M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 4111-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont autorisés à exercer leur activité à titre libéral ou salarié dans les conditions prévues à l'article L. 4111-1-3. » ;

2° Après l'article L. 4111-1-2, il est inséré un article L. 4111-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4111-1-3. – L'installation d'un médecin exerçant à titre libéral ou salarié est soumise à l'autorisation préalable du directeur général de l'agence régionale de santé compétente après avis rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l'ordre dont il relève.

« L'autorisation est délivrée de droit :

« 1° Si le lieu d'installation du médecin est situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;

« 2° Si un médecin de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité.

« L'autorisation ne peut être délivrée dans les autres cas.

« Les conditions d'application du présent article sont définies par un décret en Conseil d'État pris, après avis du conseil national de l'ordre des médecins, et consultation des représentants des étudiants en médecine, des usagers du système de santé et des élus locaux. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réécrire l'article 3, afin que les territoires sous-dotés bénéficient de l'apport de médecins exerçant à temps plein, et non pas à temps partiel, comme le prévoit le dispositif initial.

En effet, dans la République française, il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone : chacun a droit à un médecin. Le dispositif que nous proposons est celui qui a déjà cours pour les infirmiers depuis 2008, pour les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes depuis 2018, ainsi que pour les chirurgiens-dentistes depuis le début de cette année. Puisqu'il a fait la preuve de son efficacité, pourquoi ne pas l'étendre aux médecins ?

Hier, à l'occasion des débats nourris auxquels a donné lieu l'examen de ce texte, d'aucuns ont soutenu que l'on ne pouvait pas réguler la pénurie. Parfois, je me demande si certains ne tirent pas argument de cette pénurie organisée par le numerus clausus – cela a été souligné à plusieurs reprises – pour s'opposer à toute forme de régulation.

En outre, je suis inquiète lorsque j'entends l'ordre des médecins alerter sur le fait que nous aurions potentiellement trop de médecins dans les années à venir : c'est très loin de la réalité que nous vivons dans nos territoires, même en nous projetant dans un avenir assez lointain.

Il va de soi que cette pénurie nécessite au contraire de former davantage de médecins. Nous l'avons indiqué lors de la discussion générale et nous avons même organisé dans cet hémicycle un débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants, à l'occasion duquel nous avons formulé un certain nombre de propositions.

Au-delà de la pénurie, le rapport de Corinne Imbert pointe un accroissement des inégalités. Ainsi, des départements bien dotés en médecins voient le nombre de médecins augmenter quand les départements sinistrés voient le nombre de médecins reculer. Il faut répondre à cette situation.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. À ceux qui s'inquiètent de la fin de la liberté d'installation, je rappelle que ce dispositif permet la liberté d'installation dans 87 % du territoire national et l'encadre dans les 13 % restants.

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Menonville et Maurey, Mme Belrhiti, M. J.M. Arnaud et Mmes Jacquemet, Antoine et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l'article L. 162-2, les mots : « la liberté d'installation du médecin, » sont supprimés ;

2° Après l'article L. 162-2-1, il est inséré un article L. 162-2-1-… ainsi rédigé : « Art. L. 162-2-1…. – L'installation d'un médecin libéral en-dehors d'une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante, au sens du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, est subordonnée à une autorisation de l'agence régionale de santé. Seuls les médecins disposant de cette autorisation peuvent être conventionnés par l'assurance maladie.

« L'autorisation ne peut être accordée que si le demandeur assure la succession d'un professionnel libéral, relevant de la même spécialité médicale, qui cesse définitivement son activité dans la zone. Un décret en Conseil d'État précise selon quelles modalités le médecin libéral mettant fin à son activité désigne son successeur.

« En l'absence de successeur désigné, l'agence régionale de santé peut autoriser l'installation d'un médecin libéral qui en a fait la demande, selon des critères et une procédure définis par décret en Conseil d'État.

« À titre exceptionnel, en l'absence de cessation d'activité d'un confrère, le conventionnement peut être accordé, dans des conditions précisées par décret, à un médecin libéral qui fait état de raisons personnelles dûment justifiées, afin notamment de lui permettre de se rapprocher de son conjoint à la suite d'une mutation professionnelle ou d'une personne en situation de perte d'autonomie dont il est le proche aidant. »

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Je tiens tout d'abord à féliciter et à remercier Philippe Mouiller de son initiative qui arrive à point nommé, puisque la fracture territoriale en matière d'offre de soins est de plus en plus prégnante sur nos territoires.

