B. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE D'UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL EFFICACE ET DURABLE
1. Les conditions propres à l'ingénierie
a) Structurer l'ingénierie de la connaissance
Préalablement à tout projet de développement économique, il est important de disposer en amont des connaissances, analyses et données utiles et nécessaires à la compréhension de l'identité d'un territoire : son histoire, sa géographie, ses caractéristiques sociales, ses ressources naturelles, son tissu économique, ses acteurs, ses forces, ses faiblesses, etc.
Les collectivités territoriales, parfois appuyées par les acteurs de l'ingénierie comme les agences de développement ou d'urbanisme, se sont dotées d'un panel d'outils de diagnostic économique territorial : indicateurs, baromètres, cartographies, observatoires, etc. S'il serait vain de vouloir tous les recenser, vos rapporteurs ont néanmoins souhaité mettre en avant des exemples inspirants.
L'Eurométropole de Strasbourg, en lien avec l'agence d'urbanisme de Strasbourg Rhin supérieur (Adeus), a développé une série d'indicateurs de développement économique du territoire strasbourgeois65(*), qui constituent le baromètre du Pacte pour une économie locale durable66(*) précité, démarche qui vise à fédérer les acteurs économiques locaux engagés dans le développement économique durable du territoire. Les indicateurs du baromètre permettent de mesurer la santé économique du territoire :
Bonne pratique : les indicateurs du baromètre du Pacte pour une économie locale durable de Strasbourg Parmi les indicateurs du baromètre, actualisés chaque mois, on peut par exemple trouver : - des données relatives à l'emploi et aux liens économiques : o l'évolution et la répartition par secteur du nombre d'emplois privés ; o le volume en euros des importations et des exportations ; o le nombre de nuitées dans l'hôtellerie ; - des données relatives l'entrepreneuriat, à l'innovation et aux entreprises en difficulté : o le nombre de créations d'entreprises, leur taux de survie à 5 ans ; o le volume en mètre carré des transactions de locaux d'entreprises, par activité : bureaux, locaux d'activité, entrepôts logistiques ; o le nombre de start-up de la French Tech Strasbourg, le nombre de start-up en incubation67(*), le top 10 des levées de fonds de start-up, le nombre de demandes de brevets français ; - des données relatives à l'environnement et à la société : o qualité de l'air, consommations d'énergie finale des activités économiques, consommation annuelle d'espaces naturels, agricoles et forestiers ; o taux de pauvreté, bénéficiaires de l'AAH68(*), écarts de salaire femmes-hommes, nombre d'arrêts maladie ; - des données relatives au marché du travail : o taux de chômage (Strasbourg et district frontalier), demandeurs d'emploi ventilés par critères (catégorie, sexe, âge, niveau de diplôme, QPV, etc.), bénéficiaires du RSA, nombre d'offres d'emplois durables. Exemple du baromètre au 26 mars 2025, onglet « entrepreneuriat, innovation, difficultés » - Source : Eurométropole de Strasbourg |
L'audition de la Fédération nationale des agences d'urbanisme a permis d'évoquer l'outil de la toile industrielle, une approche écosystémique imaginée par l'agence d'urbanisme Flandre-Dunkerque69(*).
Bonne pratique - les toiles industrielles de Dunkerque L'idée de toile industrielle est née au début des années 2000, dans le contexte des incertitudes liées aux perspectives de fermeture de la société sidérurgique historique Sollac, devenue ArcelorMittal en 2006. L'agence d'urbanisme n'était alors pas en mesure de prévoir les conséquences économiques d'une éventuelle fermeture pour le territoire dunkerquois. À l'inverse, elle a été en mesure d'étudier les éventuelles conséquences de la fermeture de la raffinerie Total des Flandres à la fin des années 2000, ce qui a permis de travailler sur la reconversion du site. En effet, la fermeture aurait impacté 17 % du chiffre d'affaires du port et fragilisé les entreprises qui s'étaient implantées sur le territoire à proximité de Total. La toile industrielle, développée dans ce
contexte à partir de 2009, est un outil d'intelligence économique
qui consiste en une représentation schématique de
l'écosystème industriel dunkerquois. L'ensemble des
réseaux, flux, échanges, marchés, interdépendances,
synergies, etc., qui peuvent exister entre les différentes entreprises
implantées sur le territoire est matérialisé, tels les
fils d'une toile d'araignée. La toile comporte une dimension
prospective : elle permet d'identifier les potentiels de
développement territorial et d'anticiper l'impact économique des
scénarii de crise (crise sanitaire, guerre en Ukraine, hausse
des tarifs douaniers, La toile industrielle a connu plusieurs évolutions70(*), notamment une version 3.0. qui améliore la data visualisation et rend l'outil plus interactif : filtres, recherches, visualisations, modélisations, réalité augmentée, serious game. Depuis 2009, l'agence d'urbanisme Flandre-Dunkerque a décliné le concept de toile sur près d'une trentaine de thématiques : toile énergétique, toile de l'eau industrielle, toile de la transition agricole et alimentaire, toile de l'action sanitaire et sociale, y compris une toile de la bière. Un exemple concret illustre les synergies que l'outil de la toile industrielle permet de développer en matière d'écologie industrielle et d'économie circulaire : pour l'installation de sa gigafactory de batteries électriques prévue pour 2025, la société Verkor s'est rapprochée de la société Clarebout, productrice de frites surgelées, pour récupérer son eau industrielle en sortie de process et l'utiliser pour refroidir ses installations. La toile industrielle, dont la marque est déposée, suscite l'intérêt au niveau national, avec plus d'une soixantaine de toiles répertoriées en 2021 : toile industrielle de l'estuaire de la Seine au Havre71(*), toile industrielle à Saint-Étienne72(*), déclinée dans les secteurs de la santé, de l'automobile, de l'aéronautique et de la défense, toile béton à Bayonne73(*) pour une filière BTP durable. Elle connaît aussi un rayonnement international auprès de nombreux autres pays. Il est d'ailleurs prévu qu'une délégation du territoire dunkerquois soit présente au Pavillon France lors de la quinzaine thématique ville et port durables de l'exposition universelle d'Osaka 202574(*). Source : AGUR |
Recommandation n°6 : développer et structurer l'ingénierie de la connaissance · Développer des outils de mesure de la santé économique du territoire (baromètre, indicateurs) · Mettre en place des outils d'analyses et de prospective (observatoires, études, SIG, toiles industrielles) · Favoriser la mutualisation de ces outils entre collectivités territoriales |
b) Renforcer le poids de la prospective et de la planification stratégique du territoire
Avec l'approfondissement de la décentralisation et la montée en puissance de l'ingénierie des collectivités territoriales, l'État a opéré un mouvement de repli de son ingénierie, qui a conduit par exemple à la reconfiguration de la DATAR en 200975(*) ou à la suppression de l'ATESAT76(*) en 2015. Se repositionnant en financeur et en facilitateur de projets, en privilégiant une logique d'appels à projets, l'État a progressivement abandonné ses prérogatives de prospective et de planification stratégiques du territoire. Certaines collectivités territoriales ont su se saisir de l'opportunité pour déployer une véritable ingénierie de la prospective et de la planification, notamment les régions et les intercommunalités de grande taille (métropoles, communautés d'agglomération), leur permettant de se doter de documents stratégiques (SRADDET, SCoT, PLUi). D'autres collectivités n'ont pas pu disposer des ressources pour se doter d'une telle ingénierie. Selon la fédération nationale des SCoT, aujourd'hui « 97 % de la population et 86 % des communes sont couvertes par un schéma de cohérence territoriale ». Certains départements ne sont toujours pas totalement couverts par des SCoT, par exemple la Creuse ou la Meuse.
Le besoin de structurer et consolider l'ingénierie territoriale de la prospective et de la planification stratégique apparaît pourtant comme une nécessité pour permettre aux collectivités territoriales de se projeter à long terme. Les documents de planification stratégique comme les SCoT ou les PLUi apparaissent comme des outils essentiels pour retrouver la maîtrise publique du foncier et sécuriser sur le long terme des projets de développement intégrant les enjeux économiques, environnementaux, sociaux, etc. La planification stratégique territoriale est le préalable au développement équilibré et durable des territoires, qui inclut une approche systémique des sujets pour mettre en cohérence l'ensemble : aménagement, habitat, mobilités, gestion de l'eau, gestion des déchets, emploi, formation, etc.
