B. UN DÉVELOPPEMENT SIGNIFICATIF MAIS QUI RESTE EN DEÇÀ DES OBJECTIFS ET QUI GÉNÈRE UN FAIBLE CONTENU EN EMPLOIS INDUSTRIELS
1. Des objectifs qui seront difficiles à atteindre
Grâce aux importants soutiens publics dont elle a bénéficié, la production d'énergie renouvelable a connu une progression très significative : entre 2005 et 2016, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie française est ainsi passée de 9,6 % à 16 % 36 ( * ) .
Ce développement reste toutefois en deçà des 18 % prévus par la trajectoire définie pour atteindre les 23 % d'énergies renouvelables visés en 2020 37 ( * ) , objectif déjà ambitieux que la loi du 17 août 2015 a confirmé et prolongé pour viser 32 % en 2030, déclinés en 40 % pour l'électricité, 38 % pour la chaleur, 15 % pour les transports et 10 % pour le gaz. Il est aussi moins rapide que l'évolution constatée sur la même période à l'échelle de l'Union européenne à 28 (passée de 8,5 % à 17 % entre 2005 et 2016) ou des grands autres pays européens 38 ( * ) . La situation varie suivant les secteurs - l'électricité et surtout la chaleur sont en retard sur la trajectoire quand le transport est en avance - et les filières - le solaire photovoltaïque, les pompes à chaleur et les biocarburants sont en avance tandis que l'éolien, le solaire thermique, la géothermie, la biomasse solide et le biogaz chaleur présentent les retards les plus importants 39 ( * ) .
Aussi, malgré l'accélération des raccordements observés, par exemple, pour l'électricité et le gaz renouvelable sur les derniers trimestres, il est désormais probable que les objectifs fixés pour 2020 et 2030 ne pourront être atteints , comme la Cour des comptes l'observait en mars dernier 40 ( * ) . Pour expliquer ces résultats, la Cour pointait en particulier la tendance baissière du prix des énergies fossiles , défavorable aux énergies renouvelables thermiques - mais la taxation du carbone, bénéfique sur ce plan, ne saurait être analysée indépendamment de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la compétitivité des entreprises ( cf. infra ) - ainsi qu' un environnement social et réglementaire contraignant , même si les procédures administratives ont été récemment simplifiées et les délais de recours mieux encadrés.
2. Un bilan industriel insuffisant
Dans son rapport, la Cour des comptes fait aussi le constat de retombées économiques réelles - 21,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2016 toutes activités confondues en incluant le soutien public 41 ( * ) - mais d' un bilan industriel décevant .
Selon les données collectées par la Cour, en particulier auprès de l'Ademe, la valeur des investissements français dans les équipements fabriqués en France ne s'élevait qu'à 1,4 milliard en 2016, soit 6,6 % du chiffre d'affaires total . Dans les énergies renouvelables électriques, les industries françaises couvrent moins de la moitié de la valeur ajoutée des investissements et moins de 25 % de la fabrication. Dans l'éolien terrestre , la France ne compte aucun ensemblier, les turbines installées proviennent de grands constructeurs étrangers, pour l'essentiel européens, et la part de la valeur ajoutée française dans les nouveaux parcs se situerait entre 37 % et 41 % . Cette part est estimée à 44 % dans le solaire photovoltaïque , notamment grâce à des positions favorables dans l'intégration et la gestion des systèmes, les composants électroniques ou les onduleurs et malgré un marché mondial des modules dominé à 90 % par les industriels asiatiques. On notera aussi que malgré le retard observé dans la réalisation des parcs déjà attribués, la France dispose d'une filière et d'usines de production de turbines pour l'éolien en mer mais dont le devenir dépendra de l'engagement de nouveaux projets.
Globalement, la France dispose de nombreuses entreprises exportatrices dans le solaire thermique, le bois énergie ou l'hydroélectricité mais très peu dans l'éolien terrestre ou maritime ou le photovoltaïque.
En termes d'emplois générés, l'Ademe évaluait le nombre d'emplois directs 42 ( * ) liés aux énergies renouvelables hors biocarburants sur le territoire national en 2016 à 79 000 (+ 30 % par rapport à 2006), dont 35 % à 45 % pour la maintenance-exploitation, 25 % à 30 % pour l'installation et 15 % seulement pour la fabrication et l'assemblage, répartis à 42 % dans les énergies renouvelables électriques et à 58 % dans les énergies renouvelables thermiques.
Pour l'avenir, le repositionnement de la France dans la chaîne de valeur passerait, selon la Cour des comptes, par l'investissement dans les technologies innovantes et de rupture , en particulier dans le stockage et la gestion intelligente de l'énergie pour gérer l'intermittence des énergies renouvelables électriques, ou plus ponctuellement par la rénovation des parcs éoliens existants . Votre rapporteur partage cette recommandation.
Parmi les technologies existantes, votre rapporteur en appelle à un rééquilibrage des soutiens publics au profit des énergies renouvelables thermiques qui, outre le fait qu'elles sont globalement plus pourvoyeuses en emplois, ont le mérite d'être pilotables , d' exploiter la forêt française pour le bois-énergie ou de générer des revenus complémentaires pour les agriculteurs s'agissant de la méthanisation.
Dans les filières innovantes, la France a par ailleurs une carte à jouer dans l'éolien flottant même s'il importera d'en maîtriser les coûts avant de passer à la phase industrielle.
Pour accompagner le développement de filières industrielles françaises et comme le suggère à raison le régulateur, votre rapporteur invite enfin le Gouvernement à renforcer le poids des critères environnementaux , tels que le bilan carbone des panneaux photovoltaïques, dans le cadre des appels d'offres, voire à les inclure dans le cadre des arrêtés tarifaires : de tels critères permettraient à la fois de déployer des technologies plus respectueuses de l'environnement et de favoriser indirectement les industries françaises et européennes .
* 36 Source : Chiffres clés des énergies renouvelables édition 2018, SDES, mai 2018, et Eurostat.
* 37 Objectif fixé au plan national par la loi « Pope » du 13 juillet 2005 et repris au niveau européen comme objectif pour la France par la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009.
* 38 L'Allemagne est passée de 6,7 % à 14,8 %, l'Espagne de 8,5 % à 17,3 %, l'Italie de 7,5 % à 17,4 % et le Royaume-Uni de 1,3 % à 9,3 %, source : Eurostat.
* 39 Source : Chiffres clés des énergies renouvelables, précité.
* 40 Cour des comptes, enquête précitée.
* 41 Ce total inclut toutes les activités liées au développement des énergies renouvelables, y compris les importations et exportations et la vente de l'énergie produite, soutien public compris, source : étude Ademe, Marchés et emplois dans le domaine des énergies renouvelables, juillet 2017, citée par la Cour.
* 42 Ne sont pas comptabilisés les emplois liés à la production des composants des équipements et aux consommations d'intrants agricoles ou forestiers notamment ni les emplois induits, source : Ademe, étude précitée.