IV. EXAMEN DU RAPPORT (6 NOVEMBRE 2024)

Réunie le mercredi 6 novembre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2025.

M. Claude Raynal, président. - En notre nom à tous, je souhaite la bienvenue à Pierre Barros, qui remplace Éric Bocquet.

Nous examinons ce matin les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous présente ce matin mon analyse des prévisions macroéconomiques et de l'équilibre général du projet de loi de finances pour 2025, tel qu'il ressort du texte initial déposé par le Gouvernement, puisque le résultat de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale reste très incertain. (Le rapporteur général projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)

Il ne vous aura pas échappé que l'examen du budget pour 2025 s'inscrit dans un contexte très particulier : celui d'une dérive inédite et préoccupante des comptes publics en 2023 et, plus encore, en 2024. J'ai d'ailleurs souhaité vous faire une communication à ce sujet le mois dernier.

Hors période de crise, le déficit de 5,5 % du PIB enregistré en 2023 était le plus élevé de la Ve République : il s'agissait d'une dérive historique. Mais ce chiffre fait désormais pâle figure à côté de celui qui s'annonce pour l'année 2024 : 6,1 % du PIB, soit un niveau maintenant assez proche de celui qui a été enregistré en 2021, à la sortie de la crise sanitaire, ce qui est inacceptable. Si rien n'est fait, les prévisions de l'administration pour 2025 tablent sur un déficit proche de 7 %.

Ce déficit qui s'annonce pour 2024 n'était pas du tout prévu par la loi de finances qui a été adoptée grâce à la procédure prévue à l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution l'an dernier : il s'agit d'une dérive de l'ordre de 1,7 point de PIB, soit plus de 50 milliards d'euros. Cet écart entre prévision et exécution est tout à fait inhabituel hors période de crise.

Notre mission d'information fera la lumière sur ce qui s'est vraiment passé, après ce constat d'un dérapage en 2024 encore plus massif que celui de 2023. En attendant, si j'insiste sur cet état des lieux, c'est qu'il nous contraint, très fortement, dans nos choix pour le PLF pour 2025 : il s'agit désormais de redresser la barre en urgence.

Sur l'explication de ce dérapage et de sa responsabilité, nous entendrons demain Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, avant de recevoir Gabriel Attal vendredi et Élisabeth Borne la semaine prochaine. La prévision de déficit pour 2025 est passée de 4,1 % en avril, lors de l'adoption d'un programme de stabilité (PStab) que nous avions très fortement critiqué, à 6,9 % à politique inchangée en octobre, soit près de 85 milliards d'euros d'écart en six mois.

À chaud, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a proposé une première décomposition, assez éclairante, du dérapage constaté en 2024 : d'abord, un effet « base » du dérapage de 2023 sur l'année suivante, que nous avions mis en avant dans nos travaux ; ensuite, une erreur de prévision sur la croissance nominale, car tant la croissance en volume que l'inflation pour 2024 étaient surestimées dans la loi de finances de 2024, ce que nous avions également indiqué très clairement il y a exactement un an lors de ce même exercice s'agissant de la prévision de croissance en volume ; la dynamique non prévue des dépenses des collectivités ; enfin, une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB plus faible que prévu.

Je relève donc que quasiment un point de PIB sur le 1,7 point de dégradation était au moins en partie prévisible avant le début de l'année.

Permettez-moi de dire que les collectivités, dont le niveau de dépenses avait été mal anticipé, ne sont donc responsables, en 2024, que d'une petite partie du dérapage des comptes publics par rapport à la prévision.

En tout état de cause, si l'on prend un peu de recul historique en remontant à la première année du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, il est évident que l'État est le principal responsable de la dérive des comptes publics - je l'ai déjà dit, mais il est toujours bon de le rappeler.

Malheureusement, la dérive des comptes observée l'an dernier et cette année pèsera fortement sur la trajectoire des finances publiques pour les années à venir, malgré l'effort de redressement proposé par le Gouvernement.

Cette trajectoire, dont j'ai souligné le caractère réaliste la semaine dernière en vous présentant le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) pour les années 2025 à 2029, reflète, en creux, l'absence de crédibilité des trajectoires précédentes, qui voulaient nous faire croire en un redressement « express », sans jamais proposer de mesures pour y parvenir.

En matière de dette publique, il existe un écart majeur entre la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 présentée en avril par le précédent gouvernement et le PSMT défini en octobre dernier par le Gouvernement, que l'on ne saurait taxer de laxisme budgétaire.

J'en viens à l'analyse de la situation économique dans laquelle s'inscrit le PLF. Celle-ci est essentielle pour apprécier le réalisme du scénario de finances publiques du Gouvernement.

J'ai tellement entendu le précédent ministre de l'économie expliquer qu'il avait sauvé l'économie française - au prix d'un endettement abyssal - que j'ai voulu y voir plus clair. Au terme de sept ans de politique économique menée par le tandem Macron-Le Maire, je peux malheureusement dire que le bilan est contrasté. En tout cas, celui-ci ne valait pas la dégradation des finances publiques que nous connaissons.

Premier constat : la France a fait un peu moins bien que ses voisins entre 2017 et 2023. Le PIB a crû de 8,4 % dans notre pays, contre 10,2 % au niveau de la zone euro. Or la situation économique de l'Union européenne est elle-même assez moyenne. Comme le souligne Mario Draghi dans son rapport de septembre dernier, « la croissance dans l'Union européenne a été lente, du fait d'un affaiblissement de la croissance de la productivité, remettant en question la capacité pour l'Europe d'être à la hauteur de ses ambitions ».

Si l'on s'intéresse à l'évolution depuis la crise sanitaire, c'est-à-dire depuis la fin 2019, le PIB de la France évolue un peu moins vite que celui de la zone euro. L'activité, en Allemagne, est au point mort, mais en Espagne, au Portugal, en Grèce, et même en Italie, elle est plus dynamique qu'en France. Bien sûr, il s'agit pour certains de ces pays d'un rattrapage par rapport aux années précédentes. Mais tout cela devrait nous pousser à une certaine modestie.

Je dresse le même constat sur le taux de chômage. Je me félicite que celui-ci diminue sans discontinuer depuis 2017 - on note tout de même un regain cette année -, mais ce mouvement est général dans l'ensemble de la zone euro : le taux de chômage y a d'ailleurs décru plus vite qu'en France et lui reste inférieur. Cette diminution semble davantage le reflet de la baisse de la productivité du travail que de l'impact positif des réformes structurelles menées depuis 2017, qui ne peuvent avoir un effet que sur le long terme. Ainsi, depuis 2019, la productivité du travail en France aurait diminué de 8,5 % par rapport à sa tendance avant le covid, du fait du recours massif à l'apprentissage, d'une forte augmentation de l'emploi peu qualifié, de la crise sanitaire elle-même et d'une rétention de main-d'oeuvre.

En réduisant la focale et en se concentrant sur la dynamique récente, la croissance a été portée principalement par la demande publique et par le commerce extérieur en 2024, tandis que le durcissement de la politique monétaire a conduit l'investissement des ménages et des entreprises à baisser.

