III.  LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES LIÉ AUX TRENTE-CINQ HEURES : LE NOMBRE D'EMPLOIS CRÉÉS NE SERA JAMAIS CONNU

A l'issue de ce " diagnostic " sur les mécanismes d'exonération de charges sociales, vos rapporteurs ont souhaité s'intéresser plus précisément au nouvel allégement lié aux trente-cinq heures. Ce nouvel allégement représente une charge supplémentaire pour les URSSAF, notamment pour les tâches d'information et de communication des entreprises. En effet, il met en première ligne la branche du recouvrement, puisque reposant sur un système déclaratif, après dépôt de l'accord trente-cinq heures auprès de la direction départementale du travail et de l'emploi.

En se penchant plus précisément sur la gestion du dispositif, vos rapporteurs ont pu se rendre compte que le nombre d'emplois créés par les trente-cinq heures ne peut pas être connu avec certitude. En revanche, le mécanisme du " fonds de financement de la réforme de cotisations patronales " semble plutôt neutre pour la sécurité sociale.

A. LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES N'EST PAS LIÉ À LA CRÉATION D'EMPLOIS

1. L'illusion de contrôler la création d'emplois

Contrairement à la première loi Aubry, qui conditionnait le versement des aides à un objectif clairement affiché de création d'emplois (au moins 6 % de l'effectif pour le " volet offensif "), la loi sur la réduction négociée du temps de travail prévoit seulement un " engagement de création d'emplois ", sans davantage de précision. Les travaux préparatoires de la loi du 19 janvier 2000 sont empreints d'une grande ambiguïté, en raison de la forte opposition d'une partie de la majorité " plurielle " au principe d'aides sans contrepartie d'emplois.

Pourtant, en aucun cas, les objectifs de création d'emplois ne peuvent être contrôlés par les URSSAF.

La décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2000, à supposer qu'il reste un doute sur cette question, est sans appel : " la détermination des emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail, ainsi que le contenu des stipulations conventionnelles obligatoires, relèvent ainsi exclusivement de l'accord conclu entre les partenaires sociaux ; ni l'autorité administrative, ni l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale n'exercera de contrôle sur l'opportunité ou la portée de ce dispositif conventionnel ".

L'URSSAF reçoit une déclaration de l'employeur, qu'elle pourra contrôler formellement a priori, mais sans entrer sur le fond, qui relève d'une application ou d'une interprétation du droit du travail, ne relevant pas de sa compétence.

L'URSSAF ne peut suspendre ou supprimer un allégement de charges sociales que sur la demande de l'autorité administrative déconcentrée (la direction départementale et/ou l'inspecteur du travail). Mais seule la décision de l'URSSAF fait grief. L'URSSAF peut ainsi être attaquée juridiquement au titre d'une décision pour laquelle, en quelque sorte, elle avait compétence liée (non juridiquement, mais pratiquement 41( * ) ).

Le second alinéa du XVI de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 précise que le bénéfice de l'allégement pourra notamment être supprimé à défaut de " conformité de l'accord ". Le Conseil constitutionnel a indiqué que cette conformité devait être entendue " comme visant explicitement l'hypothèse où les règles de conclusion des accords collectifs mentionnées au II du même article n'ont pas été respectées, qu'il s'agisse des règles de droit commun relatives à la conclusion des accords collectifs ou des règles spécifiques prévues aux V, VI et VII de l'article 19 ".

Le contrôle est ainsi purement formel. L'objectif de création d'emplois peut être égal à zéro, comme l'a confirmé, lors de son audition, Mme Catherine Barbaroux 42( * ) .

La notice explicative du formulaire " 35 heures " édité par le CERFA (Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs) précise que " si l'entreprise n'est pas concernée par l'une des situations visées " [nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail], elle mentionne : " 0,00 dans la zone correspondante ".

Le non-respect des engagements portant sur l'emploi, à supposer ainsi que de tels engagements existent, est sanctionné par la suspension de l'allégement, sauf circonstances exceptionnelles. Cette suspension est précédée par un " rapport " ou un " avis " de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

La circulaire du 3 mars 2000 indique que les DDTEFP portent une appréciation explicite dans le rapport ou l'avis donné à l'organisme de recouvrement. La circulaire précise que " la suspension de l'allégement devra être prononcée lorsque ce manquement ne trouve pas son origine dans une circonstance exceptionnelle " .

