EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. Claude Raynal, président. - Nous terminons par l'examen du rapport spécial sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements ». - La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires qui résultent mécaniquement de l'application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission sont évaluatifs et ne sont pas soumis à un plafond de dépense pour le Gouvernement.
Cette mission est la plus importante en volume de crédits, tous budgets confondus. Ses crédits s'élèvent désormais à plus de 147 milliards d'euros et ont augmenté de 86 milliards d'euros depuis 2001, soit une hausse de 142 %.
Une telle progression procède de deux phénomènes : d'une part, des modifications des politiques fiscales qui, au gré de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales, et, d'autre part, la hausse des recettes fiscales brutes de l'État, qui engendre une augmentation corrélative des remboursements et des dégrèvements. En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, les dépenses sont évaluées, pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à 142,7 milliards d'euros, soit une hausse notable de 6,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.
Les crédits votés en 2024 étaient manifestement sous-estimés, puisque les dernières estimations à ce jour pour l'année 2024 les envisagent à la hausse de 9 milliards d'euros, et à 2,5 milliards de plus que les crédits proposés pour 2025. La baisse effective de ces crédits pour 2025 nous amène à nous interroger : devons-nous notamment considérer le résultat des dernières estimations comme la conséquence de la politique récessive du Gouvernement, laquelle déboucherait sur une diminution des recettes fiscales brutes ?
Les restitutions liées à la mécanique de l'impôt enregistrent une augmentation importante, de près de 7 milliards d'euros, par rapport à la loi de finances pour 2024. Les restitutions de TVA en sont la composante prédominante. Elles s'élèvent à 80,3 milliards d'euros dans le PLF 2025. Si leur hausse est légère en comparaison de la LFI de 2024, de l'ordre de 1 milliard d'euros, celle-ci s'inscrit dans une tendance longue et prononcée : de 2014 à 2025, la progression des remboursements de TVA atteint 68,6 %, avec 32,7 milliards d'euros.
Certes, le contexte inflationniste a pu expliquer en partie cette hausse, mais ce niveau historiquement haut pose également la question du niveau de fraude puisque les remboursements de TVA augmentent plus rapidement que la TVA collectée.
Par définition, il n'est pas aisé de mettre un chiffre sur l'ampleur de la fraude à la TVA. En 2022, l'Insee l'a estimée entre 20 et 25 milliards d'euros. Sa méthodologie a toutefois été affinée, en collaboration avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) - dont je salue la disponibilité -, et les dernières estimations évaluent désormais l'ampleur de la fraude à la TVA autour de 10 milliards d'euros. La typologie de fraudes observées fait ressortir, pour une large part, des transactions internationales, souvent intracommunautaires, réalisées par des sociétés-écrans.
Des avancées sont assurément constatées dans la lutte contre la fraude et les résultats sont plutôt encourageants puisque l'écart entre la TVA attendue et la TVA perçue a baissé de manière significative entre 2020, où elle s'élevait à 14 milliards d'euros, et 2021, où elle s'établissait à 9,6 milliards d'euros. Le défi reste toutefois de taille : à titre indicatif, les rappels faisant suite à des demandes indues de remboursement de TVA se sont élevés à plus de 3 milliards d'euros en 2023, un chiffre en constante augmentation depuis 2019.
Comme vous, je serai particulièrement vigilant à la mise en oeuvre effective de certaines annonces du Gouvernement et, alors que la fraude est souvent internationale, j'insiste en particulier sur la nécessité de maintenir les moyens suffisants pour que la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) puisse continuer d'exercer cette mission cruciale, toute économie en la matière étant indubitablement contre-productive au vu des montants en jeu. Les hausses d'effectifs annoncées par le gouvernement en 2023 dans certains services d'enquête de la douane tardent notamment toujours à se concrétiser.
Par ailleurs, nous devrons évaluer les conséquences de la mise en oeuvre de la généralisation de la facture électronique en France, prévue pour 2026. Il nous faudra être vigilants, car le risque existe que certains de nos concitoyens, des artisans ou des chefs d'entreprise se retrouvent alors dans une situation problématique.
