IV. POURSUIVRE LES EFFORTS EN FAVEUR DU VERDISSEMENT DU PARC AUTOMOBILE

A. INCITER À UNE PLUS GRANDE SOBRIÉTÉ ENVIRONNEMENTALE DU PARC AUTOMOBILE, AU PROFIT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU SECTEUR

1. Le renforcement du malus automobile : une évolution nécessaire face à l'accroissement tendanciel du poids des véhicules

L'article 8 du PLF pour 2025 vise à renforcer le caractère incitatif d'un point de vue environnemental du malus automobile, qui constitue une taxe à payer lors de l'immatriculation de certains véhicules particulièrement polluants. Il renforce les barèmes applicables aux deux volets de ce dispositif : le malus CO2 et le malus « poids ».

Le seuil de déclenchement du malus CO2 serait abaissé de 5g de CO2/km en 2025 puis de 7g de CO2/km en 2026 et 2027, pour s'établir à cette date à 99g de CO2/km émis. En outre, le tarif maximal du malus, aujourd'hui fixé à 60 000 €, serait rehaussé de 10 000 € par an pour atteindre 90 000 € en 2027.

S'agissant du malus au poids, il est proposé d'abaisser à compter de 202623(*) de 100 kg son seuil de déclenchement, actuellement fixé à 1 600 kg. En outre, l'abattement dont bénéficient actuellement les véhicules hybrides non rechargeables serait limité aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental, c'est-à-dire ceux dotés d'un moteur électrique dont la puissance est supérieure ou égale à 30 kilowatts.

Le rapporteur pour avis salue ces évolutions, qui vont dans le sens d'une plus grande sobriété environnementale du parc automobile. S'agissant de l'idée, formulée ces dernières semaines, selon laquelle le renforcement du malus automobile reviendrait à taxer 80 % du parc automobile d'ici 2027, il souligne qu'une telle projection semble en réalité fragile, car elle ne prend pas en compte le verdissement du parc qui continuera à progresser d'ici cette échéance.

En particulier, le renforcement du malus au poids constitue une avancée pour orienter les consommateurs - et donc les constructeurs - vers des modèles de véhicules plus légers, lesquels présentent de nombreux avantages pour l'environnement, à commencer par des économies de matériaux et, le plus souvent, une plus grande efficacité énergétique.

Selon un article de la revue « Transports urbains » de septembre 2022 écrit par les chercheurs Frédéric Héran et Arnaud Sivert24(*), si l'efficacité énergétique des véhicules a progressé depuis les années 1960, en réalité, elle demeure faible car les véhicules « transportent essentiellement leur propre masse et non des personnes et des charges ». Dès lors, cet article souligne que le potentiel de réduction de l'énergie dépensée par kilomètre par les véhicules demeure important, à condition d'agir notamment sur leur masse et leur vitesse.

L'article précité rappelle que, si dans les années 1960 le poids moyen d'une voiture était de 800 kg, ce poids a sensiblement augmenté au fil des décennies pour atteindre 1 293 kg en moyenne en 200725(*). Depuis lors, bien que des efforts aient été réalisés pour alléger les véhicules, ils ont été largement compensés par certaines évolutions, comme le rehaussement des exigences de sécurité dans les véhicules et d'habitabilité (pour transporter un plus grand nombre de personnes), l'ajout de nouveaux équipements de confort (climatisation, volant réglable, caméra de recul, amortissement surdimensionné, etc.) et d'éléments de design, ou encore le renforcement de certaines normes européennes ou réglementaires. Or, comme le souligne l'article précité, « toute augmentation du poids conduit à un cercle vicieux, car il faut en conséquence renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les pneus, l'insonorisation, la sécurité active et passive... On a pu ainsi démontrer que l'ajout de 100 kg d'équipements conduit en fait à un accroissement du poids de 200 kg ».

L'illustration ci-après démontre la différence de taille entre une Peugeot 205 (mise en production dans les années 1990) et une Renault Mégane 4.

Comparaison à la même échelle d'une voiture des années 1990 (780 kg) et d'une voiture familiale des années 2020 (1370 kg)

Source : site internet Carsized

Pour toutes ces raisons, le rapporteur pour avis estime que les efforts consentis jusqu'à présent par les industriels pour renforcer la sobriété du parc automobile sont encore insuffisants et, dès lors, que le renforcement du malus automobile va dans le bon sens.