Par ailleurs, les organisations syndicales ou les représentants du personnel ont la faculté de saisir l'autorité déconcentrée lorsqu'ils estiment que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits dans l'accord en termes d'embauches ou d'emplois.

Ce dispositif laisse une grande marge d'appréciation aux services déconcentrés. En effet, aucun texte ne précise la conduite à tenir en cas de réalisation partielle des engagements de création d'emplois.

Enfin, il apparaît difficile qu'une autorité administrative prenne le risque de mettre en danger la survie d'une entreprise, en raison d'un objectif de création d'emplois non respecté. La suspension et la suppression des allégements de charges resteront limitées aux cas de fraude manifeste, c'est-à-dire les entreprises ne respectant pas, de manière évidente, la nouvelle durée du travail.

2. L'impossibilité de compter les emplois

Toute la communication gouvernementale consiste à expliquer que les aides accordées en contrepartie de la réduction du temps de travail sont bien différentes de la ristourne dégressive, puisqu'à la différence du mécanisme mis en place par le Gouvernement de M. Alain Juppé, il est possible de " compter les emplois ".

" Nous sommes capables de quantifier, à l'unité près... "

La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry (1/2)

" Nous sommes capables de quantifier, à l'unité près, le nombre de créations d'emplois résultant de la loi de Robien. De même, nous saurons demain, à l'unité près, combien d'emplois la future loi aura permis de préserver ou de créer.

" Nous pourrons donc dire à la sécurité sociale ce que lui aura rapporté la loi, et ce qui ne lui sera pas remboursé. "

(JO Débats AN - 1 ère séance du 29 janvier 1998 - p. 754)

" Je me suis réjouie que Mme Veil fasse voter une loi qui pose le principe général du remboursement par l'Etat à la sécurité sociale des réductions de charges sociales, et je continue de m'en réjouir.

" Dans le cas qui nous occupe, où nous pourrons, pour chaque entreprise, savoir exactement quels salariés auront été embauchés, quels seront les salaires et quelles seront les rentrées dans les caisses de la sécurité sociale, je me dis qu'on ne peut pas réclamer une solidarité à tout le monde pour l'emploi sans demander au budget de l'Etat -il paiera le complément- et à la sécurité sociale de tirer toutes les conséquences du dispositif.

" Je n'aurais jamais accepté un dispositif général, comme pour la ristourne dégressive, qui n'aurait pas permis de connaître exactement le nombre des emplois créés et les rentrées de la sécurité sociale. "

(JO Débats AN - 2 ème séance du 5 février 1998 - p. 1184)

" J'aurais souhaité que M. Marini défende avec la même force la cause des deniers publics lors de la mise en place de la ristourne dégressive, qui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs, sans aucune contrepartie en matière d'emplois (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) , alors que les aides que nous proposons ont des contreparties et s'accompagnent d'un suivi paritaire qui permettra de vérifier que tout argent de l'Etat est effectivement consacré à la création d'emplois. "

(JO Débats Sénat - séance du 4 mars 1998)

Selon le Gouvernement, comme il est possible de " compter " les emplois, il est également possible de " compter " les " retours pour les finances publiques ". Annoncée par l'exposé des motifs du premier projet de loi 35 heures, la contribution des organismes sociaux trouvait toute sa justification " technique " dans ces " retours ".

Et Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, réaffirmait, à l'ouverture du débat parlementaire sur le deuxième projet de loi 35 heures, sa foi dans le caractère " scientifique " de la comptabilisation des créations d'emplois liées aux trente-cinq heures.

" Maintenant on le sait "

La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry (2/2)

" La réduction du temps de travail crée des emplois, beaucoup d'emplois. Avant, on le disait. Enfin, nous, nous le disions... Maintenant on le sait, mesdames et messieurs les députés ! "

(JO Débats AN, 2 ème séance du 5 octobre 1999, p. 6861)

Vos rapporteurs se sont donc attachés à déterminer s'il était possible techniquement de " compter " les créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail.

