil de contrôle, les données statistiques d'ORME étant rapprochées des données comptables de RACINE.

2. Un contrôle par la branche du recouvrement défaillant jusqu'à une date récente

La gestion des exonérations de cotisations de sécurité sociale ne faisait pas partie des missions premières de la branche du recouvrement. Certaines URSSAF ont eu des difficultés à admettre ce nouveau rôle. Le rapport de M. Jean-Louis Girodolle (IGF) et de M. Pierre-Yves Bocquet (IGAS) sur divers aspects du fonctionnement de la branche recouvrement de la sécurité sociale, rendu en mai 1998, expliquait ainsi :

" La gestion des exonérations n'est pas traitée comme une priorité, malgré ses enjeux financiers et son poids dans la politique de l'emploi. Ainsi, elle repose sur des systèmes et des contrôles automatisés souvent lacunaires et parfois contreproductifs. Dans les URSSAF, elle ne bénéficie pas d'une attention suffisante, notamment en termes de contrôle, de la part tant des directeurs que des agents comptables. A l'ACOSS, elle souffre du caractère trop empirique des contrôles de l'ordonnateur et trop superficiel de ceux du comptable. Ces faiblesses sont source d'incertitudes sur le montant de la dette de l'Etat au titre des exonérations ".

Ce constat restait pertinent avant la mise en oeuvre de l'application RACINE (à partir du 1 er janvier 1998).

Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS et les contrats d'objectifs signés entre l'ACOSS et chaque URSSAF (1998-2001) ont permis de mieux prendre en compte cette mission. Désormais, les exonérations de cotisations de sécurité sociale font partie des priorités de la branche. Des orientations nationales ont été définies pour le contrôle.

De manière classique, les contrôles pratiqués par les URSSAF s'effectuent à la fois " sur pièces " et " sur place ".

Le contrôle sur pièces

Actuellement ce contrôle se pratique à deux étapes différentes lors du traitement des informations reçues.

Lorsque l'URSSAF reçoit les pièces justifiant l'exonération (contrat, volets d'exonération...), elle s'assure que les mentions prévues sont complétées et que le document est dûment signé par l'instance compétente avant d'enregistrer ces informations dans le dossier administratif.

Le contrôle s'exerce ensuite sur les documents déclaratifs -les BRC (Bordeaux récapitulatifs de cotisations) et les DADS (Déclarations annuelles de données sociales)- produits par l'employeur grâce à un rapprochement entre les codes types utilisés relatifs aux différentes mesures et les informations enregistrées dans le dossier administratif.

Le projet de développement du contrôle sur pièces privilégie tout particulièrement le contrôle des mesures d'exonération.

Les URSSAF ne pouvant contrôler que ce qui relève de leur champ de compétences. Elles n'opèrent pas de régularisation si d'autres autorités -au regard des règles juridiques- se sont trompées en accordant le bénéfice d'une mesure emploi à une entreprise.

La performance du contrôle devrait être renforcée par les évolutions suivantes essentiellement informatiques :

- l'enregistrement et le suivi de chaque contrat individuel ainsi que l'information systématique de l'employeur (ouverture et expiration des droits) se feront par un traitement informatique déjà opérationnel mais qui doit s'améliorer ;

- un développement informatique déjà expérimenté dans quelques URSSAF permettra, en fin d'année 2000, de détecter les anomalies grâce à un rapprochement direct entre les informations portées sur la DADS fournie par l'entreprise et celles contenues dans le logiciel mentionné ci-dessus.

Par ailleurs, une étude en cours est consacrée au contrôle des mesures d'exonération globales.

Dans tous les cas où le contrôle sur pièces révèle une anomalie qui ne peut être régularisée par les services internes, un contrôle sur place est diligenté.

Le contrôle sur place

Les URSSAF s'efforcent tout d'abord de développer des actions de prévention :

- lors de la mise en place d'une nouvelle mesure d'exonération afin de s'assurer de la compréhension et de la bonne application de cette mesure par les employeurs ;

- lorsqu'un dispositif vise spécialement une mesure globale qui ne peut être contrôlée que sur place (ZFU par exemple).

Par ailleurs, le contrôle a posteriori consiste à effectuer des contrôles comptables d'assiette portant sur les trois années antérieures, l'inspecteur agissant dans le cadre d'un plan de contrôle sélectif, qui intègre la notion de " gestion du risque " (au niveau national et local). Il faut entendre par " gestion du risque " l'isolement par traitement informatique -selon des critères identifiés comme représentatifs- d'entreprises concernées par les différentes mesures d'exonération.

L'inspecteur est donc amené à vérifier de façon approfondie l'application des mesures d'exonération dans chaque entreprise contrôlée dans sa globalité.

Il ne peut opérer de régularisation que sur des éléments de vérification entrant dans son champ de compétence. Lorsqu'il constate des anomalies sur les conditions de fond entraînant, ipso facto , une application erronée des exonérations, il informe l'administration qui a validé le contrat.

L'efficience du contrôle sur place, compte tenu des moyens qui lui sont alloués, est largement dépendante de la complexité des assiettes à vérifier et donc de l'accroissement du nombre de données à contrôler.