J'insiste sur un point important : la croissance a été portée par des facteurs bien différents de ceux qui étaient initialement prévus, ce qui n'a pas été sans incidence sur le contenu des recettes de cette croissance.

Finalement, la consommation des ménages s'est révélée moins allante que prévu, avec un taux d'épargne qui n'aura pas reflué : les recettes de TVA s'en trouvent amoindries.

L'investissement des ménages a bien diminué, comme prévu par le gouvernement, mais celui des entreprises également, à la différence des prévisions initiales. J'avais pourtant souligné, l'an dernier, le sérieux risque que faisait peser le resserrement de la politique monétaire sur cette composante de la demande.

Le commerce extérieur aura soutenu la croissance : les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont diminué. La contrepartie de cette baisse des importations aura été un mouvement de déstockage inédit des entreprises.

Finalement, la principale composante de la demande en 2024 aura été la consommation et l'investissement publics, c'est-à-dire, en réalité, le dérapage complet du déficit public. Il n'y a pas lieu de se satisfaire de cette situation. Et il est assez cocasse, dans ces conditions, d'entendre les membres du précédent gouvernement se féliciter d'avoir atteint les prévisions de croissance du programme de stabilité 2024-2027.

Pour 2025, la croissance stagnerait à 1,1 %, mais serait davantage portée par la demande intérieure, ce qui générerait davantage de recettes. La demande publique, en revanche, ne contribuerait plus à la croissance du PIB.

Entre 2024 et 2025, le fait marquant réside dans l'inversion du policy mix. En 2024, l'activité a bénéficié d'une forte impulsion budgétaire, mais a été freinée par les effets retardés du resserrement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). En 2025, ce devrait être exactement l'inverse.

A priori, le taux d'épargne, aidé par un reflux de l'inflation et par une amélioration du niveau de confiance des ménages, devrait - enfin ! - légèrement diminuer l'année prochaine, ce qui soutiendrait la consommation.

Comme l'année dernière, cette prévision est sujette à d'importants aléas, qui pourraient pousser la dynamique en sens inverse : je pense au report de l'indexation des retraites, à la hausse probable du chômage, à la réforme des allégements généraux et, de manière générale, à l'instabilité politique dans notre pays.

L'investissement des entreprises pourrait rebondir du fait de l'assouplissement de la politique monétaire engagé par la BCE en juin dernier, qui devrait se poursuivre tout au long de l'année 2025.

Les prévisions du Gouvernement sont toutefois contredites par celles d'instituts comme l'OFCE ou Rexecode. En effet, comme pour la consommation, le niveau élevé d'incertitude pourrait conduire les chefs d'entreprise à faire preuve d'attentisme et à reporter leurs décisions d'investissement. À cet égard, la dégradation spectaculaire du climat des affaires observée dans l'industrie en octobre dernier ne présage rien de bon...

L'une des principales questions est celle de l'impact sur la croissance de l'ajustement budgétaire majeur proposé par le Gouvernement ; j'y reviendrai.

Ainsi, ce dernier prévoit une croissance de 1,1 %. Sans cet ajustement, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que la croissance s'élèverait à 1,7 %. Il a souligné qu'une telle prévision « avant redressement » était optimiste et, de fait, le consensus des économistes retenait, « avant redressement », une prévision de croissance située plutôt autour de 1,2 à 1,3 %.

Mais, dès avant le dépôt du PLF pour 2025, il était question de mesures de redressement budgétaire qui étaient pour partie intégrées par les conjoncturistes dans leurs prévisions. L'OFCE, qui a réalisé sa prévision après le dépôt du PLF estimait ainsi que, hors impact des mesures budgétaires de redressement prévues par le PLF - c'est-à-dire avec un déficit en 2025 égal à celui de 2024 -, la croissance s'élèverait à 1,6 %. En intégrant le choc budgétaire, leur prévision atteint 0,8 % du PIB.

Au total, il est possible que l'effet récessif du redressement budgétaire qui s'impose au Gouvernement soit sous-estimé par ce dernier, mais selon une ampleur qui resterait mesurée.

Avant d'évoquer les mesures en dépenses et en recettes, je souhaite dire quelques mots sur les perspectives de croissance mondiale. Le Gouvernement prévoit une hausse de la croissance mondiale de 3,2 % en 2024 et de 3,4 % en 2025 et, en conséquence, une hausse de la demande adressée à la France. Un tel optimisme n'est partagé ni par la Banque de France, ni par l'OFCE, ni non plus par le Fonds monétaire international (FMI), qui prévoit une stagnation de la croissance en 2025 par rapport à 2024. En effet, les aléas sont élevés, au lendemain de l'élection américaine : cela pourrait se traduire par une hausse des droits de douane et par un ralentissement, voire une attrition du commerce mondial. Toutefois, les perspectives économiques de l'environnement proche de la France - la zone euro - sont assez bonnes. Or ce sont celles qui comptent le plus pour déterminer la demande adressée à la France.

L'évolution du commerce extérieur demeure incertaine. Comme le prévoit le Gouvernement, celui-ci pourrait continuer de soutenir la croissance l'an prochain, mais dans des proportions moindres que cette année.

J'en viens au contenu du budget et à la trajectoire des finances publiques proposée pour 2025 : le texte trace un chemin nécessaire pour retrouver notre crédibilité, tant vis-à-vis de nos partenaires européens que de nos prêteurs, mais également pour restaurer le lien de confiance qui nous unit aux Français.

L'effort souhaité par le Gouvernement est significatif et pèsera essentiellement sur l'État. Dans sa communication, le Gouvernement a mis en avant un effort de 60 milliards d'euros, qui se décompose ainsi : 40 milliards d'euros au travers de réductions de dépenses - calculées par rapport à un tendanciel - et 20 milliards d'euros par des mesures en recettes.

Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de la bonne façon de présenter les choses. D'abord, la notion de tendanciel, pour utile qu'elle soit pour un ministre afin de savoir sur quel levier jouer pour réduire le déficit, est trop confuse pour apprécier la nature de l'effort. Par ailleurs, les documents budgétaires mettent en avant une autre réalité, celle de l'ajustement et de l'effort à accomplir en 2025 par rapport à 2024, et non par rapport à un tendanciel 2025 qui n'est pas détaillé. Or c'est sous cet angle qu'il convient, à mon avis, de raisonner. Je vous proposerai, à chaque fois, une conversion en milliards d'euros pour rendre les chiffres plus parlants, mais ils ne sont communiqués que sous forme de points de PIB et ne doivent donc pas constituer la véritable référence.

En réalité, l'effort structurel primaire que nous devrons accomplir s'élève à 1,6 % du PIB, soit environ 48 milliards d'euros.

Il se répartit ainsi : des mesures nouvelles en recettes à hauteur de 1 point de PIB, soit environ 30 milliards d'euros, et un effort en dépense de 0,6 point de PIB, soit environ 18 milliards d'euros, auxquels on retranche la hausse de la charge de la dette entre 2024 et 2025, qui s'élève à 0,2 point de PIB, soit 6 milliards d'euros. Une fois la charge de la dette retranchée, l'effort en dépense est de 12 milliards d'euros : c'est le chiffre retenu par le HCFP. Je le rappelle, nous sommes ici en écart entre 2024 et 2025.

