B. ASSURER LE FINANCEMENT DES MOBILITÉS EN ZONE PEU DENSE
En 2019, la LOM avait fixé l'objectif de mettre fin aux zones blanches de la mobilité. Pour ce faire, les communautés de communes ont été invitées à se prononcer sur le transfert de la compétence d'organisation des mobilités. Au total, 53 % d'entre elles sont désormais AOM locales.
Prise de la compétence d'organisation des mobilités par les communautés de communes (au 1er avril 2022)
Source : site internet du Cerema
Parmi elles, selon la Caisse nationale des URSSAF, 54 communautés de communes ont instauré le versement mobilité au 31 octobre 2024 depuis leur prise de compétence en 2021, en dehors de celles dont la commune centre levait déjà le VM avant la LOM.
Ce chiffre peu élevé découle vraisemblablement de critères trop restrictifs fixés par la loi pour permettre aux AOM de lever le VM. En effet, l'article L2333-36 du code général des collectivités territoriales conditionne cette possibilité à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes. Or, la mise en place de tels services est rarement pertinente en zone peu dense, le nombre de voyageurs n'y étant généralement pas suffisant pour assurer la rentabilité de l'offre.
D'autres solutions de mobilité apparaissent plus adaptées à ces territoires, comme le transport à la demande, l'autopartage, le covoiturage, et les mobilités actives.
S'agissant des mobilités actives, Intercommunalités de France indique « d'après l'enquête menée par Intercommunalités de France en 2024, les mobilités actives sont parmi les politiques de mobilité les plus répandues. Si les communautés d'agglomération sont largement engagées dans ces politiques, les communautés de communes sont plutôt sur une phase de développement. [...] C'est le bon moment pour soutenir le développement des mobilités actives dans les espaces peu denses »20(*).
Or, les critères actuels pour lever le VM placent de nombreuses AOM en zone rurale dans l'impossibilité de disposer de ressources pérennes pour financer des projets de mobilité adaptés à leur territoire. En conséquence, la dépendance de la population à l'autosolisme demeure forte en zone peu dense.
Ainsi que l'a également souligné Ecov, organisme qui déploie des lignes de covoiturage dans les territoires peu denses, « il est urgent de déployer un système de financement pérenne pour les mobilités décarbonées hors des zones denses ».
Face à ce constat, sur la proposition de son rapporteur pour avis et de Philippe Tabarot, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, la commission a adopté un amendement visant à permettre aux AOM de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, prenant en compte le transport à la demande et les mobilités partagées et actives.
Le rapporteur pour avis considère en outre cette évolution comme une condition préalable pour que le plan national de déploiement de lignes de cars express, annoncé par le Gouvernement, et le déploiement des Serm, bénéficie à tous les territoires. Il importera en effet que ces projets s'articulent avec les services et réseaux de mobilités actives et partagées mis en oeuvre en zone périurbaine et rurale, le cas échéant à travers des aménagements spécifiques (PEM, parkings relais, etc.).
S'agissant des cars express, l'UTPF l'a rappelé : « Pour assurer la réussite de ce plan, il convient de travailler avec finesse sur les parkings relais et plus globalement sur l'intermodalité avec les vélos, les lignes de transport public urbain, etc. »21(*). De même, la Fédération nationale du transport de voyageurs (FNTV) indique que « les cars express ont toute leur place dans un système reposant sur la multimodalité et l'intermodalité, notamment pour relier efficacement les pôles ruraux avec les agglomérations, les périphéries entre elles ou les pôles d'échanges » et que « l'accès à ces lignes doit être anticipé afin qu'elles soient connectées à l'ensemble du bouquet de mobilités »22(*).
Par ailleurs, de nombreuses communautés de communes ayant pris la compétence mobilité ne peuvent, en pratique, assurer le financement de leurs projets de mobilité grâce au VM, du fait d'un tissu économique trop limité. Conscient de cette difficulté, le Sénat avait soutenu dans la LOM l'attribution d'une part de TICPE aux communautés de communes dans lesquelles le rendement du VM, rapporté à la population, est inférieur au rendement par habitant constaté pour les AOM dont le ressort territorial est essentiellement urbain. Malheureusement, cette proposition n'a pas survécu à la navette parlementaire. Le rapporteur pour avis estime urgent de remettre cette question à l'ordre du jour, afin de soutenir les communautés de communes ne disposant pas de bases fiscales suffisantes pour financer une offre de transports.
Enfin, aucun financement n'est prévu pour les régions qui sont devenues AOM locales de substitution en lieu et place des communautés de communes n'ayant pas souhaité prendre la compétence mobilité. Or, ce cas de figure couvre une large partie du territoire (cf. graphique ci-contre). Il est indispensable que ces régions puissent également bénéficier d'une ressource financière dédiée - au même titre que les autres AOM - pour développer l'offre de transports dans les zones peu denses.
Cartographie du VM en 2024
Afin de répondre à cette problématique, l' amendement du rapporteur pour avis et de Philippe Tabarot, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, visant à permettre aux AOM régionales de lever le VM pour financer leurs offres de mobilités, adopté par la commission (cf. supra), prévoit également l'attribution d'une part de ce produit aux AOM en zone peu denses (10 %), qu'il s'agisse de communautés de communes AOM ou de la région agissant en tant qu'AOM de substitution.
* 20 Source : réponse d'Intercommunalités de France au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 21 Source : réponse de l'UTPF au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 22 Source : réponse de la FNTV au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.