Aujourd'hui, ce sont les collectivités
territoriales, et non plus l'État, qui sont à l'initiative de ces
transformations. La 27e Région indique que
« Sur la planification et les schémas, tout est
intéressant à lire, mais il s'agit souvent d'additions de
doléances en silo, rarement de schémas où on regarde le
développement de façon systémique en reliant les effets de
de l'économie sur le social et les questions environnementales. Il
faudrait qu'on repense la façon dont on fait des schémas
régionaux, des schémas économiques, des schémas de
développement. C'est quand même devenu un exercice
extrêmement institutionnel, ritualisé, un peu
déconnecté des réalités du terrain. Il y aurait
sans doute à repenser cette façon très verticale de faire
ces schémas pour les inscrire dans des durées plus
longues et dépasser les durées des mandatures. On aurait
besoin de schémas qui parlent de
10-20 ans. Aujourd'hui les
dynamiques et les transformations sont surtout portées au niveau
local ».
Recommandation n°7 : Renforcer le poids de la prospective et de la planification stratégique du territoire · Mobiliser davantage les outils de prospective et de planification stratégique (PLUi, SCoT, etc.) pour piloter l'aménagement et le développement économique des territoires sur le long terme. |
c) Identifier et utiliser les outils juridiques adaptés
Mobiliser efficacement l'ingénierie au service du développement économique d'un territoire nécessite de pouvoir identifier et utiliser les outils juridiques adaptés à l'enjeu ou au projet.
S'il n'est pas ici fait état de manière exhaustive des nombreux outils juridiques existants, les auditions ont toutefois permis de mettre en avant un certain nombre d'entre eux qui ont retenu l'attention de vos rapporteurs parce qu'ils apportaient une réponse particulière aux enjeux soulevés plus haut, notamment : rareté du foncier économique, transition écologique et sociale, mobilisation du tissu industriel, etc.
(1) Les baux à construction
S'agissant des enjeux fonciers, plusieurs outils ont déjà été présentés, notamment l'exemple du bail à construction développé par la communauté de communes des Luys en Béarn.
(2) Les sociétés coopératives d'intérêt collectif
S'agissant des enjeux de transition écologique et
sociale, la mobilisation des outils de l'économie sociale et solidaire
peut par exemple prendre la forme d'une société
coopérative d'intérêt collectif (SCIC). L'Eurométropole de Strasbourg porte ainsi le
projet de transformation de son ancien office du tourisme de Strasbourg et sa
région (OTSR), en SCIC, en le fusionnant avec le Strasbourg
Convention Bureau, une association dont la fonction était d'animer
la politique relative au tourisme d'affaires, notamment l'accueil de
congrès. La nouvelle structure unique, l'office de tourisme
eurométropolitain, peut ainsi conserver une activité
économique et commerciale tout en impliquant fortement les acteurs du
territoire dans sa gouvernance, avec l'objectif de tendre, selon la
réponse de son Président au rapport d'observations
définitives de la chambre régionale des comptes Grand Est,
« vers un tourisme responsable, respectant l'environnement et le
climat, orienté vers une économie locale et durable,
développant la dimension inclusive et sociale, ainsi que le lien avec
les habitants - dont le tourisme et les loisirs locaux »77(*).
Focus : les SCIC Les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), instituées par la loi n°2001-624 du 17 juillet 2001, sont des entreprises coopératives constituées en application du code du commerce et de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, sous la forme de société anonyme (SA), de SAS ou de société à responsabilité limitée (SARL), et qui ont pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif qui présentent un caractère d'utilité sociale ». L'actionnariat est multiple - on parle de multisociétariat - et doit se composer d'au moins trois catégories d'associés : - les salariés de la SCIC, ou en l'absence de salariés, les producteurs de biens ou de services (ex : producteurs, agriculteurs, artisans, etc.) ; - les bénéficiaires des biens et services proposés par la SCIC (ex : clients, fournisseurs, bénévoles, etc.) ; - tout autre type d'associés, personnes physique ou morale de droit privé ou de droit public, contribuant à l'activité de la SCIC (ex : collectivités territoriales, associations, entreprises, financeurs, etc.). Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu'à 50 % du capital. Chaque sociétaire de la SCIC dispose d'une voix à l'assemblée générale. Le capital constitué par le total des parts sociales est variable, ce qui permet la libre entrée et sortie des sociétaires. Les excédents de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres. |
(3) Les entreprises publiques locales
Par ailleurs, pour accompagner les réalités du monde économique, le développement économique territorial demande de l'agilité et de la souplesse, là où les collectivités territoriales rencontrent davantage de limites réglementaires ou administratives. Plusieurs outils juridiques permettent d'apporter la flexibilité nécessaire, par exemple les entreprises publiques locales déjà évoquées.
Selon la fédération des EPL, les entreprises publiques locales constituent un réel effet de levier économique de développement d'un territoire. En effet, « quand une collectivité investit un euro dans une EPL, le territoire en retire entre 4 et 5 euros de valeur ajoutée globale, qui bénéficient aux salariés, aux fournisseurs, à tout l'écosystème économique ».
Focus : la société publique locale Caux Seine Développement Outil d'ingénierie du territoire industriel de Caux Seine (Seine-Maritime), la SPL a pour actionnaire principal la communauté d'agglomération Caux Seine Agglomération et les villes de l'intercommunalité.
· la maison des entreprises, qui accompagne les entreprises dans leur développement, leurs mutations, etc., et fait de la prospection pour attirer de nouvelles entreprises sur le territoire ; · la maison des compétences, qui est au service des entreprises qui s'installent et se développent sur le territoire, mais qui sont à la recherche de ressources et de compétences dont ils ne disposent pas. Le choix de créer la SPL a été fait, car « aucune commune, seule, n'aurait pu proposer cet accompagnement ». De plus, la SPL développe « une approche et une culture d'entreprise », mais permet de « faire le lien avec les collectivités territoriales, par exemple en matière d'autorisations d'urbanisme ». Sur le territoire, la SPL fonctionne comme un « tiers de confiance ». Parmi ses missions, on peut relever : · l'aménagement des zones d'activités économiques ; · l'accompagnement du tissu économique local : transitions écologiques et sociales, promotion du territoire, favoriser les implantations ; · le développement de l'emploi et des compétences pour répondre aux besoins des entreprises, par exemple en définissant avec la région des filières de formation dédiées ; · l'accompagnement des commerces (digitalisation, cybersécurité, etc.), sujet d'intérêt pour les villes. La création de la SPL a permis de professionnaliser l'approche du développement économique sur le territoire, ce que n'aurait pas permis une gestion directe par les collectivités. Elle a permis de développer et diversifier des filières économiques sur le territoire, dans le contexte du désengagement de l'industriel historique Exxon Mobil de ses activités pétrolières, en promouvant un développement durable : chimie décarbonée, filière hydrogène, santé, aéronautique, etc. |
(4) Les pôles territoriaux de coopération économique
Des formes juridiques nouvelles sont par ailleurs mobilisables, par exemple les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui sont constitués, selon l'article 9 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, « par le regroupement sur un même territoire d'entreprises de l'économie sociale et solidaire [...] qui s'associent à des entreprises, en lien avec des collectivités territoriales et leurs groupements, des centres de recherche, des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation ou toute autre personne physique ou morale pour mettre en oeuvre une stratégie commune et continue de mutualisation, de coopération ou de partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants, socialement ou technologiquement, et porteurs d'un développement local durable ».
Le Labo de l'ESS78(*) estimait en 2020 à 56 le nombre de PTCE
en
France79(*).
Ils seraient aujourd'hui plus de 120.
L'Eurométropole de Strasbourg indique avoir « activé des formes juridiques nouvelles, par exemple les pôles territoriaux de coopération économique, avec un PTCE sur la rénovation énergétique du bâti ».
