B. UN DÉSARMEMENT INFORMATIONNEL EN PLEINE GUERRE DE L'INFORMATION
1. Une fâcheuse absence de visibilité à long terme
Au-delà de la baisse des crédits prévue par le Gouvernement en 2025 c'est la trajectoire à moyen terme des moyens de l'audiovisuel extérieur qui interroge. La baisse des crédits de FMM de près de 10 M€ en 2025 outre son impact sur l'équilibre des comptes interpelle sur les modifications qui seront apportées par le Gouvernement au COM 2024-2028. Comme les rapporteurs l'ont indiqué le document devra faire l'objet de nouveaux échanges avec l'entreprise afin de modifier certains objectifs pour les rendre compatibles avec la baisse des moyens. Mais aucune indication n'a été donnée sur les moyens qui seront accordés sur la période 2026-2028. La direction de FMM estime que si la trajectoire financière est respectée pour les années suivantes il pourrait être possible pour l'entreprise d'absorber les déficits cumulés de 2024 et 2025 sur ses capitaux propres. A contrario, si la trajectoire financière est durablement dégradée, elle sera dans l'obligation de remettre en cause le périmètre de ses actions et de ses missions tout en ayant besoin de solliciter l'actionnaire pour une recapitalisation.
Une dégradation persistante des moyens de FMM réduira d'autant sa capacité à mener sa transformation numérique mais elle constituera également un risque industriel majeur pour les activités historiques compte tenu du besoin impératif d'investissement dans les infrastructures techniques de l'entreprise comme les régies de France 24, du fait de leur ancienneté.
Le problème de la prévisibilité concerne également TV5 Monde qui a engagé le processus de rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Les grandes orientations ont été présentées au conseil d'administration du 17 octobre mais l'adoption du document devrait être reportée au mois de février 2025. Le plan stratégique de TV5 Monde ne comportant pas de programmation budgétaire, l'entreprise demeure dans l'incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Selon la DGMIC la tendance actuelle serait à la stabilité des moyens chez les différents bailleurs, ce qui revient à considérer que les marges de manoeuvre devraient dans les années à venir résulter de l'arrivée de nouveaux pays au tour de table.
2. Le recul entériné de l'influence française en contradiction avec les discours officiels
En réalité, depuis une dizaine d'années, c'est le décrochage de l'audiovisuel extérieur qui a été engagé avec un écart de moyens qui s'accroît avec ceux dont disposent Deutsche Welle (410 M€), BBC World Service (479 M€) et USA Global media (814 M€). Les moyens mobilisés par les « nouveaux compétiteurs » apparaissent également exponentiels à l'image du budget de 1,4 Md$ dont devraient disposer les médias russes en 2025.
Alors que le COM 2024-2028 permettait de demeurer en fin du peloton de tête, les rapporteurs ne peuvent que partager l'analyse de la direction de FMM qui estime que le PLF 2025 « risque de mettre en péril les missions du groupe et d'engager le désarmement informationnel de la France au pire moment. Si la contrainte budgétaire qui pèse sur l'audiovisuel extérieur se poursuit, la France dévissera dans le paysage audiovisuel mondial ».
Les rapporteurs ne peuvent ignorer que la baisse des moyens accordés à l'audiovisuel extérieur français a coïncidé avec la hausse des moyens dont disposent les médias russes, chinois et turcs et, par voie de conséquence, la perte d'influence de notre pays en Afrique alors que ce continent est stratégique pour l'avenir. Ils s'interrogent sur les économies budgétaires réalisées grâce à ce désinvestissement comparées au coût pour la France et l'Europe de l'instabilité politique, économique et social du continent le plus jeune au Monde.
Les rapporteurs appellent donc le Gouvernement à reconsidérer dès que possible ses choix à l'égard de l'audiovisuel extérieur afin de lui permettre de résister à la guerre informationnelle qui nécessite de diffuser davantage par satellite pour éviter les blocages locaux, de développer des équipes de production locales lorsque cela est possible pour prévenir les accusations d'ingérence et d'accroître la présence sur le numérique pour proposer une information fiable et indépendante notamment aux jeunes générations.