IV. UNE HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ENTIÈREMENT CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE

A. L'AUGMENTATION - DÉJÀ FAIBLE - DES CRÉDITS DU PROGRAMME 137 EST ENTIÈREMENT CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE

1. La hausse des crédits du programme 137 ralentit considérablement en 2026

Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Celui-ci intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. Depuis 2024, il porte également les crédits dédiés à l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences (AUUVV).

Les rapporteurs spéciaux relèvent une légère augmentation des moyens en 2026. Les crédits demandés s'élèvent en effet à 95,6 millions d'euros en AE et en CP, soit une faible hausse de 1,7 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2025.

Évolution des crédits du programme 137 entre 2020 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 137 sont toujours majoritairement composés de subventions à divers organismes ou associations pour le développement de l'accès aux droit ou la lutte contre les violences, et, marginalement, de dépenses de communication ou favorisant la culture de l'égalité. Toutefois, les crédits destinés à financer les organismes et associations sont stables, la hausse des crédits entre 2024 et 2025 étant exclusivement due à la montée en charge de l'aide universelle d'urgence.

Cette progression a été particulièrement rapide avec la mise en oeuvre de plusieurs mesures.

La première hausse sensible des crédits a eu lieu entre 2020 et 2021 (+ 115,3 % en AE et + 65,2 % en CP) et s'explique notamment par le financement de deux mesures du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019 :

l'ouverture de 30 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA), financés à hauteur de 5,9 millions d'euros par le programme 137 en 2025. En termes d'affichage, les associations entendues par les rapporteurs ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 - qui devrait être dédié uniquement aux victimes - et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relève dans la majorité des cas de décisions judiciaires (92 %) ;

- le financement du passage, depuis 2021, à un fonctionnement 24h/24 et 7j/7 de la plateforme d'écoute « 39.19 - Violences femmes infos » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes FNSF). Cette extension a notamment permis de renforcer son accessibilité pour les femmes victimes outre-mer.

La seconde hausse de l'enveloppe budgétaire correspond à la mise en place d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences à compter de 2024. Les crédits dédiés à la lutte contre les violences ont ainsi augmenté de 33,7 % entre 2024 et 2023.

2. Seuls les crédits dédiés à l'aide universelle d'urgence connaitraient une véritable progression
a) Une progression continue de l'aide universelle d'urgence

L'aide universelle d'urgence est versée depuis le 28 novembre 202327(*) aux victimes de violences conjugales pour leur permettre de faire face aux dépenses immédiates pour quitter leur conjoint violent, qu'il soit leur conjoint, leur concubin ou partenaire lié à elles par un pacte civil de solidarité (PACS).

Pour bénéficier de l'AUU, la personne doit attester de la situation de violences conjugales par un document de moins de 12 mois pouvant être un dépôt de plainte, une ordonnance de protection ou un signalement adressé au procureur de la République. L'aide est alors versée par la caisse d'allocations familiales de rattachement (CAF ou CMSA), dans un délai de trois à cinq jours ouvrés (selon que la personne est affiliée ou non) à compter de la réception de la demande.

Elle peut être attribuée sous forme d'aide non-remboursable, sous conditions de ressources28(*) ou sous forme de prêt ; dans ce second cas, elle peut être remboursée par l'auteur des violences si celui-ci a été condamné définitivement par la Justice.

Dès sa mise en oeuvre, le recours à cette aide a été plus important qu'envisagé. En effet, en décembre 2023, le taux de recours à l'aide universelle d'urgence s'était établi à plus de 30 %. Le recours à cette nouvelle aide a ensuite connu une diminution progressive, à mesure que « l'effet stock » se tarissait : il s'est ainsi élevé à « seulement » 14 % en juin et juillet 2024, pour un nombre total de bénéficiaires potentiels estimé à environ 220 000 par an29(*).

Depuis l'entrée en vigueur de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, 63 000 aides ont été versées par les CAF et les CMSA de décembre 2023 à septembre 2025. Le montant moyen des aides versées de décembre 2023 à juillet 2024 s'élève à 883 euros.

b) En 2026, la hausse de l'aide universelle d'urgence semble avoir contraint le reste des dépenses de la mission

La création de l'aide universelle d'urgence implique que le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » soit désormais doté d'une dépense structurellement dynamique. Ainsi, les dépenses liées à cette aide s'établirait à 26,4 millions d'euros en 2026, soit un augmentation de 5,9 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025. Dans un contexte budgétaire difficile, cela tend à contraindre l'évolution des autres enveloppes du programme.

Afin de maîtriser la croissance des dépenses du programme 137, l'administration s'est ainsi retrouvée contrainte de diminuer d'autres lignes budgétaires. Elle a d'abord choisi de faire porter les réductions de crédits sur les dépenses de communication, afin de les faire revenir à un niveau proche des montants exécutés en 2024.

Ensuite, le choix a été fait de préserver au maximum les structures associatives sur lesquelles reposent la prévention des violences faites aux femmes et la prise en charge des victimes. Ainsi, les minorations de crédits porteraient sur les actions en faveur de l'égalité professionnelle ou sur les actions en faveur de la culture de l'égalité, ces dispositifs étant jugés moins structurants.

Enfin, les « coupes » portant spécifiquement sur les crédits dédiés à la lutte contre les violences épargneraient complètement les structures d'accueil et de prise en charge des victimes (accueil de jours, LEAO - cf. infra) ou d'accompagnement aux parcours de sortie de la prostitution, l'effort portant principalement sur les centre de prise en charge des auteurs de violences (CPCA), dont les crédits diminueraient d'1 million d'euros.


* 27 Loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.

* 28 Voir notamment le décret n° 2023-1088 du 24 novembre 2023 relatif à l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales, qui en a fixé le barème.

* 29 Sur la base du nombre de dépôts de plainte pour violences conjugales, des ordonnances de protection, des signalements au parquet pour violences conjugales.

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