II. L'AVENIR DES RÉGIMES DE RETRAITE : EN ATTENDANT CHARPIN...8( * )
A. LE GOUVERNEMENT SUBORDONNE TOUTE RÉFORME D'AMPLEUR À LA PUBLICATION DU NOUVEAU DIAGNOSTIC SUR LES RETRAITES
1. La mission de diagnostic sur les retraites confiée au Commissariat général du Plan
Par
lettre en date du 29 mai 1998, le Premier ministre a chargé
M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan,
d'établir un diagnostic sur l'ensemble des régimes de retraite.
Ce diagnostic devra être
" aussi partagé que possible par
les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents
régimes. "
Après avoir indiqué que le Gouvernement entendait adopter
" une démarche transparente et ouverte ",
la lettre du
Premier ministre précise que ce diagnostic devra porter sur le
régime général, les régimes spéciaux, les
régimes des professions non salariées et les régimes
complémentaires, ainsi que sur les transferts de compensation entre
régimes.
Le Commissariat général devra actualiser et compléter les
projections disponibles sur la situation financière des
différents régimes de retraite. Il sera également
chargé de réunir des informations sur les systèmes de
retraites de nos principaux partenaires et sur les politiques mises en oeuvre
pour assurer leur équilibre à moyen et long terme.
La lettre de mission du Premier ministre ajoute qu'il
" est essentiel
de rechercher l'équité entre retraités, compte tenu du
statut auquel ils étaient soumis en tant qu'actifs. Aussi les
projections financières doivent-elles être
complétées par une analyse des dispositions respectives des
différents régimes. Cette analyse devra tenir compte des
contributions versées par l'assuré et éventuellement par
son employeur, de son revenu d'activité, et des
spécificités liées à son statut. Il sera
également utile de fournir des éléments
d'appréciation sur l'évolution du niveau de vie des
retraités. "
Le Commissariat général du Plan est également
chargé de réunir une commission de concertation qui examinera les
travaux de projection et d'analyse, pourra commander des variantes et
" offrir à chacun des participants la possibilité d'exprimer
son appréciation sur les éléments
présentés ".
Les conclusions de cette commission de
concertation devront être remises au Premier ministre avant le 31 mars
1999.
La commission de concertation comprend des représentants des syndicats
(CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, CGT, Fen-Unsa, FSU), du patronat (MEDEF, CGPME, UPA),
des professions libérales (UNAPL), des exploitants agricoles (FNSEA,
CNJA), des retraités (CNRPA), des régimes de retraites (CNAV,
AGIRC, ARRCO, CNRACL, CANCAVA, ORGANIC, CNAVPL) et des ministères
concernés.
Une première réunion de concertation entre le Commissariat
général du Plan et les différentes parties
intéressées, consacrée au niveau de vie des
retraités, a eu lieu le 8 octobre dernier. Sept autres réunions
devraient suivre d'ici la fin du mois de décembre afin d'étudier
successivement les thèmes suivants :
- les mécanismes de fonctionnement des différents
régimes de retraite ;
- les conditions de passage de l'activité à la retraite
(préretraites, cumul emploi-retraite, retraite
anticipée...) ;
- les comparaisons internationales ;
- les hypothèses démographiques et
macro-économiques ;
- les projections financières ;
- les comparaisons inter-régimes portant sur les prestations et les
cotisations.
Le rapport annexé au projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 précise par ailleurs que
" c'est sur la base de ce diagnostic partagé que pourra s'ouvrir
un dialogue sur les réformes à entreprendre ".
Il est en
outre indiqué :
" Le Gouvernement prendra les décisions qui s'imposent,
guidé par la volonté :
" - de préserver notre système de répartition, garant
de solidarités essentielles entre actifs et retraités,
" - de rechercher une meilleure équité tant entre les
générations qu'entre les régimes de retraite. "
Votre rapporteur attend avec intérêt les résultats de ce
diagnostic.