Bonne pratique : le PTCE de Strasbourg sur la rénovation énergétique du bâtiment Le PTCE, créé en 2022 et nommé Ensemble, rénovons Strasbourg & Eurométropole, réunit une quinzaine de membres : acteurs publics, entreprises privées, organismes de formation et structures de l'économie sociale et solidaire. Ce nouveau modèle de coopération innovant doit permettre de répondre aux enjeux de la filière de la rénovation énergétique du bâtiment, qui fait face à une demande croissante, mais rencontre des pénuries de main-d'oeuvre. Le PTCE, financé par l'État dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt national pour la filière rénovation énergétique lancé en 2021, dispose d'une enveloppe pour la mise en oeuvre des actions et le recrutement d'une personne en charge de la gestion technique et opérationnelle. Sa feuille de route doit lui permettre de répondre aux enjeux suivants : l'attractivité des métiers du secteur, la montée en compétences et la formation des salariés du secteur, la coopération entre les différentes entreprises du secteur, le réemploi et la réutilisation de matériaux biosourcés et géosourcés. |
d) Amplifier le recours à la contractualisation
La contractualisation apparaît tout d'abord comme un outil permettant de compenser la rationalisation inachevée par la loi Notre des compétences en matière de développement économique, et donc de mieux articuler entre elles les ingénieries territoriales.
Régions de France indique à cet effet que « la collaboration région-EPCI se traduit par des contractualisations-cadres et des conventions spécifiques entre ces deux niveaux de collectivités : par convention, la région peut autoriser l'EPCI à délivrer des aides aux entreprises, et à l'inverse, l'EPCI peut autoriser la région à intervenir en complément en matière d'aides à l'immobilier d'entreprise ».
La conférence territoriale de l'action publique (CTAP), prévue à l'article L. 1111-9-1 du CGCT pour « favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics », y compris donc en matière de développement économique, a vocation, selon Régions de France, à « devenir le lieu de co-construction et de co-contractualisation des politiques économiques, de transition ou d'aménagement ayant une influence sur les entreprises ».
On observe ainsi la mise en place de contractualisations, territoire par territoire, comme le montre l'exemple des contrats de territoire passés par la région Nouvelle-Aquitaine avec des EPCI.
Bonne pratique : les contrats de territoires signés par la région Nouvelle-Aquitaine La région Nouvelle-Aquitaine a signé en 2023 53 nouveaux contrats de territoire avec des EPCI, mis en oeuvre sur la période 2023-2025. Les contrats de territoire permettent de soutenir financièrement des projets de territoire, mais aussi de cofinancer des postes d'ingénierie dans les intercommunalités. À titre d'illustration, le contrat de développement et de transition signé par la région avec un EPCI prévoit le co-financement de l'extension d'une cité de l'entreprise et du numérique, ainsi qu'une aide pour la création et le maintien des derniers commerces de proximité dans un centre-ville. La région propose également des contrats spécifiques dédiés au développement économique des territoires fragiles, écartés des réseaux de transports ou ayant subi un sinistre économique : les CADET, pour contrats néo-aquitains de développement de l'emploi sur le territoire. Le CADET permet de renforcer l'appui aux entreprises et aux salariés en reconversion ou en perte d'emploi. Huit territoires CADET sont actuellement accompagnés en Nouvelle-Aquitaine. |
Ensuite, le recours à la contractualisation peut intervenir entre les collectivités territoriales et les entreprises du territoire. Il s'agit alors d'une ingénierie d'accompagnement qui permet de fixer des objectifs de développement durable, comme le démontre l'expérimentation du dispositif dit plans de progrès dans les marchés publics passés entre l'Eurométropole de Strasbourg.
Bonne pratique : l'expérimentation des plans de progrès dans les marchés publics passés par l'Eurométropole de Strasbourg Inspirée par l'économie de la fonctionnalité et de la coopération, l'Eurométropole de Strasbourg a lancé en 2023, dans le cadre de son SPASER, une expérimentation visant à mettre en oeuvre des plans de progrès dans ses marchés publics. Un plan de progrès consiste à fixer des objectifs d'amélioration continue aux titulaires des marchés publics passés par la collectivité, les incitant à coopérer activement avec l'acheteur public en cours d'exécution du marché. L'expérimentation porte sur une dizaine de marchés publics. Par exemple, un marché public portant sur de l'éclairage public a donné lieu à la co-construction d'un plan de progrès en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : le titulaire a été incité à travailler l'égalité des effectifs affectés au marché. Le plan de progrès peut être ajusté en cours d'exécution du marché. Il permet par ailleurs à l'entreprise d'améliorer la qualité de son offre et de pouvoir candidater à des marchés plus volumineux. |
e) Les nouveaux outils de l'ingénierie financière
Si l'ingénierie financière du développement économique consiste traditionnellement à apporter des aides et des subventions aux entreprises, sans toujours en mesurer les effets, de nouveaux outils d'ingénierie financière, plus efficaces, innovants et incitatifs et davantage orientés vers des objectifs de développement durable, se déploient.
(1) Les fonds de capital-investissement
Régions de France cite l'exemple des fonds de capital-investissement, « créés ces dernières années par les régions pour faciliter l'obtention de financements privés pour des entreprises à enjeu régional fort et les projets d'ampleur en matière de réindustrialisation, de décarbonation, d'énergies vertes, de tourisme : Normandie Participations, Pays de la Loire Participations, fonds Breizh'Up en Bretagne, fonds Tourisme de la Région Occitanie, Région Sud Investissement, fonds NACO80(*) en Nouvelle-Aquitaine, Fonds souverain Auvergne-Rhône-Alpes, etc. ».
(2) Les prêts et fonds de prêts
Les régions proposent de plus en plus de prêts et de fonds de prêts.
Régions de France donne l'exemple de la Région Normandie, qui déploie le dispositif Impulsion Proximité à destination des artisans et commerçants pour leurs opérations de transmission-reprise rachat d'actifs matériels et immatériels et leurs opérations de développement : « l'aide régionale est apportée sous forme d'un prêt à taux zéro sans garantie, d'un montant maximum de 50 000 euros, versé en une fois. La participation des intercommunalités associées se traduit par le versement d'une subvention pouvant atteindre 10 % du montant du prêt ».
La région Réunion a de son côté mis en place en janvier 2025 le Fonds d'aide à l'investissement régional (FAIRE), « un fonds de prêt, financé par le FEDER, pour améliorer l'accès des bénéficiaires finaux au financement bancaire à des conditions préférentielles ». En effet, les TPE et PME locales sont confrontées à des difficultés structurelles telles que le manque de fonds propres ou une trésorerie insuffisante. « À noter qu'à la fin de la période d'inclusion, au moins 30 % du portefeuille finalisé devrait être relatif au financement de la transition écologique et/ou environnementale et/ou le verdissement de l'économie ».
Par ailleurs, toutes les régions proposent des prêts et avances remboursables et plusieurs d'entre elles déploient désormais des dispositifs de prêt en propre en partenariat avec Bpifrance : prêt région industrie en Auvergne-Rhône-Alpes, prêt relance pour les TPE-PME à la Réunion, etc.
(3) Les produits d'épargne fléchés pour le développement économique
Certaines régions comme la région Auvergne-Rhône-Alpes ont mis en place un produit d'épargne régional fléché pour le développement économique81(*). Le fonds souverain régional, créé en 2021 en réaction à la crise sanitaire pour investir dans le tissu industriel et permettre notamment aux PME et ETI d'innover et soutenir l'emploi, est désormais ouvert à l'épargne des investisseurs particuliers. Les habitants peuvent donc désormais placer leur épargne dans un produit de long terme qui vise à soutenir l'activité industrielle régionale et les entreprises du territoire.
(4) L'éco-socioconditionnalité des aides
Dans une démarche visant à renforcer la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), l'Eurométropole de Strasbourg a mis en place le dispositif Start RSE, en partenariat avec les chambres consulaires locales. Le dispositif permet de financer un diagnostic RSE, pour les entreprises de moins de 50 salariés qui souhaitent en bénéficier. L'Eurométropole prend l'engagement de cofinancer à hauteur de 50 % la première action RSE issue du diagnostic, « ce qui incite les entreprises à y aller ».
