M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Ensuite, cette proposition de loi relève d'une exigence budgétaire. Je le répète : grâce à ce texte, nous ferons des économies. Nous en reparlerons dans quelques mois : cela est indispensable.
Enfin, ce texte répond à une exigence démocratique. Les Français, pour une large majorité, sont favorables à une politique efficace de retour. Si, à l'avenir, nous voulons accueillir correctement les étrangers qui respectent nos lois, il est fondamental que nous nous assurions du retour dans leur pays d'origine de ceux qui ne les respectent pas. (M. Thomas Dossus lève les bras au ciel.)
Je vois bien qu'il y a un dissensus flagrant sur cette question. À gauche, vous ne voulez pas d'une politique de retour efficace !
M. Thomas Dossus. C'est au juge d'en décider !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Nous, nous le voulons, tout comme les Français !
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir voté ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt,
est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Amélioration de l'accès aux soins dans les territoires
Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l'examen de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Mme Annie Le Houerou applaudit.)
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de Philippe Mouiller visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires.
Ce texte s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs lois votées ces dernières années, qui abordent notre système d'accès aux soins de manière parcellaire. Nous attendons, sans plus y croire, un projet de loi ambitieux, adoptant un point de vue global sur la santé.
Depuis mon arrivée au Sénat, en 2008, je tente de trouver des solutions pour améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens. En 2009, les auteurs de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) ambitionnaient déjà de résoudre le problème – sans succès.
En 2013, avec mon collègue Hervé Maurey, nous avons commis un rapport intitulé Déserts médicaux : agir vraiment, dans lequel nous listions des propositions pour un meilleur maillage territorial de l'installation des médecins. Ce rapport sénatorial est resté lettre morte.
Depuis des décennies, les organisations professionnelles de médecins se battent contre toute forme de coercition et de régulation, et ne suggèrent de traiter la problématique de la désertification médicale et les enjeux de santé publique qu'au travers de mesures incitatives.
Ces politiques incitatives ont donné lieu à de multiples conventionnements, ainsi qu'à des mesures de soutien financier, telles que des défiscalisations, qui se superposent aux mesures proposées par certaines collectivités locales pour que les médecins s'installent dans les territoires où il y a le plus de besoins. Cette situation conduit parfois à une mise en concurrence délétère entre territoires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est vrai !
M. Jean-Luc Fichet. En 2017, dans l'un de ses rapports, la Cour des comptes qualifiait ainsi les politiques publiques menées en la matière : « Ces initiatives dispersées ont conduit, depuis le début des années 2010, à une forme de fuite en avant, sans évaluation ni de l'efficacité globale ni du rapport coût/avantage qui en résulte. Ces dispositifs timides et partiels de régulation à l'installation, qui jouent quasi exclusivement sur des incitations financières, ne sont manifestement pas à la hauteur des enjeux. »
Force est de constater notre échec collectif. La désertification médicale progresse, tout comme la colère de nos concitoyens.
En 2022, 6,7 millions de personnes n'avaient pas de médecin traitant. En outre, 30 % de la population française vit dans un désert médical, et l'espérance de vie en bonne santé des habitants des zones rurales est en moyenne de deux ans inférieure à celle de nos autres concitoyens.
Les solutions proposées dans ce texte par le président Mouiller ne me semblent pas opérantes.
Je pense notamment à la création d'un comité de pilotage de l'accès aux soins comprenant des acteurs de l'offre de soins et des représentants des collectivités locales pour une déclinaison territoriale de la politique de santé. Ce sont des missions d'ores et déjà exercées par les ARS, au sein desquelles il serait plus juste de renforcer le poids des élus locaux.
L'organisation sans contrainte de l'accès aux soins en zone sous-dense est une autre réponse inadéquate de ce texte. Cette proposition fait écho aux annonces du Premier ministre sur la création d'une obligation de solidarité, en vertu de laquelle les médecins généralistes devraient exercer deux jours d'activité par mois dans ces territoires.
