II. DONNER UNE TRAJECTOIRE SOUTENABLE AUX MOYENS EN FAVEUR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE SANS FLUCTUATION
A. LE RISQUE D'UN SOUTIEN PUBLIC FLUCTUANT POUR L'APPRENTISSAGE
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Nombre de contrats d'apprentissage conclus dans l'année |
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Source : Commission des affaires sociales, données de la Dares |
Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le nombre de contrats d'apprentissage a augmenté spectaculairement jusqu'à atteindre près de 879 000 contrats en 2024.
Cette réussite a toutefois été rendue possible par des efforts de financement importants ayant atteint, à compter du 1er juillet 2020 et la mise en place d'une aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance, des montants considérables.
La dépense nationale en faveur de l'apprentissage (opérateurs de compétences, État, collectivités locales, ménages) se serait élevée à 16,03 milliards d'euros en 2024, selon le « jaune » budgétaire relatif à la formation professionnelle, annexé au PLF 2026.
En conséquence, le soutien de l'État à la politique d'apprentissage a fait l'objet d'une nécessaire régulation en LFI pour 2025 sur deux volets :
- le montant des aides à l'apprentissage a été réduit (voir infra) pour une diminution des crédits de la mission de 663 millions d'euros en AE par rapport à la LFI 2024 ;
- la part de rémunération sur laquelle s'applique une exonération de cotisations salariales et de contributions sociales en faveur des apprentis a été réduite de 79 % du Smic à 50 %.
1. Prolonger de manière cohérente les efforts de régulation des dépenses en faveur des apprentis
? L'article 9 du PLFSS pour 2026, en vertu de dispositions supprimées à l'Assemblée nationale mais rétablies au Sénat à l'initiative de la commission, propose de supprimer toute exonération de cotisations salariales sur les rémunérations des apprentis pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2026. Cette exonération étant compensée à la sécurité sociale par la sous-action 01-03 « exonérations liées à l'apprentissage », le programme 103 devrait bénéficier d'une économie de 320 millions d'euros en 2026, puis 1,2 milliard d'euros à compter de 2027.
La rapporteure soutient la suppression de cette exonération qui, dans un contexte de dégradation importante des finances publiques, constitue un avantage singulier ne se justifiant plus. En effet, les apprentis disposent de droits contributifs sans y participer à proportion de leurs salaires. De plus, la différence de traitement entre un salarié faiblement rémunéré et un apprenti n'est guère explicable, surtout en cas de temps partiel du salarié.
? En revanche, la rapporteure ne souscrit pas à l'article 80 du présent PLF, rattaché à la présente mission budgétaire, et qui vise à supprimer l'aide au permis de conduire dont bénéficient les apprentis d'au moins 18 ans, pour un rendement de 36 millions d'euros1(*). Mettre fin à cette aide risque de toucher spécifiquement les apprentis qui sont formés et travaillent en milieu rural ou périurbain, et pour lesquels une aide à la mobilité se justifie pleinement. La commission a donc adopté un amendement n° II-1279 de suppression de l'article 80.
En vertu de l'article 36 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et du décret n° 2019-1 du 3 janvier 2019, les apprentis majeurs bénéficient d'une aide au permis de conduire d'un montant de 500 euros. Le financement de cet aide est assuré par France compétences. Selon le Gouvernement, au 29 juillet 2025, 376 698 apprentis avaient bénéficié de l'aide depuis le 1er janvier 2019, soit une moyenne de 62 783 apprentis par an.
2. Des aides à l'embauche d'apprentis sur le fil du rasoir en PLF 2026
Lors de l'examen parlementaire du PLF 2025, la commission a soutenu la diminution des aides aux employeurs d'apprentis. Ces derniers bénéficiaient, depuis le 1er janvier 2023, d'un régime très favorable avec une aide versée par l'État s'élevant à 6 000 euros, quel que soit le niveau de diplôme préparé et la taille de l'entreprise.
Depuis le 22 février 2025, en vertu d'un décret, le montant de l'aide est différencié selon la taille de l'entreprise. Les TPE et PME bénéficient d'une aide s'élevant à 5 000 euros, tandis que les entreprises de plus de 250 salariés reçoivent une aide à l'embauche de 2 000 euros. Un montant de 6 000 euros est maintenu pour les contrats d'apprentissage conclus avec une personne reconnue travailleurs handicapées.
