EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes, réunie le 19 février 2025, a engagé le débat suivant :

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Mes chers collègues, nous nous réunissons ce midi pour examiner le rapport que Georges Patient et moi vous présentons sur la proposition de résolution européenne sur l'intégration régionale des régions ultrapériphériques (RUP) de l'Union européenne.

Cette proposition de résolution européenne a été présentée par la présidente Micheline Jacques et nos collègues Georges Patient, Christian Cambon et Stéphane Demilly.

Elle s'inscrit dans une étroite relation entre la délégation aux outre-mer et la commission des affaires européennes, puisqu'elle est le prolongement d'une réunion au cours de laquelle le rapport d'information de la délégation sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer dans le bassin de l'océan Indien avait été présenté devant notre commission.

Nos outre-mer ont besoin de faire entendre leur voix à Bruxelles et nous travaillons conjointement ! Nous prévoyons ainsi un déplacement conjoint à Bruxelles le 22 mai.

Je laisse la parole à Georges Patient.

M. Georges Patient, rapporteur. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues, nous avons déposé cette proposition de résolution européenne avec Mme Micheline Jacques, présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, ainsi que MM. Christian Cambon et Stéphane Demilly, à la suite de la présentation, devant notre commission, le 6 novembre dernier, du rapport d'information de la délégation aux outre-mer sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer dans le bassin de l'océan Indien, des mêmes auteurs.

Vous avez bien voulu nous suggérer, Monsieur le Président, cher Jean-François, cette démarche, à un moment opportun : en effet, la Commission européenne désormais installée, commence, dans le cadre de son programme de travail, que nous examinerons prochainement dans cette commission, à tracer les perspectives du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne pour la période 2028-2034, tout en évaluant à mi-parcours l'exécution du CFP en cours, pour la période 2021-2027.

Nous sommes partis du constat de la prise en compte insuffisante des outre-mer, et des RUP en particulier, par l'Union européenne. Au sein de l'Union européenne, vous le savez, la Guyane, la Guadeloupe, Saint Martin, la Martinique, La Réunion, Mayotte, les Canaries, les Açores et Madère bénéficient du statut de régions ultrapériphériques (RUP).

Les RUP font partie intégrante de l'Union européenne et sont assujetties au droit communautaire, au même titre que les autres régions européennes.

Toutefois, leur statut, reconnu par le fameux article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ouvre la possibilité d'adapter les règles européennes aux caractéristiques particulières de ces territoires.

Nous les avons déjà exposées ici mais je les rappelle : éloignement, insularité, climat, faible superficie et dépendance économique vis-à-vis d'un nombre limité de produits, le tout entraînant des surcoûts. Il est à noter que deux de ces critères ne s'appliquent pas à la Guyane : l'insularité et la faible superficie.

Les dispositions spécifiques en faveur des RUP couvrent aujourd'hui la politique régionale, la politique agricole commune, la politique commune de la pêche et le régime applicable aux aides d'État. Mais le champ de l'article 349 est vaste et permet aux institutions européennes d'agir résolument en faveur des RUP, dans bien des domaines.

Or il est une dimension qui nous a paru éminemment stratégique, à la fois pour nos outre-mer et pour l'Union européenne, particulièrement au regard de l'évolution géopolitique actuelle, c'est l'insertion régionale des RUP.

La présente proposition tend donc à tirer parti des potentialités de l'article 349 du TFUE pour dessiner un cadre juridique ad hoc pour ces territoires au service d'une véritable stratégie de développement et de rayonnement régional.

En ce qui concerne les RUP, les auteurs de la proposition de résolution considèrent à juste titre qu'une meilleure intégration ou insertion régionale serait porteuse de solutions pour répondre aux défis des outremers.

Je citerai quatre défis :

- la lutte contre la vie chère grâce à un approvisionnement régional ;

- le développement économique en ouvrant de nouveaux marchés ;

- la mobilité en facilitant les déplacements et la connectivité avec des hubs régionaux ;

- mais aussi la lutte contre les trafics qui menacent de plus en plus la stabilité de ces territoires.