Elle soulève beaucoup de questions : quels contrôles, quels moyens, quels effets ?
Quel sera l'impact de la présence de médecins deux jours par mois seulement en zone sous-dense pour les patients, en particulier pour ceux qui souffrent d'affections de longue durée (ALD) ? Quid du remplacement des médecins dans leur cabinet primaire ? Quel effort la puissance publique devra-t-elle fournir si elle doit financer les transports, les locaux et les infrastructures techniques ?
La proposition de loi prévoit également une autorisation de dépassement d'honoraires pour les médecins en zone sous-dense. C'est une barrière financière à l'accès aux soins, qui risque d'augmenter encore les inégalités.
Les dispositions consacrées aux Padhue sont contestées par les intéressés eux-mêmes. En quoi représentent-elles une avancée ? Si des Padhue sont recalés après plusieurs années d'exercice et une supervision fantôme, les patients ne risquent-ils pas de se plaindre d'être insuffisamment soignés par un médecin incompétent ? Quant à l'obligation d'installation des Padhue ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) en zone sous-dense, elle est totalement injuste et discriminatoire.
La présente proposition de loi se concentre sur la médecine libérale : elle n'a donc pas vocation à réformer notre système de santé. Ce texte est en réalité opportunément sorti du chapeau de nos collègues de droite pour tenter d'opposer un contre-feu à la proposition de loi transpartisane adoptée à l'Assemblée nationale sous l'impulsion de notre collègue socialiste Guillaume Garot.
Le texte de la majorité sénatoriale est imprécis et ne témoigne d'aucun souci d'efficacité. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'y opposera.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte part d'un constat que nul, ici, ne saurait contester : celui de la fracture sanitaire qui divise nos territoires et pénalise des millions de nos compatriotes.
Loin des grandes métropoles, dans nos communes rurales, dans nos villes moyennes et même en périphérie urbaine, l'accès aux soins se dégrade inexorablement. Près de 12 % de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant. Certains parcourent des dizaines de kilomètres pour consulter un généraliste ou un spécialiste. Il est de notre devoir de remédier à cette situation.
Toutefois, bien que les élus du Rassemblement national partagent l'objectif affiché par les auteurs de ce texte, nous ne pourrons l'adopter en l'état. Cette proposition de loi comporte, à nos yeux, plusieurs mesures contre-productives et susceptibles d'aggraver la situation qu'elle prétend améliorer.
Tout d'abord, l'introduction de mesures coercitives à l'installation des médecins, notamment l'autorisation préalable d'installation dans les zones dites « surdotées », nous paraît non seulement inefficace, mais aussi profondément attentatoire à la liberté d'exercice.
M. Olivier Paccaud. Eh ben !
M. Joshua Hochart. Conditionner l'installation à un engagement de temps partiel en zone sous-dotée ou à la cessation d'activité d'un confrère risque de décourager nombre de jeunes praticiens déjà éreintés par les lourdeurs administratives. Nous n'endiguerons pas la désertification médicale en érigeant de nouveaux obstacles devant celles et ceux qui choisissent d'exercer.
Ensuite, bien que l'idée d'une meilleure coordination entre acteurs soit louable, le foisonnement d'instances et de comités – offices départementaux, office national d'évaluation, comité de pilotage – ajoute une complexité technocratique dont nos territoires se passeraient volontiers. Ce sont de médecins, et non de rapports supplémentaires, dont nos concitoyens ont besoin.
Nous aurions préféré que ce texte repose sur des incitations franches – valorisation des actes médicaux en zones sous-dotées, allégements fiscaux, simplification drastique des charges administratives, revalorisation des revenus des professionnels de santé. Or ces leviers ne sont que partiellement mobilisés.