Aujourd'hui, la TVA finance largement les collectivités territoriales, qui ont perçu près de 55 milliards d'euros de TVA transférée en 2024. Elle financera désormais, et de façon pérenne, conformément à la proposition de la majorité sénatoriale, l'audiovisuel public, ce qui, à mon avis, ne garantit ni l'indépendance de ce dernier ni la visibilité pluriannuelle de ses ressources. Le recouvrement de la TVA est donc un enjeu crucial.
Pour le reste, les crédits liés à la mécanique de l'impôt se sont révélés particulièrement imprévisibles. En matière d'impôt sur les sociétés, les crédits seraient de 7,5 milliards d'euros supérieurs aux prévisions et atteindraient 18,5 milliards d'euros.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, je vous alertais sur ce niveau que je jugeais faible et susceptible d'une révision à la hausse. L'administration fiscale estime, quant à elle, que l'année 2024 est exceptionnelle : s'appuyant sur les valeurs historiques, elle anticipe une baisse des remboursements en 2025 qui s'élèverait à 15,5 milliards d'euros. Si une telle approche statistique peut s'entendre, elle n'est pas sans risque d'une nouvelle sous-estimation des crédits en 2025.
D'une manière générale, et après un échange très intéressant avec l'administration fiscale, j'estime que le Parlement doit être mieux informé sur les hypothèses retenues par l'administration, afin de pouvoir jouer pleinement son rôle de contrôle.
Nous relevons, d'un côté, la mécanique de l'impôt et, de l'autre, la responsabilité des politiques publiques, la part qui est associée aux secondes s'élevant à 18,8 milliards d'euros pour 2025, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission.
Les remboursements et dégrèvements liés à l'impôt sur le revenu (IR) progressent, notamment sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain pour l'emploi d'un salarié à domicile, qui est en deçà des attentes, mais qui reste très dynamique. Les crédits prévus pour 2025 s'élèvent à 2,4 milliards d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros et de 49 % par rapport à 2024.
À partir des derniers travaux de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), je m'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable, portant sur des dépenses non contraintes pour certains contribuables. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale aussi significative pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économique des bénéficiaires.
L'autre crédit d'impôt coûteux auquel je prête une grande attention est le crédit d'impôt recherche (CIR), qui continue à croître, pour atteindre 7,7 milliards d'euros en 2025. Alors que son effet sur le niveau d'investissement en France reste à démontrer, il me paraît nécessaire de mener une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité ainsi qu'à conditionner le versement de l'argent public au maintien de l'activité et des emplois.
J'en viens maintenant au deuxième programme de cette mission. Il concerne les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Les crédits évalués pour 2025 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, soit une légère hausse qui met un terme à une tendance à la baisse entamée depuis 2021 en raison de la suppression de la taxe d'habitation, de la réforme des impôts de production et de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Premièrement, les remboursements et dégrèvements d'impôts économiques suivent naturellement la pause marquée dans la réforme des impôts de production, qui se confirme dans le PLF, lequel repousse à 2029 la suppression totale de la CVAE.
Si ces réformes ont été interrompues, elles ont néanmoins affecté durablement l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. En effet, il était initialement prévu que ces pertes de recettes soient compensées à l'euro près par le transfert d'une fraction de TVA ; à l'issue des réformes fiscales successives menées par le Gouvernement, la part de TVA transférée était la première recette des départements (40 %) et des régions (63 %) en 2023.
Or les risques de cette perte d'autonomie fiscale sont tout sauf théoriques. Ce qui devait arriver arriva et, dès ce PLF 2025, ce gouvernement a proposé une stabilisation en valeur des fractions de TVA affectées aux collectivités locales : sur les gains de 1,5 milliard d'euros annoncés par le Gouvernement, ce gel représente un manque à gagner de l'ordre de 635 millions d'euros au titre de la compensation de la perte de la CVAE.
Deuxièmement, les remboursements et dégrèvements de la taxe foncière augmentent sensiblement chaque année. Entre 2018 et 2024, ils ont enregistré une hausse de 909 millions d'euros, soit près de 78 %. Cette hausse s'explique par l'augmentation des montants de taxes foncières, principalement en raison de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales.
Il me paraît donc nécessaire d'avoir une réflexion plus approfondie sur le financement des collectivités et leur levier d'action sur leurs ressources.
