IV. - REPORTS DE CREDITS DE 2024 SUR 2025
ARTICLE 51
Majoration des plafonds de reports de crédits de
paiement
Le présent article supprime le plafonnement des reports vers 2025 des crédits de paiements non consommés en 2024 pour huit programmes du budget général.
La commission a adopté un amendement II-1722 (FINC.1) qui inscrit, pour chaque programme concerné, le nouveau plafond de report dans le texte même de l'article.
La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LA LIMITE DE REPORT DES CRÉDITS DE PAIEMENT PEUT ÊTRE MAJORÉE EN LOI DE FINANCES
A. LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES PRÉVOIT, POUR CHAQUE PROGRAMME, UNE LIMITE DE REPORT DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE 3 % DES CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALE...
Le principe d'annualité budgétaire prévoit que les crédits budgétaires ne créent aucun droit au titre des années suivantes.
L'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)15(*) prévoit toutefois que les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.
S'agissant des crédits de paiement, ceux qui ne portent pas sur des crédits de personnel (titre 2) peuvent être reportés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le programme d'origine des crédits, hors titre 2. De même que pour les autorisations d'engagement, ils peuvent être reportés sur un programme poursuivant les mêmes objectifs.
Les crédits de personnel ne peuvent faire l'objet d'aucun report, sauf s'ils proviennent du versement d'un tiers sur un fonds de concours. D'une manière générale, les crédits issus de fonds de concours sont exonérés de la limite de reports précitée.
B. ... QUI EST SUPPRIMÉE CHAQUE ANNÉE POUR UN NOMBRE DE PROGRAMMES PARFOIS ÉLEVÉ
L'article 15 précité de la loi organique prévoit que le plafond de 3 % peut être majoré par une disposition dûment motivée en loi de finances.
Dans chaque loi de finances, un article situé dans la seconde partie autorise une majoration du plafond, voire la suppression de tout plafond. Alors qu'elle était utilisée de manière parcimonieuse avant 2010, cette dérogation a été étendue à un nombre de programmes compris entre 15 et 30 au cours des années 2010, puis de l'ordre de 45 entre 2021 à 2024.
Nombre de programmes faisant l'objet d'une
dérogation
à la limitation des reports de crédits de
paiement
Source : commission des finances
La rédaction de cet article a évolué, reflétant la modification des pratiques et l'extension du champ de la dérogation.
Les lois de finances pour 2017, 2018, 2019 et 2020 autorisaient à reporter, sur chacun des programmes concernés, un montant de crédits inférieur ou égal à ceux ouverts dans la loi de finances initiale : les reports ne pouvaient donc pas concerner les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative ou reportés de l'exercice précédent.
Les lois de finances pour 2021 et 2022, pour leur part, ont autorisé, pour les programmes concernés, le report de l'ensemble des crédits ouverts non seulement en loi de finances initiale, mais aussi dans les lois de finances rectificatives prises en cours d'année, ce qui a permis de reporter une partie des crédits très importants ouverts dans les collectifs budgétaires pris en 2020 et 2021. La loi de finances pour 2023 est revenue à une limitation des reports au niveau des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2022.
La loi de finances pour 2024 a retenu une rédaction différente, permettant de reporter l'ensemble des crédits disponibles, ce qui semble inclure non seulement les crédits ouverts dans les lois de finances, minorés des crédits annulés en loi de finances rectificative ou de fin de gestion, mais aussi ceux résultant de mouvements de crédits, notamment des reports de crédits non consommés au cours de l'exercice précédent.
Les reports doivent par ailleurs respecter une limite globale introduite à l'article 15 de la loi organique, sur une initiative du Sénat, par la révision de la loi organique du 28 décembre 202116(*) : le montant total des crédits de paiement ainsi reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année. Cette limite pourrait, elle aussi, être levée par la loi de finances, mais seulement en cas de nécessité impérieuse d'intérêt national.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LEVER LE PLAFOND DE REPORT POUR HUIT PROGRAMMES
Le projet de loi de finances déposé à l'Assemblée nationale prévoit de faire bénéficier huit programmes de l'exception à la règle de limitation des reports.
Le présent article prévoit que les crédits de paiement peuvent être reportés sur ces programmes en 2025, au-delà de la limite globale de 3 %, sans prévoir d'autre plafond que le montant des crédits disponibles sur ces programmes à la fin de l'année 2024. Il rappelle que le montant total des crédits de paiement reportés en 2025 ne peut excéder 5 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances de l'année 2024.
