III. LE SOLDE DES FLUX FINANCIERS : RÉFLEXIONS POUR UN DÉBAT SEREIN

Solde budgétaire par Etat membre en 1996 selon la Cour des comptes européenne

(En millions d'euros)

 

Recettes 1996

Dépenses réparties 1996

Solde 1996

Solde 1995

Solde 1994

EUR/hbt

 
 

%

 

%

 
 
 

1996

Belgique

2.743,0

3,9

1.996,8

2,7

- 746,2

- 311,2

- 309,3

- 73,9

Danemark

1.359,9

1,9

1.553,3

2,1

193,4

305,7

198,9

37,2

Allemagne

20.766,9

29,2

9.872,0

13,6

- 10.894,4

- 13.431,0

- 13.637,1

- 134,8

Grèce

1.107,1

1,6

5.039,8

6,9

3.932,7

3.488,9

3.851,9

378,1

Espagne

4.538,9

6,4

10.511,1

14,4

5.972,2

7.218,1

3.116,6

152,7

France

12.410,9

17,5

11.951,1

16,4

- 459,8

- 1.727,2

- 2.626,4

- 8,0

Irlande

710,2

1,0

2.970,5

4,1

2.260,3

1.886,9

1.752,0

627,9

Italie

8.935,2

12,6

7.532,9

10,3

- 1.402,3

- 614,1

- 2.540,4

- 24,3

Luxembourg

163,2

0,2

83,9

0,1

- 79,3

- 44,8

253,7

- 198,3

Pays-Bas

4.435,7

6,2

1.988,9

2,7

- 2.446,8

-2.004,7

- 1.829,9

- 159,9

Autriche

1.872,6

2,6

1.600,4

2,2

- 272,2

- 905,1

0,0

- 34,5

Portugal

906,1

1,3

3.680,4

5,1

2.774,3

2.381,1

1.827,0

283,1

Finlande

961,3

1,4

988,4

1,4

27,1

- 164,6

0,0

5,3

Suède

1.957,4

2,8

1.204,9

1,7

- 752,5

- 937,3

0,0

- 86,5

Royaume-Uni

8.227,1

11,6

5.951,1

8,2

- 2.276,0

- 4.720,2

- 1.158,8

- 39,2

non réparties

 
 

5.867,6

8,1

 
 
 
 

Total

71.095,7

100,0

72.793,2

100,0

 
 
 
 

Source : Relations financières avec l'Union européenne. PLF 1999.

Le débat sur les soldes financiers, récurrent, a ouvert une crise européenne au début des années 80 lorsque le gouvernement britannique a exigé que ses versements au budget européen lui soient retournés sous forme de versements de la part du budget européen.

Il s'agit donc a priori d'un débat contre l'Europe. Pourtant, il connaît une nouvelle actualité, quatre pays -l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède- ayant jugé bon de le relancer en exigeant une diminution de leur contribution nette.

On ne peut donc faire autrement que de l'aborder et faire que ce débat joue finalement un rôle positif pour l'Europe.

La situation factuelle et comptable est la suivante. Sur la base de l'année 1995 choisie parce qu'elle permet de prendre en compte l'élargissement à trois nouveaux membres et d'éliminer les facteurs exceptionnels survenus en 1996 6( * ) , il apparaît que 9 Etats membres sont en situation de contributeurs net à hauteur de 24,9 milliards d'écus alors que six Etats membres sont des bénéficiaires nets pour 15,3 milliards d'écus. L'écart entre ces deux chiffres s'explique pour une part par l'existence de dépenses non réparties non prises en compte dans le calcul des soldes et, pour une autre part, par le solde d'exécution du budget européen qui, lui-même, n'est pas pris en considération.

La hiérarchie des contributeurs nets prend l'allure d'un escalier aux marches de hauteurs très inégales. L'Allemagne apporte 53,8 % de la contribution nette suivie du Royaume-Uni (18,9 %), des Pays-Bas (8 %) et de la France (6,8 %).

Le panorama est dans l'ensemble le même lorsqu'on se réfère au niveau des contributions nettes rapportées au nombre d'habitants. Cependant, dans cette hypothèse, la hauteur des marches se rapproche, la contribution nette de chaque allemand par rapport à celle de chaque français étant par exemple dans une proportion de 5,5 contre 1 et non plus de 7,7 comme dans le cas des contributions nationales.