Certes, les interlocuteurs de la Commission européenne, que nous avons pu auditionner, ont eu à coeur de faire valoir les documents de « stratégies » relatives aux RUP, publiés tous les cinq ans et qui servent de feuilles de route à l'action de l'Union européenne dans nos outre-mer.

La dernière en date commence à dater, précisément, car elle remonte au 3 mai 2022... Elle est intitulée : « Donner la priorité aux citoyens, assurer une croissance durable et inclusive, libérer le potentiel des régions ultrapériphériques de l'Union ». C'est sur la base de cette communication que le Conseil européen, sous présidence française, a adopté, pour la première fois, des conclusions entièrement consacrées aux RUP.

Dans ces conclusions, le Conseil se félicitait « de l'initiative de la Commission visant à recenser les domaines clés de coopération par bassin » et invitait les États membres concernés à promouvoir la coopération dans ces domaines entre les régions ultrapériphériques et les pays et territoires d'outre-mer, ainsi qu'avec les pays tiers.

Et de souligner « l'importance que revêtent les régions ultrapériphériques pour les relations extérieures de l'UE, car elles permettent de faire rayonner les intérêts et les valeurs de l'UE dans leurs zones géographiques » et « l'importance qu'il y a à mieux intégrer les régions ultrapériphériques aux projets de coopération multilatérale ».

Enfin, la Commission était expressément invitée « à préserver les intérêts des régions ultrapériphériques, notamment dans le cadre de négociations commerciales avec des pays tiers ». Nous ne saurions mieux dire...

Mais, le rapport de la Commission publié le 3 octobre dernier sur sa mise en oeuvre reconnaît que cette stratégie de 2022 « affiche un niveau d'ambition plus élevé que les stratégies précédentes, avec un champ d'application plus large ».

Cela justifierait qu'aucun « paquet RUP » ne soit hélas inscrit au programme de travail de la Commission européenne pour 2025, qui recense les initiatives et priorités nouvelles de la Commission. Pour nous, cela rend urgent la programmation d'un tel « paquet », que nous préconisons.

Nous attirons également l'attention sur la consultation publique que ne devrait pas manquer d'ouvrir prochainement la Commission européenne, dans le cadre de l'évaluation à mi-parcours de cette stratégie, concomitante avec celles des principaux fonds régionaux, mentionnée dans le programme de travail pour cette année, dans la perspective de la préparation du prochain CFP. Il est essentiel que les acteurs concernés, institutionnels, politiques, administratifs, économiques et représentants de la société civile des RUP, participent massivement à cette consultation en ligne, qui devrait être pilotée par la direction générale de la politique régionale et urbaine (DG REGIO).

C'est en effet ce service, sous la responsabilité du vice-président exécutif de la Commission, qui a la main sur les principaux fonds structurels, en particulier le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds de cohésion et le Fonds social européen plus (FSE+).

Pour la période 2021-2027, 16 milliards d'euros ont été affectés aux régions ultrapériphériques au titre des fonds de la politique de cohésion, de l'agriculture et de la pêche, soit une augmentation notable par rapport aux 13 milliards d'euros de la période 2014-2020.

La Commission européenne elle-même constate que des « défis majeurs subsistent en ce qui concerne les conditions de vie, les perspectives et le développement » dans les régions ultrapériphériques. Comme le souligne le neuvième rapport sur la cohésion, la plupart de ces régions souffrent encore d'un faible PIB par habitant (inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE), de disparités économiques, d'un taux de chômage plus élevé (en particulier chez les jeunes) et d'un niveau d'instruction plus faible. Mayotte demeure la région la plus pauvre de l'UE, avec un PIB par habitant inférieur à 30 % de la moyenne européenne.