Par ailleurs, la volonté d'assouplir les conditions de travail par le recours massif aux praticiens à diplôme hors Union européenne, sans garanties suffisantes sur leur niveau de compétences, interroge. Plutôt que de recourir à des solutions de contournement, nous devrions concentrer nos efforts sur la formation, l'installation et le maintien des médecins français dans les zones qui en ont le plus besoin.
Pour toutes ces raisons, et quoique nous reconnaissions l'effort de diagnostic, nous ne pouvons pas voter le texte en l'état. Nous serons cependant très attentifs aux avancées que notre chambre apportera à cette proposition de loi, afin qu'elle poursuive son parcours et que nous puissions l'adopter.
Nous restons pleinement mobilisés pour travailler à de futures améliorations, notamment dans le cadre de mesures qui respectent pleinement la liberté d'exercice, tout en apportant des solutions concrètes et pragmatiques aux Français qui souffrent de l'éloignement des soins.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 7 millions de Français n'ont pas de médecin traitant et déclarent rencontrer des difficultés pour accéder aux soins. Ce problème concerne 17 % de nos concitoyens vivant en zone rurale, contre seulement 4 % des résidents d'agglomérations de plus de 100 000 habitants. L'accès aux soins est donc très inégal d'un territoire à l'autre.
Pour lutter contre les déserts médicaux, les députés ont voté l'empêchement d'installation d'un médecin dans les zones où l'offre de soins est suffisamment étoffée, sauf en cas de remplacement d'un confrère.
Lors de son déplacement dans le Cantal, le Premier ministre a proposé d'instituer une obligation de solidarité, consistant, pour les médecins, en deux jours d'exercice par mois dans les déserts médicaux.
La proposition de loi de Philippe Mouiller et Corinne Imbert tend à conforter la compétence des départements dans l'accès aux soins. Cette initiative est pertinente, car il s'agit là de l'échelon le plus compétent pour évaluer les besoins de santé, grâce à la collaboration entre les conseillers départementaux, qui connaissent parfaitement leurs cantons, l'ARS et l'assurance maladie. Il est bien entendu nécessaire que les collectivités et les professionnels y soient associés.
De plus, la création des offices départementaux et de l'Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé permettra d'appuyer le ministère dans sa prise en compte des besoins spécifiques des territoires.
L'article 3 prévoit de conditionner l'installation de tout médecin en zone surdotée à l'autorisation de l'ARS et à l'avis du conseil départemental de l'ordre des médecins. En contrepartie, il devra exercer à temps partiel en zone sous-dotée. Un décret fixera la durée minimale du temps partiel et les modalités de contrôle de ce dispositif.
À ce titre, j'ai déposé deux amendements d'appel visant à préciser que l'activité à temps partiel ne pourra avoir une durée inférieure à deux jours par semaine, et qu'elle devra être exercée à soixante kilomètres au maximum du lieu d'exercice habituel du médecin, voire plus, si celui-ci est d'accord. En effet, si nous voulons garantir son efficacité, la présence d'un médecin dans une maison de santé doit être assurée trois à quatre jours par semaine, ce qui représente deux ou trois médecins en solidarité.
Pour les médecins spécialistes, l'installation serait conditionnée à la cessation d'activité d'un confrère dans la zone surdotée, ou à l'engagement du médecin à exercer à temps partiel en zone sous-dotée.
Cette proposition de loi est moins contraignante que celle du député Guillaume Garot, qui n'autorise pas l'installation en zone surdense, sauf en cas de cessation d'activité d'un confrère.
Malgré tout, le texte du président Mouiller instaure des contraintes, puisque l'installation est conditionnée à l'exercice d'un temps partiel en zone sous-dense. En outre, il faut souligner que cette proposition de loi ne semble pas avoir suscité de rejet de la part des médecins ou des étudiants en médecine. J'espère donc qu'elle sera efficace.
Par ailleurs, je regrette que l'article 9, qui concerne les Padhue, ait été réécrit en commission. Je trouvais sa rédaction initiale, suggérée par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), plus pragmatique.