Recommandation n°8 : mobiliser les bons outils juridiques et financiers pour conforter l'ingénierie publique territoriale · Mise à disposition par l'État aux collectivités territoriales d'une boîte à outils juridiques et financiers du développement économique territorial. · Cette boîte à outils pourrait comprendre des fiches thématiques actualisées sur les principaux dispositifs juridiques et financiers mobilisables par les collectivités territoriales pour accompagner le développement économique de leur territoire (EPL, foncières, SCIC, baux à construire, contractualisation, outils et produits financiers, etc.). · Les préfets de département pourront utilement relayer l'information auprès des collectivités territoriales de leur département les moins dotées en ingénierie. |
f) Financer l'ingénierie du développement économique territorial
Dans son rapport annuel 202382(*), la Cour des comptes « évalue à 8,5 Md€ le montant moyen des dépenses annuelles consacrées entre 2014 et 2020 par les collectivités territoriales au financement d'actions de développement économique. Ces financements sont destinés aux aides aux entreprises et à divers instruments mis en oeuvre pour favoriser leur développement : aménagement et entretien de parcs d'activité, animation de réseaux d'entreprises, conseil et agences de développement, d'attractivité, de tourisme. Les dépenses de développement économique représentent en moyenne 11 % des dépenses totales des régions, 4 % de celles des communes et des EPCI et 2 % des dépenses des départements ».
Du fait des contraintes budgétaires et
financières qui pèsent sur les collectivités
territoriales, notamment celles qui sont moins dotées, et devant la
complexité croissante des enjeux du développement
économique territorial, qui souligne le besoin croissant
d'ingénierie des collectivités, il apparaît
nécessaire de sécuriser le financement de
l'ingénierie du développement économique
territorial. Il est préconisé, dans la continuité
des conclusions du rapport d'information n° 126 (2024-2025)
« 18 mois après le rapport du
Sénat :
poursuite d'un dialogue exigeant avec l'ANCT »,
d'étudier la mise en place du 0,1 %
ingénierie, sous la forme d'un fonds national alimenté
par des contributions prélevées sur les dépenses
d'investissement des collectivités territoriales, avec un
caractère redistributif en faveur des territoires les moins
outillés.
Recommandation n°9 : mettre en place le 0,1 % ingénierie pour financer l'ingénierie du développement économique territorial des collectivités les moins outillées · Le 0,1 % ingénierie prendrait la forme d'une contribution prélevée sur les dépenses d'investissement des collectivités territoriales. · Cette contribution aurait un caractère redistributif en faveur des territoires moins outillés en ingénierie du développement économique. |
g) Évaluer l'efficacité de l'ingénierie mobilisée
Le recours aux ressources et moyens de l'ingénierie du développement économique territorial doit pouvoir donner lieu à évaluation, pour en mesurer l'efficacité et les coûts. La Cour des comptes souligne d'ailleurs le caractère essentiel de « l'évaluation des actions économiques [...] au regard des enjeux de développement économique et de transition écologique et énergétique »83(*). Elle insiste en particulier sur l'importance de « développer l'évaluation pour mesurer l'impact des aides sur les entreprises ».
L'évaluation des appels à projets doit
également se
développer.
La 27e Région indique à propos des
programmes des opérateurs de l'État, par exemple le programme
Coeur de ville de l'ANCT, qu'il est nécessaire
« d'évaluer ces programmes, qui sont multiples. Il
faudrait mesurer les effets de bord que produisent les appels à
projets ».
On le voit, l'évaluation nécessite de se doter d'une méthodologie, d'outils, d'indicateurs. Le CNER indique « réunir une fois par an les professionnels lors du Forum de l'économie, autour de la mesure d'impact sur un territoire ». Lors de l'édition 2024, le Forum avait notamment traité la question de la mesure « des indicateurs de performance pour les agences ».
Si l'évaluation a un coût et nécessite des moyens, certaines collectivités territoriales ont démontré que la mutualisation des ressources d'expertise permettait de mieux évaluer les politiques publiques et à moindre coût, en évitant d'externaliser la prestation auprès d'un cabinet d'audit. C'est par exemple le cas du réseau Revmed, qui a regroupé en 2010 plusieurs collectivités du bassin méditerranéen. Le bilan de la mutualisation soulignait en 2014 le développement du recours à l'évaluation des membres du réseau et la montée en compétences des agents. Le réseau a d'ailleurs été récompensé par le prix Territoria dans la catégorie pilotage - évaluation.
2. Les conditions extérieures à l'ingénierie
Optimiser les connaissances, outils, méthodes et financements propres à l'ingénierie du développement territorial n'est pas suffisant. Il convient également d'améliorer le cadre dans lequel l'ingénierie peut être mobilisée, pour lui donner du sens, mieux coordonner les acteurs, agir à l'échelle territoriale pertinente et associer davantage les citoyens aux projets.
a) Élaborer un projet de territoire politique clair avec une vision stratégique de long terme
Il revient aux élus locaux de donner du sens et de définir la finalité du développement économique de leur territoire, en élaborant un projet de territoire politique clair avec une vision stratégique de long terme.
Lors de son audition, la fédération des EPL posait comme principe que « tout commence par un projet politique » en matière de développement économique territorial, y compris s'agissant de projets portés par des satellites des collectivités territoriales comme les entreprises publiques locales.
À l'occasion de la 34e convention d'Intercommunalités de France (2024), le président de Saint-Nazaire Agglomération, intervenant lors d'une table ronde sur le thème des développeurs économiques sur tous les fronts, posait comme condition au développement économique territorial que « la stratégie doit être énoncée clairement ».
L'étude quinquennale économique d'Intercommunalités de France (2022), déjà citée, confirme ces exigences : « de plus en plus d'intercommunalités structurent leurs actions en matière économique, en passant d'une somme d'actions en direction des entreprises à une stratégie pluriannuelle dédiée, et considérant le plus souvent les différents aspects du développement des entreprises : locaux d'activités, recrutement, mobilité, communication... Les ¾ des intercommunalités interrogées se sont dotées d'une vision stratégique (stratégie économique existante ou en projet) afin d'articuler et clarifier leurs actions en faveur du développement économique (68 % pour les communautés de communes contre 35 % en 2016, 88 % pour les communautés d'agglomération contre 61 % en 2016, et 100 % pour le grand urbain ».
De plus, les stratégies économiques des collectivités s'ouvrent aux enjeux de la transition écologique : « on constate notamment dans le grand urbain une association forte entre développement économique et transition écologique. Ainsi, 90 % des intercommunalités du grand urbain estiment que leur stratégie économique a un impact fort ou très fort en matière de décarbonation ».
b) Mettre en place une gouvernance efficace de l'ingénierie du développement économique territorial par la puissance publique
Pour que la vision politique et stratégique des élus locaux puisse se traduire en projets et actions de développement économique sur le territoire, il importe de mettre en place une gouvernance efficace de l'ingénierie par la puissance publique, au risque sinon d'un manque d'efficacité (doublons, effets de bord, concurrence entre territoires) ou d'une perte de contrôle.
Un pilotage efficace de l'ingénierie
nécessite de créer les conditions d'une coordination et
d'une coopération des acteurs. Le programme Territoires
d'industrie en est un bon exemple avec une gouvernance qui s'articule
à plusieurs niveaux : au niveau national avec une
gouvernance tripartite
État-régions-intercommunalités qui permet de
mobiliser les compétences et les ressources nécessaires à
la mise en oeuvre du
programme ; au niveau local avec la mise en place
d'une gouvernance constituée d'un binôme
élu-industriel, qui préside un comité de projet
puis de suivi, identifie les enjeux prioritaires pour le territoire et fait
remonter les projets locaux.
Une gouvernance efficace, c'est aussi une gouvernance qui s'exerce au niveau adapté de mise en oeuvre du développement économique. La création du syndicat mixte fermé Chambéry-Grand Lac économie (CGLE) en est l'exemple.