L'autre programme majeur pour l'insertion régionale des RUP est Interreg, géré par un autre secteur de la Commission européenne, la Direction générale des partenariats internationaux, dite DG INTPA, en jargon bruxellois, sous la responsabilité du commissaire européen tchèque Jozef Sikela.

Interreg est l'outil financier incontournable de la coopération régionale : 63 millions d'euros pour 2021-2027 sur le seul programme dédié à l'océan Indien et 10 millions d'euros pour le programme du canal du Mozambique. Quant au bassin Caraïbe, il a bénéficié de 67 millions d'euros et l'Amazonie, de 19 millions d'euros. Sans Interreg, la coopération régionale ne serait pas financée.

Au total, 329 millions d'euros seraient affectés au voisinage des RUP par cet instrument pour le présent CFP, avec un taux de programmation qui pourrait être amélioré, celle-ci ayant démarré assez lentement : ce taux serait de 27 % pour l'océan Indien et n'aurait pas encore démarré pour le programme concernant le canal du Mozambique. Après avoir fait face aux urgences dues aux réponses pressantes à apporter aux dévastations du cyclone Chido, il est espéré que la programmation démarre rapidement et atteigne sa vitesse de croisière.

Le taux d'exécution pour le programme Interreg au titre du précédent CFP 2014-2020 était pourtant « très satisfaisant » : soit 100 % en Amazonie, 87 % pour l'océan Indien et 83 % pour les Caraïbes. Une exception regrettable est à signaler pour Mayotte où 10 millions d'euros n'auraient pas été utilisés. Espérons que la prise en charge du Feder par le conseil départemental comme autorité de gestion améliorera les choses, ce dont nous ne doutons pas.

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Autre instrument très important, également géré par le secteur de la Commission européenne en charge des partenariats internationaux : l'instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale, dit « NDICI ».

Nous vous renvoyons à notre rapport pour les chiffres, mais son degré de coordination avec les actions financées par les fonds de cohésion et notamment Interreg, gérés par la DG REGIO, nous paraît nettement perfectible.

Autre « stratégie » qui paraît souffrir d'une insuffisante lisibilité, « Global Gateway », stratégie dite de « connectivité ». Lancée en fanfare par la présidente de la Commission européenne en 2021, comme une réponse européenne aux « nouvelles routes de la soie » chinoises, ce n'est ni un projet, ni un programme, ni une action, ni un fonds, mais une « stratégie », justement, autant dire un label qui vient habiller des programmes et projets existants, censément pour favoriser la levée de fonds privés en complément, dans une approche « multi-bailleurs ».

Même si la lutte contre les sargasses ou les projets de corridor vert maritime en bénéficient, parmi d'autres projets orientés vers la résilience des régions concernées à l'égard des changements climatiques, il semble que les projets d'investissements labellisés « Global Gateway » dans les zones régionales des RUP ne soient destinataires que d'un montant assez faible par rapport à l'enveloppe globale annoncée, d'un montant qui paraît faramineux, de 300 milliards d'euros sur l'ensemble du CFP.

Là encore, un effort de coordination nous semble indispensable, notamment avec le Service européen pour l'Action extérieure (SEAE), qui dépend de la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vice-présidente de la Commission européenne.

En effet, c'est à ce déficit de coordination et de vision d'ensemble que la présente proposition entend apporter une réponse qui nous a paru opportune.

Le premier obstacle à l'insertion régionale des RUP qu'elle propose de lever, porte sur les accords de partenariat économique (APE) négociés par l'Union européenne avec les pays ACP (Afrique - Caraïbes Pacifique). Ces accords exposent nos outre-mer à une concurrence accrue.

Les négociations ACP-UE n'intègrent pas de groupe de travail RUP. La conférence des présidents des RUP plaide depuis de nombreuses années pour y remédier, ainsi que le Parlement européen depuis une résolution de 2021. La Commission européenne, de son côté, renvoie vers les États membres.