Par cet amendement, il s'agit de mettre en place un dispositif de régulation de l'installation des médecins libéraux dans les zones où l'offre de soins est suffisante. Certes, elles sont minoritaires, mais elles existent.

Il est ainsi proposé que l'installation des médecins dans les zones dites surdotées soit soumise à une autorisation de l'agence régionale de santé (ARS), laquelle ne pourrait être accordée qu'en cas de cessation définitive d'activité d'un praticien dans la même spécialité. Cette régulation est encadrée et des dérogations pour tenir compte des situations personnelles sont prévues.

Il n'y a là rien de révolutionnaire : les infirmiers libéraux sont déjà soumis à ce régime. En effet, nos collectivités investissent dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) pour contribuer à structurer l'offre de soins et répondre aux besoins des habitants.

Notre système de sécurité sociale assure le remboursement de nombreux frais d'actes et son système de prise en charge doit tous nous responsabiliser, y compris les professionnels de santé. Nous ne sommes donc pas dans un marché du tout-libéral classique. Un peu de régulation est possible et nécessaire. De nombreuses autres professions en font déjà l'objet.

M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le 20° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …°Dans les zones définies au 2° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un excédent en matière d'offre de soins, les conditions du conventionnement à l'assurance maladie de tout nouveau médecin libéral sous réserve de la cessation d'activité libérale concomitante d'un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent alinéa ; ».

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à instaurer un conventionnement sélectif à l'installation, afin que l'installation d'un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir que concomitamment à la cessation d'activité d'un autre médecin exerçant dans la même zone.

Le conventionnement sélectif existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé – pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes – et prévoit que, dans des zones définies par les ARS, en concertation avec les syndicats médicaux, où existe un excédent en matière d'offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s'installer en étant conventionné à l'assurance maladie que lorsqu'un médecin libéral de la même zone cesse son activité.

Le principe de la liberté d'installation demeure donc, mais le conventionnement n'est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones surdotées.

L'adoption d'un tel principe de conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait de compléter utilement les dispositifs d'incitation à l'installation dans les zones sous-dotées.

Pour lutter plus efficacement contre la désertification médicale, ce dispositif nous paraît bien plus opérant que ce qui est proposé à l'article 3. Il est impératif de mobiliser l'ensemble des solutions possibles, en particulier lorsqu'elles ont fait leurs preuves pour d'autres professions de santé.

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme Poumirol, M. Fichet, Mme Le Houerou, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la santé publique est ainsi modifié : 

1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 1110-4-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l'article L. 1431-2, qu'ils organisent en lien avec l'ordre des médecins dans des conditions définies par décret. » ;

2° L'article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« …) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;

3° Après le troisième alinéa de l'article L. 1434-4 sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général de l'agence régionale de santé détermine les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, pour chaque spécialité médicale, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.

« Les médecins généralistes et les médecins spécialistes s'engagent à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du présent article.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du présent article. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui que vient de présenter Jean-Luc Fichet. Il vise à améliorer la mesure contenue à l'article 3 en instaurant un dispositif de solidarité territoriale qui intègre l'ensemble des médecins, sur le modèle de la permanence des soins ambulatoires, ainsi que nous l'avons évoqué hier.

La rédaction actuelle de l'article 3 prévoit que l'obligation de solidarité ne concerne que les nouvelles installations en zones surdotées. Nous proposons de rendre ce dispositif véritablement effectif en y intégrant l'ensemble des médecins présents sur un territoire.

Comme l'a souligné Élisabeth Doineau hier, il serait particulièrement injuste de faire porter les conséquences catastrophiques du numerus clausus – erreur ou plutôt faute politique des gouvernements, mais aussi de l'ordre des médecins pendant des années – sur les seuls jeunes médecins, qui, parce qu'ils sont jeunes, se verraient pénalisés et sollicités pour exercer cette solidarité.

Par conséquent, nous proposons de créer pour les médecins une obligation collective d'organiser la continuité des soins dans les zones insuffisamment dotées qui seront déterminées par les ARS.