Il s'interroge néanmoins que sur la pertinence de projections
financières et démographiques à un horizon 2040. La
plupart des gestionnaires des différents régimes de retraites
qu'il a pu auditionner ont d'ailleurs fait part des difficultés qu'ils
éprouvaient à réaliser des projections aussi lointaines.
Même si la mission Charpin poursuit incontestablement des objectifs plus
ambitieux que les travaux menés précédemment,
votre
rapporteur se demande cependant s'il était vraiment nécessaire
d'établir un nouveau diagnostic sur les retraites, trois ans à
peine après la publication du rapport de 1995 sur " Les perpectives
à long terme des retraites ".
Les enseignements de ce rapport étaient suffisamment clairs pour engager
sans tarder les réformes nécessaires.
2. Les déséquilibres futurs des régimes de retraite : les enseignements du rapport sur " les perspectives à long terme des retraites "
Au cours
des dernières années, un panorama de l'ensemble du système
de retraite français a été réalisé à
deux reprises, donnant lieu à la publication de deux rapports : le Livre
blanc sur les retraites en 1991 et le rapport " Perspectives à long
terme des retraites " en 1995.
Le Gouvernement vient de décider de confier au Commissariat
général du Plan la mission d'élaborer un nouveau
diagnostic des régimes de retraite. A ce jour, le dernier état
des lieux reste cependant celui du rapport publié en 1995 par le
Commissariat général du Plan.
Les enseignements de ce document sont particulièrement éloquents
et méritent d'être rappelés brièvement.
Etabli à la demande du Premier ministre, ce rapport, qui était le
résultat des travaux d'un groupe présidé par M. Raoul
Briet, a apporté un éclairage complémentaire et une mise
à jour du diagnostic du Livre blanc sur les retraites de 1991. Ce
dernier présentait la situation de l'ensemble des régimes de
retraite et leurs perspectives d'évolution. Il proposait
également différentes réformes pour faire face aux effets
du vieillissement démographique. A la suite de ces travaux, certains
régimes ont engagé des réformes : le régime
général et les régimes alignés en 1993, les
régimes complémentaires de salariés ARRCO et AGIRC
à partir de 1993.
Le rapport de 1995 visait à réaliser de nouvelles projections en
intégrant ces réformes, avec cependant un champ plus restreint
par rapport à celui du Livre blanc puisqu'il ne portait que sur les
régimes des salariés du secteur privé (régime
général, ARRCO, AGIRC), les régimes des fonctionnaires
civils de l'Etat, des exploitants agricoles, de la SNCF et des agents des
collectivités territoriales (CNRACL).
Le rapport de 1995 évoque successivement quatre points : la comparaison
entre les niveaux de vie des actifs et des retraités, l'impact des
hypothèses d'évolutions démographique et économique
sur le taux de dépendance des retraités par rapport aux
cotisants, l'équilibre financier à long terme des
différents régimes et les effets de la réforme de 1993 sur
les pensions versées aux différentes catégories
d'assurés. Il met également l'accent sur la
nécessité de poursuivre la réforme des retraites et
notamment de celles relevant des régimes spéciaux.
Le rapport fait tout d'abord
le constat d'une parité moyenne des
niveaux de vie des actifs et des retraités
, confirmant ainsi les
conclusions du Livre blanc sur les retraites. Le niveau moyen des pensions et
du niveau de vie des retraités se serait, en outre, accru depuis le
diagnostic de 1991. A l'appui de cette conclusion, le rapport avance plusieurs
arguments.
Il note d'une part la diminution continue du nombre de
bénéficiaires du minimum vieillesse. En 1992, 1.100.000 personnes
âgées bénéficiaient du minimum vieillesse alors
qu'elles étaient 2.550.000 en 1959.
Cette évolution s'explique, selon les auteurs du rapport, par le niveau
des prestations acquis pour les nouvelles générations de
retraités : les plus jeunes disposent de prestations vieillesse plus
élevées que les plus âgés en raison de
l'amélioration générale des systèmes de retraite.