Bonne pratique : Chambéry-Grand Lac économie, la gouvernance par le consensus Le syndicat CGLE, créé en 2017, résulte de la volonté politique de piloter le développement économique au niveau du bassin d'emplois plutôt que dans le cadre des frontières administratives. Pour cela, quatre structures ont été fusionnées : deux services économiques d'intercommunalités et deux syndicats mixtes, afin de rendre plus efficace le service rendu au territoire et notamment l'accompagnement des entreprises. Cette fusion découle d'un consensus politique qui se retrouve dans les modalités de gouvernance du syndicat : une gouvernance paritaire des deux agglomérations, sans tenir compte de leur poids économique et démographique et la mise en place d'une présidence tournante. Le syndicat résume ainsi l'essence de sa gouvernance : « la construction de consensus est devenue un principe de fonctionnement endémique ». La capacité du syndicat créer de la gouvernance par le consensus s'illustre par la décision de généraliser le bail à construction, mesure clivante bien qu'en passe de se généraliser en France, qui a été adoptée à l'unanimité des suffrages exprimés (deux abstentions) et ne fait plus, aujourd'hui, l'objet de remise en cause. La personnalité des élus locaux, et particulièrement des présidentes ou présidents de CGLE, contribue fortement, à la construction de ce consensus. La gouvernance par le consensus mise en place a permis de mettre en oeuvre les axes stratégiques suivants : · recherche de densité acceptable ; · recherche de qualité architecturale et environnementale de l'immobilier d'entreprises ; · recherche de concentration des projets tertiaires dans les villes centres afin de bénéficier des aménités urbaines (transport, recrutement...) ; · développement de fonctions métropolitaines, à due proportion de la taille du territoire : formation, habitat partagé, etc. ; · reconnaissance du territoire auprès des investisseurs extérieurs ; · développement d'outils de maîtrise et de reconstitution foncière. |
c) Renforcer les coopérations et les solidarités entre les territoires
Si un développement économique réussi implique une coopération intraterritoriale plutôt qu'une concurrence entre les différents acteurs économiques d'un territoire, on constate de plus en plus l'émergence de coopérations interterritoriales, qui se caractérisent par le développement de partenariats davantage ancrés sur des logiques de bassins de vie, des solidarités territoriales ou des intérêts économiques communs que sur des frontières administratives.
Par exemple, le desserrement de
l'activité économique est un moyen de lutter contre la
densité économique des centres urbains et d'accompagner la
localisation ou la relocalisation des activités des villes-centres vers
leur périphérie, en coordonnant au mieux ces implantations
économiques. Mais il peut entraîner de la concurrence entre des
territoires, d'où l'importance de faire appel à l'intelligence
collective et aux coopérations entre les
territoires. Toulouse
métropole « essaie de faire du desserrement
économique grâce à la coopération territoriale, pour
que les entreprises puissent rester à proximité des lieux
où elles doivent se développer ». C'est un enjeu
de solidarité territoriale, mais aussi de qualité de vie,
même s'il n'est pas toujours facile d'organiser et structurer le
desserrement économique.
La coopération entre territoires peut aussi reposer sur l'intérêt réciproque de créer des solidarités entre des territoires urbains et ruraux, comme l'illustre l'accord signé entre l'Eurométropole de Strasbourg, la communauté d'agglomération de Saint-Dié-des-Vosges et la communauté de communes de la Vallée de la Bruche.
Bonne pratique : les contrats de réciprocité - Eurométropole de Strasbourg Le contrat de réciprocité signé entre l'Eurométropole de Strasbourg, la Communauté d'agglomération de Saint-Dié-des-Vosges et la Communauté de communes de la vallée de la Bruche a pour objectif de créer de nouvelles solidarités entre territoires urbains et ruraux. Sans structure institutionnelle supplémentaire, il s'agit de créer un réseau de collectivités au service de l'équilibre et de la cohésion des territoires en se mobilisant autour de projets fédérateurs communs. Le contrat s'articule autour de deux biens communs : le massif des Vosges et la voie ferrée Strasbourg/Saint-Dié-des-Vosges. Les projets phares portent sur deux grands sujets : la promotion d'un tourisme de proximité en valorisant la voie de chemin de fer (tarification spéciale lors de manifestations, vélo-tourisme depuis les gares) et la valorisation et le partage de bonnes expériences autour de certaines filières économiques (agriculture, filière bois, transformation des friches...). |
L'objectif de l'Eurométropole de Strasbourg est « de faire en sorte que la puissance de la métropole bénéficie aux territoires autour » et « que dans les programmes de logement et d'habitat, un maximum soit fait en bois biosourcé qu'on essaie de faire venir des Vosges, pour structurer ces filières plutôt que de favoriser le moins-disant dans les marchés publics ».
Parfois même, des territoires très éloignés géographiquement ont démontré l'intérêt de renforcer les coopérations interterritoriales reposant sur l'intelligence collective, à l'image de l'accord de réplicabilité signé entre les métropoles de Strasbourg et de Toulouse dans le domaine du BTP durable.
Bonne pratique Dans le cadre du projet Life Waste2Build (2021-2026), financé par l'Union européenne, Toulouse métropole s'est engagée, à partir du chantier expérimental de déconstruction du Parc des expositions, à développer l'économie circulaire et à valoriser les déchets du bâtiment et des travaux publics grâce au levier de la commande publique durable, pour permettre le réemploi de matériaux de seconde vie dans la construction, la rénovation ou l'aménagement paysager. En juin 2024, la métropole de Toulouse et l'Eurométropole de Strasbourg ont signé un accord de réplicabilité. Il s'agissait pour les deux métropoles de se doter d'une feuille de route sur l'économie circulaire du BTP et de partager la méthodologie et les outils développés à l'occasion du projet Life Waste2Build en vue de les reproduire dans le cadre du projet de rénovation du stade de la Meinau. |
Ainsi, le développement économique durable des territoires passe désormais par davantage d'horizontalité que de verticalité et nécessite de la coopération, de l'intelligence collective, de la mise en réseau et du partage de bonnes pratiques.
d) Renforcer les synergies entre les acteurs du développement économique territorial : vers une économie symbiotique
Les acteurs de l'ingénierie du développement économique territorial les plus avancés tendent vers une économie symbiotique, où les entreprises de l'écosystème collaborent pour un développement plus durable du territoire.
Parmi les exemples donnés par la FNAU, on peut relever celui de Dunkerque : « Sur le volet environnemental, on est très engagé sur une ligne directrice : faire de notre territoire un territoire d'économie symbiotique qui associe le développement économique avec les questions environnementales et les relations au vivant ».
L'économie symbiotique se traduit par des réalisations concrètes, que l'agence d'urbanisme de Dunkerque accompagne, par exemple en soutenant l'association Ecopal, qui agit en matière d'écologie industrielle territoriale.
Bonne pratique - « Les déchets de l'un peuvent devenir la matière première de l'autre » - Association Ecopal (Dunkerque) L'association Ecopal, spécialisée dans l'écologie industrielle, qui facilite les synergies interentreprises en « récupérant les déchets des uns pour en faire la matière première des autres ». En 2022, l'association a ainsi facilité la revalorisation de 5 tonnes de coquilles d'huîtres en compléments calcium pour l'alimentation animale via une synergie locale. En 2022 également, elle a facilité la création d'une chaufferie pour revaloriser les anas de lin provenant des producteurs locaux (des déchets pour eux). Grâce à ces anas de lin, la chaufferie alimente un centre aquatique, une école, un EHPAD et la mairie de Wormhout. |
L'ANPP appelle de son côté
« à ne pas cloisonner les
ingénieries :
l'ingénierie culturelle, c'est aussi du développement
économique ».
e) Vers un modèle hybride d'ingénierie publique privée ?
Pour faire face à la complexité des enjeux du développement économique des territoires, distinguer voire opposer des modèles d'ingénieries publique et privée n'a plus de sens. On observe sur le terrain non seulement de nombreuses formes de coopération entre les acteurs publics et privés, mais parfois aussi une forme d'hybridation des ingénieries publiques et privées.
En effet, la coopération entre acteurs publics et privés joue un rôle central pour assurer une gouvernance économique territoriale efficace, qui repose sur la capacité des entreprises, des collectivités, des associations et des organisations professionnelles à établir des espaces de dialogue et de concertation. Ce travail collaboratif permet d'anticiper les mutations économiques, d'identifier les besoins et de construire des solutions adaptées, qu'il s'agisse de financement, de foncier, de formation ou d'accompagnement administratif. Le programme Territoires d'industrie, qui repose sur une coopération entre élus et industriels, illustre bien cette dynamique vertueuse.