Pour que les RUP cessent d'être tenues à l'écart des projets d'accords commerciaux de l'Union, il conviendrait de rendre obligatoires les études d'impact de ces projets sur les RUP et d'y associer ces derniers dès l'ouverture des négociations.

L'article 349 du TFUE justifie que les RUP aient une place à part dans l'architecture des négociations et ne soient pas traités comme un acteur ordinaire de la société civile. Il faudrait enfin imaginer la possibilité de conclure des accords commerciaux régionaux sur-mesure.

Le droit européen protège, bien souvent, mais il isole également, entravant souvent la régionalisation des échanges économiques. Un des effets collatéraux est le renchérissement des coûts d'approvisionnement.

L'allègement des normes européennes qui a heureusement été acquis pour les matériaux de construction - avant même que l'extrême urgence s'impose à Mayotte - doit pouvoir être reproduit.

Une telle adaptation devrait pouvoir s'appliquer à d'autres secteurs, par exemple en matière de transfert des déchets pour permettre le développement de filières de traitement des déchets à l'échelon régional, dans la lignée de la résolution européenne sur la gestion des déchets dans les outre-mer, que nous avions adoptée ici en 2023 sur le rapport de Marta de Cidrac et Gisèle Jourda. De même, en matière agro-alimentaire, certaines normes européennes pourraient être assouplies pour faciliter les échanges intra-régionaux.

Une telle adaptation peut être obtenue par l'adoption du « paquet législatif RUP » que vient de mentionner Georges Patient. L'objectif est clair : passer en revue les différentes législations européennes qui créent des obstacles réglementaires à l'insertion économique des RUP dans leur environnement, en tenant le plus grand compte des remontées de terrain des acteurs politiques, économiques et sociaux.

Ce travail transversal doit être mené de concert avec la proposition phare de ce texte. Pour remédier au fonctionnement en silos que nous avons observé, et qui explique selon nous une partie des difficultés constatées par nos collègues de la délégation aux outre-mer, nous proposons la création d'une véritable politique européenne de voisinage ultrapériphérique, une politique de « grand voisinage », stratégique pour l'Union européenne et pour nos outre-mer.

Ceux-ci ne sont en effet pas encore suffisamment perçus comme autant de pôles européens stratégiques, au coeur d'espaces géopolitiques non européens. Dans la reconfiguration actuelle des rapports de puissances que nous observons à l'échelle du monde, qui ne date pas de l'élection du président américain, car elle découle au fond d'une lente évolution, c'est essentiel, et pour l'Europe, et pour nos territoires et régions d'outre-mer.

Compte tenu de ces observations, nous proposons quelques amendements au projet initial.

Outre les modifications rédactionnelles ou de pure forme, qui complètent et réagencent notamment l'ordre des visas, il nous a paru utile de mentionner la loi tout récemment adoptée à l'unanimité au Sénat sur Mayotte, ainsi que le règlement européen RESTORE permettant d'anticiper les financements des fonds européens structurels en cas de catastrophe naturelle, également applicable à Mayotte.

Nous avons ajouté également un paragraphe sur les progrès attendus sur les études d'impact sur les décisions et textes concernant les RUP.

Un autre complément tend à impliquer la Haute représentante et son service, le SEAE, dans la nécessaire coordination avec les directions générales de la Commission.

Nous demandons enfin que le règlement RESTORE puisse être appliqué d'urgence pour la reconstruction de Mayotte. Une réflexion sera ensuite nécessaire, sur la nécessité d'agir dans l'urgence, mais aussi sur l'importance de conserver l'aspect structurel des fonds européens. Il faut pouvoir articuler ces deux dimensions. Ce sera utile dans le cadre de la préparation du prochain CFP.