En outre, ils ont des durées d'affiliation plus importantes, en
particulier les femmes.
Le deuxième argument avancé par le rapport du Plan s'appuie sur
le rapprochement entre les niveaux moyens des salaires et des pensions de
retraite correspondant à une carrière complète. Ce constat
confirme également l'amélioration continue des ressources des
retraités.
S'agissant de l'évolution probable des cotisations face au choc
démographique des années 2010-2040, le Livre blanc sur les
retraites de 1991 faisait le constat
d'une dégradation rapide du
ratio population âgée de plus de 60 ans/population de 15 à
59 ans.
L'actualisation des projections démographiques à l'horizon 2040
effectuées par l'INSEE confirme cette tendance en l'aggravant.
L'introduction d'une hypothèse basse de mortalité -reflet des
évolutions récentes de la démographie française-
conduit à une détérioration importante de ce ratio, qui
passerait ainsi de 0,31 en 1990 à 0,43 en 2015 et à 0,63 en 2040
(dans le Livre blanc, ce ratio n'était que de 0,55).
Cela signifie qu'à cette date, il y aurait 6 personnes " en
âge d'être à la retraite " pour 10 personnes " en
âge de travailler ", si du moins l'on considère -ce qui ne va
pas de soi- qu'en 2040 l'âge de 60 ans restera l'âge
charnière à partir duquel on considère que l'on cesse
d'être en âge de travailler. En 1990, cette proportion était
de 3 contre 10.
A lui seul, ce ratio explique l'essentiel des difficultés auxquelles
les régimes de retraite vont être confrontés à
l'horizon 2010, date d'arrivée à l'âge de la retraite de la
génération du baby-boom.
Ce facteur n'est cependant pas le
seul déterminant de l'équilibre à long terme des retraites
: les comportements d'activité, la situation sur le marché du
travail et la législation en vigueur influent aussi sur les
résultats. Les évolutions du taux d'activité et
l'environnement macro-économique conditionnent aussi la progression de
la population occupée et, par voie de conséquence, celle des
ressources affectées aux régimes de retraite alors que toute
modification de la législation se répercute sur le montant des
pensions servies.
Sur la base de scénarios alternatifs portant sur les comportements
d'activité et l'environnement macro-économique, la Direction de
la Prévision a donc projeté l'évolution de plusieurs
indicateurs : tout d'abord, du taux de dépendance (ratio
retraités/cotisants), puis du taux de cotisations sociales
nécessaire à l'équilibre avant et après
réforme de la législation.
Dans le plus favorable des scénarios, le taux de dépendance
serait proche de celui présenté comme étant le plus
défavorable dans le Livre blanc sur les retraites. Le taux de
dépendance augmenterait entre 2000 et 2040 de 0,3 point, passant
ainsi de 0,48 à 0,77. Pour le scénario le plus sombre, le taux de
dépendance atteindrait même 0,9 point en 2040. A cette date,
il ne resterait alors plus que 1,1 cotisant par retraité contre 2
en l'an 2000 et 3 en 1990.
La dégradation du taux de dépendance trouve son corollaire dans
l'augmentation des taux de cotisation vieillesse. La Direction de la
Prévision estime,
à l'horizon 2015, dans un scénario
macro-économique central, à 10 points supplémentaires
de cotisations le besoin de financement d'un régime global fictif
à législation antérieure à la réforme du
régime général. Ce besoin de financement aurait même
atteint 26 points de cotisations en 2040 (dans le Livre blanc,
l'estimation était seulement de 20 points).
L'actualisation des hypothèses démographiques conduit, à
législation inchangée, à une dégradation de la
situation financière des régimes de retraite. Les perspectives de
financement des principaux régimes apparaissent en 1995 plus
contrastées qu'en 1991.
S'agissant des régimes du secteur privé (régime
général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC),
les mesures prises en 1993 et 1994 leur permettent de viser, dans un contexte
économique moyennement favorable, un quasi-équilibre jusqu'en
2005 (0,9 point de cotisation supplémentaire nécessaire pour
le régime général).