2. Verdissement du parc automobile : des incitations à renforcer pour promouvoir les véhicules les plus sobres

Considérant que l'électrification du parc de véhicules constitue également un facteur d'augmentation du poids moyen des véhicules compte tenu du poids des batteries, le rapporteur pour avis estime indispensable que les dispositifs de bonus/malus permettent également d'orienter le marché de l'électrique vers des véhicules plus légers, mais aussi moins puissants. Le rapport poids/puissance des véhicules doit en effet être interrogé pour aller vers un parc plus sobre.

Il considère, comme le souligne l'article précité, qu'« il ne faut pas se contenter d'envisager une évolution des caractéristiques de la voiture individuelle qui n'affecterait que marginalement ses performances et son confort, mais aborder des modes de déplacement très différents : beaucoup moins lourds, bien moins rapides et certes au confort moindre tout en restant suffisant ».

À titre d'illustration, le schéma ci-après montre ce que représente la consommation énergétique d'un véhicule électrique doté d'une batterie de 100 kWh par rapport à la consommation énergétique de véhicules plus sobres.

Source : Revue « Transports urbains », n° 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires

Dès lors, le rapporteur pour avis préconise d'encourager le développement des véhicules intermédiaires (ou VELI), qui constituent une catégorie de véhicules routiers légers situés entre les deux véhicules de référence que sont le vélo et la voiture (véhicules à assistance électrique, vélos cargos, tandems, mini-voitures, etc.) et qui présentent de réels avantages environnementaux, à travers une empreinte écologique plus faible qu'un véhicule classique (ne serait-ce qu'en termes d' utilisation de ressources) et une efficacité énergétique accrue.

Ils constituent en outre une solution de déplacement peu onéreuse (coût d'achat inférieur à 10 000 €) pour les trajets du quotidien, notamment en zone peu ou moyennement dense, ce qui en fait un levier potentiellement efficace pour lutter contre la précarité mobilité dans ces territoires. Ils peuvent s'avérer particulièrement adaptés aux besoins des ménages de taille modeste (une ou deux personnes) et au remplacement du second véhicule de nombreux ménages.

Quelques exemples de véhicules intermédiaires

Source : Revue « Transports urbains », numéro 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires.

Ces véhicules présentent en outre un impact carbone réduit sur l'ensemble du cycle de vie (cf. graphiques ci-après).

Impact carbone sur l'ensemble du cycle de vie en valeur absolue (tCO2e)

Source : Revue « Transports urbains », numéro 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires.

Note : Hypothèses concernant la durée de vie : 150 000 km pour la Clio, la Zoé et la Twizy, 80 000 km pour le vélomobile, 30 000 km pour le VAE et le vélo. Mix électrique : 346 g/kWh pour l'UE, 60 g pour la France. La variation du mix électrique ne concerne que la phase d'usage. Les lieux de fabrication sont donc considérés comme fixes bien que leurs émissions propres puissent être réduites grâce à une relocalisation de tout ou partie de la chaîne de valeur dans des pays au mix électrique moins carboné.

Impact carbone sur l'ensemble du cycle de vie exprimé par kilomètre (gCO2e/km)

Source : Revue « Transports urbains », numéro 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires.

Note : Hypothèses concernant la durée de vie : 150 000 km pour la Clio, la Zoé (modif. 300 000 km) et la Twizy (modif. 75 000), 80 000 km pour le vélomobile (modif. 40 000), 30 000 km pour le VAE en France et le vélo (modif. 60 000). Mix électrique : 346 g pour l'UE, 60 g pour la France. Les calculs d'impact n'intègrent pas d'affectation d'émission liée au potentiel remplacement de la batterie. Les durées de vie mentionnées sont conformes au champ des possibles en l'état actuel des savoir-faire.

Une étude du Shift Project de 201726(*) décrit ces véhicules comme un chaînon manquant à développer entre les vélos et les petites voitures électriques, à l'instar de la Renault Twizy (cf. graphique ci-après), capables de transporter deux personnes avec une masse inférieure à 400 kg et une motorisation de l'ordre de 20 kW.

Représentation de l'écart de poids/puissance entre un vélo électrique (s-pedelec) (jaune) et une petite voiture électrique (vert)

Source : The Shift Projet, Décarboner les mobilités dans les zones de moyenne densité, 2017.

Pour encourager le développement de ces véhicules, il recommande de les intégrer systématiquement aux dispositifs d'aides au verdissement du parc automobile.