Il n'empêche que les données comptables font bien apparaître une hiérarchie marquée des contributeurs . Sont-elles le reflet d'une réalité économique et financière ? C'est une tout autre question qui, avant d'être abordée, doit être précédée d'une observation de principe.

Le budget européen n'est pas toute la construction européenne. Historiquement, il n'en constitue qu'un élément, certes important, mais élément du compromis qui a permis la construction de l'Europe. Ce compromis sans cesse recommencé s'est d'ailleurs approfondi lorsqu'il fut admis que des transferts financiers devaient manifester une forme de solidarité jugée nécessaire à la cohésion de l'édifice. L'idée même de transfert est ainsi bien consacrée par les traités . Le débat sur les contributions nettes ne doit pas l'oublier.

Cette exigence étant posée, il faut affirmer sans faiblesse que les données comptables sur lesquelles se fonde l'affrontement provoqué par certains pays ne reflètent en rien la réalité des choses.

Tout d'abord, ces données sont biaisées par des facteurs techniques.


Les variations du solde du Royaume-Uni illustre de façon exemplaire l'effet sur le niveau du solde d'un Etat des évolutions du taux de change de sa monnaie qui conditionne le montant de sa contribution.

En outre, les conditions d'exécution des crédits budgétaires européens influent fortement sur les soldes et ce dans un sens très précis. Comme la dépense agricole, d'ailleurs marquée par des augmentations exceptionnelles ces dernières années, s'exécute mieux que les autres dépenses, les pays dont le taux de retour agricole est proportionnellement plus élevé ont, conjoncturellement, un solde meilleur que les autres. Cet effet est transitoire puisque les dépenses autres qu'agricoles ont vocation à être versées. C'est donc sur la base de l'exécution totale des engagements de crédits qu'il faut raisonner et non sur des chiffres intermédiaires qui apportent un biais.

Mais, au-delà de ces facteurs techniques, plusieurs considérations économiques doivent être prises en compte.

Un premier élément à réintroduire dans le raisonnement concerne les dépenses non réparties qui, pour l'essentiel, sont des dépenses administratives. Comment apprécier les soldes belges et luxembourgeois en passant sous silence les investissements qu'elles ont financés ? La réponse est bien sûr qu'on ne le peut pas de même qu'on ne peut exclure du raisonnement les retombées économiques de la polarisation de l'activité institutionnelle européenne dans ces deux pays.

Un deuxième élément dont il faut tenir compte est que les dépenses réalisées dans un Etat ne " profitent " pas qu'à lui.

Tout d'abord, si l'on suppose que les objectifs des dépenses européennes sont, au moins partiellement, atteints il faut admettre qu'elles
génèrent des " externalités " dont chacun profite . Une illustration parmi bien d'autres peut être trouvée dans les effets cohésifs des dépenses structurelles dans les pays les plus en retard. Elles ont probablement contribué à l'adoption de l'euro par la plupart de ces pays, adoption sans laquelle les variations de change intra-européens auraient sans aucun doute continué à perturber l'économie européenne et, en particulier, celle des pays " riches ".

Mais, il faut ajouter que la répartition géographique des dépenses européenne ne reflète pas leur répartition en fonction des bénéficiaires effectifs . On doit, par exemple, rappeler que près d'1/3 des dépenses structurelles 7( * ) affectées à un Etat est dirigé vers des agents économiques extérieurs à cet Etat.

Une observation analogue peut être faite s'agissant des recettes. Les droits de douane sont une ressource propre et un raisonnement juridique devrait aboutir à les exclure de la base de calcul des soldes. Un raisonnement économique conduit à une conclusion identique.

Les marchandises qui entrent dans le territoire européen donnent en effet lieu à la perception des droits issus du tarif extérieur commun à leur point d'entrée. Celui-ci n'est pas le point de destination finale des marchandises si bien que le lieu de perception des droits n'est pour partie qu'incident. C'est " l'effet Rotterdam " dont la prise en compte modifie sensiblement les estimations de solde.

*

* *

Pour conclure sur ce sujet nous devons nous attacher à refuser que toute conclusion soit apportée au débat ouvert par certains tant que les estimations économiques qui s'imposent n'auront pas été réalisées, produites et débattues.

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