En PLF 2025, le montant proposé des dépenses de l'État liées à cette aide s'élève à 2,16 milliards d'euros en AE (- 969 millions d'euros) et 2,37 milliards d'euros en CP (- 1,06 milliard d'euros) soit une diminution importante de 31 %. Selon les informations transmises à la rapporteure par le Gouvernement, la budgétisation initiale n'a pas pris en compte une nouvelle diminution paramétrique du montant de l'aide. Cette contraction s'expliquerait notamment par les effets en CP du nouveau barème de 22 février 2025, ainsi que l'incidence d'un décret du 31 octobre 20252(*) prévoyant une nouvelle modalité de versement de l'aide, calculée au prorata du nombre de jours effectués.
Toutefois, cette réduction de crédits s'explique avant tout par l'hypothèse formulée sur le rythme des nouvelles entrées en apprentissage. Le Gouvernement avait prévu une diminution entre - 7,7 % et - 13 % des entrées en apprentissage à la rentrée 2025. Or, les données disponibles montrent que le recul des entrées serait contenu à - 3,3 % à la fin septembre 2025.
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Mois |
Nombre de contrats conclus en 2024 (cumul à chaque mois) |
Nombre de contrats conclus en 2025 (cumul à chaque mois) |
Glissement annuel 2025 |
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Janvier |
27 324 |
23 125 |
- 15,4 % |
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Février |
46 045 |
41 281 |
- 10,3 % |
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Mars |
61 606 |
58 260 |
- 5,4 % |
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Avril |
75 169 |
72 029 |
- 4,2 % |
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Mai |
84 240 |
81 639 |
- 3,1 % |
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Juin |
96 751 |
96 100 |
- 0,7 % |
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Juillet |
146 223 |
142 363 |
- 2,6 % |
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Août |
256 699 |
246 035 |
- 4,2 % |
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Septembre |
714 772 |
690 848 |
- 3,3 % |
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Octobre |
803 576 |
/ |
/ |
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Novembre |
851 039 |
/ |
/ |
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Décembre |
889 447 |
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Source : Commission des affaires sociales, données de la Dares (PoEm), novembre 2025
Si elle ne peut que se réjouir que la dynamique de l'apprentissage, pour peu florissante qu'elle soit, résiste en 2025, la rapporteure note que le pari perdant du Gouvernement sur le nombre d'entrées en apprentissage risque d'induire une baisse mécanique du montant des aides pour tenir la ligne budgétaire prévue. Le montant des économies à obtenir - entre 0,85 et 1 milliard d'euros selon le Gouvernement, fait craindre une baisse importante, arrêtée à la dernière minute et à l'aveugle.
La rapporteure craint l'insincérité budgétaire du Gouvernement dans les crédits demandés pour les aides aux employeurs d'apprentis. Une nouvelle baisse du montant de l'aide ne pourrait que saper définitivement la confiance des entreprises dans le soutien public à l'apprentissage.
Après les réductions décidées en février 2025, et alors que les employeurs ont connu trois montants d'aides différents depuis 2023, le PLF 2026 devrait marquer un retour à la stabilité. C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement de la rapporteure n° II-1274 visant à augmenter de 100 millions d'euros la ligne budgétaire dédiée.
Il reviendra au Gouvernement de s'appuyer sur les propositions d'économies budgétaires, formulées par la commission, pour garantir en 2026 la stabilité du montant des aides aux employeurs d'apprentis. L'amendement n° II-1275 précité vise ainsi à supprimer le volet national du plan d'investissement dans les compétences (PIC) dont le manque de lisibilité sur ses effets réels sur les entrées en formation et sur l'insertion, ainsi que la complexité de son pilotage budgétaire ont souvent été pointés par la commission et ont, une nouvelle fois, été mis en lumière par la Cour des comptes dans son évaluation de janvier 2025.
* 1 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2026.
* 2 Décret n° 2025-1031 du 31 octobre 2025.
