B. AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES : ÉVITER UN COUP DE FREIN DRAMATIQUE POUR LE VERDISSEMENT DU PARC
1. 2025 : un effondrement de l'enveloppe dédiée aux aides à l'acquisition de véhicules propres
· Le PLF pour 2025 prévoit une forte baisse de moyens dédiés aux aides à l'acquisition de véhicules propres (bonus écologique, prime à la conversion et leasing social) l'année prochaine, qui passera de 1,5 Md€ en LFI pour 2024 à 970 M€ (- 530M€). En outre, si l'on prend en compte la sur-exécution des crédits intervenue en 2024 - du fait du succès inespéré du leasing social (qui a représenté 650 M€ de dépenses en 2024) et de la forte dynamique du bonus écologique - cette baisse pourrait même atteindre 876 M€.
À cet égard, Mobilians indique : « il est indispensable de tirer les enseignements de l'année 2024, marquée par des glissements budgétaires conséquents sur l'enveloppe dédiée au verdissement des véhicules. Rappelons que le budget alloué au leasing social, fixé à l'origine à 50 millions d'euros, a atteint 650 millions entre le 1er janvier et le 15 février 2024 (dont 275 millions sur l'abondement leasing - le bonus et l'apport leasing s'élevant à 13 000 euros par véhicule) sur une enveloppe de 1,5 milliards d'euros, impactant considérablement l'ensemble des autres dispositifs, avec des effets de bord donnant lieu à la suppression du bonus pour les personnes morales et à la baisse du bonus aux particuliers, dispositifs ayant pourtant largement fait leur preuve. »31(*)
Cette diminution brutale des financements risque de fragiliser l'atteinte des objectifs de verdissement du parc automobile et ce, alors que le marché doit se préparer à l'échéance de l'interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035 au sein de l'Union européenne.
La cible de 2035 nécessite que la part de marché des véhicules électriques en France atteigne 50 % en 2030 et 26 % dès l'année prochaine, alors qu'elle s'établit seulement, en 2024, à un peu plus de 17 %.
La Plateforme automobile (PFA) rappelle en effet que la trajectoire de verdissement du parc s'appuie sur la trajectoire du Contrat Stratégique de la filière automobile co-signé avec l'État, qui est elle-même basée sur celle du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), conformément aux graphiques ci-après :
Source : retour de la PFA au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
Note : le second graphique (droite) représente la part des véhicules électriques (VE) et des véhicules hybrides rechargeables (VHR) dans les immatriculations de voitures neuves de personnes physiques et morales.
Cet acteur précise « cette trajectoire, élaborée en concertation avec l'État, repose sur des engagements réciproques. D'une part, les constructeurs se sont engagés à proposer une offre de véhicules électriques, aujourd'hui largement disponible. D'autre part, l'État devait mettre en place des conditions favorables à leur adoption, notamment par le biais d'aides à l'achat et d'incitations fiscales. Or, au vu des orientations du PLF pour 2025, il apparaît presque certain que cette trajectoire ne pourra pas être respectée pour l'échéance de 2025 »32(*).
· En outre, le Gouvernement a annoncé le 14 novembre dernier la mise à l'arrêt de la prime à la conversion (PAC) l'année prochaine, un dispositif qui permet de soutenir l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion peu polluant en échange de la mise au rebut d'un ancien véhicule.
Or, les bénéficies environnementaux de la PAC ont été démontrés : selon le bilan économique et environnemental réalisé par le Commissariat général au développement durable en décembre 2023, en 2022, 35 tonnes d'émissions de particules fines et 120 000 tonnes d'émissions de CO2 ont pu être évitées grâce à ce dispositif (ce qui représente respectivement 43 et 19 M€ en termes monétaires) sur la base des données 2022.
Sa suppression viderait en outre de sa substance la loi d'avril 202433(*) visant à favoriser le réemploi des véhicules destinés à la PAC au profit de services de mobilité solidaire, issue d'une initiative sénatoriale, qui répond à une demande très forte des territoires, notamment pour soutenir les ménages touchés par la précarité mobilité en zone rurale. Son entrée en vigueur n'était pas encore intervenue, faute de publication du décret d'application.
Le rapporteur pour avis estime indispensable de maintenir les aides au verdissement du parc de véhicules à un niveau ambitieux. Il met en garde contre scénario similaire à celui rencontré récemment en Allemagne, où l'extinction brutale des aides au verdissement du parc de véhicules a conduit à une nette baisse des ventes de véhicules électriques et à une hausse, en conséquence, des ventes de véhicules diesel.
Outre le maintien des efforts en faveur du verdissement du parc de véhicules légers, il rappelle la nécessité de soutenir l'acquisition de véhicules lourds peu polluants. La Fédération nationale du transport routier (FNTR) indique qu'un poids lourd électrique demeure trois fois plus onéreux que son équivalent diesel. De même, l'UTPF alerte sur la nécessité de soutenir les AOM dans le verdissement de leurs flottes d'autobus, estimant que « le surcoût d'un bus diesel est de l'ordre de 200 000 euros »34(*) par rapport à un autobus électrique.