Celle-ci prévoyait que le chef de service, le chef de pôle et le président de la commission médicale d'établissement (CME) émettent un avis sur l'autorisation d'exercice du candidat. Cela me semblait pertinent : qui est mieux placé que les trois personnes qui travaillent quotidiennement avec le Padhue pour rendre un tel avis ?
Cette rédaction garantissait l'impartialité de l'avis, car même si l'une de ces trois personnalités était défavorable au praticien ou si ce dernier n'était pas dans l'établissement de santé, il revenait à la commission nationale d'intervenir. Dans cette version, le texte apportait donc une solution pragmatique.
Je suis favorable à l'article 12 relatif à la prise en compte par l'assurance maladie du rôle des pharmaciens, qui peuvent désormais vacciner et prescrire un traitement contre les angines et les cystites, ce qui est particulièrement utile durant le week-end.
En effet, le pharmacien n'est pas médecin, mais il est le seul professionnel de santé présent du lundi au samedi, ainsi que le dimanche grâce au système de garde. Il participe depuis longtemps à l'accueil, aux conseils et à l'orientation. C'est donc lui faire justice que de reconnaître le rôle qu'il joue. De plus, certains pharmaciens gèrent la téléconsultation dans leur officine.
L'article 13 encourage la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA), en prévoyant une aide. C'est absolument nécessaire.
L'article 14 permet également de favoriser l'accès aux soins. Il concerne la rémunération des IPA pour leur activité libérale en coordination. En effet, le salaire d'un IPA libéral est très inférieur à celui d'un infirmier diplômé d'État en libéral.
Les forfaits doivent être revalorisés, et il est indispensable de mettre en place des paiements à l'acte. C'est notamment le cas pour les IPA spécialisés dans les pathologies chroniques stabilisées : une telle mesure permettra aux médecins de soigner plus de patients, puisque, dans le cadre de la coordination, l'IPA prescrira des ordonnances. Le rôle de ces infirmiers sera donc clé.
Dès novembre 2026, 3 400 docteurs juniors contribueront chaque année à l'accès aux soins. Monsieur le ministre, les décrets les concernant, ainsi que les décrets portant sur leurs maîtres de stage, sont attendus. Cependant, toutes les maisons de santé ne pourront bénéficier de cet apport, et il n'y aura pas de maître de stage dans tous les territoires.
La proposition de loi de Philippe Mouiller me semble nécessaire aujourd'hui. Certes, les médecins devront fournir un effort pour exercer dans les zones sous-denses, mais ils ne seront pas empêchés de s'installer ; le caractère libéral de la médecine est préservé.
Je sais que les médecins sont responsables : ils comprendront qu'il revient aux parlementaires de répondre aux préoccupations des populations et des maires, qui, tous les jours, réclament un meilleur accès aux soins.
S'il n'y a plus de médecins dans une commune ou une maison de santé, c'est la mort programmée de la pharmacie, du médico-social et la certitude assurée de difficultés pour les infirmiers et pour l'accès aux soins de la population.
La présente proposition de loi peut servir de complément à la quatrième année d'internat et à la mesure annoncée par le Premier ministre, afin de permettre aux maisons de santé de bénéficier de la présence permanente d'un médecin.
Je voterai donc ce texte, tout en signalant que mon groupe restera attentif à son évolution au cours de nos débats. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer M. le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, Mme la rapporteure, Corinne Imbert, et M. le rapporteur pour avis, Bruno Rojouan, pour cette proposition de loi.
Le constat a été dressé par les orateurs précédents, je n'y reviendrai pas. Les difficultés d'accès aux soins sont incontestablement vécues comme une injustice, notamment par les 1,6 million de Françaises et de Français privés de médecin traitant.
Mais comment en est-on arrivé à une telle situation ?