La prise en compte d'un tendanciel en dépenses, comme le fait le Gouvernement, conduit à afficher un effort en dépenses supérieur. Ce mode de calcul n'est pas nécessairement erroné. Pour prendre un exemple, la désindexation des retraites sur l'inflation ne produit pas de baisse nette de la dépense publique ; elle constitue pourtant une mesure de freinage de la dépense, qui pèse sur les Français et qui a bien un effet réel. Mais la détermination d'un tendanciel pour l'ensemble de la dépense publique de notre pays est malaisée.

La combinaison des efforts en dépenses et en recettes diminués de la charge de la dette donne un effort structurel à 1,4 point de PIB, qui ne veut toutefois pas dire que le solde public s'améliorera d'autant. En effet, certains effets contrecarrent cette amélioration.

D'une part, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB sera inférieure à 1, ce qui signifie que les recettes n'augmenteront pas au même rythme que le PIB : malgré 1 % de point de PIB de mesures nouvelles en recettes, celles-ci ne rapporteraient vraiment que 0,8 % point de PIB. D'autre part, l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires retirerait 0,1 point de PIB supplémentaire.

Au total, l'ajustement structurel proposé par le Gouvernement s'élève donc à 1,1 point de PIB, soit environ 33 milliards d'euros.

C'est donc de ce montant que le déficit public serait réduit l'année prochaine. Dans le cas où le texte du Gouvernement, tel qu'amendé par lui, serait adopté, le déficit public passerait de 6,1 % à 5 % du PIB entre 2024 et 2025. L'État serait le plus mis à contribution de cet effort, puisque son déficit passerait de 5,4 % à 4,5 % du PIB. Le solde des collectivités, lui, serait stabilisé, et celui des administrations de sécurité sociale augmenterait légèrement.

Si l'on regarde concrètement l'évolution de la dépense publique toutes administrations publiques confondues, on constate une nette inflexion par rapport à 2024. En 2024, la dépense publique augmenterait de 67 milliards d'euros - en grande partie du fait du retrait de dépenses exceptionnelles - tandis qu'elle n'augmenterait l'an prochain « que » de 36 milliards d'euros, et ce malgré une charge de la dette augmentant davantage et des dépenses exceptionnelles diminuant moins qu'en 2024.

L'effort est donc réel et n'est pas déguisé, puisque les dépenses primaires, hors dépenses exceptionnelles et crédits d'impôt, n'augmenteraient que de 29 milliards d'euros en 2025 là où elles enregistreraient une hausse dépassant 70 milliards d'euros en 2024...

Par ailleurs, les prélèvements obligatoires augmenteraient significativement du fait des mesures nouvelles en recettes ; à cet égard, une partie d'entre elles procède non pas du PLF pour 2025, mais de décisions antérieures, telles que les mesures de gage sur l'industrie verte ou la fiscalisation de la prime de partage de la valeur.

Pour autant, force est de constater que le PLF pour 2025 est fortement pourvoyeur de nouveaux impôts, qui feront passer le taux de prélèvements obligatoires de 42,8 % du PIB en 2024 à 43,6 % du PIB en 2025. Cela reste toutefois bien inférieur aux niveaux enregistrés entre 2012 et 2022, période durant laquelle le taux s'échelonnait entre 43,9 % et 45,3 %.

Je pense qu'il faut donc sérieusement nuancer les critiques portées à ce budget. Oui, ce budget contient des mesures fiscales, mais celles-ci sont exceptionnelles et largement concentrées sur les plus aisés. Oui, ces mesures ne sont pas prises de gaîté de coeur, car la pression fiscale est une réalité dans notre pays. Mais oui, ces mesures sont nécessaires étant donné la gestion calamiteuse des finances publiques des dernières années, l'explosion de la charge de la dette sur laquelle je reviendrai et le début de défiance dont font preuve nos prêteurs.

En effet, depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, le taux à 10 ans auquel emprunte la France s'éloigne largement de celui auquel emprunte l'Allemagne. Au début de l'année 2024, l'écart était stable ; depuis juin, il augmente, au point que l'Espagne et le Portugal se financent désormais à des taux plus intéressants que nous. C'est bien pour l'Espagne, qui voit sa bonne gestion récompensée ; l'amélioration des conditions de financement espagnoles joue aussi sa part dans ce phénomène. Pour autant, cette situation doit nous alerter et nécessite des mesures de redressement en urgence pour éviter un renchérissement supplémentaire de notre coût de financement.

En effet, toute augmentation des taux auxquels se finance la France est synonyme d'une hausse future et inévitable de la charge de la dette.

Or celle-ci est déjà très importante et, même avec les mesures de redressement envisagées, elle frôlera les 100 milliards d'euros dès 2028. Je le redis, c'est autant d'argent que nous ne mettrons pas dans des dépenses d'avenir ou dans l'adaptation au changement climatique. Le double défi d'une dette budgétaire et d'une dette climatique est donc très prégnant.

Toute hausse de taux supplémentaire est donc à éviter, car la charge de la dette s'en trouverait également augmentée et notre situation budgétaire encore plus dégradée. Pour préserver notre souveraineté, il faut à tout prix éviter le cercle vicieux qui peut exister entre dégradation de la situation budgétaire et dégradation des conditions d'emprunt.

Après avoir tracé le cadre du paysage budgétaire, je vous propose d'entrer dans le projet de budget de l'État, notamment le chemin qu'il trace pour, enfin, amorcer le redressement des comptes.

Nous devons d'abord voir d'où part ce redressement. Je l'ai dit, durant deux années de suite, alors même qu'aucune crise majeure ne l'expliquait, les comptes de l'État se sont dégradés de manière importante entre la loi de finances initiale et l'exécution ; cette dégradation imprévue a été de 8,1 milliards d'euros en 2023 et de 19,7 milliards d'euros en 2024.

En 2024, le déficit s'établirait donc à 166,6 milliards d'euros, alors que la loi de finances initiale prévoyait un retour en dessous du seuil de 150 milliards d'euros de déficit budgétaire.

Cette situation s'explique tout d'abord par des recettes qui ne correspondent pas du tout au niveau attendu - ou espéré - alors même que l'année n'a pas été marquée par un choc particulier. Or les « mauvaises nouvelles » des années 2009 et 2020 s'expliquaient par la survenance de crises d'une très grande ampleur.

Nous l'avons déjà montré, en 2024, le Gouvernement a décidé de ne pas prendre en compte, lors de l'examen du budget initial, les premières alertes qui lui remontaient, fin 2023, sur la dégradation des comptes et leurs conséquences nécessaires pour 2024. Cela explique en partie pourquoi les recettes initiales ont été autant surestimées dans le projet de loi de finances pour 2024.

Le déficit s'établirait à 142,1 milliards d'euros en 2025, en amélioration de 24,5 milliards d'euros par rapport au déficit de 2024.