Cette proposition devra être suivie attentivement. Auprès du Gouvernement, d'abord, le cabinet de M. Valls n'ayant pas répondu à notre demande d'audition, mais il est vrai qu'il y a tant à faire ! Auprès de la Commission européenne et du Parlement européen, ensuite : c'est le sens du déplacement conjoint que nous entendons mener, le 22 mai prochain, avec la délégation aux outre-mer. Pour les sensibiliser dès à présent, nous vous proposons également un avis politique, qui reprend les principales dispositions de cette proposition, à l'attention de la Commission européenne. Je rappelle que la proposition de résolution européenne s'adresse au Gouvernement, et que l'avis politique s'adresse à la Commission européenne et au Parlement européen. Avez-vous des observations ?

M. Jacques Fernique- Je suis tout à fait d'accord avec les points développés par la résolution. Passer en revue les différentes législations européennes pour pointer tous les obstacles réglementaires à l'insertion économique des régions ultrapériphériques dans l'environnement est effectivement nécessaire. Le droit européen protège, mais il isole aussi.

L'idée que les cofinancements soient mieux orientés, que les crédits européens aillent davantage vers les projets de coopération régionale, c'est très bien. La création d'une véritable politique de voisinage ultrapériphérique pour changer le regard sur les RUP est effectivement une bonne idée. L'amendement qui consiste à prendre en compte l'urgence pour Mayotte est effectivement tout à fait pertinent.

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Il était effectivement important d'intégrer dans le texte la situation de Mayotte, et en particulier la mobilisation du programme « RESTORE », parce que c'est un nouveau programme. Il va être utilisé pour Mayotte, certes. Il a été utilisé pour Valence en particulier, au moment des grandes inondations. Il a d'ailleurs été établi pour cela. Je crois que ce programme pourra faciliter la reconstruction dans ces territoires. Nous avons également pointé du doigt un sujet sur l'utilisation des crédits Interreg, notamment pour Mayotte, où il faut une véritable volonté nationale, mais aussi du territoire, afin de pouvoir mobiliser ces crédits. J'espère en tout cas qu'ils seront davantage mobilisés qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent.

Quoi qu'il en soit, comptez sur moi pour défendre ce sujet au niveau européen. Comme je vous l'avais indiqué, ma prise de parole à Varsovie, lors de la réunion de la COSAC des présidents, avait abordé cet enjeu.

Je crois qu'il faut que l'Union considère aujourd'hui que les outre-mer, ce n'est pas uniquement le sujet de la France, voire un peu de l'Espagne et un peu du Portugal. C'est un vrai sujet européen. Ce sont des territoires européens. Il faut les traiter comme tels, encore plus aujourd'hui, au regard de la configuration géopolitique et de la nécessaire autonomie stratégique que nous défendons tous.

Mme Marta de Cidrac. - Je trouve que cette proposition de résolution va tout à fait dans le bon sens. Je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail. J'ai simplement une interrogation concernant l'alinéa 40, puisqu'on dit qu'on souhaite à cette fin évidemment que « soient incités à travailler conjointement ». Je me demande si le terme « inciter » exprime une intention suffisamment forte. Ne pourrait-on pas donner plus de force à cette idée, que je trouve par ailleurs très bonne sur le fond ?

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - On peut enlever la notion d'incitation. Le niveau supérieur, c'est la formulation d'exigences à l'égard de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et du SEAE. J'y suis moins favorable. On pourrait donc écrire : « souhaite à cette fin que la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le Service européen d'action extérieure (SEAE) travaillent conjointement » avec les commissaires concernés.

M. Georges Patient, rapporteur. - Cette rédaction me convient.

M. Didier Marie. - Connaît-on le montant des fonds de cohésion affectés aux territoires ultrapériphériques ? Ce montant est-il satisfaisant ?

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Le montant est d'environ 16 milliards d'euros sur le dernier CFP, contre 13 milliards sur le précédent, mais je pense que ces fonds ne sont pas complètement utilisés, tout comme les fonds Interreg. Même s'il y a des champions d'utilisation des fonds - je pense à La Réunion, par exemple, qui parvient bien à utiliser les fonds mobilisables. S'agissant des fonds Interreg, le taux d'exécution 2014-2020 était de 83 %.

