E. LE CONTENTIEUX INDEMNITAIRE DE LA GESTION DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ ET DES PASSEPORTS PAR LES COMMUNES
Le recueil des demandes et la délivrance par les communes des cartes nationales d'identité (CNI) et des passeports a fait naître un contentieux abondant au cours des dernières années. Considérant que ces tâches représentent pour elles une charge, nombre de communes ont engagé des requêtes en indemnisation contre l'Etat .
Dans sa décision n° 232888 du 5 janvier 2005, dite « commune de Versailles », le Conseil d'Etat a déclaré le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif au transfert de la délivrance des passeports aux communes partiellement illégal , du fait que seul le législateur pouvait prévoir une mesure ayant pour effet d'augmenter, même indirectement, les charges des communes. Par ailleurs, il ressort de l'avis n° 299825 du Conseil d'Etat du 6 avril 2007, dit « commune de Poitiers », que le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 relatif au transfert de la délivrance des CNI aux communes est entaché de la même illégalité. En outre, dans sa décision n° 299720 du 14 septembre 2007, dite « commune de Villeurbanne », le Conseil d'Etat a reconnu la responsabilité de l'Etat.
Ainsi, au 1 er septembre 2009, on dénombre 419 communes requérantes (soit par la voie d'une réclamation préalable, soit en phase contentieuse) et 483 requêtes 19 ( * ) , pour un montant total de 137,8 millions d'euros en demandes indemnitaires.
A cette même date, le total des condamnations intervenues s'élève à 33,8 millions d'euros , essentiellement en provisions accordées par les juges des référés en première instance et le cas échéant en appel. En moyenne, selon le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, un tiers du montant des indemnités que réclament les communes est accordé par le juge administratif. Le ministère a, jusqu'à présent, payé 30,8 millions d'euros au titre des condamnations contre l'Etat, en provisions et sur le fond.
L'article 103 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 a mis en place un dispositif destiné à mettre un terme à ce contentieux.
Le I de cet article prévoit une régularisation pour l'avenir , en donnant une base désormais légale à la compétence des communes.
Le II du même article a pour objet de mettre un terme aux contentieux en cours , sauf pour les décisions de justice devenues définitives et passées en force de chose jugée. A ce jour, selon le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, toutes les juridictions, en première instance comme en appel, rejettent les requêtes des communes relatives à ce contentieux indemnitaire. Il n'y a donc plus de nouvelles condamnations de l'Etat au versement d'indemnités aux communes.
En contrepartie de l'application du II, le III de cet article crée une dotation exceptionnelle spécifique, d'un montant de 3 euros par titre 20 ( * ) dans la limite de 97,5 millions d'euros, répartie entre les communes en fonction du nombre de titres qu'elles ont délivrés en 2005, 2006, 2007 et 2008. Si le nombre total de titres émis ces quatre années est supérieur à 32,5 millions, la somme de 97,5 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre de titres qu'elles ont émis en 2005, 2006, 2007 et 2008.
Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat.
La dotation exceptionnelle est attribuée aux communes éligibles en compensation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2008, du nombre de cartes nationales d'identité et de passeports qu'elles ont délivrés pendant une période de quatre années : 2005, 2006, 2007 et 2008. Il s'agit donc d' une indemnisation globale portant sur ces quatre années . Ainsi, selon le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, une commune qui a obtenu une condamnation de l'Etat au versement d'une provision ou d'une indemnité pour une quelconque fraction de cette période ne peut percevoir aucun montant au titre de la dotation exceptionnelle.
Cette dotation exceptionnelle de 3 euros par titre est versée par tiers sur trois exercices (2009, 2010 et 2011).
* 19 Une même commune peut déposer plusieurs requêtes.
* 20 A titre de comparaison, le tribunal administratif (TA) de Lyon a condamné l'Etat à verser à la commune de Bron une indemnité de 94.880,68 euros correspondant à 9.615 passeports délivrés, soit une indemnisation à hauteur de plus de 9 euros par titre (TA Lyon, arrêt n° 0606499 du 14 février 2008).