Entendu par le rapporteur pour avis, le chercheur Aurélien Bigo indique : « je souscris au constat et au fait qu'il faut intégrer ces véhicules dans l'ensemble des politiques publiques de mobilité, et en particulier celles qui concernent l'évolution des flottes de véhicules (bonus-malus, leasing, aides à l'achat, verdissement des flottes, etc.). Pour l'instant, ces politiques encouragent l'électrification, mais très peu la sobriété des véhicules, alors qu'il est indispensable de faire les deux en même temps »27(*). L'association AVELI, qui rassemble des fabricants, des industriels, des associations et des particuliers réunis autour de la volonté de développer les VELI, indique quant à elle que « si on instaure un malus sur les véhicules les plus lourds, il convient d'élargir le spectre de la mesure et d'inclure un bonus pour les véhicules les plus légers »28(*).

La commission, sur la proposition du rapporteur pour avis, a adopté un amendement visant à rendre les véhicules intermédiaires éligibles à l'ensemble des aides à l'acquisition de véhicules propres (bonus écologique, prime à la conversion et leasing social).

Dans le même esprit de sobriété énergétique, il a proposé de barémiser le dispositif de score environnemental du véhicule (ou « écoscore ») élaboré par l'Ademe et mis en place en 2024 pour conditionner l'éligibilité des véhicules aux aides à l'acquisition29(*), en prenant en compte le poids des véhicules et ce, de manière à subventionner plus fortement les véhicules légers que les véhicules électriques lourds.

De telles mesures incitatives permettraient de développer les VELI, dont le marché est pour l'heure assez marginal en volumes. Ainsi que le souligne le chercheur Aurélien Bigo, « la principale raison tient sûrement au fait que les constructeurs automobiles n'ont pas vraiment d'intérêt financier aujourd'hui à les développer, tel que le marché est organisé, régulé, ou telles que les incitations fiscales sont faites. Ils ont en effet bien plus de marge sur des véhicules plus gros, lourds, haut de gamme, de type SUV, que ne serait-ce que sur des petites voitures électriques ».

Il ajoute « craignant probablement une concurrence aux voitures (c'est la condition de leur intérêt environnemental que de se faire en remplacement de la voiture et non en addition) sur lesquelles ils ont plus de marges, les constructeurs n'ont pas forcément d'intérêt à initier ce mouvement vers ces véhicules plus sobres. Cela veut dire que les politiques publiques doivent modifier ce système d'incitations et de contraintes envers les constructeurs historiques s'il est souhaité qu'ils se mettent à produire des véhicules intermédiaires entre vélo et voiture. De la même manière que les constructeurs n'auraient pas été vers l'électrique sans incitations et contraintes importantes, ils n'iront pas vers des véhicules bien plus sobres si ce n'est pas piloté de manière ambitieuse par la puissance publique »30(*).

Dès lors, outre les évolutions proposées s'agissant des aides à l'acquisition, le rapporteur pour avis appelle à poursuivre les efforts réalisés dans le cadre de l'appel à projets eXtreme Défi lancé par l'Ademe en 2022 pour soutenir la structuration d'une filière industrielle de production de VELI. Selon l'Ademe, ce programme, qui s'achèvera en 2025, a permis la réalisation de 65 concepts de véhicules sur trois ans, la réalisation de près de 200 véhicules prototypes et un début d'industrialisation pour quatre premiers projets. Le rapporteur appelle à poursuivre ce programme d'accompagnement de la filière industrielle du VELI en devenir. L'Ademe estime à 150 M€ les besoins supplémentaires sur trois ans pour atteindre un objectif de commercialisation de 600 000 véhicules d'ici 2027.


* 23 Un amendement n°  I-2086 du Gouvernement a toutefois été adopté par le Sénat pour repousser cette échéance à 2027.

* 24 Source : Revue « Transports urbains », n° 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires.

* 25 Source : Revue « Transports urbains », n° 141 de septembre 2022 consacré à l'avenir des véhicules intermédiaires.

* 26 Source : The Shift Projet, Décarboner les mobilités dans les zones de moyenne densité, Rapport du groupe de travail dirigé par Francisco Luciano, 2017.

* 27 Source : réponse d'Aurélien Bigo au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

* 28 Source : réponse d'Aveli au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

* 29 L'écoscore évalue les émissions de CO2 liées à la fabrication du véhicule, à travers plusieurs composantes, notamment : le modèle du véhicule (nombre de places...), le lieu d'assemblage, le volume et le poids des matériaux, les caractéristiques de la batterie, le transport et la distance parcourue entre le lieu de production et le lieu de commercialisation.

* 30 Source : réponse d'Aurélien Bigo au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

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