II. BOURSES, AESH : UN SYSTÈME DIFFICILE À SUIVRE ET À PILOTER

A. LA BAISSE DE L'ENVELOPPE DES BOURSES SCOLAIRES SUIT LA BAISSE DU NOMBRE DE BOURSIERS

Les bourses scolaires allouées aux élèves du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger concentrent l'essentiel des baisses de ce programme, à -4,9 M€ pour s'établir à 104,5 M€2(*).

 

2020

2021

2022

2023

2024

Dotation en LFI (en M€)3(*)

105,31

104,75

95,52

105,75

120,5

Dotation effectivement allouée à l'AEFE (après gel, mise en réserve...) (en M€)

140,8

80,5

83,8

105,75

107,61

Enveloppe effectivement distribuée (en M€)

89,24(*)

102,6

114,3

110

105,6

Nombre de bénéficiaires

24 786

24 864

24 810

23 790

22 074

Montant moyen de la bourse allouée5(*)

4 382

4 700

4 465

5 706

6 000

Source : DFAE

C'est donc une diminution marquée, qui est toutefois difficile à replacer dans une évolution plus générale en raison des différences entre les montants votés en LFI et les montants effectivement distribués, illustrée par le tableau ci-dessus : annulations de crédits, gels voire surgels, décalages calendaires entre le rythme Nord (à cheval sur deux exercices) et le rythme Sud, application d'une contribution progressive de solidarité pour faire entrer les montants distribués dans l'enveloppe allouée.

Quoi qu'il en soit, cette baisse marquée accompagne une baisse concurrente du nombre de boursiers dans le réseau AEFE, alors même que le nombre total d'élèves est en augmentation régulière, et que le nombre d'élèves français reste à peu près constant depuis cinq ans.

Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la DFAE

Vos rapporteurs se sont interrogés sur cette baisse tendancielle et marquée depuis 2020/2021, phénomène concomitant à une hausse continue des frais de scolarité - donc du coût par boursier. À ce stade il existe des pistes de réponses, mais celles-ci restent de l'ordre de l'hypothèse :

· on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile ;

· certaines familles qui ne bénéficient pas d'une quotité de 100% ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité - à titre d'illustration, le montant moyen accordé par bénéficiaire (qui est corrélé au coût de la scolarité) dépasse les 10 000 euros en Chine, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Iran, à Taiwan, aux Philippines, à Singapour et en Turquie). C'est particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux Etats-Unis ;

· l'Assemblée des Français de l'étranger pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances de l'application utilisée pour les demandes de bourses (voir infra).

· enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle ; à cet égard l'Assemblée des Français de l'étranger manifeste un certain pessimisme, on peut en effet estimer que la « fuite » hors du système français peut avoir un effet cumulatif.

En résumé, si la baisse de l'enveloppe des bourses soulage le budget général, ce n'est pas une bonne nouvelle pour le rayonnement de la France à l'étranger. Les causes du phénomène de baisse du nombre de boursiers restent à expertiser plus complètement. Il a été indiqué à vos rapporteurs que des remontées consolidées seraient demandées aux conseils consulaires en formation bourse, dont les résultats seraient synthétisés en fin d'année. Parmi les pistes de réforme envisagées figure notamment la révision des seuils d'exclusion en matière de patrimoine immobilier, dont l'Assemblée des Français de l'étranger estime qu'ils sont trop bas dans les pays où le coût de l'immobilier est particulièrement élevé, ou encore les indices de parité de pouvoir d'achat.

Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs aux résultats de ce travail car la puissance publique ne peut se contenter d'accompagner la baisse du nombre de boursiers : cet indicateur qui reflète à la fois l'effort national en faveur de nos compatriotes les moins aisés et le rayonnement de l'enseignement français à l'étranger doit faire l'objet d'un vrai pilotage par l'autorité publique. Le gestionnaire du programme a indiqué à vos rapporteurs que le montant de l'enveloppe pourrait être revu à la hausse en 2027, afin de tenir compte de l'inflation des droits de scolarité ; on peut s'en féliciter, mais c'est là une mesure essentiellement réactive.

De l'application Scola à Scolaide : des difficultés persistantes de gestion et de suivi

L'application Scola utilisée pour le dépôt des demandes de bourses était critiquée par les familles en raison de ses complexités et de sa lourdeur ; son utilisation était également malaisée pour les agents, en raison de durées élevées de téléchargement. Elle a été remplacée par Scolaide, testée en novembre et décembre 2024 dans neuf postes, puis lancée officiellement le 16 janvier 2025. Or les premiers retours sont pour le moins contrastés : la directrice de l'AEFE a reconnu un lancement difficile et une performance médiocre du prestataire. Les ratés semblent en effet s'être accumulés, conduisant même certaines familles à revenir au dossier papier et contraignant la commission nationale des bourses à reporter sa réunion de deux semaines. Ces ratés sont d'autant plus dommageables que Scolaide devait mettre fin aux difficultés rencontrées avec Scola mais aussi faciliter les extractions de données, donc le suivi de l'évolution des bourses. L'exécution 2026 dira donc si ces difficultés relèvent des problèmes qui accompagnent ordinairement le lancement d'une nouvelle application ou d'un dysfonctionnement plus profond.


* 2 Le montant alloué dans le PLF pour 2025 initialement présenté était de 111,5 M€ ; un amendement gouvernemental l'a porté à 109,5 M€ au regard de la sous-exécution constatée en 2024.

* 3 Dont bourses AESH (0,31 M€ à compter de 2020, 1,31 M€ à compter de 2022 puis 1,5 M€ depuis 2024).

* 4 Enveloppe constituée pour partie des crédits budgétaires précités, pour partie d'un prélèvement sur la réserve de crédits bourses non utilisés dans les comptes de l'AEFE et communément appelée « soulte »

* 5 Coût moyen défini par rapport au montant attribué, et non par rapport au montant effectivement distribué

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