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin et MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guiol, Masset et Daubet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 1110-4-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l'article L. 1431-2, qu'ils organisent en lien avec l'ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées dans des conditions définies par décret. » ;

2° L'article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;

3° Après le troisième alinéa de l'article L. 1434-4 est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général détermine les zones caractérisées par une offre de soins particulièrement critique pour chaque spécialité médicale, en lien avec l'ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées. »

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. L'article 3 introduit une disposition qui suscite beaucoup d'inquiétudes sur le terrain, à savoir conditionner l'installation de médecins en zones surdotées à un engagement individuel d'exercice partiel en zone sous-dense.

Si nous voulons mobiliser durablement la profession médicale, il faut arrêter d'envoyer de mauvais signaux et favoriser l'adhésion à une responsabilité collective encadrée par les ARS en lien avec les collectivités et les professionnels de santé eux-mêmes.

C'est le sens de cet amendement déposé par Véronique Guillotin, dont l'objet s'inscrit dans l'esprit du pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par le Premier ministre. Il vise à créer une mission de solidarité territoriale, définie collectivement, proportionnée aux besoins locaux et intégrée à une organisation pilotée par les ARS.

Il nous semble nécessaire de privilégier une approche fondée sur la responsabilité et la confiance collectives en y associant pleinement les jeunes médecins, les internes, les étudiants et les remplaçants. Leur implication active est essentielle à la réussite de toute politique de rééquilibrage territorial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent tous à réécrire l'article 3 pour lui substituer un dispositif différent de celui qui est prévu.

Les amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié tendent à mettre en place un système plus contraignant pour les médecins.

L'amendement n° 69 vise à instaurer un système d'autorisation d'installation conditionnée à la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité hors zone sous-dense, sur le modèle de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane, votée à l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 21 rectifié bis tend à mettre en place un système proche, mais en y associant un certain nombre d'exceptions, notamment pour permettre aux médecins de se rapprocher de leurs conjoints.

L'amendement n° 99 rectifié a pour objet de mettre en place un système de régulation du conventionnement conditionné à la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité en zone surdense.

L'amendement n° 89 rectifié vise à contraindre l'ensemble des médecins généralistes et spécialistes à exercer à temps partiel en zone sous-dense.

Quant à l'amendement n° 77 rectifié bis, il tend au contraire à mettre en place une simple obligation collective des médecins à assurer la continuité des soins dans les centres de consultations avancées situés en zone critique.

Les solutions coercitives interdisant aux médecins de s'installer dans certains territoires ou les obligeant à s'installer dans d'autres ne nous semblent pas les plus efficaces : c'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette proposition de loi qui nous paraît plus équilibrée. Elles risquent de se révéler contre-productives en faisant fuir les jeunes médecins et en réduisant durablement l'activité de l'exercice libéral.

L'ensemble des associations étudiantes et des organisations syndicales, l'ordre national des médecins, Départements de France ou encore l'Association des maires ruraux de France se sont unanimement prononcés contre une telle solution.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.

À l'inverse, le dispositif que nous proposons nous semble, je l'ai dit, équilibré. Il est bon de rappeler qu'il préserve la liberté d'installation en n'empêchant aucun médecin de s'installer où il le souhaite ou d'y être conventionné. En revanche, ceux qui voudront s'installer dans les zones déjà bien dotées devront donner de leur temps pour contribuer à maîtriser les inégalités d'accès aux soins. Cette contrepartie sera connue à l'avance par les médecins concernés ; ceux-ci s'installeront donc en connaissance de cause. Nous souhaitons que cette responsabilité soit réelle et qu'elle s'impose à chaque médecin visé.

Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 77 rectifié bis, qui tend à remplacer la mesure prévue par une simple obligation collective.

Comme je viens de le préciser, les syndicats de médecins, d'internes ou d'étudiants ont été beaucoup moins critiques à l'égard de la proposition de Philippe Mouiller qu'à l'égard d'une régulation stricte.

Enfin, il est difficile de comparer la régulation imposée aux autres professions de santé – chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers… – avec celle que les auteurs des amendements souhaitent mettre en place pour les médecins, généralistes ou spécialistes. En effet, ceux-ci ont la possibilité de ne pas être conventionnés, ce qui n'est pas envisageable pour les autres professions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié et demande le retrait des amendements nos 89 rectifié et 77 rectifié bis au profit de l'amendement n° 111 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 3.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je soutiens les propositions contenues dans les amendements de Mme Poumirol et de Mme Guillotin, même si elles sont un peu différentes. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'amendement du Gouvernement.