Je pointais le territoire de Mayotte, parce que, justement, c'est peut-être celui qui a le plus besoin de ces fonds. Or on a perdu 10 millions d'euros de fonds Interreg, qui étaient utilisables mais n'ont pas été utilisés. Nous n'avons cependant pas réussi à savoir s'ils étaient réellement perdus ou s'ils seraient réinjectés dans le programme de la période suivante. La Commission européenne ne nous a pas répondu clairement sur ce point. Quoi qu'il en soit, nous pourrions faire mieux en termes d'utilisation de ces fonds. Nous ne disposons pas encore des derniers chiffres, mais il semblerait que l'on s'oriente sur un taux d'utilisation de 50 % des fonds Interreg pour la prochaine période, d'après les chiffres qui nous ont été donnés par la DG REGIO.

Sur Mayotte, nous avons essayé de creuser un peu la question et de demander pourquoi 10 millions d'euros n'ont pas été utilisés. On nous indique qu'il n'y a pas eu beaucoup de sollicitations de la préfecture. Sauf que ce sont des fonds Interreg, ce n'est donc pas forcément le préfet qui est concerné. Je pense donc que c'est davantage dû à un manque de projets, peut-être à quelques manques d'initiative, et aussi à la peur de la part à abonder en crédits territoriaux, bien sûr.

M. Georges Patient, rapporteur. - Pour les fonds de cohésion, ce sont les collectivités qui sont maîtresses d'oeuvre et très souvent, elles n'ont pas l'ingénierie suffisante. Pour Mayotte, c'est encore plus difficile. On aboutit donc effectivement à une sous-consommation des crédits. Mais les utilisations dépendent également des différentes collectivités. Comme le président Rapin l'a dit, La Réunion a un bon taux de consommation de ces fonds, la Guadeloupe aussi, tandis qu'à Mayotte et en Guyane, le taux de consommation n'est pas très élevé.

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Je pense qu'il y a une connaissance parfaite de tous ces sujets par l'administration - heureusement, me direz-vous - avec, je crois, une volonté de bien faire. Par exemple, la représentation permanente de la France à Bruxelles n'a pas pléthore d'agents qui s'occupent de l'outre-mer, mais je les ai trouvés très pointus lorsque nous les avons auditionnés. La Commission européenne dispose elle aussi d'une très bonne connaissance de ces sujets, mais nous indique toujours qu'il n'y a aucun problème lorsque nous en discutons avec elle. Or, bien évidemment, il y a des problèmes, notamment concernant les études d'impact ! Elles sont réalisées, certes, mais seulement une fois que la Commission a été sollicitée sur le sujet.

L'État français, au travers de la représentation permanente, fait le travail en demandant à la Commission européenne de prendre en compte en amont les spécificités des outre-mer. Jusqu'à présent, ces spécificités sont toujours prises en compte en bout de chaîne. Or, il n'est pas facile de revenir sur le sujet une fois qu'un trilogue a été effectué ou d'intégrer un dispositif en cours de trilogue. Il est plus aisé de le faire quand le sujet a été évoqué préalablement.

M. Georges Patient, rapporteur. - Le problème vient aussi du fait du manque de visibilité des RUP dans la globalité de l'Europe. Il faut quand même dire qu'il n'y a que trois États qui ont des RUP : la France, l'Espagne et le Portugal. Pour les autres États, quand on leur parle des RUP...

M. Jean-François Rapin, président et rapporteur. - Nous passons donc au vote. Il n'y a pas d'abstention. Même vote pour l'avis politique ? Très bien. Je vous remercie beaucoup pour cette unanimité, qui fera plaisir à Micheline Jacques.

La commission autorise la publication du rapport et adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne modifiée ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

Partager cette page