Le principal effet consisterait en une amélioration des recettes à hauteur de 35,1 milliards d'euros, résultant de plusieurs leviers, dont la création de deux taxes temporaires pour 10 milliards d'euros. La rebudgétisation de plusieurs taxes, y compris la part de TVA attribuée à l'audiovisuel public qui fait l'objet d'une mission budgétaire dédiée dans le PLF initial, accroît de près de 5 milliards d'euros les recettes, mais aussi les dépenses puisqu'il s'agit de remplacer une taxe affectée par une subvention. Cet élément du budget sera amené à être modifié si la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public arrive à son terme rapidement, ce que j'espère.

L'augmentation de 11,2 milliards d'euros des dépenses s'explique en partie par cet effet de rebudgétisation. Les dépenses diminuent en réalité en euros et à périmètre constants, comme on le verra tout à l'heure.

Les recettes nettes totales du budget général, minorées des prélèvements sur recettes, s'élèvent à 310,6 milliards d'euros, soit 68,8 % seulement des dépenses nettes du budget général : c'est mieux qu'en 2024, année durant laquelle le ratio des ressources sur les dépenses n'est que de 63,3 % seulement, mais l'excès des dépenses sur les recettes demeure considérable et explique le déficit budgétaire.

Pour la première fois depuis le début de la décennie, le déficit budgétaire repasserait en dessous de 150 milliards d'euros. Ce niveau reste très élevé et ne saurait constituer qu'une première étape pour atteindre l'objectif de ramener le déficit en dessous de 3 % de PIB d'ici à 2029.

L'effort sera d'autant plus important que les contraintes héritées du passé sont nombreuses. La dette est plus importante et produit son effet sur la hausse de la charge de la dette. Cette dernière a déjà augmenté de plus de 50 % depuis 2020 : la France paie plus d'intérêts à ses créanciers qu'elle ne consacre de crédits à la recherche et l'enseignement supérieur, à la police et à la gendarmerie. En 2027, la charge de la dette aura quasiment doublé par rapport à 2020 et devrait constituer la première charge du budget de l'État.

Examinons plus en détail les recettes de l'État, qui connaissent des mouvements assez complexes, mais globalement en hausse nette, dans ce projet de loi de finances.

Les recettes du budget général de l'État, nettes des remboursements et dégrèvements, seraient en 2024 de 378,2 milliards d'euros, en hausse de plus de 30 milliards d'euros courants par rapport à l'estimation révisée pour 2024.

Cette augmentation des prélèvements doit toutefois être relativisée dans la mesure où elle fait suite à un creux en 2023 et 2024 : en euros constants, les recettes fiscales nettes restent inférieures à leur niveau de 2022 et même au niveau atteint dans les années 2016 à 2018.

Entre 2024 et 2025, plusieurs effets proviennent de la rebudgétisation de taxes précédemment affectées, qu'il s'agisse de la part de TVA affectée à l'audiovisuel public ou des cotisations employeurs affectées au Fonds national d'aide au logement (Fnal).

L'effet le plus important résulte toutefois de la création de deux nouvelles contributions temporaires.

L'impôt sur les sociétés (IS) connaîtrait une diminution de son produit de 1,5 milliard d'euros en 2025. Cet impôt est toutefois très difficile à prévoir, même si, sur le moyen terme, ses recettes sont relativement stables en euros constants si on les retraite de l'effet lié au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Les recettes de TVA revenant à l'État seraient en hausse de 10,2 milliards d'euros, mais une partie de cette augmentation - 4 milliards d'euros - provient de la rebudgétisation du financement de l'audiovisuel public, qui pourrait être annulée.

L'impôt sur le revenu connaîtrait, pour sa part, une hausse assez importante de 5,7 milliards d'euros, due en particulier à l'augmentation des revenus en 2024 qui impacte le solde perçu en 2025.

Si le barème de l'impôt sur le revenu est revalorisé comme chaque année, préservant de l'inflation le revenu disponible des classes moyennes, une contribution exceptionnelle est demandée aux plus hauts revenus, pour un produit attendu de 2 milliards d'euros.

Une autre contribution est demandée aux plus grandes entreprises, pour un produit estimé à 8 milliards d'euros. Elle constituera donc l'un des principaux « petits impôts », catégorie dans laquelle on peut classer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), puisque celle-ci est désormais rejointe par d'autres contributions au produit comparable, notamment les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et les prélèvements de solidarité.

Les recettes non fiscales devraient bénéficier en 2025 d'un bon niveau de dividendes lié aux résultats financiers attendus d'EDF, mais d'un versement européen en baisse au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

Ce versement européen nourrit depuis quelques années les recettes de l'État, mais il ne faut pas oublier que le plan de relance européen devra être remboursé à partir de 2028. Or, si un panier suffisamment bien fourni de recettes propres n'est pas réuni d'ici là, ce remboursement pourrait peser à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an sur la contribution de la France au titre des prélèvements sur recettes (PSR) à destination de l'Union européenne.

Je terminerai ma présentation par l'analyse des dépenses de l'État et de l'effort réel qui est proposé par le présent projet de loi de finances ; chacun d'entre vous doit le constater, à des degrés divers, dans la mission qu'il rapporte.

Le panorama général des missions budgétaires inclut non seulement les crédits budgétaires, mais aussi les dépenses fiscales, les ressources affectées et les prélèvements sur recettes. Il est assez différent de celui qui a été présenté l'an passé.

Certaines politiques publiques importantes, par exemple la politique en faveur de l'emploi ou celles qui sont relatives à l'écologie et aux transports, ou encore à la cohésion des territoires, sont financées autant, voire plus, par des dépenses fiscales et des ressources affectées que par les crédits budgétaires ouverts en loi de finances.

L'évolution des crédits dans le projet de loi de finances pour 2025 est très différente de celle que je vous présentais l'an dernier - seuls des dispositifs de crise voyaient leurs crédits diminuer. Cette fois, l'effort est réel, alors même que n'est pas intégré l'effort supplémentaire de 5 milliards d'euros que le Gouvernement a annoncé et souhaite introduire dans le projet de loi de finances par voie d'amendement.

Les missions « Défense » et « Sécurités » poursuivent leur progression. La mission « Écologie, développement et mobilité durables » voit les coûts du service public de l'électricité augmenter, avec la baisse des prix de l'électricité.

La diminution des moyens consacrés à l'alternance et la baisse de la dotation versée à France Compétences réduisent les crédits de la mission « Travail et emploi ». La mission « Aide publique au développement » est l'une de celles qui contribuent le plus à l'objectif de maîtrise des dépenses.

Le Gouvernement met aussi l'accent sur la maîtrise des dépenses des opérateurs, ce que le précédent gouvernement avait annoncé, mais n'avait pas réalisé. Plusieurs mesures de prélèvements sur des trésoreries surabondantes sont proposées par le texte ; je pense d'ailleurs que nous pourrons aller plus loin en la matière.

L'ensemble de ces mesures conduit le projet de budget à rompre enfin - je le crois et je l'espère - avec la politique du « quoi qu'il en coûte » qui, nécessaire en 2020, a fini par être considéré comme un acquis, voire une addiction dont il est temps de sevrer le budget de l'État. C'étaient non pas les dépenses liées au covid ou à la crise inflationniste qui grevaient encore le budget de l'État, mais des dépenses courantes, sans lien ni avec les crises ni avec les recettes de l'État.

Cet effort devra être poursuivi, et le Gouvernement devra faire face au poids des engagements passés, qui prend plusieurs formes.

