B. DES EFFORTS À RÉALISER POUR RETROUVER NOTRE CRÉDIBILITÉ
Ces efforts sont indispensables pour retrouver notre crédibilité, non seulement auprès de nos concitoyens, mais également auprès des investisseurs qui prêtent à la France.
Il est en effet nécessaire d'éviter une nouvelle dégradation de nos finances publiques. Elle supposerait d'emprunter beaucoup plus largement pour couvrir nos dépenses, et dans de moins bonnes conditions, puisque l'incapacité à redresser nos comptes et à respecter notre trajectoire ne pourrait être perçue que négativement par les investisseurs. Le placement de la France en perspectives négatives par deux agences, le 11 octobre par Fitch et le 25 octobre par Moody's, signe qu'elles envisagent à l'avenir de baisser leur notation (AA- pour Fitch et Aa2 pour Moody's) doit, à cet égard nous alerter. Il est urgent d'agir pour éviter de le faire sous encore davantage de contrainte.
La dégradation de nos conditions de financement, d'ailleurs, a déjà commencé, puisque la France se finance à des taux à 10 ans plus élevés, désormais, que le Portugal ou l'Espagne.
Évolution des taux à 10 ans de quatre pays européens en 2024
(en %)
Source : note de conjoncture d'octobre 2024 de l'Insee
Au demeurant, et indépendamment même de la situation de la France, l'environnement dans lequel nous sommes amenés à nous refinancer tend à se dégrader. En effet, le FMI a récemment alerté84(*) sur le niveau atteint par les dettes publiques au niveau mondial, qui dépassent désormais 100 trillions de dollars, soit 93 % du PIB mondial. Elles pourraient en atteindre 100 % en 2030. Or, rien n'indique que l'offre de titres de dette publique ne parvienne à rencontrer durablement une demande satisfaisante, ce qui est susceptible de renforcer la hausse des taux auxquels la France serait amenée à se financer.
Comme le signalait par ailleurs Olivier Redoulès lors de son audition par la commission, « la Chine et les États-Unis accusent des déficits considérables et sollicitent une épargne mondiale qui est elle-même moins excédentaire qu'une dizaine d'années plus tôt : nous sommes structurellement sortis d'un monde où les taux d'intérêt réels étaient négatifs pour aller vers des taux d'intérêt clairement positifs, ce qui modifie la problématique de la consolidation budgétaire. En effet, lorsque les taux d'intérêt réels sont négatifs, la consolidation n'est guère utile à court ou à moyen terme dans la mesure où le ratio de dette publique baisse de manière un peu automatique. Ce n'est cependant plus le cas et nous ne savons pas quand nous sortirons de cette phase caractérisée par des taux positifs ».85(*)
Il est par conséquent devenu vital de redresser nos comptes publics. En effet, une hausse des taux signifierait une hausse de la charge de la dette, alors que celle-ci est déjà amenée à augmenter fortement les années à venir.
Hausse de la charge de la dette prévue entre 2023 et 2028
(en points de PIB)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Ainsi, même si le Gouvernement respectait la trajectoire de finances publiques qu'il s'est fixé dans le PSMT 2025-2029 et si ses prévisions de croissance s'avéraient justes, la charge de la dette, toutes administrations publiques confondues, pourrait atteindre près de 100 milliards d'euros en 2028.
Évolution de la charge de la dette entre 2020 et 2028
(en milliards d'euros)
Note : à partir de 2024, il s'agit de prévisions. Les données entre 2020 et 2025 proviennent de l'avis du HCFP sur le PLF, et les données de 2025 à 2028 des calculs de la commission des finances, d'après les données de charge de la dette en pourcentage du PIB et les données de croissance en valeur des documents budgétaires
Source : commission des finances, d'après l'avis du HCFP sur le PLF 2025 et les documents budgétaires
Il est d'autant plus urgent de redresser les comptes publics que tout choc de taux, dû par exemple à une défiance accrue des investisseurs, se traduirait par un alourdissement significatif d'une charge de la dette qui absorbe déjà trop de ressources publiques. Le cercle vicieux entre dégradation des conditions de financement et dégradation de la situation des finances publiques qu'a connu la Grèce au début de la décennie 2010 doit, à ce titre, être impérativement évité.
Impact d'un choc de taux de 1 % sur la charge maastrichtienne des obligations assimilables au Trésor (OAT) et des bons à taux fixe (BTF)
(en milliards d'euros)
Source : Agence France Trésor, rapport sur la dette des administrations publiques
Un tel effort est par ailleurs nécessaire rapidement car, chacun le sait, la puissance publique devra à moyen terme trouver les moyens d'investir dans les transitions écologique et énergétique. De tels investissements sont nécessaires - à défaut d'avoir à supporter plus tard une intervention croissante de l'État pour faire face aux crises climatiques qui s'annoncent. Ces investissements imposent un assainissement préalable de la situation budgétaire.
* 84 Mettre un frein à la dette publique. Moniteur des finances publiques, Fonds monétaire international, octobre 2024.
* 85 Audition du 23 octobre 2024 précitée.