Les URSSAF ont les moyens de " compter " les engagements de création ou de maintien d'emplois . Ces informations sont transmises aux autorités déconcentrées de l'Etat, alimentant les divers bilans communiqués régulièrement.

Mais la branche du recouvrement n'assure pas la gestion de la comptabilisation de ces emplois.

Le formulaire CERFA n° 11499*01

Déclaration en vue du bénéfice de l'allégement de cotisations sociales
dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail

Le formulaire CERFA " 35 heures " est une liasse statistique autocopiante en quatre volets :

- les trois premiers volets sont à adresser à l'organisme de recouvrement dont relève l'établissement (URSSAF/DGSS, MSA, régime spécial). L'organisme de recouvrement conserve l'un de ces volets et transmet les deux autres à la DDTEFP. Celle-ci assure la transmission d'un volet à la DARES ;

- le quatrième volet est à conserver par l'entreprise.

En ce qui concerne la création effective d'emplois , son contrôle apparaît strictement impossible... sauf par le biais de " sondages " statistiques.

La DARES a donné une réponse très claire à la question posée par votre rapporteur, " Comment seront comptabilisées les créations d'emplois directement liées à la réduction du temps de travail ? "

" Pour mesurer la mise en oeuvre effective de ces engagements, d'une part, et tenir compte des emplois qui auraient été créés ou sauvegardés en l'absence de réduction du temps de travail, d'autre part (effet " d'aubaine "), la DARES prévoit de poursuivre le type d'évaluation qu'elle a déjà commencé de mener pour mesurer l'effet net sur l'emploi des lois du 11 juin 1996 (loi " Robien ") et du 13 juin 1998 (première loi " Aubry ") : les données tirées des déclarations seront rapprochées, entreprise par entreprise, des résultats des enquêtes trimestrielles de la DARES (ACEMO 43( * ) ) qui permettent de suivre l'évolution de l'emploi, des salaires et de la durée offerte du travail. Elles seront également rapprochées des données micro-économiques disponibles pour ces mêmes entreprises. Ainsi pourront être comparées les évolutions de ces trois variables dans les entreprises signataires d'un accord de réduction du temps de travail et dans la population témoin formée par les entreprises non signataires possédant des caractéristiques identiques (taille, secteur, dynamique micro-économique, performance...).

En conséquence, le nouveau mécanisme d'allégement de charges lié aux trente-cinq heures ne permet pas d'être affirmatif sur le nombre d'emplois créés ; ce mécanisme ne se distingue en aucune façon des autres dispositifs d'exonération de cotisations de sécurité sociale.

Les critiques adressées en 1998 par Mme Martine Aubry au mécanisme de la ristourne dégressive ont désormais davantage de saveur.

De plus, toute entreprise appliquant les bornes fixées par la loi ( durée collective du travail fixée au plus soit à 35 heures hebdomadaires, soit 1.600 heures ) et approuvées par accord collectif pourra bénéficier de l'allégement de charges, même si cette entreprise applique les trente-cinq heures depuis un nombre respectable d'années. Dans ce cas, les créations d'emplois éventuelles ne seront naturellement pas imputables à la réduction du temps de travail, mais découlent du mécanisme d'allégement de charges. Ces engagements de créations d'emplois sont pourtant aujourd'hui comptabilisées sans distinction avec les engagements de création d'emploi pris par les entreprises passées aux trente-cinq heures.

Le nombre d'emplois créé par les trente-cinq heures ne sera ainsi jamais connu.

Or, il convient de noter les ambiguïtés de la communication gouvernementale, qui rapproche souvent le nombre d'emplois créés de manière générale des engagements de création d'emplois :

Les ambiguïtés de la communication gouvernementale
Le lien entre recul du chômage
et engagements de création d'emplois dans le cadre des 35 heures

Extrait du communiqué de presse du 17 février 2000

" Sur l'année 1999, 350.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,5 %). Au total, (...) environ 430.000 emplois ont été créés sur les douze derniers mois, en raison notamment de la poursuite de la création d'emplois-jeunes et la très vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (165.000 emplois prévus dans les accords) ".

