B. METTRE EN oeUVRE LE PRINCIPE « UNE SEULE SANTÉ » SANS RESTREINDRE L'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

Le principe « une seule santé » prôné par la Commission européenne consiste en une approche globale qui reconnaît l'interconnexion entre la santé humaine, la santé animale et l'environnement.

C'est ce principe que la Commission souhaite promouvoir lorsqu'elle propose de rendre les médicaments plus durables sur le plan environnemental. En effet, la présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement engendre des effets nuisibles pour la santé humaine et la santé animale, notamment en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens (RAM).

Les rapporteurs soutiennent cette approche qui ne doit toutefois pas conduire à limiter l'accès aux médicaments.

1. Soutenir une évaluation plus complète des risques pour l'environnement

La proposition de directive prévoit des exigences plus claires et plus précises en matière d'évaluation des risques pour l'environnement (ERE).

L'ERE inclut l'évaluation des risques pour l'environnement et la santé publique liés à la dissémination du médicament dans l'environnement à la suite de son utilisation, ainsi que la détermination des mesures de prévention, de limitation et d'atténuation de ces risques. Cette évaluation doit être fournie dans le cadre d'une demande d'AMM.

L'EMA élaborera des lignes directrices scientifiques afin de préciser les détails techniques concernant les exigences en matière d'ERE applicables aux médicaments à usage humain, le cas échéant, après avoir consulté l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne pour l'environnement (AEE).

Le demandeur devra inclure dans l'ERE des mesures d'atténuation des risques visant à éviter ou, lorsque ce n'est pas possible, à limiter les émissions dans l'air, l'eau et les sols de certains polluants. Le demandeur devra également expliquer en détail pourquoi les mesures d'atténuation proposées sont appropriées et suffisantes pour faire face aux risques constatés pour l'environnement.

Lorsqu'il dispose de nouvelles informations pouvant modifier le contenu de l'ERE, le titulaire de l'AMM sera tenu de communiquer dans les meilleurs délais ces informations aux autorités compétentes concernées et d'actualiser ainsi l'ERE.

Les fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires pourront tenir compte des ERE réalisées pour le médicament de référence.

Pour un médicament ayant un mode d'action antimicrobien, l'ERE devra également inclure une évaluation du risque de sélection de la résistance aux antimicrobiens dans l'environnement induit par la fabrication, l'utilisation et l'élimination de ce médicament.

Enfin, la Commission s'engage à promouvoir les normes environnementales de l'Union.

Les rapporteurs souscrivent à ces propositions et sont favorables à une évaluation plus complète de l'impact des médicaments sur l'environnement.

2. Évaluer les risques pour l'environnement sans limiter l'accès aux médicaments

Les mesures en faveur de médicaments plus durables ne doivent pas remettre en cause l'accès aux médicaments, tant pour les médicaments anciens que pour les médicaments innovants. C'est le cas notamment pour les mesures détaillées ci-dessous.

a) Étendre l'obligation d'établir une ERE à tous les médicaments déjà présents sur le marché et potentiellement nocifs pour l'environnement sans augmenter le risque de pénurie

La Commission propose que les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 et qui n'ont pas fait l'objet d'une ERE puissent faire l'objet d'une telle évaluation si l'EMA les considère comme potentiellement dangereux pour l'environnement.

L'EMA devra établir un programme d'évaluations sur la base de critères scientifiques qu'elle aura définis selon une approche fondée sur les risques, après avoir consulté les autorités compétentes des États membres, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne pour l'environnement (AEE). L'EMA pourra demander aux titulaires d'AMM de fournir des données ou des informations pertinentes pour définir son programme d'évaluation.

Lorsque plusieurs médicaments contiennent la même substance active et sont susceptibles de présenter les mêmes risques pour l'environnement, les autorités compétentes des États membres ou l'EMA encourageront les titulaires d'AMM à mener des études conjointes dans le cadre de l'ERE, afin de réduire au minimum la duplication inutile des données et l'utilisation d'animaux.

Si les rapporteurs soutiennent ces dispositions, ils précisent néanmoins que leur mise en oeuvre ne doit pas avoir pour conséquence de réduire l'offre de médicaments critiques. En effet, cette mesure va concerner les médicaments les plus anciens qui sont les plus sensibles au risque de pénurie. Les rapporteurs recommandent qu'un soutien financier puisse être accordé aux titulaires d'AMM qui devront mettre en place des mesures visant à réduire l'impact des médicaments concernés sur l'environnement.

b) Garantir l'accès aux soins malgré une ERE insuffisante

L'article 47 de la proposition de directive et l'article 15 de la proposition de règlement prévoient que l'AMM est refusée, quelle que soit la procédure d'évaluation utilisée, lorsque l'ERE est incomplète ou insuffisamment étayée par le demandeur ou que les risques mentionnés dans l'ERE n'ont pas été suffisamment pris en compte par le demandeur.

Pour la Représentation permanente et la DGS, le refus d'AMM serait motivé par la présentation d'une ERE incomplète et non par l'impact environnemental en soi. Cette mesure constituerait alors un levier pour obtenir des données de qualité permettant d'évaluer l'impact environnemental des médicaments.

L'EPF est opposée à une telle mesure lorsqu'il n'y a pas d'alternative thérapeutique disponible sur le marché.

Dans son avis politique du 20 octobre 2022, la commission des affaires européennes du Sénat estimait qu'une production de médicaments plus respectueuse de l'environnement ne devrait pas se faire au détriment de l'accès aux soins pour les patients, notamment lorsqu'il s'agit de médicaments répondant à un besoin médical non satisfait, d'antimicrobiens prioritaires, de médicaments présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique ou de médicaments qui peuvent être qualifiés d'avancée thérapeutique exceptionnelle.

Dès lors, les rapporteurs estiment que si une AMM doit pouvoir être refusée lorsque l'ERE ne satisfait pas aux exigences fixées par la législation, cela ne doit pas être systématique. L'EMA et la Commission européenne devront tenir compte de l'existence ou non d'alternatives thérapeutiques ou encore des efforts du demandeur pour présenter une ERE de qualité.

Partager cette page