II. UN BUDGET SOUCIEUX DE SOUTENIR L'ACCÈS AUX DROITS ET DE LA TRANSPARENCE DE L'INFORMATION PUBLIQUE, EN PARTIE GRÂCE AUX EFFORTS MENÉS EN MATIÈRE DE NUMÉRISATION DE L'ACTION ADMINISTRATIVE
A. UN RENFORCEMENT DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE LA TRANSPARENCE ET DE L'ACCÈS AUX DROITS, NOTAMMENT GRÂCE AU DÉVELOPPEMENT DU NUMÉRIQUE MAIS DONT LA NOTORIÉTÉ DEMEURE TROP FAIBLE
1. Un budget axé sur les préoccupations d'accès aux droits et à la transparence de l'information publique
Le rapporteur salue la mise en oeuvre du plan d'action national 2024-2026 pour un Gouvernement ouvert. Parmi les actions qui ont vocation à être menées ou poursuivies, la Dinum déploie, par l'intermédiaire de son département ETALAB, un programme ambitieux de mise à disposition des données publiques et joue un rôle d'impulsion auprès des ministères en faveur de la numérisation de l'accès aux services publics.
Dans le même esprit, la plateforme documentation-administrative, pilotée par la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre, tend à renforcer l'information du public en rendant davantage compte de l'action des services du Premier ministre et des autorités administratives indépendantes. Elle facilite la mise à disposition en données ouvertes (open data) des documents produits et détenus par les services de l'État et répond ainsi au droit d'accès des citoyens aux documents administratifs.
En termes de transparence et d'ouverture des données, la France se classe première parmi les pays européens. À ce titre, le numérique contribue fortement à l'objectif de confiance des citoyens dans l'action publique.
La Dila joue également un rôle essentiel dans cette politique via ses différents sites comme Légifrance, Service public et Vie publique. Davantage que favoriser l'accès aux droits, les actions menées par la direction vise à favoriser l'accès au droit et à simplifier son approche, notamment par l'intermédiaire de démarches de vulgarisation, à destination de publics qui pourraient faire preuve d'appréhension face à la complexité de l'ordre normatif français et européen.
Dans le même temps, l'ouverture par la Cnil, le 1er décembre 2022, d'un téléservice permettant de recueillir les demandes d'exercice des droits indirects est plébiscitée par le public. Cette évolution a entraîné une hausse de 220 % des demandes reçues par la Cnil (23 677 en 2023 contre 6 555 en 2022) et qui devrait continuer à croître en 2025.
Le Défenseur des droits, qui documente régulièrement, à travers le traitement de ses réclamations et la publication de rapports et études, les principaux obstacles dans l'accès aux droits, s'apprête à lancer la deuxième édition de sa grande enquête sur ce sujet. Il reviendra sur les difficultés rencontrées en matière d'accès aux droits et leur évolution, notamment pour les publics précaires et vulnérables. La précédente enquête, présentée en 2017, a mis en exergue, parmi les autres constats, qu'au sein des personnes évoquant des difficultés pour résoudre un problème, la difficulté à contacter un correspondant est le plus fréquemment rapporté. Aussi, une personne sur trois cite le manque d'information que ce soit en termes de facilité d'accès à celle-ci ou de recours à l'encontre d'une décision de l'administration.
2. Une progression des programmes numériques mais dont la pleine exécution est menacée par une baisse des dépenses
L'année 2025 se caractérise par la mise en oeuvre de nombreuses initiatives numériques pour renforcer l'accès aux droits et la transparence de l'action publique.
À ce titre, trente postes ont été
transférés à la Dinum pour 2025 afin d'amplifier le
programme « Entrepreneurs d'intérêt
général » et de soutenir les projets
numériques des ministères. Cette mesure s'inscrit dans le sillage
de la stratégie numérique de l'État, publiée en
mars 2023, qui souligne la nécessité d'améliorer
l'attractivité des métiers numériques de l'État et
d'internaliser les compétences clefs dans les domaines numériques
(pilotage stratégique, direction technique, etc.). En la
matière, le rapporteur salue la volonté
de la Dinum pour 2025
de réduire le recours aux prestataires
extérieurs et de réinternaliser certaines
fonctions en vue d'améliorer sa réactivité et son
adaptabilité face aux besoins grandissants des administrations.
Dans la même optique, la Dila développe des programmes numériques à l'instar de l'éditeur légistique Edile expérimenté à partir de 2023 et dont l'utilisation s'étend progressivement à tous les ministères. La finalité du projet, dont l'aboutissement est prévu d'ici la fin de l'année 2025, consiste à interfacer Edile avec l'application Solon, qui gère le processus de validation des textes normatifs, et à permettre une production automatique de projets de textes conformes aux règles légistiques et aux formats de diffusion. Les retours des utilisateurs sont encourageants, présentant l'outil comme ergonomique et intuitif et permettant un gain de temps important.
Cependant, le rapporteur met en garde contre le sous-financement de certains programmes numériques qui risquerait d'obérer l'efficacité escomptée.
À cet égard, la Cnil a évalué avoir besoin de trois emplois supplémentaires dès 2025 et 200 000 euros de crédits de fonctionnement en plus, ainsi qu'un financement progressif jusqu'en 2027, pour un total cumulé de 400 000 euros et cinq emplois. À ce jour, ni ces emplois ni ces crédits n'ont été accordés pour 2025, laissant la mission « cyber filtre » sous-financée.