En revanche, pour les régimes spéciaux de salariés
(fonctionnaires de l'Etat et agents des collectivités locales), qui
n'ont pas été concernés par la réforme de 1993, et
connaissent des évolutions démographiques défavorables,
les perspectives sont beaucoup plus préoccupantes : exprimé en
points de cotisation, le besoin de financement du régime des
fonctionnaires civils s'élève à plus de 10 points
d'ici 2005 et celui des agents des collectivités locales à plus
de 16 points.
Si, pour les régimes spéciaux de salariés, la
période 2005-2015 prolonge les évolutions constatées sur
la période 1995-2005 (+ 20 points pour les fonctionnaires
civils, + 30 points pour la CNRACL), il n'en va pas de même
pour les régimes du secteur privé, et notamment pour le
régime général, qui voit ses perspectives
financières se dégrader : le besoin de financement serait
équivalent à un relèvement des cotisations de
4,3 points entre 1995 et 2015 dans le scénario économique
qualifié de central. Cette détérioration résulte,
à parts pratiquement égales, d'une progression plus soutenue des
charges à compter de 2005 (+ 3,8 % entre 2005 et 2015) et d'un
ralentissement dans l'évolution des ressources (+ 2 % au lieu
de + 2,85 %).
Le rapport cotisants/retraités des différents régimes
Effectifs en milliers |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
Evolution 2015/1995 |
|
|
Population totale âgée de plus de 60 ans |
11.582 |
12.152 |
12.611 |
14.102 |
15.617 |
35 % |
Population totale |
Population active totale |
25.998 |
27.055 |
27.739 |
27.739 |
27.481 |
5 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,24 |
2,23 |
2,2 |
1,97 |
1,75 |
- 22 % |
|
Retraités |
8.052 |
9.207 |
10.226 |
11.884 |
13.590 |
69 % |
Régime général |
Cotisants |
14.056 |
15.276 |
16.582 |
16.854 |
16.581 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
1,75 |
1,66 |
1,62 |
1,42 |
1,22 |
- 30 % |
|
Retraités |
821 |
948 |
1.118 |
1.309 |
1.481 |
80 % |
Fonctionnaires civils |
Cotisants |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
- |
|
rapport cotisants/retraités |
2,53 |
2,19 |
1,86 |
1,59 |
1,4 |
- 45% |
|
retraités |
426 |
576 |
794 |
984 |
1.177 |
176 % |
CNRACL |
Cotisants |
1.541 |
1.561 |
1.560 |
1.560 |
1.560 |
1 % |
|
rapport cotisants/retraités |
3,62 |
2,71 |
1,96 |
1,59 |
1,33 |
- 63 % |
|
Retraités |
215 |
205 |
192 |
188 |
186 |
- 13 % |
SNCF |
Cotisants |
183 |
167 |
153 |
139 |
127 |
- 30 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,85 |
0,83 |
0,79 |
0,74 |
0,68 |
- 20 % |
|
Retraités |
5.100 |
8.100 |
6.530 |
7.260 |
8.700 |
71 % |
ARRCO |
Cotisants |
13.800 |
15.010 |
16.330 |
16.580 |
16.330 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,71 |
2,58 |
2,5 |
2,28 |
1,88 |
- 31 % |
|
Retraités |
1.063 |
1.277 |
1.523 |
1.930 |
2.384 |
124 % |
AGIRC |
Cotisants |
2.760 |
3.081 |
3.427 |
3.728 |
14.016 |
46 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,6 |
2,41 |
2,25 |
1,93 |
1,68 |
- 35 % |
|
Retraités |
2.104 |
2.007 |
1.819 |
1.691 |
1.588 |
- 25 % |
Exploitants agricoles |
Cotisants |
911 |
821 |
739 |
666 |
600 |
- 34 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,43 |
0,41 |
0,41 |
0,39 |
0,38 |
- 13 % |
La
réforme du régime général décidée en
1993 a permis de remettre celui-ci dans une situation proche de
l'équilibre à l'horizon 2005 (contre un besoin de financement de
plus de 3 points avant réforme en supposant maintenue dans les
faits l'indexation des pensions sur les prix, et réduit de moitié
le besoin de financement résiduel à l'horizon 2015 (un peu plus
de 4 points contre près de 8 avant réforme).