Au-delà de la coopération entre acteurs publics et privés, certains exemples témoignent d'une forme d'hybridation des ingénieries publiques et privées, comme celui de Cosmetic Valley dans le département d'Eure-et-Loir.
Bonne pratique - la Cosmetic Valley La Cosmetic Valley est une association loi 1901 créée en 1994 sous l'impulsion d'entrepreneurs, notamment Jean-Paul Guerlain, avec le soutien du département d'Eure-et-Loir. Labellisée pôle de compétitivité en 2005, elle est le coordinateur national de la filière parfumerie-cosmétique française : 6 300 établissements dont 85 % de TPE/PME/ETI84(*), 226 000 emplois, 71 milliards de chiffre d'affaires, 2e contributeur à la balance commerciale française après le secteur aérospatial. Elle accompagne le développement économique du secteur en mettant en place des stratégies nationales consolidées à l'échelle nationale sur l'innovation, l'emploi, l'industrie et l'export. Elle assure une coordination à l'échelle européenne depuis 2021 au niveau international au sein du Global Cosmetics Cluster, le métacluster mondial de la cosmétique qu'elle a créé. Elle fédère les différents acteurs, les entreprises, les universités et établissements de recherches, les collectivités territoriales (régions, départements, intercommunalités), ce que reflète sa gouvernance hybride publique privée. Le conseil d'administration est composé de deux collèges, un collège entreprises et un collège recherche, enseignement supérieur et formation. Il consulte en amont un comité technique constitué des partenaires publics (État, régions, départements, agglomérations), ce qui permet de prendre en compte la vision des territoires dans la stratégie déployée. Par exemple, Cosmetic Valley a pu prendre le relais de l'agence de développement et d'innovation de Nouvelle-Aquitaine, qui avait détecté le potentiel de la filière cosmétique sur son territoire. |
f) Territorialiser l'action économique
La recomposition de l'ingénierie de l'État et de ses opérateurs vers une logique d'appels à projets, avec les limites soulignées plus haut, incite à territorialiser davantage l'action économique de l'État.
Prenant l'exemple du plan France 2030, le CNER souligne que « sur 54 milliards, on aurait pu faire un effort de territorialisation réel : l'État aurait pu être le régulateur des priorités et des stratégies, et pas seulement le trésorier. Il faut donner les moyens à ceux qui connaissent le territoire et les acteurs, dans un cadre bien posé ». Par ailleurs, une approche trop centralisée du développement économique a pour conséquence qu'« on ne fait remonter que des projets structurés, un peu gros, alors que les territoires ont des tout petits projets ».
La territorialisation du développement économique est aussi souhaitée par les acteurs privés. Cosmetic Valley appelle ainsi de ses voeux « une approche territoriale renouvelée qui permettrait de décentraliser la décision ». En effet, « ces dernières années, des opérateurs nationaux ont concentré tout l'effort d'accompagnement (Business France pour l'export, BPI pour l'innovation), avec sans doute des progrès, mais aussi une perte dans la finesse d'analyse et l'alignement sur les besoins réels des entreprises, en particulier les TPE/PME/ETI ». Cosmetic Valley fait le constat « qu'une approche trop centralisée et uniforme ne permet pas de s'appuyer sur la complémentarité de nos territoires, de leurs forces et de leurs approches respectives, entrave leurs expérimentations et nuit à la compréhension de certains phénomènes en cours, en particulier la désindustrialisation à l'échelle locale et la concurrence sur les marchés internationaux ».
Avec le lancement de la nouvelle génération du programme Territoires d'industrie (2023-2027), la priorité est mise sur l'approche territoriale et le renforcement de l'ingénierie, afin de catalyser les initiatives locales et de recentrer les moyens sur les projets à impact territorial, sous le pilotage tripartite de l'État, de ses opérateurs et des collectivités territoriales, en alignant le développement industriel sur les enjeux de décarbonation et de sobriété foncière.
La territorialisation du développement économique ne doit pas, pour autant, négliger l'approche européenne des sujets, pour gagner en pertinence et en efficacité au regard des enjeux de compétitivité économique. Partant du constat qu'en France, les régions Centre-Val de Loire, Île-de-France, Normandie et Hauts-de-France représentent 70 % des exportations de la filière cosmétique, Cosmetic Valley préconise la mise en place d'un comité des régions « pour favoriser l'interrégionalité à l'échelle européenne », sur le modèle du réseau interrégional Go4Cosmetics, labellisé plateforme S3 - smart specialisation strategy par la Commission européenne, qui porte, « à travers son programme Actt4Cosmetics, la voix de l'industrie cosmétique à l'échelle européenne et s'emploie à soutenir l'innovation collaborative et la compétitivité de ses acteurs ».
g) Simplifier les organisations et les normes pour pérenniser le développement économique des territoires
Un développement économique réussi repose avant tout sur une vision stratégique inscrite dans la durée. La priorité au long terme est essentielle : les acteurs ont besoin de stabilité, de pérennité, de visibilité et de lisibilité. Les revirements des politiques publiques ou les fluctuations économiques nuisent à la confiance des acteurs et sont source d'inertie.
La simplification est une requête partagée par la majorité des entreprises. Interrogée par vos rapporteurs, CCI France rappelait qu'en septembre 2024, la grande consultation des entrepreneurs, enquête mensuelle menée par le réseau des CCI en partenariat avec Opinion Way et La Tribune, montrait que la première attente des entreprises restait la simplification (55 % des répondants). L'édition de janvier 2025 a montré que 77 % des entreprises voient le Test PME - une initiative visant à tester auprès des PME les nouvelles normes envisagées - comme une bonne chose pour l'économie française, en vue de simplifier et alléger les démarches administratives qui représentent un coût important85(*).
De son côté, Cosmetic Valley appelle à « une plus grande stabilité fiscale et normative et à une simplification réglementaire demandée par nos entreprises ».
Simplifier, c'est aussi éviter les doublons et préférer s'appuyer sur les structures existantes. La communauté de communes Champagnole-Nozeroy-Jura a ainsi développé un outil maison, la SAFIC, inspiré du modèle des SAFER, sans créer de structures supplémentaires, en mutualisation les ressources disponibles de l'intercommunalité, de la SAFER, de l'établissement public foncier, etc.
L'Eurométropole de Strasbourg a de son
côté fait le choix de ne pas créer d'agence de
développement propre à l'échelle de son
territoire : « on a fait le choix d'une autre
organisation : on s'appuie sur l'agence de développement
économique d'Alsace86(*), fruit de la fusion de l'agence de
développement du Haut-Rhin et de celle du Bas-Rhin, devenue aujourd'hui
collectivité européenne
d'Alsace ». L'agence
regroupe désormais la collectivité européenne d'Alsace, la
région Grand Est, l'Eurométropole de Strasbourg, Mulhouse Alsace
agglomération, Colmar agglomération, la communauté
d'agglomération de Haguenau, Saint-Louis agglomération, ainsi que
toutes les communautés de communes alsaciennes. Grâce à sa
gouvernance multipartenariale, l'agence s'intègre dans un système
régional plus large afin d'exercer ses missions de soutien au
développement aux entreprises et de développement des
différents territoires alsaciens.
Par ailleurs, le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale après une première lecture au Sénat87(*), doit permettre « d'alléger la charge des normes, des démarches, des complexités du quotidien [qui] pèse pour au moins 3 % du PIB sur notre économie », en particulier au bénéfice des TPE, PME et ETI, « qui n'ont tout simplement pas les moyens humains de mettre en oeuvre les normes quand elles sont en fait adaptées à de très grandes entreprises »88(*).
h) Associer davantage les citoyens pour rendre plus acceptables les projets de développement économique du territoire
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation soutient une nouvelle dynamique démocratique remontant des territoires, comme l'explicite le rapport d'information n° 520 (2021-2022) relatif à la démocratie implicative89(*), qui rappelle ainsi que « l'objectif de l'élu local consiste-t-il à aller au-devant du citoyen pour "l'embarquer" dans un projet collectif et l'amener à s'intéresser à la vie locale en lui donnant de la chair ».
