II. DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENTS MENACÉS AU DÉTRIMENT DE L'INFLUENCE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
A. FRANCE MÉDIAS MONDE : UN RISQUE DE DÉCROCHAGE PAR RAPPORT À SES CONCURRENTS ET SES NOUVEAUX « COMPÉTITEURS »
1. La remise en cause de la stratégie numérique de FMM
La suppression en 2025 de l'enveloppe consacrée aux programmes de transformation prévue à hauteur de 5 M€ dans le COM « remet en cause toute la stratégie de l'entreprise visant à accélérer sa transformation numérique, lui faisant perdre un temps irrémédiable au moment où tous ses concurrents internationaux investissent massivement » a indiqué la direction de FMM aux rapporteurs.
Cette coupe dans les moyens permettant d'investir les nouveaux territoires numériques apparaît d'autant plus regrettable que FMM accuse un certain retard par rapport à ses concurrents et que la sphère numérique est devenue un véritable champ de bataille où la France est régulièrement mise en cause par les proxies des régimes autoritaires. Ce choix budgétaire aura donc pour effet direct de réduire l'influence de la France et de nous affaiblir dans la guerre informationnelle.
Un gros bug pour le plan de transformation numérique ?
Le plan de transformation numérique est considéré comme vital par FMM pour résister notamment aux assauts des médias russes (Sputnik) et turcs (« TRT Africa ») en Afrique. Le COM prévoyait qu'il serait financé par les crédits du « programme de transformation » (P.383) dont le montant initial de 5 M€ a été remis en cause dès 2024. Le décret d'annulation de février dernier a en effet réduit cette enveloppe de 1,4 M€ ce qui a amené l'entreprise à adopter un budget rectificatif en mai 2024 absorbant cette baisse par un déficit autofinancé par ses capitaux propres. Depuis mai 2024, le ministère des Finances a cessé de verser les mensualités du programme de transformation, ce qui représente une moindre ressource de 2,2 M€ qui s'ajoute au déficit budgétaire de 1,4 M€. Par ailleurs, le projet de loi de fin de gestion adopté par le Conseil des ministres du 6 novembre 2024 a confirmé l'interruption et l'annulation des crédits du programme de transformation en 2024 pour un montant de 3,6 M€ pour FMM ce qui a ramené cette enveloppe à 1,4 M€ sur l'année.
La direction de l'entreprise estime que : « compte tenu du fait que l'essentiel des dépenses sont déjà engagées pour mener à bien ces projets de transformation, FMM devrait absorber un déficit incompressible de l'ordre de -3,6 M€ sur l'année 2024, alors même que l'entreprise n'a quasiment plus aucune marge de manoeuvre financière ». Or, pour l'année 2025, les crédits prévus dans la trajectoire du COM à hauteur de 5 M€ ont finalement été supprimés ce qui revient à paralyser la capacité de l'entreprise à déployer son plan de transformation numérique pourtant indispensable pour maintenir son rang dans le paysage numérique mondial.
La baisse des ressources de FMM aura, par ailleurs, nécessairement des conséquences sur l'évolution de sa masse salariale dont le COM prévoyait la hausse (+15%) sur la période 2024-2028 afin de tenir compte des augmentations prévues par les accords d'entreprise et du rattrapage de l'inflation, des incidences du plan de transformation numérique et d'un renfort dans l'organisation (encadrement et coordination des rédactions). Selon la direction de FMM : « la forte révision à la baisse dans le PLF 2025 des dotations publiques (par rapport à la trajectoire du COM) remet en cause la trajectoire de la masse salariale du COM, cette dernière étant en conséquence amenée à progresser très modérément, voire baisser si l'entreprise était contrainte, faute de financements, de renoncer à certaines activités ou missions ».
FMM face à de difficiles arbitrages budgétaires au Sénégal
La baisse des moyens envisagée pour 2025 pourrait obliger l'entreprise à réduire le périmètre de son action, par exemple, en renonçant à la diffusion de RFI en FM au Sénégal alors que le coût de cette diffusion devrait significativement augmenter dans les prochains mois. Les rapporteurs ne peuvent que déplorer qu'une telle perte d'influence puisse être envisagée dans un pays aussi important pour la France.
2. Le maintien des moyens de l'APD au service des « hubs » de proximité
Si les rapporteurs déplorent le désinvestissement dans le numérique ils se réjouissent a contrario du maintien du soutien direct du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères via l'aide publique au développement (programme 209) qui devrait permettre de financer de nouveaux projets de proximité. La subvention du MEAE qui était de 2,5 M€ en 2024 sera portée à 4,1 M€ en 2025 puis 4,9 M€ à partir de 2026. Malgré les économies annoncées sur le programme de l'aide publique au développement le MEAE a réaffirmé son soutien à ces projets au niveau du COM.
FMM devrait donc pouvoir développer son « hub » à Beyrouth - avec une vigilance renforcée sur le plan sécuritaire - pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et MCD à travers la production de contenus dans tous les formats. En Afrique, FMM prévoit de lancer une offre numérique panafricaine pour les jeunes destinée aux réseaux sociaux pour offrir des contenus constructifs et lutter contre les infox. Le pôle de Dakar poursuivra le développement de la production africaine de contenus et devrait intégrer de nouveaux locaux en 2025 permettant d'accueillir les nouvelles équipes. En Europe centrale et orientale, le « hub » de Bucarest poursuivra le développement de la rédaction de RFI en ukrainien tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté compte tenu du contexte budgétaire.