B. SERVICES DE TRANSPORT DE VOYAGEURS ET DE MARCHANDISES : NE PAS RATER LE VIRAGE DU REPORT MODAL
1. Transport ferroviaire de voyageurs : la hausse des péages poursuit inlassablement son emballement
Le trafic ferroviaire de voyageurs poursuit sa croissance. Selon les données transmises par SNCF Voyageurs au rapporteur pour avis, à la fin du mois de septembre 2024, par rapport à la même époque de l'année 2023, on observe une hausse de 5 % du trafic TGV et de 11 % du trafic TER (+9,3 % en neutralisant les effets des mouvements sociaux de 2023).
Source : ART
Cependant, la programmation des travaux ralentit ce mouvement. En effet, comme l'a indiqué l'ART41(*), entre 2015 et 2023, le nombre d'heures dédiées aux travaux sur une année sur le réseau ferré national a augmenté de 31 % alors que les moyens consacrés à la régénération du réseau ont diminué en euros constants sur cette même période. SNCF Réseau a en effet tendance à programmer ses travaux au meilleur coût pour le gestionnaire d'infrastructure, et n'est pas incité à prendre en compte les effets sur les entreprises ferroviaires.
Les entreprises de transport ferroviaire subissent une augmentation des péages ferroviaires versés au gestionnaire d'infrastructure. Les redevances versées à SNCF Réseau devraient ainsi augmenter de 6 % (+1,7 % correspondant à l'inflation prévisionnelle pour 2025, +4,3 % correspondant au terme fixe visant à accélérer la couverture des coûts de SNCF Réseau) entre 2024 et 2025 pour le transport ferroviaire conventionné. Pour le TGV, cette hausse est de 2,5 %.
Ces hausses prévues en 2025 s'inscrivent dans une dynamique durable, de plus d'une décennie, qui devrait, en l'état actuel du droit, se poursuivre. La France est ainsi le pays avec le niveau de péages ferroviaires le plus élevé d'Europe. Aujourd'hui, les péages représentent près de 40 % d'exploitation du TGV. Régions de France a même estimé que ces péages représentaient environ 86 % du prix payé par un voyageur pour un billet de TER en 2022.
Part des péages dans les coûts
d'exploitation d'un TGV
exploité par SNCF Voyageur
Source : SNCF Voyageurs
Cette augmentation du niveau des péages ralentit le processus de report modal vers le transport ferré, limite la capacité des régions à augmenter leur offre de service et fragilise l'ouverture à la concurrence du secteur alors que la demande, en hausse, n'est pas pleinement satisfaite par l'offre ferroviaire actuelle. La commission réitère donc son constat sur la nécessité d'affecter de nouveaux moyens de financement du réseau, qui ne peut être porté uniquement par les opérateurs ferroviaires.
Comme l'a indiqué l'Association française du rail au rapporteur pour avis, « cette tarification élevée représente un frein réel au développement de nouveaux services et plus généralement au développement du ferroviaire. L'augmentation des coûts d'accès impacte directement la rentabilité et la compétitivité des services, rendant l'ouverture à la concurrence plus difficile ».
En outre, plusieurs régions ont lancé concomitamment des appels d'offres pour exploiter des lignes de transport express régional (TER). Si ce mouvement devrait permettre de favoriser l'intensité concurrentielle du secteur, les nouveaux entrants risquent de ne pas être capables de répondre simultanément à un grand nombre d'appels d'offres.
Selon SNCF Voyageurs, ce processus d'ouverture à la concurrence « remet en cause la péréquation économique entre dessertes rentables et déficitaires qui permettait jusqu'à présent à TGV d'irriguer le territoire », car les nouveaux entrants se positionnent sur les marchés à haut potentiel.
Pour la commission, les moyens qui permettraient d'éviter une dégradation du service sur les lignes les moins rentables doivent être étudiés :
- une modulation des péages ferroviaires en fonction de la rentabilité des sillons ;
- l'attribution de sillons par lots comprenant des dessertes plus ou moins rentables.
Enfin, l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est supervisée par un régulateur indépendant, l'Autorité de régulation des transports (ART). Or, l'insuffisance de sa dotation de fonctionnement, qui est de 15 millions d'euros, pourrait l'empêcher d'assumer convenablement l'ensemble de ses missions. Le rapporteur pour avis alerte le Gouvernement sur cette situation regrettable.
2. Fret ferroviaire : relancer une filière marquée une conjoncture difficile
L'année 2023 a été marquée par des difficultés conjoncturelles prononcées (grèves liées à la réforme des retraites, effondrement du tunnel de la Maurienne), une chute de 17 % du trafic (en tonnes par km) et une forme de report modal inversé vers le transport routier. L'année 2024 devrait cependant amorcer un début de retour à la normale pour le fret ferroviaire, qui pourrait retrouver en 2025 son niveau de 2022. L'atteinte de l'objectif d'un doublement de la part modale du fret ferroviaire introduit par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 d'ici 2030 n'est cependant pas encore en vue.
Toutefois, la filière doit faire face à des problèmes structurels, notamment la qualité et la fiabilité du réseau et la hausse du coût de l'énergie. Le rapporteur pour avis appelle donc à la vigilance sur l'impact des interruptions de trafic consécutives aux travaux sur le réseau, qui doit être limité pour les trains de fret.
La commission accueille avec satisfaction le passage de l'aide à l'exploitation des services de wagons isolés de 70 millions d'euros en 2024 à 100 millions d'euros en 2025. Cependant, elle regrette que cette hausse ait été pour partie faite au détriment de l'aide au démarrage de nouveaux services, dont le montant diminue de 16 millions d'euros en 2025.
La commission ne peut que prendre acte du déploiement du plan de discontinuité de fret SNCF, qui a amené, d'une part, le transfert de certains flux de Fret SNCF vers d'autres entreprises ferroviaires et, d'autre part, à la scission de l'entreprise en deux entités, Hexafret pour le transport de marchandises, et Technis pour la maintenance des locomotives. Cette solution était la « moins mauvaise » sur ce dossier, compte tenu du risque de faillite de l'entreprise dans l'hypothèse d'une absence d'accord avec la Commission européenne.
* 41 Avis n° 2024-009 du 1er février 2024 relatif au document de référence du réseau ferré national pour l'horaire de service 2024 modifié et 2025