Extrait du communiqué de presse du 10 mars 2000

" Sur l'année 1999, 375.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,7 %) et 450.000 au total, grâce au dynamisme de la croissance, aux créations d'emplois-jeunes et à la vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (plus de 170.000 emplois prévus dans les accords).

Extrait du discours de Mme Martine Aubry devant le Conseil économique et social (séance du 14 mars 2000)

" 570.000 chômeurs de moins en deux ans et demi et surtout 190.000 chômeurs de longue durée de moins cette année sont les résultats d'un environnement favorable et d'une forte consommation mais aussi d'une bonne anticipation des besoins et de la réduction du temps de travail, qui a déjà créé ou maintenu 170.000 emplois ".

Par une démonstration mathématique tout particulière, le Gouvernement rapproche deux chiffres, en laissant croire que l'engagement de création ou de maintien d'emplois est une partie du tout que constitue le nombre d'emplois créés .

La " mystification " est complète quand cette " démonstration mathématique " s'accompagne d'un glissement sémantique, les emplois prévus devenant, entre le 10 et le 14 mars, des emplois créés .

B. LE MÉCANISME DU FONDS DE FINANCEMENT EST NEUTRE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE

Vos rapporteurs ont été également attentifs aux conséquences, pour la sécurité sociale, de la création du " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " (FOREC).

1. La fausse réforme des cotisations patronales

Quelles sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à créer un " fonds " ?

Il s'agissait de montrer que " la réforme de l'assiette des cotisations patronales ", promise par le Parti socialiste dans son programme des élections législatives de 1997, était réalisée, après deux rapports contradictoires, le rapport de M. Jean-François Chadelat, favorable à un passage progressif à une assiette valeur ajoutée, et le rapport de M. Edmond Malinvaud, qui s'y était montré défavorable.

En fait, la création du fonds ne modifie pas l'assiette des cotisations patronales. Le calcul des cotisations patronales n'est pas affecté par la prise en compte d'un élément " valeur ajoutée ", d'un élément " pollution " ou d'un élément " bénéfices ". Le Gouvernement finance la compensation des exonérations de cotisations sociales par quatre prélèvements nouveaux (tabacs, alcools, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes).

2. Le principe respecté de la neutralité de trésorerie

Alors que le texte original du Gouvernement laissait planer quelques ambiguïtés, l'Assemblée nationale a posé quelques garde-fous.

Tout d'abord, le fonds a une exigence d'équilibre : " Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale " (nouvel article L. 131-10 du code de la sécurité sociale). En cas de dérapage des dépenses, des mesures correctives, portant sur les recettes, seraient nécessaires.

Par ailleurs, si les dépenses du fonds connaissent un dérapage, l'Etat est alors tenu -au nom du respect de l'article L. 131-7- de compenser à la sécurité sociale le manque à gagner :

" Les versements mentionnés aux a, b et c du 1° ci-dessus se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent ".

Enfin, l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a également introduit un article L. 131-11 au code de la sécurité sociale, prévoyant que " les relations financières entre le fonds et les organismes de protection sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. "

Pour l'ACOSS, le remplacement d'une dotation budgétaire par un versement du Fonds de financement est neutre.

A l'occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificatif pour 2000, M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, s'est ému de ce fonds laissé en déséquilibre. En effet, une ambiguïté pouvait subsister sur la " participation " du budget de l'Etat : est-ce une subvention d'équilibre ?

La réponse du ministère de l'économie et des finances au questionnaire de M. Didier Migaud est sans appel :

Réponse du ministère de l'économie et des finances
au questionnaire de M. Didier Migaud

Il n'y a pas d'obligation juridique pour l'Etat d'équilibrer ce fonds

1. La dotation de l'Etat est une recette parmi d'autres du fonds. Il faut souligner que la LFSS ne précise pas qu'il s'agit d'une subvention d'équilibre. Son montant est fixé par la loi de finances. Le fait que le fonds soit un EPA est sans impact sur la nature de cette dotation.

2. Les conditions d'équilibre relèvent de la LFSS et non de la loi de finances selon les termes du texte fondateur du FOREC. Le fait qu'une loi de finances est le premier texte financier à intervenir depuis l'annulation de la taxe sur les heures supplémentaires ne modifie pas cette situation.

