C. ... TANDIS QUE LA PROGRESSION DES EFFECTIFS NE SUIT PAS LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOPMI

1. Les 400 nouveaux postes iront aux 58 nouvelles brigades, et l'année blanche de 2025 n'est pas compensée...

Vos rapporteurs avaient déploré le schéma d'emplois nul dans le PLF pour 2025 - aucun effectif supplémentaire, ce qui avait mis en pause le déploiement des 239 nouvelles brigades prévu par la Lopmi entre 2023 et 2027. Les 400 effectifs supplémentaires qui devaient normalement armer les 58 brigades déployées en 2025 seront donc créés en 2026 : il n'y aura pas de rattrapage, et l'on peut considérer que la trajectoire de la Lopmi est cassée. Il est en effet, à ce stade, très peu probable que l'ensemble des brigades aient été déployées à l'issue de la programmation Lopmi, sauf à déployer la centaine de brigades restantes sur la seule année 2027.

Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la gendarmerie nationale

Si le déploiement des brigades peut sans doute souffrir une ou deux années de décalage, il faut néanmoins tenir compte de ce que cela peut représenter pour les collectivités territoriales concernées, dont certaines avaient déjà mis à disposition des locaux pour les brigades attendues. Il faut également avoir à l'esprit que la non-mise en oeuvre de la trajectoire prévue par la Lopmi est, pour les collectivités mais aussi pour les gendarmes eux-mêmes, une brèche dans la confiance accordée à la parole de l'État.

2. ... ce qui risque d'aggraver les trous à l'emploi...

La réflexion sur les effectifs de la gendarmerie ne se limite pas au déploiement des nouvelles brigades. En effet, au-delà de ce déploiement, les brigades existantes sont confrontées à des « trous à l'emploi » d'autant plus sensibles que l'année 2024 a été marquée par deux événements exceptionnels - les Jeux olympiques et paralympiques et les émeutes de Nouvelle-Calédonie - qui ont très fortement sollicité, voire sur-sollicité la gendarmerie nationale.

Comme nous le verrons dans la seconde partie de ce rapport, ce sur-emploi persiste en Nouvelle-Calédonie, où la gendarmerie mobile reste déployée à un niveau supérieur à la normale. Cela signifie qu'elle ne peut assumer pleinement les missions pour lesquelles elle est ordinairement sollicitée, notamment les renforts estivaux sur le littoral et hivernaux en montagne : ce sont alors la gendarmerie départementale, et les réserves, qui sont mises à contribution, avec un impact sur les brigades.

3. ...et que la gendarmerie est confrontée à une diversification de ses missions

Vos rapporteurs avaient déjà relevé lors du précédent avis budgétaire que la gendarmerie n'a pas retrouvé le taux de couverture territoriale qui était le sien jusqu'à la mise en oeuvre de la RGPP, au contraire de la police nationale.

Or la gendarmerie fait face à une délinquance croissante et de plus en plus diversifiée, et s'organise en conséquence pour y répondre :

· contre les violences intrafamiliales (VIF), la mise en place d'un réseau de référents VIF dans chaque brigade et celle de 100 maisons de protection des familles (VIF) ;

· contre le narcotrafic, phénomène qui se diffuse dans les petits centres urbains et les campagnes5(*), la mise en place, à compter du 1er septembre 2025, de l'Unité nationale de police judiciaire, dotée de 1 100 gendarmes, qui s'opère à effectifs constants ;

· pour faire face à la crise de Nouvelle-Calédonie, où la présence de gendarmerie reste bien supérieure à son niveau habituel (voir la seconde partie du rapport).

· enfin, la gendarmerie pourrait être amenée, dans un avenir proche, à renforcer sa présence autour des sites sensibles et à renforcer son action de lutte anti-drones, dans le cadre de la défense opérationnelle du territoire.

Malgré la vraie satisfaction que constitue la relance de l'investissement immobilier, l'équipement est en souffrance (véhicules, hélicoptères, mais aussi Famas). À terme, la gendarmerie pourrait devenir la force de sécurité la plus mal équipée, alors que l'armée de Terre a reçu de nouveaux matériels pour remplacer les Famas, et que la police bénéficie d'un effort important d'investissement, dans le PLF pour 2026, à la fois sur l'immobilier et sur les véhicules. Or son rôle est central dans la couverture du territoire et la réaction aux crises, en particulier dans les outre-mer.


* 5 Le fait a été abondamment documenté dans le rapport de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (rapport n° 588 (2023-2024) déposé le 7 mai 2024 par MM. Jérôme Durain président, et Étienne Blanc, rapporteur).

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