Avant de conclure, j'indique que je défendrai des amendements au PLF pour 2025 en faveur de la résorption des risques de fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la TVA ou d'autres mécanismes qui génèrent du contentieux fiscal.
Mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission.
Mme Sylvie Vermeillet. - Serait-il possible de limiter le bénéfice du CIR aux entreprises européennes ? Des entreprises américaines font travailler nos chercheurs - et le font très bien -, mais le développement peut très bien s'effectuer aux États-Unis, alors que l'État a apporté son financement.
M. Thierry Cozic. - Le CIR occupe une place toute particulière dans cette mission. Longtemps vanté comme un moteur pour l'innovation, il est de plus en plus remis en cause par un certain nombre d'économistes et d'analystes. Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, ce crédit d'impôt coûte près de 7,7 milliards d'euros en 2024 et est l'aide la plus avantageuse des pays de l'OCDE, malgré le fait que la part de l'investissement dans la recherche stagne en France depuis plusieurs années autour de 2,3 % du PIB, loin derrière l'Allemagne - 3,1 % du PIB - et le Japon - 3,3 % du PIB.
En France, l'argent public finance près de 20 % de la recherche et développement, contre 6 % en moyenne dans l'OCDE. Si l'on compare avec les 8,26 milliards d'euros consacrés à la recherche publique dans le budget - montant en diminution de 169 millions d'euros par rapport à l'année précédente -, on attend avec appréhension le prochain croisement des courbes budgétaires, qui pourrait conduire à ce que l'argent public finance davantage la recherche privée que publique.
Initialement conçu pour stimuler la recherche, le CIR ne fait aujourd'hui que gonfler les marges des très grandes entreprises. Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent 89 % des 16 500 bénéficiaires, ne perçoivent ainsi que 36 % des créances ; à l'inverse, les 500 plus grandes entreprises s'approprient à elles seules 40 % de cette niche. Et, comme le précise un rapport parlementaire de 2021, « ces entreprises, dont la compétitivité au niveau mondial est très dépendante de leur capacité à innover, auraient probablement réalisé ces dépenses sans incitation fiscale ».
Ma question est très simple : le rapporteur spécial considère-t-il que le CIR s'apparente davantage à une aubaine pour les multinationales qu'à un moteur de la recherche et développement pour les PME françaises ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -
Il ne faut jamais cesser de lutter contre les opérations frauduleuses, encore plus par les temps actuels.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - Je pense que ce rapport, remis chaque année, gagnerait à être instruit dans le temps.
Concernant la possibilité de limiter le CIR quant au champ de ses bénéficiaires, le rapporteur général m'avait indiqué en 2022 qu'une telle mesure serait contraire au droit européen, ce qui est exact. Thierry Cozic a tout à fait raison sur le montant de ce crédit d'impôt, énorme par rapport à nos partenaires. Il est en effet capté très majoritairement par de très grands groupes et est parfois source de fortes contrariétés, comme l'épisode Sanofi l'a récemment démontré.
Lorsque de telles aides publiques sont accordées, j'estime qu'il serait tout à fait envisageable - sans porter atteinte à la liberté d'entreprendre - de définir des priorités et d'encourager la recherche et l'innovation dans certains domaines plus que dans d'autres. Par ailleurs, il me semble essentiel de prendre en compte la taille des entreprises : la solidité économique de la France tient pour beaucoup à son tissu de PME et de TPE, qu'il nous faut soutenir en priorité.
S'agissant de la contribution du CIR à l'activité et à la création d'emplois, il faut faire preuve d'une grande honnêteté intellectuelle et politique en clarifiant une question : considère-t-on que le CIR a un impact sur le maintien et la création d'emplois, à l'instar du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? De la réponse dépend notre capacité d'évaluer correctement l'efficacité de ce dispositif, travail que nous ne pouvons pas mener sans disposer de critères clairs.
J'avais précédemment tenté de calculer le coût d'un emploi financé par le CIR, qui était de huit à dix fois supérieur à un emploi financé par le CICE, mais je ne me livrerai pas à cette opération de nouveau, car je ne tiens pas à faire de la politique pour faire du bruit. La question reste cependant posée et, une fois encore, tout dépend des objectifs et des critères retenus : s'il est question d'évaluer l'efficacité du dispositif pour l'innovation et la recherche, notre esprit critique devra porter sur ce seul aspect.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.