Stable sur la première période de la projection (1995-2005), le
rapport démographique de la population totale se dégraderait
rapidement à compter de 2005 avec l'arrivée à l'âge
de la retraite des générations du baby-boom.
Les trois régimes du secteur privé présentent sensiblement
les mêmes caractéristiques que la population totale -du fait des
hypothèses retenues, leurs effectifs de cotisants évoluent, en
effet, sensiblement comme ceux de la population totale active, alors que leurs
effectifs de retraités sont largement dépendants des taux de
mortalité projetés pour l'ensemble de la population. Ainsi, le
rapport démographique du régime général diminue de
25 % entre 2005 et 2015 contre 7 % entre 1995 et 2005
(quasi-stabilité).
Les régimes complémentaires subissent eux aussi le choc
lié au baby-boom, mais, parce qu'ils ne comptabilisent pas leurs
retraités âgés de moins de 65 ans, l'effet est
décalé dans le temps (l'effet est surtout visible entre 2010 et
2015).
Ce résultat tient aux hypothèses retenues quant à
l'évolution des taux d'activité supposés stabilisés
pour les âges élevés. Ainsi, à partir des
années 2005-2010, le ralentissement de la croissance potentielle traduit
la moindre progression de la population active sous l'effet de la
déformation de la structure démographique. Cette situation
n'entraîne pas nécessairement une réduction du taux de
chômage qui résulte du fonctionnement du marché du travail.
Mais une modification des comportements d'activité des personnes
âgées de plus de 60 ans pourrait, en revanche, desserrer la
contrainte ; les estimations effectuées, qui reposent notamment sur la
stabilité des comportements d'activité aux âges
élevés, sont donc particulièrement fragiles.
Evolution du rapport démographique entre 1995 et
2010
des principaux régimes de retraite de base
Le
rapport démographique du régime général varie ainsi
de 1,75 en 1995 à 1,22 en 2015 ; soit une diminution de 30 % en
vingt ans. La baisse de ce ratio tient évidemment à une
progression beaucoup plus rapide des retraités (+ 70 %) que
des cotisants (+ 20 %). La progression des retraités
résulte elle-même de deux facteurs : une augmentation de 35 %
de la population totale de 60 ans et plus et une croissance de 25 %
du taux de couverture (nombre de titulaires d'une pension directe
rapporté à la population âgée de plus de
60 ans) du régime général.
Pour un champ très proche de celui du régime
général, l'ARRCO présente un rapport démographique
plus favorable du fait de la non-prise en compte de ses retraités
âgés de moins de 65 ans pris en charge par l'ASF.
L'AGIRC, comme l'ARRCO, subit avec retard le choc démographique des
années 2005-2010. Son rapport démographique se dégrade
cependant plus rapidement sous l'effet des évolutions passées et
futures du taux d'encadrement. Ce régime a, en effet,
bénéficié de l'augmentation constante du taux
d'encadrement, permettant un développement rapide de sa population
cotisante. Cet effet, qui a amélioré mécaniquement son
rapport de charge, pèse a contrario en projection sur l'évolution
des effectifs retraités, et ce d'autant plus que le scénario
central repose sur une hypothèse de ralentissement de l'augmentation du
taux d'encadrement. Ainsi, le rapport démographique diminue de plus de
35 % entre 1995 et 2015.
L'effet du baby-boom est, en revanche, nettement moins accentué dans les
autres régimes, ainsi, contrairement à ce qui se passe dans les
régimes du secteur privé, les rapports démographiques du
régime des fonctionnaires et de celui des collectivités locales
se dégradent de façon importante dès l'an 2000.