3. Le déséquilibre du FOREC est prévisionnel à ce stade de l'année et il ne saurait être question de traduire dans le droit (le collectif en l'occurrence) les conséquences d'une simple prévision. Le point sera examiné différemment lors du collectif de fin d'année.

4. Plusieurs solutions techniques sont possibles pour assurer l'équilibre du fonds, que ce soit en relevant les taxes prévues par la loi, en y affectant de nouvelles recettes ou en réduisant ses charges. Il ne saurait être question de limiter les possibilités de choix du Gouvernement en considérant que la loi de finances doit automatiquement opter pour le relèvement de la dotation budgétaire.


(source : rapport AN, n° 2387, p. 51)

On note un grand " flou " sur l'estimation des dépenses du fonds en 2000, qui dépend du nombre d'entreprises bénéficiant du nouvel allégement de charges. Le fonds pourrait ainsi, malgré l'absence de la taxe sur les heures supplémentaires, engranger des réserves, en raison du décalage entre :

- la perception des recettes depuis le 1 er janvier 2000 ;

- l'effectivité des " nouvelles " dépenses de ce fonds 44( * ) (20 ou 25 milliards de francs) à compter du 1 er février 2000, le réel démarrage ne se produisant réellement qu'en deuxième partie d'année.

Enfin, il semblerait que la ristourne bas salaires ait été surévaluée en 2000.

Les premiers chiffres communiqués montrent ce décalage entre recettes et dépenses :

Recettes et dépenses des FOREC - Premiers résultats

(en millions de francs)

 

Janvier

Février

Mars

Total

Dépenses

4.872

3.150

non connues

8.022

Recettes

5.650

3.546

3.651

12.847

Source : Rapport AN, n° 2387, p. 51.

De fait, le ministère de l'économie et des finances précise : " L'ACOSS assure, à titre provisoire, la gestion des flux financiers qui, pour l'instant, ne soulève pas de difficulté particulière : en effet, les exonérations supplémentaires prévues par la loi du 19 janvier ne se sont pas encore traduites dans les dépenses des premiers mois de l'année connus à ce jour et les recettes rentrent régulièrement. " 45( * )

A la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxation des heures supplémentaires, le Gouvernement indiquait que " les recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 (étaient) en cours d'examen " et que " des éléments plus précis (seraient) communiqués au Parlement dès que cet examen sera achevé " 46( * ) .

Il semble que, quatre mois plus tard, cet examen soit encore en cours puisque le Parlement, en dépit de l'annonce du Gouvernement, ne dispose d'aucune information nouvelle.

La Commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier n'a procédé à aucune actualisation des recettes et dépenses du FOREC bien que cet organisme concoure au financement de la sécurité sociale.

Certes, la réunion de printemps de la Commission est consacrée prioritairement aux comptes du régime général. Mais le rapport consacre une partie spécifique au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont la nature juridique est identique à celle du FOREC.

3. Un fonds pour l'instant fictif en raison de la non-parution du décret d'application

Les décrets nécessaires au " bon fonctionnement " des trente-cinq heures sont parus rapidement. En revanche, le décret créant le FOREC n'est pas encore paru. Dès lors, l'ACOSS joue actuellement le rôle du FOREC, en étant bénéficiaire des impositions affectées à ce fonds.

Cette absence de parution du décret, alors même que la " visibilité " budgétaire défaillante du FOREC devait être contrebalancée par la présence de parlementaires au Conseil de surveillance, est pour le moins choquante.

En comparaison, les Assemblées ont été quasiment " sommées " de nommer leurs représentants au Conseil d'orientation des retraites, organe créé, sans base législative, par le décret n° 2000-393 du 10 mai 2000 portant création du Conseil d'orientation, paru au Journal officiel du 11 mai dernier.

Vos rapporteurs ont bien noté que le ministère de l'économie et des finances appelait l'attention du ministère de l'emploi et de la solidarité :

" Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié, ni le directeur ni les membres du CA n'ont été nommés et les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et les conventions. " 47( * )

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