De grands progrès ont été ainsi réalisés. Néanmoins, il convient de noter que le travail en réseau entre URSSAF et directions déconcentrées du ministère de l'emploi est aujourd'hui quasiment inexistant. En effet, les URSSAF, organismes de sécurité sociale, ne font pas partie du " service public de l'emploi ".

3. Un coût de gestion difficile à appréhender

Interrogés sur le " coût de gestion " des mesures emploi par les organismes de sécurité sociale, les responsables de la branche du recouvrement n'ont pu que reconnaître qu'ils l'estimaient de manière " intuitive " 37( * ) au " tiers du coût de traitement d'une déclaration ".

Il n'est pas possible, par exemple, d'évaluer la part du contrôle consacrée aux exonérations de cotisations sociales par rapport à l'ensemble des contrôles effectués par les URSSAF. En effet, le contrôle des cotisations, qui s'attache à l'ensemble de l'assiette, est une opération globale.

Cependant, selon l'ACOSS :

- le nombre de redressements portant sur ces mesures représente en 1998 28 % du nombre total des redressements effectués ; leur montant dans le total du montant des redressements passe de 9 % en 1996, à 13 % en 1997 et 18 % en 1998. Cette progression semble indiquer un alourdissement corrélatif de temps passé au contrôle de ces mesures ;

- tous les corps de contrôles interrogés affirment passer de plus en plus de temps à la vérification de ces mesures, qui représentent par ailleurs plus de la moitié des régularisations au profit du cotisant à la suite d'un contrôle.

Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, a précisé devant votre commission 38( * ) qu'il n'y avait pas " d'échanges " concernant le coût de la gestion des exonérations de charges sociales entre les services du ministère et les URSSAF.

Pourtant, la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), la Direction de la sécurité sociale (DSS), la Direction de l'administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO), la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), soit quatre directions du ministère de l'emploi et de la solidarité, et l'ACOSS ont signé, le 12 février 1998, une convention de partenariat, destinée à organiser les remontées statistiques utiles au suivi et à l'évaluation des mécanismes d'exonération de charges sociales.

Cette convention permet à la DARES de disposer facilement des données connues au niveau des URSSAF. En contrepartie, l'un des objectifs était de mieux intégrer les éléments inhérents au coût de gestion et l'organisation des études d'évaluation communes à l'ACOSS et au ministère, sous l'égide d'un comité de suivi.

Si la convention fonctionne de manière tout à fait correcte pour alimenter en informations la DARES 39( * ) , le comité de suivi ne semble pas avoir réellement fonctionné.

Aucun progrès n'a été constaté en ce qui concerne l'évaluation du coût de gestion.

M. Claude Seibel, directeur de la DARES, a confirmé à vos rapporteurs qu'il s'agissait là d'une grande lacune de sa direction et que la France restait, de manière générale, très en retard sur ce type d'évaluations.

Il convient également d'ajouter au coût direct de gestion toutes les dépenses d'information et de communication engagées par les URSSAF : sites Internet, cellules téléphoniques, plaquettes... La complexité nécessite une communication constante, de qualité. A titre d'illustration, l'explication du nouveau mécanisme d'allégement de charges lié à la réduction du temps de travail mobilise aujourd'hui d'importants moyens au niveau des URSSAF.

Vos rapporteurs, lors de leur déplacement à Arras, ont pu se procurer la masse impressionnante de tous les dépliants informatifs remis aux entreprises, par type de mesure...

Le coût des traitements informatiques est également souvent négligé. L'informatique a pour effet pervers de faire croire que la complexité peut être gommée. Or, ce n'est qu'au prix de développements coûteux qu'elle peut la masquer.

M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS, a rappelé, lors de son audition devant la commission des Affaires sociales, que la branche était tenue -par la convention d'objectifs et de gestion- à l'objectif d'une stabilité de ses effectifs, mais que le réseau avait dû être renforcé par environ 200 personnes depuis deux ans.

4. Une neutralité en trésorerie quasiment atteinte

L'Etat compensant à la sécurité sociale la majeure partie des exonérations de cotisations, ses versements représentent désormais un véritable enjeu pour la branche du recouvrement. Le principe de " neutralité de trésorerie " a été posé par la convention de trésorerie du 2 mai 1994 liant l'Etat à l'ACOSS.

L'Etat a réalisé beaucoup de progrès en la matière. La compensation des mesures d'exonération fait l'objet d'un échéancier de versement d'acomptes mensuels de l'Etat permettant d'assurer la neutralité en trésorerie des dispositifs (seules les mesures dont le coût est inférieur à 1 milliard de francs ne figurent pas à l'échéancier).

Chaque trimestre, un chiffrage des exonérations par mesure est réalisé pour information. Une régularisation entre la dépense réelle constatée et les acomptes versés est effectuée à titre provisoire en fin d'exercice. Une régularisation définitive intervient au début de l'exercice suivant.

La Cour des comptes a comptabilisé, dans son rapport 1999 sur la sécurité sociale, les restes à recouvrer sur l'Etat au titre de la politique de l'emploi 40( * ) , au 31 décembre 1998, l'Etat " devait " encore 6,74 milliards de francs, soit une somme en retrait de 8,4 % par rapport à l'année précédente.

Il reste donc un dernier effort à réaliser.

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