Cette détérioration reflète, pour le régime des
fonctionnaires, la structure actuelle de la pyramide des âges des
cotisants qui résulte de la politique d'embauche de la fonction publique
des années 1960 à nos jours (forte augmentation de ses effectifs
à compter des années 1960 puis stabilisation depuis 10 ans).
Dans le cas du régime des collectivités locales, la baisse
importante du rapport démographique est imputable à la
montée en charge de ce régime encore jeune. En outre, ses
ressortissants sont majoritairement de sexe féminin (63 % des
retraités de droits directs en 1994, 75 % en 2015) et ont donc une
espérance de vie plus élevée que la moyenne. Le rapport
démographique est divisé par presque 3 d'ici 2015.
En résumé, le rapport sur " Les perspectives à
long terme des régimes de retraite " de 1995 évalue les
besoins de financement futurs du seul régime général
à 18,4 milliards de francs en 2000, 17,8 en 2005, 55,4 en 2010 et 107
milliards de francs en 2015, soit à cette date l'équivalent de
4,3 points de cotisation.
Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement
s'élèverait à 34,2 milliards de francs en 2005, 56 en 2010
et 80,2 milliards de francs en 2015.
Si l'on additionne les besoins de financement en 2015 des différents
régimes étudiés par ce rapport (régime
général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC,
exploitants agricoles), on obtient un total de 330 milliards de francs. Or
cette étude ne porte pour l'essentiel que sur une partie des
régimes de salariés -à l'exception des exploitants
agricoles. Les besoins de financement totaux de l'ensemble des régimes
de retraite en 2015 seront donc bien supérieurs.
Les besoins de financement des différents régimes
(en milliards de francs)
|
|
1993 |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2015/
|
|
Charges |
266,4 |
276,2 |
318,4 |
363,8 |
441,8 |
525,8 |
90 % |
|
Ressources |
241,2 |
266,7 |
299,9 |
346,0 |
386,4 |
418,8 |
57 % |
Régime général |
Besoin de financement |
25,2 |
9,5 |
18,4 |
17,9 |
55,5 |
107,0 |
|
|
exprimé en points
de
|
1,7 |
0,6 |
1,1 |
0,9 |
2,4 |
4,3 |
|
|
Charges |
98,6 |
104,8 |
122,7 |
148,6 |
182,2 |
219,6 |
110 % |
|
Ressources |
98,6 |
101,0 |
106,2 |
114,4 |
126,2 |
139,4 |
38 % |
Fonctionnaires |
Besoin de financement |
0,0 |
3,8 |
16,5 |
34,2 |
56,0 |
80,2 |
|
civils |
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,3 |
5,5 |
10,7 |
15,9 |
20,6 |
|
|
Charges |
31,3 |
37,3 |
50,3 |
71,2 |
93,4 |
119,2 |
220 % |
|
Ressources |
31,3 |
34,5 |
36,7 |
39,8 |
43,9 |
48,4 |
40 % |
CNRACL |
Besoin de financement |
0,0 |
2,8 |
13,6 |
31,4 |
49,5 |
70,8 |
|
|
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,7 |
7,8 |
16,7 |
23,8 |
30,8 |
|
|
Charges |
26,8 |
26,4 |
25,6 |
25,4 |
26,0 |
27,3 |
3 % |
|
Ressources |
8,6 |
8,3 |
8,0 |
7,9 |
7,9 |
8,0 |
- 4 % |
SNCF |
Besoin de financement |
0 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
0,7 |
|
|
exprimé en points de cotisation 2 |
- |
0,6 |
0,9 |
1,2 |
1,8 |
3,4 |
|
|
Charges |
104,1 |
119,8 |
146,1 |
166,3 |
189,8 |
235,3 |
96 % |
|
Ressources |
108,4 |
117,0 |
151,8 |
175,3 |
195,4 |
212,4 |
82 % |
ARRCO |
Besoin de financement |
- 4,3 |
2,8 |
- 5,7 |
- 9,0 |
- 5,6 |
22,9 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
- |
0,2 |
- |
- |
- |
0,9 |
|
|
Charges |
51,5 |
58,7 |
72,1 |
86,0 |
102,5 |
129,1 |
120 % |
|
Ressources |
48,8 |
57,8 |
68,6 |
80,3 |
91,7 |
103,9 |
80 % |
AGIRC |
Besoin de financement |
2,7 |
0,9 |