Le simple examen des lois de programmation en cours montre que celles-ci ont pour effet d'accroître les dépenses annuelles de plus de 20 milliards d'euros à l'horizon 2029-2030. Seules les moins coûteuses de ces lois de programmation ont été remises en cause, et encore très partiellement, dans le présent projet de loi de finances.

Les restes à payer, c'est-à-dire les engagements passés qui devront être couverts par des dépenses futures, s'élevaient fin 2023 à 219,4 milliards d'euros, dont près de 100 milliards d'euros pour la mission « Défense ». Ils étaient presque deux fois moins élevés en 2017.

L'ensemble de ces contraintes doit pousser certaines missions, selon les documents budgétaires, à connaître une augmentation de leurs moyens plus importante que d'autres dans les années à venir : je pense d'abord à la mission « Engagements financiers de l'État » - j'ai déjà rappelé que la charge de la dette deviendrait dans quelques années la première charge de l'État.

Le constat fait sur les dépenses vaut également pour les emplois. Après une hausse importante de l'emploi public depuis 2017, ce projet de loi de finances prévoit une diminution, certes limitée, de 2 200 emplois sur le périmètre de l'État et de ses opérateurs, mais cela constitue déjà une rupture.

La masse salariale connaîtrait en conséquence une légère diminution en euros constants. Cette diminution, par son ciblage sur certains ministères, permet de poursuivre les recrutements dans les armées et la justice, conformément aux lois de programmation qui les concernent. La diminution de l'emploi dans l'éducation nationale est liée à l'évolution de la démographie des élèves et porte logiquement en priorité sur les classes dont les effectifs sont les premiers à diminuer en nombre.

En conclusion, ce projet de budget élaboré dans des conditions très particulières me laisse un sentiment mitigé. D'une part, il concrétise enfin le redressement que notre commission des finances appelle de ses voeux depuis 2022 ; on ne peut que s'en réjouir. D'autre part, il arrive trop tard : nous devons agir en urgence et prévoir un redressement très massif et des hausses d'impôts importantes que nous aurions préféré éviter. Mais je vais choisir de voir le verre à moitié plein, plutôt que l'inverse.

Je souhaite que notre commission joue pleinement son rôle dans l'examen de ce projet de budget, en s'appuyant sur ses rapporteurs spéciaux. Si nous pouvons renforcer les économies proposées par le Gouvernement et alléger la fiscalité pesant sur les Français, je pense que nous ferons oeuvre utile.

M. Claude Raynal, président. - Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu une tonalité favorable à un PLF dans vos discours, monsieur le rapporteur général. Les choses évoluent...

M. Thierry Cozic. - Merci pour votre présentation.

Il est intéressant de voir comment se déroule l'examen du texte à l'Assemblée nationale : nombre d'amendements ont été votés contre l'avis du Gouvernement. Il est clair que l'attelage du socle commun a prouvé son illégitimité à présenter un budget aux Français, qui d'ailleurs ne s'y trompent pas : 75 % d'entre eux le jugent insatisfaisant.

Le groupe socialiste aborde donc ce budget de manière assez différente par rapport aux années précédentes. Nous nous interrogerons sur la conduite que vous adopterez lors des débats à venir, monsieur le rapporteur général. Vous faites désormais partie du socle commun, qui n'a de commun que le nom, tant Les Républicains, Renaissance, le Modem, Horizons ont déposé la moitié des amendements à l'Assemblée nationale ; 20 % des amendements ont été déposés par les seuls 47 députés Les Républicains. Leur opposition leur a permis d'obtenir l'abandon de la hausse de la taxation sur l'électricité ou du malus automobile.

Certes, nous saluons les quelques hausses d'impôt ciblées : celles-ci rétablissent un peu de justice fiscale. Mais elles sont temporaires, mal ciblées et faibles. Ce budget à trous, bâclé, avec 5 milliards d'euros d'économies toujours manquantes, est surtout celui des échecs. La France va malheureusement payer le prix des choix économiques de ces dernières années, choix que la majorité sénatoriale a soutenus. Vous l'aurez compris, les grands équilibres que vous nous présentez ne nous satisfont pas.

Nous serons très sensibles à un autre équilibre, celui du budget des collectivités territoriales, que le Gouvernement souhaite ponctionner à hauteur de plus de 11 milliards d'euros, alors que, comme nous le savons tous, leur situation est précaire.

Monsieur le rapporteur général, ma question est donc simple : quel sera l'avis de la commission sur les 3 milliards d'euros de ponction sur le fonds de précaution, sur les 1,2 milliard d'euros de plafonnement de la TVA, sur les 800 millions d'euros de réduction du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), sur les 5 milliards d'euros en moins pour la transition écologique des collectivités, sur les 2,1 milliards d'euros de désengagement de l'État et enfin sur les 2,5 milliards d'euros d'augmentation des cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ?

M. Vincent Delahaye. - Merci pour ce rapport très complet, qui ne m'apprend pas grand-chose. Toutefois, il éclaire certaines évolutions et contredit certains discours. Ceux qui parlent d'austérité devraient se montrer plus raisonnables : quand la dépense publique augmente de 36 milliards d'euros, on ne peut pas parler d'austérité.

Vous ne serez pas surpris, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin. Nous ne devons pas laisser accroire que les efforts se cantonneront à une année seulement. Les mesures fiscales, importantes, seraient temporaires, nous dit-on. Mais comment serait-ce possible avec un déficit de 142 milliards d'euros ? Nous devons être plus incisifs en matière d'efforts sur les dépenses !

Je remercie le rapporteur général d'avoir torpillé le raisonnement en tendanciel. À cet égard, le déficit estimé à 6,9 % pour 2025, qui sert de base au tendanciel, a-t-il été expertisé par la commission des finances ? Personne ne sait s'il est juste ou non. Il faut raisonner non pas en tendanciel, mais selon la réalité.

L'effort est mal réparti : il porte trop sur l'augmentation de la fiscalité et pas suffisamment sur la réduction des dépenses. Une chose m'inquiète, même si ce n'est pas non plus une surprise : la croissance française était portée par celle de la dépense publique. Or il faudrait que ce soit l'investissement qui la porte, et non la consommation.

Je reste très inquiet. J'ai des doutes sur l'augmentation des recettes de l'impôt sur le revenu, notamment. J'espère que le Gouvernement nous transmettra bientôt des projections documentées.

Nous sommes encore trop optimistes : la situation est loin d'être rétablie. Nous devrons faire des efforts considérables. Nous devrons faire face au désenchantement et aux désillusions de nos compatriotes si nous ne les préparons pas à ce défi.

M. Vincent Capo-Canellas. - J'ai apprécié la conclusion du rapporteur général, qui choisit de voir le verre à moitié plein.

Si j'ai bien compris, les ajustements s'élèvent non pas à 60, mais bien à 40 milliards d'euros. En outre, deux tiers des recettes supplémentaires sont issus de mesures fiscales nouvelles - et non l'inverse, avec des économies. Tels sont les constats que nous devons formuler, malheureusement.

