B. ... AU DÉTRIMENT DES AUTRES POSTES D'INVESTISSEMENT...
L'augmentation globale du budget hors titre 2 (c'est-à-dire hors salaires) du P152 n'étant que de 33 M€ - et l'augmentation du budget d'investissement de 62 M€ - l'effort porté sur l'immobilier (+104 M€) s'est inévitablement opéré au détriment des autres postes d'investissement.
1. Moyens mobiles : un vieillissement inquiétant du parc
Comme vos rapporteurs l'ont relevé dans leurs précédents avis sur le programme 152, l'investissement dans les moyens mobiles, et notamment les véhicules légers, a subi une forme de « stop and go » : au cycle faste de 2020-2022, où les acquisitions ont bénéficié de l'apport des crédits du plan de relance, a succédé un étiage en 2023-2024. Le timide rebond de 2025 - avec 2 000 acquisitions de véhicules légers, alors qu'il en faudrait 3 750 pour maintenir l'âge du parc à un niveau constant3(*) - n'aura pas duré, puisque 2026 sera une année maigre : les 23,7 millions en autorisations d'engagement et 49,2 millions en crédits de paiement, permettront d'acquérir 600 véhicules, ce qui est tout à fait insuffisant, d'autant que les nouveaux véhicules sont prioritairement affectés aux nouvelles brigades.
Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la gendarmerie nationale
Le graphique ci-dessus illustre le phénomène de « stop and go » : un fort renouvellement du parc entre 2016 et 2022, puis une chute dans les années suivantes.
Conséquence : en 2025, plus de la moitié des 26 800 véhicules légers du parc sont maintenus en service alors qu'ils ont atteint l'un des deux critères de réforme (8 ans d'activité ou 200 000 km parcourus).
À cela s'ajoute un problème de fiabilité moteur des véhicules livrés entre 2020 et 2022 grâce aux crédits du plan de relance. Non seulement le vieillissement du parc dégrade inévitablement les performances des véhicules et augmente leur taux d'indisponibilité, mais il alourdit également les charges d'entretien et de réparation (37,6 M€ dans le PLF pour 2026).
2. Hélicoptères : la cote d'alerte
Les moyens aériens sont une part importante de l'action de la gendarmerie, car ils assurent la surveillance du territoire et la projection de forces, voire le ravitaillement, dans les zones difficiles (montagne, littoral, territoires isolés d'outre-mer). A la date du 1er janvier 2025, la gendarmerie nationale disposait de 56 appareils, dont :
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15 EC145 (assistance et protection des populations en milieu hostile - mer, montagne -, projection tactique de forces), |
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Crédits photo : VanderWolf Images - stock.adobe.com |
15 EC135 (observation, recherche et renseignement), |
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Crédits photo : Charles LIMA - stock.adobe.com |
26 AS350 « Écureuil » (missions de sauvetage, en plaine et sur le littoral). |
Mais le grand âge des Écureuil, qui atteint 40 ans, signifie que l'ensemble de la flotte doit être réformée entre 2028 et 2030. Les EC145 sont eux aussi relativement proches de la réforme, prévue aux alentours de 2035. De plus, 8 appareils ont d'ores et déjà été retirés du service en raison du coût trop élevé de leur remise à niveau ; au 31 juillet 2025, 14 appareils étaient immobilisés pour maintenance, ce qui signifie qu'en réalité, 34 appareils seulement étaient fonctionnels.
La gendarmerie a bien entamé le renouvellement de sa flotte, notamment avec le contrat de livraison de 10 H160 auprès d'Airbus Helicopters, qui a pris d'importants retards : leur livraison sera échelonnée entre 2025 et 2028. Par ailleurs, la gendarmerie était partie à un contrat signé en 2023, conjointement à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), aux termes duquel elle percevra six appareils H145 (toujours entre 2025 et 2028), dont deux seront affectés aux missions de lutte contre l'immigration illégale et clandestine (LIIC) sur le littoral du Pas-de-Calais (mission Sandhurst).
Ces livraisons ne suffiront pas à compenser l'obsolescence prochaine des Écureuil et EC145 : c'est pourquoi il est impératif d'affermir avant début 2027 par un ordre de service la tranche supplémentaire de 22 H145 prévue dans le cadre du contrat signé avec Airbus Helicopters - faute de quoi les conditions prévues par le contrat seront caduques. Au vu du coût de l'opération (355 M€), cela représente un défi budgétaire majeur.
Le vieillissement du parc a d'ores et déjà des conséquences opérationnelles tangibles :
· un taux de disponibilité en forte baisse : de 71% en 2017 à 54% en 2024 pour les Écureuil, de 74% à 69% pour les EC145. Plusieurs fermetures temporaires de sections aériennes de gendarmerie ont déjà eu lieu, en raison de l'absence d'appareils de remplacement le temps d'effectuer les réparations nécessaires sur les Écureuil.
· une véritable explosion du coût du maintien en condition opérationnelle qui, après être resté à peu près stable entre 2012 et 2022 (autour de 20 M€), atteindra 63,5 M€ en 2026.
· des baisses de performance notables, particulièrement pénalisantes en outre-mer (voir la seconde partie de ce rapport), voire dangereuses dans le cas des Écureuil mono-turbine (c'est-à-dire dotés d'un seul moteur).
3. Un équipement qui laisse à désirer
Enfin, l'équipement des gendarmes n'est plus au niveau. La mise en place de la nouvelle plateforme d'équipement Uniforces, commune à police et à la gendarmerie, s'est traduite par de nombreux dysfonctionnements (retards et erreurs de livraison notamment) dont la presse s'est fait l'écho. Vos rapporteurs ont également pu recueillir des témoignages de gendarmes faisant état de la vétusté de leurs équipements : kits de dépistage insuffisants, casques et gants dégradés, etc.
Plus préoccupant encore, les armées s'apprêtent à mettre fin au soutien des fusils d'assaut Famas, remplacés dans l'armée de Terre par le HK416 dès 2017 mais toujours utilisés par la gendarmerie. Cela contraindra la gendarmerie, dès 2026, à « cannibaliser4(*) » ses propres fusils, réduisant ainsi graduellement le nombre de Famas opérationnels. Il est donc indispensable que leur remplacement soit engagé au plus tôt, or rien n'est prévu à ce sujet dans le PLF pour 2026.
* 3 Les véhicules sont remplacés après 8 ans ou 200 000 km parcourus. On considère donc qu'il faut remplacer un huitième du parc, soit 3 750 véhicules, tous les ans pour le maintenir à niveau.
* 4 Cannibaliser un équipement ou un appareil consiste à l'utiliser comme réserve de pièces détachées afin de réparer d'autres équipements ou appareils.