En outre, dans un esprit d'efficacité budgétaire et environnementale, il préconise de renforcer l'écoscore des véhicules propres mis au point par l'Ademe, à deux titres : d'une part, permettre une modulation des aides à l'acquisition de véhicules propres sur la base de cet écoscore - afin de subventionner plus fortement les véhicules les plus vertueux, ainsi que le propose Transport & Environnement35(*) - et, d'autre part, d'en étendre l'application aux aides à l'acquisition concernant les véhicules lourds, à commencer par le secteur des autobus et autocars propres qui sont soumis à une forte concurrence des pays asiatiques. En 2024, l'écoscore a en effet produit des effets vertueux tant au plan environnemental - qui doivent encore être évalués - qu'au plan industriel. Mobilians indique à ce titre « l'instauration du score environnemental a largement contribué à favoriser les véhicules produits en Europe et à réduire drastiquement la part des véhicules produits en Asie. »36(*)
2. Une ambition sociale des aides au verdissement des véhicules à renforcer via un ciblage plus efficace des publics
· La baisse des moyens alloués aux aides à l'acquisition de véhicules propres survient alors que les ménages auraient besoin d'un soutien volontariste pour aller vers la motorisation électrique, alors que le coût d'acquisition des véhicules électriques demeure prohibitif pour la majorité d'entre eux : pour rappel, le surcoût lié à l'achat d'un véhicule électrique est de l'ordre de 40 % à 50 % par rapport à un véhicule thermique.
La première édition du leasing social en 2024 - dispositif de soutien à la location de longue durée de véhicules électriques pour les ménages modestes - a d'ailleurs fait face à une forte demande : 50 000 commandes ont afflué dès les premiers jours du lancement du dispositif, si bien qu'il a dû être suspendu après seulement quelques semaines.
Pour poursuivre cette dynamique, le rapporteur pour avis jugerait pertinent d'augmenter de manière significative les moyens alloués au leasing social en 2025, afin de doubler la cible par rapport aux 50 000 véhicules mis en location en 2024. Pour permettre cette montée en charge, il conviendrait que la subvention par véhicule (qui était de l'ordre de 13 000 euros en 2024) soit revue à la baisse. Selon une note de Transport & Environnement, le Réseau action climat, l'UFC Que choisir et le Secours catholique, « ce montant semblait en effet élevé et peu justifié au regard des prix affichés, plus bas que ceux qui avait été annoncés : le montant des mensualités affichées démarrait à 49 euros contre une annonce initiale à 100 euros ».
Ce dispositif a néanmoins révélé certaines limites. Tout d'abord, selon la DGEC, sur les 50 000 bénéficiaires du leasing social en 2024, 60 % étaient issus des déciles de revenus 4 et 5, alors que la cible annoncée par le Gouvernement concernait des ménages plus modestes. Ensuite, il n'était pas ouvert aux personnes dépourvues d'emploi, qui sont pourtant parmi les plus touchées par les phénomènes de précarité mobilité. Enfin, la durée de la location, établie à trois ans, apparaît trop faible pour assurer l'efficacité du dispositif, comme le soulignent Transport & Environnement, le Réseau action climat, l'UFC Que choisir et le Secours catholique dans la note précitée.
Aussi, le rapporteur pour avis préconise d'apporter plusieurs évolutions de paramètres au leasing social dès l'année prochaine :
- rendre le dispositif accessible aux personnes sans emploi (notamment aux chômeurs, retraités et aux personnes éloignées de l'emploi) ;
- allonger la durée de location, par exemple à six ans.
- cibler plus efficacement les ménages modestes et les personnes résidant en zone rurale, compte tenu de l'importance de la dépendance à la voiture dans ces territoires où l'offre de transports collectifs est souvent lacunaire.
· Les véhicules électriques d'occasion constituent une piste intéressante de démocratisation de l'accès à la mobilité électrique. En outre, ainsi que l'a souligné l'Avere, quasiment 6 véhicules sur 7 en France sont achetés en occasion.
Cet acteur indique dans son baromètre du marché du véhicule électrique d'occasion publié en juin 2024 avec Mobilians que les voitures électriques d'occasion occupent encore une part marginale des ventes : « au premier semestre 2024, elles ont représenté 2 % des transactions totales sur le marché des voitures d'occasion, soit 28 682 unités sur un total de 1,335 million de transactions ». Dès lors, le rapporteur pour avis regrette la suppression, en 2024, de la possibilité pour les entreprises de bénéficier du bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique : le renouvellement des flottes des entreprises étant plus rapide que pour les ménages, le verdissement de leur parc constitue un important levier de développement du marché des véhicules électriques d'occasion.
Ce marché affiche néanmoins une dynamique positive en 2024 : 36 384 véhicules ont été vendus au troisième trimestre, soit une augmentation de 22 % par rapport au trimestre précédent.
Le rapporteur pour avis estime donc opportun de soutenir, via les aides à l'acquisition, l'achat de véhicules propres d'occasion. À cet égard, l'exclusion en 2024 des véhicules électriques d'occasion du champ du bonus écologique apparaît particulièrement préjudiciable.
La commission a adopté un amendement n° II-283, sur la proposition du rapporteur pour avis, visant à rétablir l'éligibilité des véhicules électriques d'occasion au bonus écologique, dans un objectif de démocratisation de l'accès aux véhicules électriques, au bénéfice des ménages les plus modestes.
* 31 Source : retour de Mobilians au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 32 Source : réponse de la PFA au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 33 Loi n° 2024-310 du 5 avril 2024 visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.
* 34 Source : réponse de l'UTPF au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 35 Source : réponse de Transport & Environnement au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.
* 36 Source : réponse de Mobilians au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.