Quel que soit le dispositif qui sera retenu, il est important de ne pas cibler les jeunes médecins ; or c'est le défaut de la proposition de la commission. Les jeunes médecins ne sont en rien responsables de la situation. (MM. Laurent Somon et Alain Milon approuvent.)

J'ai entendu d'ailleurs hier, lors de la discussion générale, des propos inexacts sur ce que coûteraient ou rapporteraient les jeunes. Leurs études coûtaient cher à la Nation ? C'est une fake news totale ! Au contraire, les étudiants en médecine sont les seuls étudiants qui rapportent au pays du fait de leur exercice durant le troisième cycle. (Mmes Élisabeth Doineau, Anne-Sophie Romagny et Sonia de La Provôté renchérissent.) Il n'est pas question de leur faire supporter les errances de notre génération.

J'en viens aux amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié.

C'est la profession d'infirmière qui est régulée depuis le plus longtemps – une quinzaine d'années – ; or l'écart de densité des infirmières entre les 10 % de territoires les moins dotés et les 10 % les plus dotés est supérieur à trois, alors qu'il est de 1,7 pour les généralistes. Certes, la régulation a fonctionné, en ce sens qu'il y a eu beaucoup moins d'installations dans les territoires surdenses ; pour autant, il n'y a pas eu plus d'installations dans les territoires sous-denses. Cette mesure n'a donc pas réduit les inégalités territoriales.

Pour ma part, je n'ai rien contre l'outil par principe. Reste qu'il ne fonctionne pas, parce que les soignants ne sont pas des poissons rouges que l'on transfère d'un aquarium à un autre ! Ce sont des gens qui ont une vie. À ce titre, toute contrainte ou coercition exercée dans un système qui est ouvert ne fonctionne pas ! Vouloir étendre cette régulation aux médecins est une erreur de méthode.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. « Pas mieux ! », suis-je tentée de dire. C'est en effet exactement ce que je pense.

Comme je l'ai souligné hier, ces annonces et ces textes suscitent beaucoup de confusion, parce que personne n'y comprend plus rien et qu'on ne sait pas ce qu'il faut garder dans telle ou telle proposition de loi ou dans tel plan gouvernemental.

Et que dire de la pression que cela fait peser sur la jeune génération ? Ces futurs médecins ne sont pas responsables des décisions politiques du passé. Bien plus, les études de médecine sont extrêmement difficiles. Certains n'y résistent parfois pas, comme ils ne résistent pas aux contraintes des astreintes durant leur internat. Je tiens à le rappeler.

J'en viens à la régulation. Encore une fois, je vous le dis, on ne partage pas ce qu'on n'a pas ! En fait, la régulation n'est possible que lorsque l'on est trop et que l'on peut répartir le travail. De fait, la mesure de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, comme celle du texte de Guillaume Garot, est un mirage !

On est en train d'affirmer que l'on a trouvé la solution la plus simple à un problème très complexe. Je l'ai dit hier, il s'agit d'un problème mondial : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu'il manquait 15 millions de professionnels de santé dans le monde. On le voit bien, certains jeunes de chez nous vont faire leurs études à l'étranger pendant que l'on embauche des médecins de pays étrangers. Cette situation se retrouve dans tous les pays du monde – et je n'évoque pas le cas de l'hémisphère sud où elle est encore plus difficile.

On nous oppose que la régulation existe pour d'autres professionnels de santé, mais vous savez bien que, à l'échelon infraterritorial, il est toujours difficile d'embaucher un masseur-kinésithérapeute, une sage-femme, un dentiste, etc.

Je le répète, la régulation est un mirage, elle n'aidera en rien. Comment expliquer que l'on envoie un médecin dans un autre territoire alors que sa propre patientèle a besoin de lui et qu'il aura moins de temps à lui consacrer ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je ne saurais mieux dire que M. Jomier et Mme Doineau.