Vous faites preuve de prudence, voire d'optimisme au sujet de la croissance. Vous partez d'une hypothèse à 1,7 % pour aboutir à 1,1 % de croissance ; je ne comprends pas bien si vous la jugez crédible : les justifications de cette analyse reposent sur l'investissement des entreprises. Or l'accroissement de l'imposition sur les sociétés aura des effets très récessifs.

Les dividendes obéissent à des règles basiques : ne pas en verser les années durant lesquelles est instaurée une contribution, annoncée comme temporaire, d'ailleurs.

L'idée d'un sursaut de croissance des dépenses et de la consommation me semble quelque peu contre-intuitive en ce moment, sans parler des conséquences du PLF sur les collectivités territoriales. Le texte n'est pas acceptable et sera à coup sûr modifié par le Sénat. Je rappelle que les collectivités sont à l'origine des deux tiers de l'investissement public : les mesures d'économies proposées par le Gouvernement à leur encontre auront, elles aussi, des effets récessifs.

En outre, une pluie de taxes s'abat sur différents secteurs : alors qu'il paie déjà 2,5 milliards d'euros de taxes, le secteur aérien devra verser 1 milliard d'euros supplémentaire. Il ne faudra pas se plaindre si l'aviation d'affaires ferme ses portes.

En outre, Air France a été soutenue par l'État durant la crise sanitaire et a remboursé ses emprunts - l'État a d'ailleurs gagné de l'argent dans l'opération. Désormais, on remet la tête de l'entreprise sous l'eau en lui imposant 300 millions d'euros de taxes supplémentaires : cela affaiblira notre compétitivité.

Les prévisions ne sont-elles pas trop optimistes ? Il serait très grave de ne pas réussir à atteindre l'objectif d'un déficit à 5 % et de faire une annonce qu'on ne puisse pas tenir, comme cela a déjà pu être le cas précédemment. J'éprouve moi aussi un sentiment mitigé face à ce projet de loi de finances.

M. Jean-François Rapin. - Merci pour ces explications claires.

Nous disposons d'une vision factuelle des dépenses à moyen terme ; en revanche, c'est moins clair pour les recettes. La TICPE rapporte près de 18 milliards d'euros. Comme la consommation de produits fossiles bruts diminuera à l'avenir, anticipe-t-on son extinction progressive ? Cette recette pourrait-elle être compensée si elle venait à disparaître ?

M. Pascal Savoldelli. - Je comprends que le rapporteur général se réjouisse du redressement, puisqu'il équivaut à donner un coup de volant à droite - je n'épiloguerai pas.

Monsieur le rapporteur général, vous comparez l'évolution de l'investissement des entreprises, non seulement entre la France et l'Allemagne - je n'y vois aucun inconvénient -, mais aussi avec les États-Unis. En revanche, vous ne faites plus la comparaison avec ce dernier pays lorsque vous évoquez la question de la dette. Dès lors, pourquoi avoir retenu l'exemple des États-Unis seulement sur la question de l'investissement des entreprises ?

Vous retracez la hausse des prélèvements obligatoires. C'est incontestable, mais quelles sont les recettes réelles, en volume ? En effet, il faut aussi prendre en compte les exonérations, les dégrèvements et les remboursements. Quel est l'impact réel de l'augmentation des prélèvements obligatoires pour les recettes de l'État ?

Pourquoi avez-vous indiqué que le produit net de l'impôt sur les sociétés serait identique, avec et sans le CICE ?

M. Marc Laménie. - Merci pour cette présentation pédagogique.

Ma question porte sur l'évolution des recettes fiscales. Le rapporteur général l'a rappelé à juste titre, la TVA est la première recette de l'État. Comment évoluera le produit de la taxe ?

Les recettes de l'impôt sur le revenu s'établiraient à la hausse, à hauteur de 93 milliards d'euros, tandis que le produit de l'impôt sur les sociétés resterait stable, voire régresserait.

La taxe d'habitation a été supprimée, mais elle est compensée à l'euro près par l'État ; cela représente une somme importante : près de 20 milliards d'euros. Où cette compensation apparaît-elle dans les documents budgétaires ?

M. Albéric de Montgolfier. - Quelle crédibilité peut-on accorder aux estimations des recettes, notamment pour la TVA ? Je pense notamment à la corrélation entre le taux de croissance annoncé, qui est faible, et les recettes de la TVA, qui seront élevées, selon le Gouvernement.

Le produit attendu des recettes fiscales nouvelles n'est-il pas très optimiste ? Par le passé, certaines mesures exceptionnelles n'avaient pas eu le rendement espéré - je pense notamment à la contribution de 75 %, qui n'avait rien rapporté. Les phénomènes d'optimisation existent.

En outre, ces prévisions se fondent sur un comportement inchangé des acteurs économiques, comme si ces derniers n'étaient pas capables de s'adapter face à un changement de situation fiscale. Ne pèche-t-on pas là encore par optimisme ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Merci au rapporteur général pour sa présentation.

Ma question porte sur l'évolution de la charge de la dette. Chacun comprend aisément que l'évolution des taux d'intérêt affecte considérablement notre budget. Un graphique évoque une charge de la dette d'un montant de 69,3 milliards d'euros en 2025, contre 54,2 milliards d'euros à une autre page. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Votre document évoque également l'impact d'un choc de taux de 1 % sur la charge de la dette. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

M. Jean-Baptiste Olivier. - Sur le graphique des estimations de solde budgétaire, on observe une baisse des dépenses de 5,8 milliards d'euros seulement, malgré une annulation de crédits s'élevant à 10 milliards d'euros. Comment peut-on expliquer cet écart ?

Je salue le sens des responsabilités du Premier ministre, contraint d'assumer des décisions afin de pallier les dérives des précédents gouvernements. Comme le dira sans doute M. Le Maire demain lors de son audition, il a fallu faire face à des crises et, chaque fois, nous avons infantilisé nos concitoyens en leur octroyant des chèques qui leur permettaient de surmonter les difficultés, comme si celles-ci étaient plus importantes chez nous que dans d'autres pays. La gauche était favorable à ces mesures, il est donc difficile pour elle de critiquer la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

Ce budget est, à mon sens, équilibré. Il demande des efforts importants aux grandes entreprises et à nos concitoyens les plus favorisés. Toutefois, ces grandes entreprises peuvent décider de quitter le territoire pour optimiser, même de façon temporaire, leurs conditions fiscales. Chaque fois, il y a des emplois à la clé. De ce point de vue, le Gouvernement a pris ses responsabilités.

Il s'agit également d'assumer une diminution des dépenses. Or, chacun trouve une bonne raison de s'opposer aux propositions formulées.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur Olivier, vous relevez la responsabilité de la gauche alors que, par exemple, le chèque carburant a été imposé par le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, contre l'avis de celui du Sénat. L'addition se chiffre à plusieurs milliards d'euros.

M. Arnaud Bazin. - Je souhaite revenir sur un sujet brièvement abordé par le rapporteur général : la baisse de la productivité du travail, de l'ordre de 8,5 % entre 2019 et 2024. Cet élément est essentiel pour comprendre les déséquilibres actuels. Le rapporteur général a évoqué les causes liées aux ressources humaines - le surcroît d'apprentis, le retour au travail de personnels peu qualifiés. On évoque moins la baisse de productivité des investissements. Comment se fait-il qu'une machine achetée en Allemagne soit aujourd'hui plus productive que la même machine achetée en France ? Dans nos travaux ultérieurs, nous devrons regarder de près toutes ces causes qui entraînent une baisse de productivité, car seule la création de richesses nous permettra de remonter la pente.

