CHAPITRE III
LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX TRANSPORTS
FERROVIAIRES, FLUVIAUX ET MARITIMES

Réunie le 20 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, Philippe Tabarot, a émis un avis favorable aux crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes inscrits au projet de loi de finances pour 2025, sous le bénéfice de l'adoption de six amendements en faveur du financement des infrastructures de transports et de l'offre de transports périurbaine et régionale.

La commission s'inquiète de la conjugaison, dans le PLF pour 2025, d'une baisse marquée des moyens alloués à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), et de la hausse de la pression fiscale sur les transports. Consciente de la situation dégradée des finances publiques, elle propose d'atténuer de moitié, par rapport aux prévisions figurant dans le PLF initial, la diminution des recettes fiscales affectées à l'Afit France via la TICPE. C'est en effet la seule solution pour éviter d'entrer dans une spirale de paupérisation du réseau ferroviaire et pour mener à bien sa régénération et sa modernisation.

Les collectivités territoriales font face à un mur d'investissements afin de déployer les services express régionaux métropolitains (Serm). La commission propose donc de relever le taux plafond de versement mobilité pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui ont obtenu la labellisation d'un projet de Serm. Ces chantiers, qui seront structurés autour d'une armature ferroviaire devront également être soutenus par les régions, qui subissent une hausse marquée des péages ferroviaires. La commission juge donc indispensable de créer un versement mobilité régional (VMR) afin qu'elles puissent mener de front leurs efforts en faveur des transports ferroviaires régionaux et leur implication dans les Serm.

La commission alerte par ailleurs sur la nécessité de consolider la trajectoire d'investissement de VNF en faveur du réseau fluvial et de respecter les engagements pris dans le COP s'agissant de la stabilisation de ses ETP. Elle estime impératif de soutenir la transition écologique des ports maritimes, conformément aux ambitions inscrites dans la Stratégie nationale portuaire (SNP). Enfin, si elle ne conteste pas la nécessité d'associer les armateurs français à l'effort de redressement des finances publiques, elle veillera à ce que cela ne fragilise pas gravement leur compétitivité.

I. FINANCEMENTS DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT : METTRE UN TERME À LA FUITE DES RECETTES

A. LES TRANSPORTS SONT PRIS DANS LE CISEAU DE LA HAUSSE DE LA PRESSION FISCALE ET DE LA BAISSE DE L'AFFECTATION DES RECETTES

Le financement par l'État des investissements en faveur des infrastructures de transport a lieu par l'intermédiaire de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). Cet acteur est lui-même financé par l'affectation de recettes fiscales et des crédits issus du plan de relance. Or, ses recettes sont en baisse. L'agence a en effet subi une diminution de près de 400 millions d'euros de fiscalité affectée en cours d'année par rapport à ce qui était prévu en loi de finances pour 2024. Ses ressources totales s'estiment donc, pour 2024, à près de 4,3 milliards d'euros, alors que leur montant initialement prévu était de plus de 4,6 milliards d'euros.

Pour 2025, les montants de recettes affectées à l'Afit France et des crédits budgétaires de l'agence sont évalués à 3,7 milliards d'euros. Certaines de ces recettes sont en outre incertaines, l'Afit France étant en effet la dernière attributaire des amendes radars. Cet affaissement des moyens de l'Afit France s'explique principalement par une chute d'un ordre de grandeur de 700 millions d'euros du montant de TICPE affecté à l'agence pour 2025 par rapport à 2024. Or, cette recette est assise en grande partie sur le secteur des transports. Cette désaffectation constitue donc une fuite des impôts payés par ce secteur vers le budget général de l'État.

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à limiter la diminution du montant de TICPE affecté à l'Afit France en 2025 prévue par le projet de loi de finances, en divisant par deux cette baisse, par rapport au niveau qui figurait en loi de finances initiale pour 202437(*).

Or, dans le même temps, le secteur des transports devrait subir une hausse marquée de la fiscalité, notamment à travers la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, mais également la contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime ainsi que la hausse souhaitée par le Gouvernement du tarif de solidarité sur les billets d'avion.

Ces nouvelles taxes ne seront malheureusement pas affectées au financement des transports, alors qu'elles sont directement assises sur ce dernier. Ainsi, alors qu'une fraction de tarif de solidarité est aujourd'hui affectée à l'Afit France, il est prévu que le produit de sa hausse éventuelle bénéficie uniquement au budget général de l'État.

Pour la commission, ce mouvement de ciseau, entre hausse de la pression fiscale et désaffectation des recettes, est, à long terme, contradictoire avec la nécessité d'assurer le report modal et la décarbonation des mobilités. Si on peut admettre que 2025 puisse faire figure « d'année blanche » compte tenu du contexte budgétaire contraint, elle doit rester une exception. La trajectoire de financement actuelle de l'Afit France s'inscrit en effet pour l'instant dans le scénario de « cadrage budgétaire » décrit par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI)38(*), et non dans le scénario de « planification écologique », qui est pourtant la feuille de route du Gouvernement en la matière.

Source : Conseil d'orientation des infrastructures (COI)

La conférence nationale sur le financement des mobilités annoncée par le ministre chargé des transports pour 2025 doit permettre de dégager de nouvelles recettes affectées en faveur des infrastructures de transport. Les recettes issues du marché carbone européen (SEQE-UE) assises notamment sur le secteur des transports et, à plus long terme, une part du produit des péages autoroutiers à la fin des concessions d'autoroutes en cours, pourraient ainsi être fléchées pour les transports.

Cette conférence devra permettre de préciser l'origine, la ventilation et le rythme d'engagement des 100 milliards d'euros de crédits du « Plan de nouvelle donne ferroviaire » présenté par Élisabeth Borne, alors Première ministre, en février 2023.


* 37 La commission a également adopté un amendement tendant à allouer dès 2024 aux communes et groupements de communes exerçant la compétence voirie une fraction égale à un douzième du produit prévisionnel de cette taxe, qui est affectée intégralement à l'Afit France. Cela devait représenter environ 50 millions d'euros.

* 38 COI, Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition

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