D'une part, elle découle de choix comptables opérés il y a plusieurs décennies. Rationner l'accès aux soins et former de moins en moins de médecins nous a servi de fil conducteur pour réduire nos dépenses. Résultat : avec un niveau de dépenses de santé supérieur d'environ un tiers à celui de la moyenne des pays de l'OCDE, nous connaissons une pénurie de médecins et des difficultés d'accès aux soins. Alain Cotta en parlait déjà dans les années 2000 : rappelons que c'est entre 1980 et 1982 que le numerus clausus a été le plus considérablement réduit.
D'autre part, des choix idéologiques ont conduit les pouvoirs publics à tout miser sur une organisation de notre système de santé très « hospitalo-centrée ».
La médecine libérale a subi ces deux influences, qui, en définitive, l'ont extrêmement fragilisée. Ce sont non seulement les Français, mais aussi les élus locaux qui supportent les conséquences d'une telle situation.
Par ce texte, nous proposons d'agir résolument.
La proposition de loi vise à mieux évaluer les besoins en santé des territoires. À ce titre, il conforte la compétence des conseils départementaux dans la promotion de l'accès aux soins, affirmée dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).
Les données existent et de nombreux départements ont mis en place un plan de santé, en lien, notamment, avec les ordres, les caisses primaires d'assurance maladie et les agences régionales de santé. Ces évaluations peuvent donc être rapidement réalisées.
Par ailleurs, il prévoit de renforcer l'offre de soins dans les zones les moins bien dotées en professionnels de santé.
Beaucoup de choses ont été dites sur cette mesure, mais en quoi consiste-t-elle réellement ? Elle préserve la liberté d'installation des médecins, en permettant à ces derniers d'exercer où ils le souhaitent. Elle contraint, en revanche, ceux d'entre eux qui choisiraient de s'installer dans les territoires les mieux dotés à contribuer activement à la maîtrise des inégalités d'accès par des consultations avancées.
Enfin, la proposition de loi tend à renforcer le partage des compétences entre professions, afin de faciliter la prise en charge des patients et de libérer du temps médical.
Je souhaite porter une attention particulière au contexte dans lequel intervient l'examen de ce texte. Le 25 avril dernier, le Gouvernement a présenté un pacte de lutte contre les déserts médicaux qui, vous en conviendrez, monsieur le ministre, s'inspire fortement de nos travaux. Quant à l'Assemblée nationale, elle a adopté la semaine dernière une proposition de loi prévoyant la régulation à l'installation.
Or réguler une pénurie n'a pas de sens. C'est pourquoi le groupe Les Républicains considère que ce texte constitue le meilleur véhicule pour instituer des mesures opérationnelles, qui permettront d'améliorer la présence médicale dans nos territoires et, surtout, de répondre à l'angoisse des Français, lesquels sont confrontés à des délais de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous médical.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de 6 millions de nos concitoyens, en 2024, n'avaient pas de médecin traitant. Nous connaissons tous ce chiffre vertigineux.
Le pourcentage suivant l'est tout autant : 87 % du territoire national est classé comme désert médical. Et il ne s'agit plus seulement des territoires ruraux : certaines agglomérations sont désormais concernées.
N'oublions pas non plus nos territoires d'outre-mer. La double insularité et le défi de la continuité territoriale inter-îles y entravent encore plus l'accès aux soins.
Face à cette réalité, la proposition de loi du président Philippe Mouiller et de ses collègues, dont je salue l'initiative, se veut une réponse.
Nous le savons : l'actualité législative dans les domaines de la santé et de l'accès aux soins est dense, au risque, il est vrai, de prêter à confusion. Nous examinions encore la semaine dernière un texte d'initiative sénatoriale sur la profession d'infirmier, quand l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux.
Le Gouvernement a présenté, dans le même temps, son pacte de lutte contre les déserts médicaux qui s'articule autour de quatre priorités, qui ont été rappelées par les précédents orateurs.