Le développement économique n'échappe pas à cette dynamique d'implication citoyenne en faveur de territoires plus durables et résilients. Il en va de l'acceptabilité des projets de développement économique, les exigences citoyennes étant plus fortes qu'auparavant s'agissant des liens à tisser entre économie et territoires et au regard des enjeux du mieux vivre-ensemble.
En définitive, on voit apparaître avec l'implication citoyenne une nouvelle forme d'ingénierie territoriale qui devient indispensable à la mise en oeuvre des projets de développement économique et que les collectivités territoriales peuvent solliciter de différentes manières.
Certaines ont mis en place des conventions citoyennes locales, qui portent essentiellement sur le climat et incluent une dimension économique.
Bonne pratique : la convention citoyenne locale de la région Occitanie Souhaitant apporter une réponse à la crise sanitaire, sociale et économique sans précédent déclenchée par la pandémie de covid-19, l'Occitanie est la première région à avoir mis en place une convention citoyenne pour impulser un nouveau modèle de développement à son échelle90(*). Les 103 habitants tirés au sort, réunis lors de deux sessions de trois jours en septembre 2020, puis sur une journée de conclusion en octobre 2020, ont rendu un avis citoyen le 3 octobre 2020 et formalisé 52 propositions prioritaires et 300 propositions complémentaires. Parmi les propositions prioritaires en matière de développement économique, on peut relever les suivantes : · renforcer les soutiens à la création et à la pérennité des microentreprises et petites entreprises (zones rurales et périurbaines en particulier) ; · relocaliser (faire revenir sur le territoire) la production de produits aujourd'hui importés (notamment avec des activités d'économie sociale et solidaire) ; · développer le tourisme en milieu rural. Les propositions citoyennes ont ensuite fait l'objet d'une votation citoyenne du 16 octobre au 8 novembre 2020, ouverte à l'ensemble des citoyens d'Occitanie. Enfin, 45 mesures prioritaires de la convention, ainsi que 155 propositions, ont été adoptées le 19 novembre 2020 par le conseil régional et intégré au sein du « green new deal », le plan de transformation et de développement « vert » de la région. |
L'un des garants de la Commission nationale du débat public pour la convention citoyenne de la région Occitanie a témoigné en ces termes de la démarche : « C'est un travail en profondeur, où les citoyens échangent avec des experts et des scientifiques. Ils mènent des recherches complémentaires, débattent ensemble », en ajoutant toutefois que : « Le dispositif reste coûteux tant au niveau logistique que financier, puisqu'il nécessite l'organisation de plusieurs jours de débats. Paradoxalement, il n'embarque qu'une centaine de personnes. Il faut veiller au droit de la participation, qui a valeur constitutionnelle. Cet outil exclut, par définition, tous les gens qui ne sont pas dans la convention, soit l'immense majorité de la population d'une collectivité »91(*).
L'initiative peut aussi venir du secteur privé, comme le démontre l'exemple de la convention des entreprises pour le climat, association d'intérêt général créée en décembre 2020 par des entrepreneurs rennais, qui propose aux décideurs économiques un accompagnement pour transformer leur modèle d'affaires dans le cadre des limites planétaires et accélérer la bascule culturelle vers l'économie régénérative92(*). Plusieurs parcours de formation sont disponibles, par région ou par thématique : « nouveaux imaginaires », « dialogue social et environnemental », « industrie », « agri et agro », etc.
Mieux associer les citoyens, c'est aussi mieux les informer et les sensibiliser aux transformations en cours. C'est ce à quoi s'emploie la Fabuleuse Factory à Dunkerque93(*). Le territoire dunkerquois, lauréat du programme Territoires d'innovation en 2019 avec son projet « Dunkerque, l'énergie créative », a pris l'initiative d'accompagner la décarbonation de son complexe industrialo-portuaire, historiquement émetteur de CO2 du fait de la dépendance aux énergies carbonées de ses activités industrielles (sidérurgie, raffineries), qui a connu des fermetures de sites industriels au milieu des années 2015.
Bonne pratique : la Fabuleuse Factory de Dunkerque La Fabuleuse Factory de Dunkerque s'inscrit dans une dynamique d' « aller vers », pour faire découvrir au public les transformations de l'écosystème industrialo-portuaire en un modèle de développement économique durable permettant de concilier la préservation de l'environnement, la qualité de vie des habitants et la compétitivité des acteurs économiques. Grâce à l'implantation du projet au coeur de la ville, 25 000 personnes, dont 4 000 scolaires, ont pu être accueillies depuis 2022, sous les dômes de la Fabuleuse Factory, pour rencontrer les acteurs du développement économique : grands industriels, énergéticiens, réseaux des PMI et sous-traitants, universitaires, association. L'expérience se veut immersive et interactive, s'appuyant notamment sur les nouvelles technologies numériques pour faire découvrir un écosystème industriel plus vertueux : expériences sur les propriétés de l'aluminium, d'une batterie solide ou de l'électricité ; visites d'une usine, d'un réacteur nucléaire grâce à des casques 3D ; jeu de plateau sur l'optimisation du fonctionnement d'une usine, découverte des métiers, serious game autour d'un réseau de chaleur, sensibilisation à la qualité de l'air, fonctionnement d'une éolienne, grand quizz de la DKarbo... |
i) La ruralité, nouveau lieu d'innovation pour l'ingénierie du développement économique territorial
La ruralité, ou plutôt les ruralités, car elles sont plurielles, apparaissent comme le lieu de nouvelles mutations du développement économique territorial où peut être déployée une ingénierie innovante bien que frugale.
« Il y a un désir de ruralité », indique Bouge ton coq, association d'intérêt général créée il y a quatre ans, dont l'objectif est « d'apporter des solutions dans les villages, permettre aux citoyens de prendre part à des actions sans attendre tout de l'État, en étant un acteur à part entière ».
L'association développe une ingénierie
autour de trois
axes : « innovation,
expérimentation, développement », en veillant
toutefois au « côté frugal de la
démarche ».
Parmi les réussites de l'association en matière de développement économique des territoires, on peut noter : d'une part, la création d'épiceries solidaires dans les villages et d'autre part, la mise en place du dispositif Médecins solidaires pour développer l'accès aux soins en ruralité. Dans les deux cas, l'association déploie des solutions d'ingénierie pour « dynamiser les territoires ruraux en fédérant les acteurs locaux autour des projets ».
Bonne pratique : la création d'épiceries solidaires dans les villages et la mise en place du dispositif Médecins solidaires dans les campagnes - Association Bouge ton coq Les épiceries solidaires Partant du constat que les petits commerces dans les villages sont confrontés à des difficultés d'attractivité du fait de la faible densité dans les territoires ruraux, l'association Bouge ton coq a voulu faciliter l'installation d'épiceries solidaires. Il existe aujourd'hui 230 épiceries solidaires. Le modèle est vertueux à plusieurs égards : le fonctionnement des épiceries repose sur l'engagement des citoyens volontaires à donner un peu de leur temps pour tenir la boutique. Du point de vue économique : les produits sont à 60 % issus de circuits courts, ce qui permet de soutenir les petits producteurs ; et les produits sont vendus sans marge, ce qui profite au pouvoir d'achat des consommateurs (- 30 %). Du point de vue social, le caractère participatif de l'épicerie recrée du lien entre les habitants. Du point de vue de l'ingénierie que le projet a
nécessité, il s'est d'abord agi d'un travail collaboratif avec
les associations d'élus comme l'association de maires ruraux de France
et les associations de terrain. L'organisation de réunions publiques
pour présenter le projet a ensuite permis de réunir un premier
pool de citoyens volontaires, qui ont entraîné les autres. Les
maires qui se sont engagés dans le projet ont enfin mis à
disposition des locaux pour accueillir les épiceries, ce qui a permis
d'éviter les difficultés de foncier. L'association Bouge ton coq
propose ensuite des aides au financement et soutient la mise en oeuvre du
Le dispositif Médecins solidaires Face au déficit de médecins dans les campagnes, l'association a ensuite voulu développer l'accès aux soins en ruralité. S'appuyant sur Martial Jardel, un médecin généraliste engagé contre la désertification médicale, l'association a identifié que la cause du problème n'était pas tant la volonté d'engagement des jeunes médecins, mais plutôt le manque d'attractivité des territoires ruraux (transports, emploi, services publics, école, etc.), rendant le pas de l'installation difficile à franchir. Ainsi, au lieu de demander beaucoup à un médecin, on a demandé un petit peu à beaucoup de médecins. Des centres de santé ont donc été créés, avec une présence tournante de médecins (une semaine), qui peuvent s'appuyer sur la présence permanente d'une ou deux personnes en charge de les assister médicalement. Une attention particulière est apportée au suivi des patients. Du point de vue de l'ingénierie, plusieurs obstacles ont dû être levés : obstacles de nature réglementaire, nécessité de mettre en place des structures modulaires dans l'attente de trouver des solutions foncières, outil de gestion des plannings, etc. Aujourd'hui, il existe 8 centres de santé accueillant un collectif de 600 médecins solidaires, avec des plannings couverts à échéance de quatre mois. Le projet continue de se développer avec l'objectif d'atteindre 21 centres en 2027. |
Toutefois, les obstacles rencontrés sont nombreux.