3,5 |
5,7 |
10,8 |
25,2 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
1,0 |
0,3 |
1,1 |
1,5 |
2,5 |
5,2 |
|
|
Charges |
40,2 |
40,5 |
37,9 |
33,8 |
31,0 |
28,7 |
- 29 % |
|
Ressources |
4,9 |
4,7 |
4,3 |
4,0 |
3,7 |
3,4 |
- 27 % |
Exploitants |
Besoin de financement |
35,3 |
35,8 |
33,6 |
29,8 |
27,3 |
25,3 |
|
agricoles |
exprimé en % d'évolution de la cotisation moyenne 3 |
- |
4,1 |
5,6 |
2,2 |
1,6 |
2 |
|
Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995
(1) Pour
le régime des fonctionnaires et celui des collectivités locales,
le besoin de financement et son expression en termes de points de cotisation
est obtenu sur la base du taux de cotisation implicite qui équilibre les
comptes de ces deux régimes en 1993.
(2) Pour le régime de la SNCF, les taux de cotisation affichés
dans ce tableau sont calculés de telle sorte que le rapport des
cotisations sur les charges (rapport de charges) de ce régime reste
constant pendant toute la période. En effet, les cotisations
représentant une faible part dans les ressources, l'équilibre
technique de ce régime ne peut être recherché à
travers une augmentation des taux de cotisation.
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la
sécurité sociale de septembre 1998, le rapport sur les
perspectives à long terme des retraites comporte deux limites
principales :
" D'une part, le nombre de régimes
étudiés est limité, ce qui empêche
l'évaluation globale du système de retraite et la projection des
transferts de compensation. D'autre part, l'horizon des projections par
régime est limité à 2015, alors que les difficultés
devraient se prolonger au-delà et ne se stabiliser qu'autour de
2040 ".
3. Les effets positifs mais insuffisants de la réforme de 1993
Les
mesures adoptées en 1993 par le Gouvernement de M. Edouard Balladur
visaient à enrayer la dégradation de la situation
financière du régime général et
prévoyaient :
- un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour
bénéficier d'une pension à taux plein. Cette durée
passe progressivement de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40
annuités, par adjonction d'un trimestre supplémentaire par an
à compter du 1er janvier 1994 ;
- une extension de la période de référence : les
pensions du régime général seront calculées
à l'avenir sur la base des 25 meilleures années de
carrière, au lieu de 10 années. Cette opération est
également réalisée de façon progressive, par
adjonction d'une année supplémentaire tous les ans ;
- une indexation des pensions de retraite sur les prix à la
consommation, pérennisant une pratique de fait depuis 1987. Cette mesure
était valable cinq ans, jusqu'à la fin de l'année 1998.
Pour utile qu'elle soit, cette réforme des retraites n'aurait suffi
à elle seule à limiter l'aggravation des déficits. Quatre
dispositions législatives de recettes ont en effet permis, depuis cette
date, de redresser le solde du régime général d'assurance
vieillesse :
- le relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale
généralisée au 1er juillet 1993 et la création du
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1
er
janvier 1994 ;
- la suppression de la remise mensuelle forfaitaire de 42 francs au
1
er
septembre 1995 ;
- la création de la CADES et de la contribution au remboursement de
la dette sociale (CRDS), ainsi que la taxe de 6 % sur les contributions
à la prévoyance complémentaire, prévues par le plan
de réforme de la protection sociale de novembre 1995.