M. Raphaël Daubet. - Ma première question porte sur les tableaux comparatifs des prévisions de croissance. L'investissement des entreprises, qui contribue à la croissance à hauteur de -0,2 point cette année, doit augmenter en 2025. Or, une des courbes présentées de comparaison avec l'Allemagne et les États-Unis montre plutôt une baisse. Comment l'expliquez-vous ?

Mon autre interrogation porte sur la consommation des ménages. Celle-ci est prévue en forte hausse, de manière à porter la croissance ; cela me paraît risqué. En revanche, je déplore l'abandon du levier de la demande publique qui a pourtant fait ses preuves l'an dernier ; je pense aux dépenses de consommation ainsi qu'aux investissements des administrations.

M. Michel Canévet. - Tous ces éclairages n'apportent pas de réponses à nos inquiétudes qui restent très vives concernant l'évolution de notre situation financière. À cet égard, l'évolution des recettes en 2024 montre une baisse de 26 milliards d'euros par rapport aux prévisions. Sur quels éléments se base-t-on ? Les données sont-elles communiquées par Bercy ? S'agit-il d'estimations de la commission des finances ?

Parmi les évolutions observées, la baisse de l'impôt sur les sociétés, de l'ordre de 14,3 milliards d'euros, est la plus significative. Cela nous conduit à nous interroger sur les perspectives de recettes évoquées par le Gouvernement.

Enfin, concernant les dépenses, si l'on tient compte des évolutions positives et négatives, on se trouve à peu près au même niveau. L'effort est donc relativement limité. Je présume que, dans les chiffres communiqués, ne figurent pas les 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires annoncés par le Gouvernement. Ne pensez-vous pas que l'on puisse, dès cette année, réaliser davantage d'économies ?

M. Christian Bilhac. - Votre présentation m'inspire, concernant le budget, l'appréciation que j'entendais au lycée : peut mieux faire. Par exemple, on ne touche pas au financement de centaines d'opérateurs. Par ailleurs, les mesures fiscales seront, à n'en pas douter, bouleversées par les élections de 2027 ; il est donc inutile de se projeter en 2035.

Je souhaite revenir sur le sujet de la TVA nette. D'une mesure à l'autre, l'État s'est privé de 50 % des ressources de la TVA. Je m'interroge également sur la suppression de la taxe d'habitation et sur celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous sommes nombreux à les critiquer ici, mais là encore on préfère attendre, procrastiner. Pourquoi ne pas rétablir dès maintenant la CVAE, dont la suppression n'était pas réclamée par les entreprises, ainsi que la taxe d'habitation qui permettrait de recréer un lien indispensable entre les citoyens et les communes ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - M. Cozic s'interroge sur la légitimité de ceux qui ont accepté de se retrousser les manches, et assumé de former une coalition pour agir. Les élections sont intervenues, d'autres coalitions paraissaient peut-être plus naturelles. Si l'on s'en tient à celle qui avait votre préférence, des voix se sont opposées, à l'intérieur de celle-ci, lorsque des noms ont été proposés. Le Président de la République a fait un choix, en nommant Michel Barnier Premier ministre et, dans une logique qui me paraît implacable, nous nous associons à la coalition. Il faudra clarifier l'état des lieux, comme nous avons essayé de le faire dans le cadre de la mission d'information « flash », de manière que chacun endosse ses responsabilités. De mon point, cette clarification est indispensable pour travailler sereinement.

Une chose est certaine : l'ampleur de la dette et du déficit s'est accentuée lors des deux dernières années. Je ne suis pas de ceux qui pensent se résigner. La France a connu d'autres crises de ce type. À l'heure où des bouleversements géopolitiques et des courants populistes ébranlent le monde, je préfère m'engager pour apporter une contribution au service de mon pays. Je crois que, sans forcément avoir les mêmes idées, nous partageons tous cet état d'esprit. Pendant ce débat, j'espère que nous aurons la possibilité de trouver des voies de convergence, peut-être même encore plus larges que celles qui ont été imaginées.

Vous avez évoqué l'idée d'un socle commun ; pour ma part, je ferai référence au « Club des 5 », puisque cette nouvelle majorité sénatoriale élargie se compose de cinq entités. Chacun avec ses convictions, nous allons nous mettre au travail. Dans notre sensibilité, comme vous le savez, nous ne sommes habituellement pas favorables aux augmentations d'impôts ; mais la situation budgétaire appelle des mesures exceptionnelles. Si des efforts sont nécessaires pour réduire encore les dépenses, il faudra collectivement s'y employer. En baissant le niveau des dépenses, l'effet sera immédiat.

Vous avez évoqué, parmi les potentielles cibles de baisse des dépenses, la question des opérateurs. Il ne s'agit pas de tout casser, mais d'en « faire maigrir » certains et d'en regrouper d'autres, afin de muscler les dispositifs et de les rendre plus efficaces. Je ne doute pas que vous apporterez votre contribution. Il y a peu de temps, les mêmes qui préconisent aujourd'hui de dépenser moins demandaient davantage d'emplois. Chacun doit gérer ses contradictions. Nous sommes dans une situation d'urgence budgétaire, et nos concitoyens attendent de nous que la raison l'emporte.

Monsieur Delahaye, je suis favorable à l'idée d'aller plus loin concernant la baisse des dépenses. Je me souviens avoir été mis en minorité l'an dernier sur des sujets où l'on peinait à avancer. Le Gouvernement, de son côté, est allé assez loin sur le sujet de l'aide publique au développement (APD). Nous devons revoir les dispositifs tout en veillant à ne pas engendrer des difficultés excessives. Il faut le faire avec progressivité, même si cela paraît difficile en trente-cinq jours.

Lorsque j'ai évoqué un possible déficit de 6,9 % en 2025, je reprenais les chiffres de Bercy, à politique inchangée.

Les dépenses primaires, qui ne comprennent pas la charge de la dette, devraient se stabiliser en volume en 2025. C'est l'objectif, et ce serait une première.

La trajectoire du PSMT implique que les ressources fiscales soient, pour une part, temporaires. Les efforts devront être déployés durant plusieurs années, mais la marche la plus haute est celle du PLF pour 2025. La charge de la dette s'avère aujourd'hui trop importante. Si l'on arrive à franchir cette première marche, la tendance à l'effort sera bien intégrée.

M. Capo-Canellas a évoqué le sujet de la croissance économique avant redressement, c'est-à-dire avec un déficit en 2025 du même niveau qu'en 2024, soit 6,1 % du PIB. Un tel déficit serait, comme cette année, synonyme de forte impulsion budgétaire mais celle-ci serait combinée à un assouplissement de la politique monétaire. Dans ces conditions, la croissance serait relativement élevée. La prévision gouvernementale me semble un peu optimiste, mais plus raisonnable que celle de l'an passé.