Il s'agit tout d'abord de diversifier l'origine géographique et sociale des étudiants, alors que vingt-quatre départements ne proposent pas d'offre de formation dans les métiers de la santé.
Le pacte vise aussi à déployer un principe de solidarité, en prévoyant notamment que chaque médecin consacre jusqu'à deux jours par mois à des consultations dans les zones les plus en difficulté.
Autre priorité : moderniser et simplifier les organisations entre les professionnels de santé pour soigner davantage dans les zones rouges.
Enfin, le Gouvernement souhaite créer, avec les élus locaux, des conditions d'accueil attractives pour les étudiants et les professionnels de santé sur tout le territoire.
Ce pacte s'inscrit explicitement dans la continuité des mesures engagées par la majorité présidentielle depuis 2017 ; il vise à en « amplifier et à [en] accélérer » les effets.
Je pense évidemment à la suppression du numerus clausus. Il s'agissait d'un véritable serpent de mer : la majorité présidentielle a eu le courage de s'y attaquer.
Mentionnons également le déploiement des maisons de santé pluridisciplinaire, des centres de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Je pense enfin à la revalorisation à 30 euros des consultations médicales.
Ce bilan est positif. Il constitue un socle pour stopper l'hémorragie et préparer l'avenir. Il nous faut cependant aller plus loin. C'est l'ambition de ce texte.
Ce dernier vise à offrir des outils d'évaluation des besoins et à renforcer le rôle des élus locaux, tout d'abord en confortant la compétence des conseils départementaux, ensuite en créant un comité de pilotage composé, entre autres, de représentants des collectivités territoriales.
La création de ces instances et la suppression de facto de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) nécessitent cependant des précisions, au risque de rendre illisible leur action.
Cette proposition de loi tend surtout à renforcer l'offre de soins dans les territoires sous-dotés.
Pour cela, ses auteurs prévoient de conditionner l'installation des médecins libéraux à un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense et celle des médecins spécialistes à une cessation concomitante d'activité, cette dernière condition n'étant toutefois pas absolue. Là encore, des précisions seront nécessaires pour rendre cette mesure lisible, efficace et cohérente.
Ces dispositions sont plus mesurées que le dispositif du texte adopté à l'Assemblée nationale la semaine dernière. Nous le savons, le débat sur la liberté d'installation des médecins est ancien et vif.
Le caractère libéral de la médecine française et la liberté de choix des patients sont des principes essentiels que nous défendons. Mais ils ne doivent pas être érigés en absolu, quand la situation exige de permettre à tous les Français, quel que soit leur lieu de vie, d'accéder à des soins de qualité.
Les mesures figurant dans cette proposition de loi, qui, pour certaines, figurent dans le pacte du Gouvernement, nous semblent constituer un bon compromis.
Nous demeurons cependant réservés sur plusieurs dispositions.
Je pense à l'article 5, qui autorise les dépassements d'honoraires ou les tarifs spécifiques en zone sous-dense.
Je pense également aux articles visant à simplifier le recours aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), afin d'orienter ceux-ci prioritairement en zone sous-dense lorsqu'ils exercent en maison ou centre de santé. Le risque est en effet de décourager les médecins étrangers de s'installer en France. Ces articles instaurent, selon nous, une inégalité de traitement au sein de la communauté médicale.
Enfin, cette proposition de loi vise à libérer du temps médical pour les patients, en développant des coopérations entre professionnels de santé, en accroissant le rôle des pharmaciens, en faisant figurer dans leurs missions l'orientation et la prise en charge des situations les plus simples, ou encore en renforçant l'attractivité de la pratique avancée pour les infirmiers.
Mes chers collègues, sans surprise, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte, même s'il nous faudra sans doute aller encore plus loin.
En France, en 2025, l'accès aux soins ne devrait plus relever du parcours du combattant. Nos concitoyens nous pressent d'agir : soyons collectivement à la hauteur de cette attente. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (M. Michel Masset applaudit.)