Au total, en année pleine, on peut estimer à plus de 60 milliards
de francs l'effet sur le solde du régime général
d'assurance vieillesse de l'augmentation des flux financiers qui lui sont
destinés depuis 1993.
La réforme de 1993
9(
*
)
portait sur quatre régimes : le régime général
géré par la CNAVTS et trois régimes dits
" alignés ", le régime de base des salariés
agricoles, géré par la MSA, le régime de base des
artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA, le
régime de base des industriels et commerçants gérés
par les caisses relevant de l'ORGANIC. Le régime des exploitants
agricoles, celui des professions libérales et les régimes
spéciaux n'entraient pas dans le champ de la réforme qui, au
total, couvre 73 % des cotisants (65 % pour le seul régime
général) et 68 % des pensions servies par l'ensemble des
régimes de base en 1992 (48 % pour le seul régime
général).
En l'absence de réforme, avec une indexation des pensions (et des
salaires reportés) sur les salaires bruts, le taux aurait dû
s'élever à 32 % en 2015 et 48 % en 2040 (contre
18,9 % en 1990) pour maintenir l'équilibre et le revenu relatif des
retraités aurait comme une très forte croissance. La
réforme de 1993 avait pour objectif de contrecarrer ces
évolutions tendancielles, c'est-à-dire de ralentir la croissance
à terme des dépenses et d'élargir l'assiette de
financement par la création du FSV.
Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre
1998
10(
*
)
, la Cour des comptes
s'est efforcée d'évaluer l'impact probable de cette
réforme. Elle a souhaité distinguer l'impact financier global sur
le régime général des effets individuels sur les
retraités. Nous nous intéresserons ici uniquement à
l'impact global.
La Cour relève que l'estimation de l'impact de la réforme est
particulièrement sensible aux scénarios macro-économiques
retenus. En effet, la réforme de l'indexation des pensions rend
l'évolution des charges et des ressources particulièrement
dépendantes de la variation respective des prix et de la masse salariale
en termes réels à long terme (de la différence entre les
taux de croissance de ces deux grandeurs).
Dans le scénario central, le taux de la croissance potentielle de
référence -celle qui stabilise le niveau de chômage- serait
de 2,5 % par an entre 1995 et 2000 puis de 2 % entre 2005-2010, pour
n'être plus, avec la moindre croissance de la population active, que de
1,5 % entre 2010-2040.
Selon la Cour des comptes, en retenant le scénario central,
les
économies liées à la réforme (y compris l'impact du
FSV) ont pour effet de réduire le déficit de 200 milliards
de francs environ à l'horizon 2010, soit le tiers de la charge
tendancielle ou encore 10 à 12 points de cotisations, si l'on prend
comme scénario de référence l'indexation sur les salaires
bruts. Sur ces 200 milliards de francs d'économies, près des
deux tiers sont imputables à l'indexation sur les prix (acquise en
réalité depuis 1987), 12 % s'expliquent par le passage
progressif de 10 à 25 années, environ 5 % par le
relèvement progressif de la durée d'assurance tous
régimes, alors que le FSV contribue à hauteur de près de
20 % à la réduction du déficit.
Comme le constate la Cour des comptes,
" le rôle
déterminant à long terme du mode de revalorisation des pensions
(et des salaires reportés) apparaît ici clairement. "
La réforme de 1993
stricto sensu
-y compris le FSV, mais hors
modalités d'indexation des pensions- réduit les charges du
régime général de 80 milliards de francs (soit
3,5 points de cotisation) à l'horizon 2015.
La Cour note cependant que le besoin de financement du régime
général est très sensible aux hypothèses
d'environnement macro-économiques retenues. Avec une croissance plus
faible et une stagnation du chômage à un haut niveau, le besoin de
financement du régime général équivaudrait à
5 points de cotisations à l'horizon 2015. En revanche, en cas
d'accélération de la croissance à long terme (d'un
demi-point par an), le besoin de financement resterait limité à
un point de cotisation en 2010, légèrement plus par la suite.