III. LA PERSISTANCE DU MODÈLE DES PRUD'HOMMES EN SUISSE (CANTON DE GENÈVE)
La gestion des conflits individuels relève en Suisse des tribunaux cantonaux. En première instance, il s'agit en général des tribunaux des prud'hommes.
À titre d'exemple, nous retiendrons le tribunal des prud'hommes du canton de Genève , régi par la loi du 11 février 2010 sur le tribunal des Prud'hommes. Son article premier précise que le tribunal est compétent en particulier pour les litiges :
- découlant d'un contrat de travail ;
- portant sur la constatation de l'existence ou de l'inexistence d'un rapport de droit en une matière pour laquelle le tribunal est compétent ;
- relatifs à l'interprétation ou à l'application d'une convention collective de travail, à la demande d'une partie contractante ;
- entre les parties à une convention collective de travail et un employeur ou un travailleur ;
- concernant les relations de travail, qui lui sont soumis par une organisation professionnelle, lorsque celle-ci a la qualité pour agir selon le droit fédéral ;
- et des litiges qu'une autre loi lui attribue.
Ordinairement, la procédure devant le tribunal des prud'hommes est précédée d'une requête de conciliation 169 ( * ) . Si cette dernière aboutit, alors son procès-verbal a les mêmes effets qu'une décision exécutoire. Si elle n'aboutit pas, la partie demanderesse se voit attribuer une autorisation de procéder, lui permettant dans un délai de 3 mois de déposer sa demande devant le tribunal.
Les juges prud'hommes sont sans exception des magistrats non professionnels. Le tribunal des prud'hommes en formation de jugement est composé d'un président, d'un juge prud'homme employeur et d'un juge prud'homme salarié. Il ne peut donc y avoir égalité de voix et il n'est pas besoin de départage. Dans la mesure du possible, les causes sont attribuées alternativement à un tribunal présidé par un employeur et à un tribunal présidé par un salarié. 170 ( * )
Les présidents de tribunal sont des juges prud'hommes titulaires du brevet d'avocat ou du brevet de président de la juridiction des prud'hommes. Ce dernier diplôme est obtenu à l'issue d'une formation organisée conjointement par l'autorité judiciaire cantonale et l'Université de Genève.
L'article 123 de la Constitution de la République et canton de Genève, lequel dispose que « les juges prud'hommes sont élus par le Grand Conseil 171 ( * ) . L'élection est paritaire et par groupes professionnels » . Le mandat des juges prud'hommes est de 6 ans. Sont éligibles en tant que juges prud'hommes, les employeurs et salariés, désignés comme tels par les organisations professionnelles, de nationalité suisse, âgés de 18 ans révolus, exerçant depuis un an au moins leur activité professionnelle dans le canton. Sont aussi éligibles les étrangers ayant exercé pendant 8 ans au moins leur activité professionnelle en Suisse, dont la dernière année au moins dans le canton 172 ( * ) . Les 5 groupes professionnels 173 ( * ) sont composés chacun de 15 à 45 juges prud'hommes employeurs et d'un nombre égal de juges prud'hommes salariés. C'est la commission de gestion du pouvoir judiciaire qui fixe le nombre de juges à élire pour chaque groupe après consultation des partenaires sociaux, 9 mois avant l'élection. 174 ( * )
Les recours contre les décisions du tribunal des prud'hommes sont portés devant la Chambre des prud'hommes au sein de la cour civile de la Cour de Justice. Cet équivalent d'une chambre de cour d'appel n'est pas composé uniquement de magistrats professionnels. Elle siège en formation échevinée de trois juges, dont un juge professionnel qui préside, un juge prud'homme employeur et un juge prud'homme salarié. Pour être éligibles, les candidats aux postes de juge prud'homme de la Chambre doivent au préalable avoir exercé au moins trois ans au tribunal des prud'hommes en première instance. En dernier ressort est compétent le Tribunal fédéral suisse.
Organes de conciliation et d'arbitrage
Au niveau fédéral, la loi fédérale du 12 février 1949 prévoit la possibilité de constituer un Office fédéral de conciliation en matière de conflits collectifs de travail pour connaître des conflits du travail surgis entre employeurs et travailleurs et débordant les limites d'un canton . L'article premier de la loi précise que « l'office de conciliation sera seulement institué à la requête d'intéressés, si les tentatives de concilier les parties par des pourparlers directs ont échoué, et seulement s'il n'existe pas d'office contractuel paritaire de conciliation ou d'arbitrage » . Il ne s'agit donc pas d'un organe permanent. Au niveau cantonal, et par exemple dans le canton de Genève, la Chambre des relations collectives de travail remplit la fonction d'office de conciliation. Elle est compétente, en vertu de la loi cantonale du 29 avril 1999 concernant la Chambre des relations collectives de travail, en matière de prévention et de conciliation des différends d'ordre collectif concernant les conditions de travail ou encore pour trancher les différends collectifs en tant que Tribunal arbitral public. Elle est composée : - d'un président et de son suppléant, possédant des compétences en droit, élus par le Grand Conseil après consultation des partenaires sociaux ; - de 4 assesseurs (2 employeurs et 2 salariés) et de leurs suppléants (8 employeurs et 8 salariés), nommés par les juges prud'hommes. |
* 169 Articles 202 et suivants du code de procédure civile suisse.
* 170 Loi cantonale du 11 février 2010 sur le tribunal des prudhommes, art. 12.
* 171 Organe composé de 100 députés exerçant le pouvoir législatif dans le canton de Genève (article 80 et suivants de la Constitution de la République et du canton de Genève).
* 172 Loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982, art. 121.
* 173 Groupe 1 : agriculture et paysagisme, conciergerie et nettoyage, bâtiment et matériaux de construction, industrie et artisanat ; groupe 2 : hôtellerie, cafés et restaurants, industrie, artisanat et commerce alimentaires ; groupe 3 : tourisme, transports, commerce non alimentaire ; groupe 4 : banques, assurances et sociétés de service, employés d'administrations publiques, d'établissements ou fondations de droit public ; groupe 5 : professions diverses, non comprises dans les autres groupes, notamment : professions médicales et paramédicales (y compris les pharmaciens et opticiens), professions juridiques et judiciaires, agents d'affaires et agents intermédiaires, professions artistiques, enseignement privé, presse et autres médias, ingénieurs et architectes, informatique, publicité, relations publiques, économie domestique et aides familiales
* 174 Les juges conciliateurs et les juges conciliateurs-assesseurs chargés de la conciliation préalable sont élus par le Grand Conseil, selon le même mode que les juges prud'hommes, sur la base d'une liste de candidats établie en commun par les partenaires sociaux, pour la même durée que les juges prud'hommes