Au vu des nombreux efforts déployés par la Cnil pour optimiser l'utilisation de ses ressources, remettre en cause les moyens accordés à cette institution apparaît préjudiciable. La Cnil se retrouverait ainsi dans l'incapacité de mener à bien la totalité de ses missions, notamment répressives qui représentent une source de recettes d'en moyenne 118 millions d'euros par an au budget de l'État.
La situation est également préoccupante pour les autres entités du programme 308, menacé par un gel des crédits. La HATVP a par exemple indiqué qu'elle risquerait d'accuser un retard dans la mise en oeuvre des deux registres « influence étrangère » créés par la loi du 25 juillet 2024.
Parallèlement, le rapporteur souhaite alerter sur le risque que représente le « tout numérique ». Il partage le constat du Défenseur des droits qui recense parmi les principaux obstacles dans l'accès aux droits la fermeture de guichets des services publics associée à la dématérialisation des démarches administratives. Par ailleurs, il redoute que la dégradation des relations entre l'administration et les usagers, susceptible de créer un climat de défiance d'une part et de suspicion de l'autre, ne crée des situations de rupture de droits ou de non-recours. En ce sens, il apparaît opportun que la présence de terrain des services publics, avec notamment les maisons France Services, soit maintenue. À cet égard, le rapporteur aspire à ce que les agents soient davantage formés par les différentes entités vers lesquelles ils renvoient en cas de complexité des réponses à apporter (caisses d'allocations familiales, directions régionales des finances publiques, etc.).
3. Les actions menées souffrent d'un déficit de notoriété auprès du grand public et s'adressent encore trop peu aux collectivités locales
Le rapporteur exprime le souhait de voir les administrations de la mission déployer davantage leurs actions auprès des collectivités territoriales, y compris les plus petites structures, encore trop éloignées de ces politiques. Dans cette perspective, il estime bienvenue la création du programme Transformation numérique des territoires (TNT), lancé en 2021 et piloté par la Dinum, pour une durée de trois ans. Ce programme constitue le principal programme de coopération État - collectivités en matière d'administration numérique et vise à former au numérique les agents territoriaux afin de garantir une meilleure utilisation des données et le déploiement de l'intelligence artificielle au sein des administrations locales.
Dans le même esprit, des institutions comme le Défenseur des droits entendent accroître leurs actions en lien avec les collectivités, notamment à travers le déploiement du réseau territorial et des partenariats en poursuivant « l'aller-vers » les publics les plus éloignés du droit. Ces initiatives rejoignent les constats de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui souligne que la mise en oeuvre effective des droits fondamentaux se heurte à l'inégale répartition des ressources et des moyens entre les territoires.
Dans le cadre de sa mission de conseil aux pouvoirs publics, la Cnil accompagne elle aussi les collectivités territoriales dans leur mise en conformité au RGPD, notamment sur les aspects cyber. Ainsi, elle produit des contenus dédiés aux collectivités et entretient des liens privilégiés avec les trois grandes associations d'élus locaux (Association des maires de France, Régions de France et Départements de France).
Les grands axes de collaboration sont, d'une part, la sensibilisation des élus et le rôle d'interface des associations dans la centralisation des problématiques récurrentes et, d'autre part, l'accompagnement via des réponses à des demandes de conseil. Dans cette perspective, la Cnil a également lancé un appel à projets à destination, entre autres, des collectivités territoriales sur des projets impliquant l'usage de l'intelligence artificielle dans le cadre de services publics, en particulier pour améliorer la qualité du service rendu, faciliter leurs accès et soutenir la performance des agents.
Le MOOC (massive open online course7(*)) produit par la Cnil s'est enrichi d'un nouveau module consacré aux collectivités territoriales composé de quinze thématiques parmi lesquelles les sujets relatifs aux téléservices, aux registres d'alerte et de protection des populations ou aux rançongiciels. Environ 35 000 utilisateurs se sont connectés à ce nouveau module, ce qui représente un taux élevé de suivi pour une formation à distance.
Le rapporteur regrette néanmoins le déficit de notoriété de ces acteurs tant auprès des élus et des collectivités qu'auprès du grand public. Il salue dès lors les opérations visant à accroître leur visibilité comme c'est le cas de la Cnil avec sa stratégie d'interventions hors d'Île-de-France, sous la forme des journées RGPD, organisée dans une collectivité différente chaque année. Elle a aussi noué un partenariat éditorial avec la revue Maires de France visant à valoriser ses ressources au travers de la publication de fiches pratiques renvoyant aux documents sources ou traiter les problématiques juridiques soulevées par les remontées de terrain.
Aussi, le Défenseur des droits prévoit en 2025 de faire connaître à l'ensemble des responsables publics ses recommandations visant à assurer un meilleur respect des droits des usagers par les administrations et de mener une grande opération « hors-les-murs » intitulée « Place aux droits ! » dans un département à dominante rurale. Il souligne que la notoriété du nouveau cadre juridique protégeant les lanceurs d'alerte reste à construire.
Le CGLPL entend quant à lui profiter de la diffusion de son nouveau logo fin 2024 pour entamer une campagne d'affichage et accroître sa notoriété.
* 7 En français, « cours en ligne ouvert à tous ».