II. DES RÉSULTATS NÉCESSAIREMENT AFFAIBLIS PAR LA RÉFORME INACHEVÉE DE L'ÉTAT
Depuis de nombreuses années, le Sénat dénonce l'incapacité - ou le manque de volonté - de l'État de tirer toutes les conséquences de la décentralisation. Pourtant, le Constituant a modifié la loi fondamentale pour proclamer que la République française est décentralisée.
Or notre « vieux » pays jacobin se réforme difficilement, les réflexes et les habitudes de l'État centralisateur perdurent.
En s'adressant aux maires de France réunis en congrès le 27 novembre dernier, le Premier ministre, M. Manuel Valls, leur a indiqué que l'État, pour ce qui le concerne, accompagnera la réforme territoriale en empruntant deux démarches : la réforme des services déconcentrés « engagée par le ministre de l'intérieur » et « la revue des missions de l'État lancée par le secrétaire d'État à la réforme territoriale ».
Si le ton s'affiche volontaire, le législateur est cependant, une fois de plus, appelé à remanier l'organisation décentralisée sans pouvoir s'appuyer sur une révision aboutie du cadre étatique.
A. VERS L'ABOUTISSEMENT DE LA RÉFORME TANT ATTENDUE DE L'ÉTAT ?
Le conseil des ministres du 2 juillet 2014 a choisi de mener parallèlement « et dans le même calendrier que la réforme territoriale » une nouvelle étape de réforme de l'État.
La méthode a été définie par le Premier ministre dans la circulaire qu'il a adressée, le 16 septembre 2014, à tous les ministres du Gouvernement : la « feuille de route [...] sera adoptée au début de l'année 2015, à l'issue d'un débat participatif au cours de l'automne associant les citoyens, les forces vives, les organisations syndicales et les élus ». Le programme complet de la réforme devrait être arrêté « d'ici à 2017 ».
La ligne est tracée : recentrer l'activité des services de l'État « sur les missions prioritaires pour les Français, les exercer au niveau où la présence de l'État est attendue, renforcer la qualité des services et l'efficacité tout en diminuant les dépenses ».
Après le recensement par leurs administrations centrales et déconcentrées de leurs missions, les ministres devaient formuler des propositions à la fin de la présente année 2014.
Ce délai sera-t-il respecté ? Le secrétaire d'État à la réforme de l'État, M. Thierry Mandon, devait lancer la semaine du 10 décembre 2014 vingt-trois débats participatifs 8 ( * ) dans quatorze territoires - départements ou régions - représentatifs. Il a détaillé 9 ( * ) la formule retenue qui peut soulever quelques doutes sur le respect du calendrier annoncé à la fin de l'été : pour chaque thématique, abordée sur deux à six territoires, un chef de file sera désigné par le préfet de région, pour « animer les concertations à partir de trois groupes de travail réunissant les collectivités territoriales, les agents publics et les bénéficiaires ».
Leurs propositions « seront pleinement intégrées dans la réforme de l'État ». Vos rapporteurs s'interrogent sur le sens de cette affirmation qui laisse place à plusieurs interprétations sans mésestimer les possibles contradictions d'un groupe à l'autre.
Un séminaire gouvernemental devrait arrêter la feuille de route de modernisation de l'État à trois ans, à la suite duquel « un premier train de mesures » pourrait être adopté.
Si l'objectif est louable, on peut être légitimement perplexe sur l'efficacité de la méthode retenue et l'adoption prochaine des éléments de la réforme.
Certes, le secrétaire d'État indique qu'avec l'achèvement du « premier round de la négociation » programmée avant la fin du mois de janvier prochain, « les retours des concertations pourront alimenter les débats sur le projet de loi NOTRe, notamment sur le développement économique et l'emploi ».
Votre commission regrette de ne pas avoir disposé de ces éléments lors de l'examen du projet de loi et de l'établissement de son texte, d'autant qu'à l'initiative de ses rapporteurs, elle a renforcé les compétences stratégiques de la région, dont sa compétence en matière de développement et d'aides économiques. En outre, dans le même esprit, elle propose de décentraliser le service de l'emploi ( cf . infra III).
Au demeurant, elle craint que le Sénat doive délibérer en séance sans données supplémentaires puisque, selon la décision du Gouvernement, il entamera l'examen des articles du projet de loi le 13 janvier prochain.
Cette discordance de calendriers affecte la clarté du débat et brouille la pertinence des dispositions proposées par le projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat.
* 8 Dont l'expertise stratégique et prospective dans le domaine du développement durable, le contrôle et le conseil aux collectivités locales, le repositionnement de l'État en matière de développement économique...
* 9 Cf. interview à Localtis (10 décembre 2014).