C. LA PRISE EN COMPTE PARTIELLE DE CERTAINES PROPOSITIONS DU SÉNAT

1. La prise en compte partielle des propositions tendant à améliorer le soutien de la CNSA aux départements
a) La suppression de la neutralisation de l'augmentation des plafonds de compensation aux départements de la PCH et de l'APA (article 10)

Dans sa rédaction initiale, l'article 10 tendait à neutraliser l'augmentation de 250 millions d'euros des plafonds de compensation par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui devrait normalement résulter du transfert en 2024 de 0,15 point de CSG, soit 2,6 milliards d'euros, de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à la CNSA, en application de l'article 3 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

À l'initiative de sa commission des affaires sociales, le Sénat a supprimé cette neutralisation. En effet, les dépenses des départements dans le domaine du handicap vont fortement augmenter ces prochaines années, et il n'y avait pas de raison d'abaisser la proportion des ressources de la CNSA qui leur est reversée par celle-ci.

Cette modification a toutefois été supprimée dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

b) Le maintien de la disposition, insérée au Sénat par le Gouvernement, prévoyant en 2024 un soutien supplémentaire de 150 millions d'euros de la CNSA aux départements pour le financement de l'APA (article 38 ter)

Le Gouvernement a cependant inséré en première lecture au Sénat l'article 38 ter, prévoyant en 2024 un soutien complémentaire de la CNSA aux départements de 150 millions d'euros.

Ce complément vise à améliorer le taux de couverture par les concours de la CNSA des dépenses d'APA des départements dont le taux de couverture est le plus faible et répondant à certains critères18(*).

2. La prise en compte très partielle des propositions du Sénat pour que la réforme de la clause de sauvegarde ne pénalise pas les entreprises produisant les médicaments les plus indispensables à la prise en charge des patients
a) La suppression par le Sénat de la réforme de la clause de sauvegarde, qui concentrait l'effort sur les médicaments les plus indispensables à la prise en charge des patients

Le Sénat a adopté deux amendements identiques n° 243 de la commission des affaires sociales et n° 373 d'Alain Milon, supprimant de l'article 11 la réforme envisagée de l'assiette et des modalités de liquidation de la clause de sauvegarde. Il a jugé, en effet, que celle-ci ne tenait pas suffisamment compte des enjeux de santé publique et d'approvisionnement attachés à la répartition de l'effort de régulation des dépenses de médicaments.

En faisant dépendre, à concurrence de 70 %, la contribution due par chaque entreprise de sa part dans le montant remboursé par l'assurance maladie, cette réforme concentre l'effort sur les industriels dont le portefeuille est composé de produits présentant un taux de prise en charge élevé. Tel est le cas des médicaments les plus indispensables à la prise en charge des patients : les médicaments dispensés en ville qui présentaient un service médical rendu important ; les médicaments innovants et onéreux dispensés à l'hôpital et pris en charge hors tarification à l'activité dans le cadre de la « liste en sus » ; les médicaments intervenant dans le traitement d'une affection de longue durée.

Cet effet est contraire aux préconisations de la récente commission d'enquête sénatoriale sur les pénuries de médicaments19(*), qui invitait à mieux tenir compte de l'intérêt thérapeutique des médicaments et de leur criticité industrielle dans l'application de la clause de sauvegarde.

En la supprimant du texte transmis, la commission invitait le Gouvernement à revoir cette réforme sans renoncer à l'objectif d'allègement des contraintes déclaratives pour les entreprises qu'elle entendait poursuivre.

Le Sénat a, par ailleurs, adopté plusieurs amendements de la commission visant à sécuriser la procédure de liquidation de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux et à rehausser, pour 2024, son seuil de déclenchement.

b) La suppression en nouvelle lecture des modifications apportées par le Sénat

Le Gouvernement est entièrement revenu sur ces modifications en retenant, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, un amendement n° 410 de la rapporteure générale de l'Assemblée nationale rétablissant la réforme dans ses modalités initialement prévues et supprimant les dispositions ajoutées par le Sénat.

c) La reprise d'une modification du Sénat à l'initiative du Gouvernement, soutenue par la commission, pour mieux protéger les produits matures

Finalement, le seul apport des débats du Sénat est un amendement n° 1328 du Gouvernement, soutenu par la commission des affaires sociales, qui visait à réduire la part de la clause de sauvegarde supportée par les industriels commercialisant des médicaments génériques ou des spécialités de référence soumises à un tarif forfaitaire de responsabilité, en plafonnant la contribution assise sur ces spécialités à 2 % du chiffre d'affaires généré.

La commission a jugé que celui-ci répondait partiellement à l'impératif de mieux protéger de l'effet de la régulation les médicaments matures, peu chers et peu rentables, qui concentrent l'essentiel des difficultés d'approvisionnement constatées ces dernières années. À son initiative, le Sénat avait adopté un sous-amendement visant à étendre la protection prévue aux médicaments de référence non génériqués les moins onéreux.

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture maintient cette protection supplémentaire sans, toutefois, retenir l'ajout proposé par le Sénat. La réforme devant être réalisée à rendement constant, les modalités de répartition du surplus de contribution induit pour les autres entreprises sont par ailleurs précisées.

3. La prise en compte très partielle des propositions du Sénat pour sécuriser l'approvisionnement en médicaments

Dans le cas des propositions du Sénat pour sécuriser l'approvisionnement en médicaments, seuls ont été conservés le recours à un formulaire permettant de s'assurer de la pertinence des prescriptions de médicaments à fort enjeu (article 33 bis), la simplification des modalités de fixation de l'indemnité de prise en charge temporaire par l'assurance maladie des médicaments en fin d'accès précoce20(*) (article 35) et, partiellement, le renforcement des missions de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en matière d'identification des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et de supervision des plans de gestion des pénuries (article 36).

En revanche, dans le cas de l'article 32 (utilisation des préparations officinales spéciales dans le cadre du plan blanc), le Gouvernement a rejeté les propositions du Sénat : extension des sous-traitants pouvant produire des préparations hospitalières spéciales ; exécution par les pharmacies d'officine de préparations officinales spéciales à partir d'une matière première à usage pharmaceutique ; consultation des représentants des pharmaciens concernés à la définition des prix de cession des préparations officinales et, le cas échéant, hospitalières spéciales.

De même, s'agissant de l'article 33 (renforcement des leviers d'épargne de médicaments en cas de rupture d'approvisionnement), n'ont pas été maintenues, notamment, la fixation par décret des conditions d'utilisation des stocks, la possibilité pour le Gouvernement de prendre des mesures d'épargne de médicaments en cas de risque de rupture (et non seulement en cas de rupture effective) et la suppression de la possibilité pour le Gouvernement de rendre obligatoire la dispensation à l'unité de médicaments en rupture.


* 18 Ne pourront pas bénéficier de ce complément les départements disposant du potentiel fiscal par habitant le plus élevé et les départements qui n'atteindront pas en 2024 un seuil de mise en oeuvre de de l'aide financière accordée aux services d'aide et d'accompagnement à domicile au titre des actions pour améliorer la qualité de la prise en charge.

* 19 Laurence Cohen, Pénurie de médicaments : Trouver d'urgence le bon remède, rapport n° 828 (2022-2023), commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française, 4 juillet 2023.

* 20 L'accès précoce permet aux patients en impasse thérapeutique et atteints d'une maladie grave une prise en charge intégrale et anticipée pour des produits innovants ayant vocation à être commercialisés.

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