Programmes faisant l'objet d'une majoration du
seuil de reports
dans le projet de loi de finances pour 2025
Mission |
Programme |
Administration générale et territoriale de l'État |
- Vie politique |
Conseil et contrôle de l'État |
- Cour des comptes et autres juridictions financières |
- Conseil d'État et autres juridictions administratives |
|
Justice |
- Conseil supérieur de la magistrature |
Plan de relance |
- Écologie |
- Compétitivité |
|
Relations avec les collectivités territoriales |
- Concours spécifiques et administration |
Outre-mer |
- Conditions de vie outre-mer |
Source : commission des finances, à partir du présent article
*
* *
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale. En conséquence, le présent article est considéré comme ayant été rejeté.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER UNE DÉROGATION LIMITÉE À LA LIMITE DES REPORTS DE CRÉDITS FIXÉE PAR LA LOI ORGANIQUE
Alors que la loi organique relative aux lois de finances prévoit que le plafond de report de 3 % des crédits initiaux peut faire l'objet d'une « majoration » par une disposition de la loi de finances, le présent article supprime en fait tout plafond puisqu'il autorise, sur les programmes qu'il cite, le report de la totalité des crédits disponibles.
Cette formulation, déjà retenue par la loi de finances initiale pour 202417(*), a permis par exemple, comme l'avait prévu le rapporteur général l'an dernier18(*), de reporter de l'exercice 2023 vers l'exercice 2024 pas moins de 2 milliards d'euros de crédits de paiement sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2023 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » de la mission « Économie », alors même que ce programme n'avait reçu aucun crédit en loi de finances initiale pour 2023. Tous les crédits disponibles en 2023 sur ce programme étaient en effet issus de reports de crédits non consommés en 2022.
Le projet annuel de performances de cette mission, annexé au présent projet de loi de finances, indique d'ailleurs, de manière étonnante, que ces crédits devraient être une fois de plus reportés à 2025, alors même qu'aucune disposition du projet de loi de finances, dans le texte initial du projet de loi de finances, n'autorise ce programme à déroger au plafond de report de 3 % des crédits initiaux, lesquels sont nuls en 2024.
Le présent article autorise par ailleurs, comme les années précédentes, les programmes de la mission « Plan de relance » à reporter leurs crédits disponibles à 2025, comme le prévoit également le projet annuel de performances de cette mission.
Le montant des reports, sur les huit programmes prévus par le présent article dans le texte transmis au Sénat, ne serait donc limité que par le montant des crédits disponibles, ainsi que par la règle selon laquelle le montant total des crédits de paiement ainsi reportés, tous programmes confondus, ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année19(*).
Montant des crédits disponibles sur chaque
programme au 2 décembre 2024,
comparé au seuil
de 3 % des crédits ouverts en loi de finances initiale
pour 2024
(en millions d'euros)
Lecture : sur le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », le montant des crédits disponibles au 2 décembre 2024, hors titre 2, est de 2 793,1 millions d'euros, alors que la loi organique, en l'absence de la dérogation prévue par le présent article, n'autoriserait le report des crédits qu'à un montant de 35,1 millions d'euros, soit 3 % des crédits ouverts, hors titre 2, par la loi de finances initiale.
Source : commission des finances, à partir des informations issues du système d'information Chorus
Le montant total des reports ainsi rendus possibles sur les huit programmes visés par le présent article dans le texte transmis au Sénat est de 1,7 milliard d'euros. Ce montant, s'il est très supérieur au plafond de 3 % des crédits initiaux de ces programmes, demeurerait très limité par rapport aux reports réalisés les années précédentes, soit 16,1 milliards d'euros en 2024 sur le budget général.
En outre, le nombre des programmes pour lesquels le déplafonnement des reports est demandé est très inférieur à celui de l'an passé dans le texte transmis au Sénat (soit 37), mais aussi dans le texte initial (soit 12).
Au total, le rapporteur général regrette que, au lieu de majorer de manière limitée et raisonnée, lorsque cela apparaît nécessaire, le plafond de 3 % prévu par la loi organique, le présent article supprime tout plafond en soustrayant des montants non négligeables de crédits au principe d'autorisation annuelle des crédits.
La commission a adopté un amendement II-1722 (FINC.1) qui, par souci de sincérisation et afin de mieux éclairer l'autorisation parlementaire, inscrit le nouveau plafond de report dans le texte même de l'article. Pour chaque programme, ce plafond correspond au montant des crédits disponibles au 2 décembre 2024.
Sur le fond, le rapporteur général constate par ailleurs que, dans le texte transmis, le montant total des déplafonnements reste très limité, et ne s'y opposera donc pas.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 15 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
* 16 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
* 17 Article 176 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 18 Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, présenté par Jean-François Husson, rapporteur général, au nom de la commission des finances du Sénat le 23 novembre 2023.
* 19 Cette limite de 5 % correspond, par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2024 sur le budget général, les budgets annexes, les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers, à un montant global de 40,7 milliards d'euros.