Parmi les difficultés soulevées par les acteurs associatifs, on
peut noter le temps passé à s'adapter à la
complexité de l'ingénierie développée par les
acteurs
institutionnels. L'association Bouge ton coq le
regrette : « On passe un temps dingue à
intégrer le process. On rate des marches, nous et
l'institution ». De plus, l'accompagnement des projets
s'opère trop souvent sur le temps court alors que l'association
« a besoin de visibilité et de partenaires
pluriannuels », car « passer à
l'échelle quand on est sous statut associatif, c'est très
difficile ».
De son côté, le cabinet Rouge vif territoires, en lien avec l'ANCT et Intercommunalités de France, cherche à transposer les outils d'ingénierie développés dans le cadre du programme Territoires d'industrie à d'autres domaines, notamment celui de l'agriculture, ce qui pourrait prendre la forme d'un programme Territoires d'agriculture, pour « répondre aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux du secteur agricole ».
Focus - vers un programme Territoires d'agriculture ? Encore au stade de la réflexion, le programme Territoires d'agriculture, inspiré du programme Territoires d'industrie, pourrait consister à : - élaborer des feuilles de route pour les territoires agricoles : identification des filières agricoles stratégiques dans chaque territoire (agriculture biologique, circuits courts, agroforesterie, etc.) ; co-construction d'objectifs clairs (promotion des pratiques agroécologiques, valorisation des productions locales, adaptation au changement climatique ; - créer des guichets uniques pour les exploitants agricoles : mise en place de points de contact centralisés (pour faciliter l'accès aux subventions, formations et dispositifs techniques ou financiers) ; créations de plateformes numériques (pour simplifier les démarches et accélérer les interactions avec les services publics) ; - soutenir l'innovation agricole : développer des incubateurs ou des clusters spécialisés dans l'agritech pour promouvoir l'innovation en agriculture (drones agricoles, capteurs connectés, solutions de gestion de l'eau) ; renforcer des partenariats avec les instituts de recherche agronomique pour développer des solutions adaptées aux besoins locaux ; - créer une dynamique de coopération entre territoires : encouragement des échanges entre territoires urbains et ruraux dans le cadre de contrats de réciprocité ville-campagne ; promouvoir des filières courtes et des circuits locaux pour renforcer les liens économiques et sociaux entre les zones agricoles et les bassins de consommation ; - développer la formation et la transmission : développement de formations pour accompagner la transition agroécologique et favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs ; soutien aux jeunes agriculteurs et programmes de mentorat pour transmettre les savoir-faire et revitaliser les zones rurales. |
Selon Rouge vif territoires, « un programme Territoires d'agriculture pourrait capitaliser sur les outils et méthodes éprouvés dans le cadre de Territoires d'industrie, tout en s'adaptant aux spécificités du secteur agricole. En misant sur la collaboration, l'innovation, et une ingénierie adaptée aux enjeux ruraux, ce programme contribuerait à répondre aux défis environnementaux, économiques, et démographiques des territoires agricoles ».
* 65 https://www.strasbourg.eu/indicateurs-eco-territoire
* 66 https://www.strasbourg.eu/documents/976405/0/Pacte-economie-locale-durable-202103.pdf/35c56dfa-9074-7cd5-45aa-e877c56af15f?version=1.1&t=1725958589217
* 67 Auprès de la SEMIA (Sciences, Entreprise et Marché, Incubateur d'Alsace), une association qui accompagne les porteurs de projets innovants à Strasbourg : https://www.startup-semia.com/
* 68 Allocation aux adultes handicapés.
* 69 https://www.agur-dunkerque.org/etudes-et-projets-994/economie-1002/la-toile-industrielle-un-outil-au-service-des-synergies-et-du-developpement-territorial-billet-1571.html
* 70 https://www.lejournaldesentreprises.com/article/dunkerque-la-toile-industrielle-en-version-20-et-bientot-30-98182
* 71 https://www.fnau.org/fr/publication/le-havre-les-dessous-de-la-toile-industrielle-de-lestuaire-de-la-seine/
* 72 https://www.epures.com/images/pdf/economie-emploi/publi-Toile_Fev2025.pdf
* 73 https://www.audap.org/nos-ressources/toile-beton/
* 74 https://www.franceosaka2025.fr/actualites/dunkerque-officialise-son-partenariat-avec-le-pavillon-france-lors-de-lexposition
* 75 La délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), créée en 1963, devenu la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) en 2005, puis la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) en 2009, remplacée par le commissariat à légalité des territoires (CGET) en 2014, fondu dans l'ANCT en 2020. Historiquement centrées sur la prospective, la planification stratégique et l'aménagement du territoire, les missions de la DATAR ont été progressivement élargies (attractivité, compétitivité, cohésion entre les territoires, etc.), mais la logique de rationalisation des services et de mutualisation des moyens ne lui a plus permis d'assurer « un développement équilibré du territoire » ( rapport d'information du Sénat n°565 (2016-2017) fait par MM. Hervé MAUREY et Jean-Louis de NICOLAY).
* 76 L'assistance technique fournies par les services de l'État pour des raisons de solidarités et d'aménagement du territoire.
* 77 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63844
* 78 Économie sociale et solidaire.
* 79 https://www.lelabo-ess.org/system/files/2021-05/2021.05.07 Relancer les PTCE - WEB.pdf - :~:text=On%20peut%20estimer%20%C3%A0%2056%20les%20PTCE%20existants,se%20qualifiant%20pas%20ainsi%20%28certains%20tiers-lieux%20par%20exemple%29.
* 80 Fonds de co-investissement destiné aux start-up et PME de la Région Nouvelle-Aquitaine.
* 81 https://www.auvergnerhonealpes.fr/actualites/le-fonds-dinvestissement-de-la-region-souvre-lepargne-des-habitants-une-premiere-en
* 82 Rapport annuel 2023, seconde partie, analyse sectorielle « Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer ».
* 83 Rapport annuel 2023, seconde partie, analyse sectorielle « Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer ».
*
84 Très petites entreprises (TPE, moins de
10 salariés), petites et moyennes entreprises (PME, entre
10 et 250
salariés), entreprises de taille intermédiaire (ETI, entre 250 et
4 500 salariés).
* 85 Le rapport d'information n° 743 (2022-2023) de la délégation sénatoriale aux entreprises, publié le 15 juin 2023, par MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, Jean-Pierre MOGA et Olivier RIETMANN, préconise la sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises.
La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises.
* 86 L'ADIRA (association de développement et d'industrialisation de la région Alsace).
* 87 À noter, le projet de loi pourrait devenir définitif d'ici la publication du rapport.
* 88 Exposé des motifs de la loi : https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/pjl23-550-expose.html
*
89
Rapport
d'information n°520 (2021-2022) fait par Mme
Françoise GATEL et
M. Jean-Michel HOULLEGATTE, déposé
le 17 février 2022.
* 90 https://www.laregion.fr/Convention-citoyenne-pour-l-Occitanie-41566
* 91 https://www.lagazettedescommunes.com/729426/les-conventions-citoyennes-a-la-mode-locale/?abo=1
* 93 https://dunkerquelenergiecreative.fr/la-fabuleuse-factory/