B. UNE FISCALITÉ QUI ALIMENTE LE BUDGET DE L'ÉTAT AVANT DE FINANCER LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
L'an dernier, le Gouvernement indiquait très explicitement poursuivre, avec la hausse de la fiscalité énergétique, un « objectif de rendement budgétaire » et que le rythme de la trajectoire carbone était « déterminé au regard des objectifs de recettes » 56 ( * ) . Depuis, la communication a été un peu amendée - il est question d'un « objectif de rendement budgétaire, de renforcement de la lutte contre le changement climatique et de visibilité pour les acteurs économiques » 57 ( * ) - mais le fond reste le même.
Chiffres à l'appui, il apparaît ainsi clairement que l'essentiel de la hausse de la fiscalité énergétique est captée par l'État pour réduire le déficit budgétaire ou compenser des baisses de prélèvements décidées par ailleurs : sur les 7,2 milliards de hausse de la TICPE prévus entre 2017 et 2019, 82 % iront au seul budget de l'État , soit 5,9 milliards ; à l'opposé, en 2019, seuls 178 millions supplémentaires iront aux infrastructures de transport et 80 millions au soutien des énergies renouvelables, même si 1,1 milliard de recettes supplémentaires avaient été affectées à ces dernières en 2018.
En outre, sur un produit total de 37,7 milliards d'euros de TICPE brute attendus en 2019, seuls 7,2 milliards financeront directement les énergies renouvelables, soit moins d'un cinquième du produit total .
Évolution du produit de la TICPE et de sa répartition
(en milliards d'euros) |
Exécution 2017 |
Prévision 2018 |
Prévision 2019 |
TICPE brute 58 ( * ) État |
11,1
|
13,3
+ 19,8 % |
17,0
+ 27,8 % |
Transfert aux collectivités locales (régions et départements) |
12,1 |
12,3 |
12,3 |
Transfert au CAS
|
6,1
|
7,2 |
7,2 + 80 millions |
Transfert à l'AFITF
|
1,1
|
1,0
|
1,2 + 178 millions |
TICPE brute totale |
30,5
|
33,8
+ 10,8 % |
37.7
+ 11,5 % |
+ TVA supplémentaire perçue par l'État |
+ 0,181 |
+ 0,377 |
+ 0,329 |
Recette totale brute État |
11,3
|
13,7 + 2,4 Mds + 21, % |
17,3 + 3,6 Mds + 26,3 % |
Source : évaluation des voies et moyens, tome I, annexé au projet de loi de finances pour 2019
Votre rapporteur souligne par ailleurs que depuis la budgétisation de la CSPE déjà évoquée, cette taxe, dont les deux tiers du produit finançaient jusque-là directement les énergies renouvelables (pour environ 5 milliards), alimente désormais le budget général. En d'autres termes, l'État renonce chaque année à environ 7 milliards de TICPE pour financer les énergies renouvelables mais récupère 5 milliards de CSPE précédemment destinés au même usage ; l'effort budgétaire supplémentaire n'est donc que d'environ 2 milliards par an.
Au-delà de son poids en valeur absolue, c'est donc aussi en raison d'une affectation principale au budget général que la fiscalité énergétique est désormais perçue comme injuste et de moins en moins consentie.
* 56 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2018, article 9, pp. 65 et 67.
* 57 Cf. par exemple la page du site du ministère sur la fiscalité des énergies.
* 58 Hors remboursements et dégrèvements de TICPE tels que les remboursements sectoriels aux taxis, exploitants agricoles, véhicules routiers, etc.