Je suis très sensible à la logique qui sous-tend les amendements nos 89 rectifié et 77 rectifié bis ; c'est d'ailleurs celle qui est à l'origine de l'amendement du Gouvernement portant article additionnel après l'article 3. Il s'agit de privilégier une responsabilité collective des médecins, qui consisterait pour la profession à faire preuve de solidarité à l'égard des territoires moins bien dotés. Charge aux ARS de définir des zones critiques et d'organiser ensuite au mieux la façon dont l'ensemble des médecins ou une partie d'entre eux, selon la configuration, assurent des consultations là où un manque criant de médecins se fait sentir.

Il est tentant de croire que l'on a trouvé la bonne idée et de vouloir instituer un principe fort. Reste que soumettre, même si – je vous l'accorde – c'est dans un cas limité, l'installation à autorisation pour les jeunes médecins, en plus d'être injuste, serait inefficace.

Mme Cathy Apourceau-Poly. On n'a pas essayé !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Si c'était injuste mais efficace, on pourrait s'interroger. Faire peser une contrainte sur les seuls jeunes médecins n'améliorera en rien la situation.

Dire que ceux-ci ne pourront s'installer dans des zones surdenses que si un médecin part à la retraite conduira ce dernier à revendre son cabinet. Il sera donc d'autant plus intéressant de s'installer dans une telle zone.

Je le répète, cette mesure n'est pas efficace. La responsabilité collective assortie d'une mise en œuvre opérationnelle est une bien meilleure solution. Qui plus est, c'est la plus juste.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je n'ai rien contre les amendements de Mme Poumirol et de Mme Guillotin. Si j'ai bien compris, les jeunes médecins ne seront pas les seuls concernés.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Bien sûr !

M. Daniel Chasseing. Cette mesure visera les médecins qui souhaitent s'installer dans des zones surdotées, notamment ceux qui sont installés depuis un certain nombre d'années et qui veulent s'établir, par exemple, près de la mer.

Élisabeth Doineau s'est beaucoup mobilisée dans son territoire et a réussi à faire venir des médecins, ce qui est formidable.

M. Daniel Chasseing. Pourquoi ne pourrait-on pas demander à un médecin qui s'installe en zone hyperdense, d'exercer, au nom de la solidarité, dans un cabinet secondaire, là

où il y a moins de médecins ? L'installation de médecins juniors viendra en quelque sorte en complément.

Peut-être que ce que prévoit cette proposition de loi ne pourra pas s'appliquer dans certains lieux du territoire ; dans ce cas, c'est peut-être un médecin junior ou un médecin qui viendra exercer deux jours par mois en zone sous-dense pour compléter l'offre de soins, conformément à l'idée avancée par le Premier ministre.

Mme Poumirol parle de responsabilité collective. Oui, les agences régionales de santé sont responsables, mais, maintenant que nous avons voté l'article 1er, le département est l'échelon le plus important. C'est d'autant plus vrai que, dans les délégations départementales des ARS, le personnel n'augmente pas ; pis, il est plutôt en train de diminuer.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, vous avez fait hier une déclaration qui m'a beaucoup plu : il s'agit de demander un peu à beaucoup de médecins au lieu de beaucoup à peu de médecins.

Ce constat très juste est l'expression d'une politique sensée et équilibrée. Malheureusement, on se heurte tout de même à deux difficultés : la pénurie de médecins et la désertification rurale.

La pénurie de médecins, qui est le résultat du numerus clausus – le numerus apertus n'a rien changé, même si c'est un progrès –, montre bien que la formation des médecins reste la problématique principale.

La désertification rurale ne concerne pas que le secteur médical. Certes, c'est beaucoup plus aigu quand il s'agit de la santé, car cela pose la question de l'accès aux soins, de la qualité des soins et de l'espérance de vie. Qui plus est, cela vient heurter notre aspiration à l'égalité des droits.

Il faut parvenir à démontrer que cette proposition de loi permettra en effet de demander un peu à beaucoup de médecins.

J'ai été interpellé par deux jeunes médecins dans la rue à l'heure du déjeuner – voilà qui est tout de même assez rare ! Ils se sentent un peu perdus, confondant ce texte avec la proposition de loi Garot. En tout cas, cette anecdote montre bien qu'il faut faire de la pédagogie.

Pour ma part, j'ai le sentiment que l'on demande trop aux jeunes et pas assez aux médecins déjà installés. Il faut encore faire la démonstration que nous avons trouvé la mesure équilibrée pour demander un peu à beaucoup de médecins plutôt que beaucoup aux jeunes médecins. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)