Entre 2024 et 2025, un effort de plus de 40 milliards d'euros sera demandé, et majoritairement porté par l'augmentation des recettes.

L'objectif consiste à ramener le déficit à 5 % du PIB en 2025. L'effort, surtout, doit être suivi et piloté. Une fois le budget adopté par la représentation nationale, il s'agira de rendre des comptes. L'exercice étant inédit, nos concitoyens devront vérifier, peut-être à un rythme trimestriel, si les orientations votées produisent des effets.

Monsieur Rapin, il n'existe pas de projection de la TICPE à long terme. Tendanciellement, les recettes diminuent. Les recettes de la TICPE s'élevaient à 31,7 milliards d'euros en 2023 ; elles diminueront de 500 millions d'euros en 2025.

Monsieur Savoldelli, en termes d'investissements, les États-Unis envoient un signal à l'échelle de l'économie mondiale. Il n'est donc pas inintéressant de les voir figurer dans notre graphique.

Le total des recettes publiques, établi à 51,6 % du PIB en 2023, passerait à 51,3 % en 2024 et 52 % en 2025. De la même manière, le taux des prélèvements obligatoires, établi à 42,8 % du PIB en 2024, passerait à 43,6 % en 2025.

Concernant l'impôt sur les sociétés, le schéma sans le CICE démontre que, contrairement à ce qu'a pu déclarer l'ancien ministre de l'économie sur la baisse des taux de l'impôt sur les sociétés, les recettes n'augmentent pas et sont assez stables dans le temps. Passé un surcroît temporaire en 2022, l'effet magique s'est évaporé.

M. Laménie a évoqué la réforme de la taxe d'habitation et le financement par la TVA. À ceux qui déplorent des disparitions d'impôts, je précise que nous avons encore le niveau de prélèvements le plus élevé d'Europe. Certains critiquent la décision, mais nous avons été nombreux à voter la suppression de la taxe d'habitation. Remettons-nous dans le contexte de 2017. On mesure aujourd'hui la perte de lien que cette suppression a pu entraîner. Mais je ne crois pas non plus que nos concitoyens aspirent à une augmentation excessive du niveau d'imposition et de taxe.

Concernant l'augmentation de la TVA, l'effet de périmètre s'élève à 4 milliards d'euros. Cette hausse est liée à la rebudgétisation de l'audiovisuel public dans le texte initial. Cette année, pour la première fois depuis longtemps, on a observé un écart par rapport aux prévisions de recettes de TVA. Celui-ci s'explique par l'amélioration de nos échanges commerciaux et, dans le même temps, la baisse de nos importations. Ce double phénomène n'entraîne pas de recettes de TVA sur le territoire national. J'ignore comment les choses vont évoluer, mais, comme je l'ai évoqué précédemment, les échanges économiques actuels laissent entrevoir des tensions.

Madame Vermeillet, la charge de la dette est exprimée, d'une part, concernant toutes les administrations publiques en comptabilité nationale, et, d'autre part, pour le seul État en comptabilité budgétaire. Un autre graphique vise à montrer l'impact d'une hausse de taux sur la charge de la dette. Lors du PLF 2021, le ministre de l'économie de l'époque justifiait le besoin d'emprunter à des taux d'intérêt négatifs, sauf que, si l'on emprunte beaucoup et que les taux remontent comme c'est le cas en ce moment, l'effet cumulatif entraîne une augmentation mécanique de la charge de la dette.

Monsieur Olivier, la baisse des dépenses en 2024 s'avère en effet moindre que l'annulation des 10 milliards d'euros de crédits. Cela s'explique par la réintégration dans le budget de 16 milliards d'euros de reports de crédits. Le Gouvernement supprime, par décret, 10 milliards d'euros de dépenses et, mi-mars, récupère 16 milliards d'euros de crédits non mobilisés en 2023.

La question de la productivité au travail animera nos débats de la semaine prochaine. Nous devons être notamment attentifs à l'investissement privé productif des entreprises. La courbe de l'Allemagne montre, de manière étonnante, un effondrement du niveau d'investissement. En France, le climat politique n'est guère favorable, et il s'agit de veiller à ce que les mesures ne pèsent pas trop sur l'activité économique.

De la même manière, pour les collectivités, nous ferons en sorte de trouver des voies de passage peut-être différentes de celles qui sont envisagées par le Gouvernement pour traverser cette période difficile et tracer des perspectives. Les collectivités portent une part importante de l'investissement public, l'objectif n'est pas de leur casser le moral.

Monsieur Daubet, la baisse des taux de la BCE aide à maintenir la dynamique d'investissement des entreprises. Mais il ne s'agit pas d'une science exacte, et il convient d'agir avec précaution. On observe aujourd'hui des inquiétudes liées à la situation politique. Les entreprises ne se réjouissent pas d'un alourdissement de la fiscalité.

Lors du PLF pour 2024, le gouvernement de l'époque s'était montré peu prudent. Ce dernier prévoyait une élasticité des prélèvements obligatoires de 1,1 ; à l'arrivée, elle fut de 0,7. Pour 2025, le Gouvernement prévoit une élasticité de 0,9, ce qui est plus prudent. Des variables peuvent intervenir sans que nous soyons en mesure de les anticiper.

Nous devons aller plus loin au niveau des dépenses, le Sénat est attendu sur ce sujet. Au regard des différents rapports et missions qui ont produit de nombreux éléments chiffrés, il convient de réduire les dépenses peu productives. Je prends l'exemple des dépenses de formation des personnels enseignants : les montants, inscrits chaque année depuis dix ans au budget, sont largement sous-consommés, ce qui a conduit Olivier Paccaud, notre rapporteur spécial, à proposer une réduction de cette enveloppe. Tel est l'état d'esprit qui doit nous animer.

Les prévisions concernant l'impôt sur les sociétés paraissent raisonnables.

Concernant la baisse des dépenses, je pourrai également citer les opérateurs de France 2030, le service national universel (SNU), l'Agence nationale de la recherche (ANR). Je proposerai également de rejeter les crédits dédiés au plan de relance pour intégrer les programmes de cette mission dans le droit commun.

Sur le financement des collectivités territoriales, je ne crois pas qu'une mesure fiscale prise à la hâte soit une bonne solution. Le rétablissement de la taxe d'habitation et de la CVAE correspond-il à une attente ? De mon point de vue, les collectivités souhaitent surtout retrouver un lien avec leurs habitants, qu'ils soient locataires ou propriétaires, dans la mesure où ceux-ci contribuent à l'animation économique du territoire. Après le budget, nous aurons à débattre de réformes plus structurelles, notamment d'une nouvelle étape de la décentralisation. Le président Gérard Larcher envisage un impôt résidentiel ; le président de notre commission, de son côté, pointe des recettes inadaptées, notamment celle des droits de mutation pour les départements.

L'état d'urgence budgétaire nous impose aujourd'hui des mesures qui produisent des effets - soit des réductions de dépenses, soit des recettes supplémentaires -, afin de passer le gué et d'entamer le redressement par un effort collectif le plus équilibré possible.

M. Claude Raynal, président. - Merci, monsieur le rapporteur général, pour vos réponses. Sans surprise, le débat sur le PLF promet d'être riche au Sénat.

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