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le sait depuis Mark Twain, il est plus facile de s'arranger avec les statistiques, aisément manipulables, qu'avec les faits. Ces derniers, en effet, ont la désagréable habitude d'être têtus, disait l'auteur des Aventures de Tom Sawyer.
En matière d'accès aux soins dans les territoires, reconnaissons que les faits, en plus d'être têtus, sont à tout le moins inquiétants. Le Premier ministre, le Gouvernement et l'Assemblée nationale, au diapason de notre discussion, s'en préoccupent. Et si les approches sont parfois différentes, convenons que leurs diagnostics et leurs propositions nous rappellent l'urgence de la situation.
À l'évidence, nos débats sur cette proposition de loi de Philippe Mouiller ne sont pas simplement nécessaires, ils sont indispensables. Et comme souvent dans cet hémicycle, un consensus autour de chiffres accablants nous incite à agir.
Agir sérieusement, rapidement, fortement.
Croyez, mes chers collègues, que je m'en félicite. En effet, quand près de 7 millions de nos concitoyens, soit 10 % de la population française, n'ont pas de médecin traitant, quand il faut au minimum deux mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue ou un dermatologue, quand les services d'urgence sont saturés faute d'alternative, alors il nous appartient de tout mettre en œuvre pour lutter contre une désertification médicale qui s'accentue.
La pénurie n'est pas nouvelle dans les territoires ruraux, mais, aujourd'hui, elle n'épargne plus les zones périurbaines. Dans les Bouches-du-Rhône, sur les ronds-points de certaines communes, comme celle de Charleval, fleurissent des banderoles portant l'inscription : « À la recherche d'un médecin ».
Cette pénurie est à l'origine de bien des colères, d'aigreurs et d'incompréhensions qui creusent sournoisement le fossé entre ceux qui peuvent se faire soigner, sans trop de souci, et ceux pour lesquels décrocher une date de consultation s'apparente à un chemin semé d'embûches.
Pour commencer à améliorer une situation critique, les dix-huit articles de ce texte, travaillés et ajustés en commission, semblent cohérents et constructifs à une majorité des membres du groupe du RDSE.
Ces articles visent notamment à piloter la politique de santé au plus près des territoires, en confiant aux départements, en lien avec les ARS et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), une mission de coordination visant à favoriser l'installation de professionnels de santé dans les zones sous-dotées.
Encore faudra-t-il veiller à ce que cette responsabilité ne se transforme pas, à l'avenir, en charge supplémentaire pour des collectivités dont on connaît le rôle et l'expertise en matière médico-sociale. On le sait aussi, leurs ressources ne sont pas extensibles à l'infini.
Je formulerai plusieurs remarques sur les articles 3 et suivants, qui visent à renforcer l'offre de soins dans les territoires sous-dotés, et que je soutiens. Certaines réactions qui ont agité le débat public ces dernières semaines appellent en effet quelques réflexions.
Je constate, tout d'abord, que la proposition de mise en place d'un dispositif de régulation de l'installation, tant pour les généralistes que pour les spécialistes, telle qu'elle figure aux articles 3 et 4, est nettement moins contraignante que celle qui a été votée la semaine dernière par l'Assemblée nationale. Pourtant, elle fait déjà l'objet de récriminations de la part des professionnels de santé, qui crient avant d'avoir mal et ne semblent pas – ou ne veulent pas – réaliser quel est l'état des lieux.
Bien sûr, tous les Français savent parfaitement, mes chers collègues, que devenir médecin n'est pas un jeu d'enfant, que cela demande des efforts et de la détermination. Mais ils savent aussi pertinemment qu'une année d'étude en médecine coûte entre 15 000 et 20 000 euros par an, et que ce cursus est largement financé par leur contribution au titre de l'impôt sur le revenu.