II. RENFORCER LA PRÉSENCE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES : UN BILAN ET DES AMBITIONS À CONFORTER
A. UNE STABILITÉ DES MOYENS QUI NE DOIT PAS COMPROMETTRE LES AVANCÉES RÉALISÉES
Après une période marquée par la suppression de 4 700 équivalents temps plein (ETP) dans les préfectures entre 2010 et 2020, une démarche de renforcement du réseau territorial a été amorcée par la Lopmi, fruit de la création de 143 nouveaux emplois sur deux ans. À cela se sont ajoutées des créations de postes supplémentaires pour soutenir les politiques publiques prioritaires8(*). Au total, ce sont donc 204 emplois qui ont été créés sur la période 2023-2024. L'évolution du taux d'administration par département, comptabilisant le nombre d'agents pour 1 000 habitants, témoigne de cette dynamique positive.
Évolution entre 2015 et 2024 du
taux d'administration des départements
(sous-préfectures
comprises)9(*)
Pour l'année 2025, le plafond d'emplois est fixé à 29 448,09 équivalents temps plein travaillé (ETPT), avec une diminution de 182,34 ETPT. Cette baisse s'explique en grande partie par les mesures d'économies de 22 millions d'euros mises en oeuvre au cours de l'année 2024, avec, d'une part, l'imposition d'un délai de vacance de trois semaines avant le remplacement de certains postes et, d'autre part, le renoncement au recrutement de 55 des 77 experts de haut niveau et de 21 des 45 agents destinés aux PFRH initialement prévues par la loi de finances pour 2024.
La diminution du plafond n'affecte toutefois pas le nombre d'emplois réels, qui devrait rester stable entre 2024 et 2025. Seule la suppression d'un ETP liée à la fin d'un projet temporaire à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Mayotte est prévue.
Consciente des contraintes budgétaires actuelles, la rapporteure tient à souligner que la stabilisation prévue des effectifs pour 2025 doit demeurer temporaire et ne pas marquer un renoncement à la dynamique engagée, visant à la création de 350 emplois d'ici 2027. Des moyens humains supplémentaires sont, en effet, indispensables pour permettre à l'administration déconcentrée de continuer à remplir, sans entrave, les missions prioritaires qui lui sont confiées.
B. UN RENFORCEMENT TANGIBLE DE L'ANCRAGE TERRITORIAL
Le renforcement des effectifs prévu dans le cadre de la Lopmi est destiné à accompagner la mise en oeuvre effective des principales missions des préfectures. La rapporteure relève, à cet égard, des avancées en faveur d'un meilleur ancrage territorial des services déconcentrés, tant auprès des populations qu'auprès des acteurs locaux. Elle souligne néanmoins l'existence de fragilités persistantes, en particulier du fait d'un retard dans l'appropriation de ces nouvelles missions et de moyens humains encore insuffisamment consolidés.
1. Les relations avec les élus : mieux relier les territoires
Lors de son audition par la rapporteure, Jean-François Debat, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), a souligné une attention accrue des services déconcentrés envers les collectivités. Selon une enquête réalisée fin 2023 par le ministère de l'intérieur sur l'application du référentiel « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 », la majorité des préfectures ont, en effet, mené des actions pour valoriser et mieux mobiliser les services et agences dédiés à l'appui territorial.
En particulier, 79 préfectures interrogées ont indiqué avoir intensifié le recours à l'expertise technique des directions départementales interministérielles. En outre, 55 préfectures ont mis en oeuvre des actions locales pour rendre plus lisible l'offre d'ingénierie des services déconcentrés de l'État.
Cette ambition de simplification et de proximité administrative a été réaffirmée par le décret n° 2024-97 du 8 février 2024 relatif au rôle du délégué territorial de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Désormais, le préfet de département, agissant en qualité de délégué territorial de l'ANCT, est habilité à décider de la mise en oeuvre de certaines prestations d'ingénierie proposées par l'Agence, dans les limites d'une enveloppe financière. Il peut ainsi instruire les demandes et conclure les conventions avec les collectivités, favorisant une approche plus adaptée à leurs besoins spécifiques.
Toutefois, le retard accumulé a eu des conséquences sur le déploiement de l'expertise de l'État dans les territoires. Comme l'a mis en évidence l'AMF et l'ont confirmé des observations de terrain en Eure-et-Loir, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont, dans de nombreux cas, suppléé l'État déconcentré dans l'accompagnement et le conseil aux territoires. Les services offerts par les préfectures, peinant à démontrer leur plus-value, ne sont en conséquence plus spontanément sollicités par les collectivités.
Dans ce contexte, la rapporteure tient à mettre en avant l'initiative des préfectures du Loiret et de l'Essonne, qui ont instauré un guichet unique d'ingénierie territoriale en partenariat avec le conseil départemental. En privilégiant une logique de complémentarité plutôt que de duplication des efforts, ce dispositif contribue à améliorer la pertinence et l'efficacité des services proposés aux communes.
2. L'accueil du public et le réseau France Services : bâtir des services au plus près des citoyens
À ce jour, 41 sous-préfectures (+ 5 depuis août 2023) et 5 préfectures (+ 4 depuis août 2023) ont obtenu le label France Services, illustrant une sensible avancée dans la structuration de l'accueil de proximité.
Compte tenu du volume de démarches que représentent les demandes de titres sécurisés, le ministère de l'intérieur se positionne, par ailleurs, parmi les principaux financeurs du Fonds National France Services (FNFS). Pour l'année 2024, sa contribution représente 13,92 % du montant total, soit 7,04 millions d'euros contre 5,05 millions d'euros en 2023. Cette participation est prévue pour atteindre 7,16 millions d'euros en 2025.
Par ailleurs, la modernisation de l'accueil du public a pris une nouvelle forme avec l'implantation des Points d'Accueil Numériques (PAN) dans toutes les préfectures et 145 sous-préfectures. Ces dispositifs, qui ont permis d'accompagner 336 000 usagers en 2023, témoignent d'un effort pour combler les inégalités d'accès induites par la dématérialisation des démarches administratives.
Cependant, cette montée en puissance se heurte à une réalité organisationnelle contraignante. La réduction des effectifs au fil des ans, malgré les apports de la Lopmi, a intensifié la charge de travail sans offrir de véritables marges de manoeuvre. Huit sous-préfectures ne sont toujours pas en mesure de recevoir les usagers. La moitié des sous-préfectures opèrent avec moins de 10 équivalents temps plein (ETP).
Aussi, l'exigence de la présence continue de deux agents au sein d'un espace France Services reste un frein majeur, obligeant un tiers des sous-préfectures labellisées à recourir à des partenariats externes pour disposer de personnels.
* 8 Il s'agit de 22 experts de haut niveau (EHN) pour des missions spécialisées ; 24 postes dédiés au pilotage régional des ressources humaines via des plateformes RH (PFRH) et 15 postes pour renforcer l'évaluation de l'encadrement supérieur.
* 9 Sur la base de 100 départements (les données étant manquantes pour Mayotte).