II. UNE PROGRESSION MODÉRÉE DES CRÉDITS DE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE
A. UNE HAUSSE MODESTE DES CRÉDITS D'ENTRETIEN PROGRAMMÉ DU MATÉRIEL EN 2025
Les crédits d'EPM, après avoir connu une hausse très significative en 2024, stagneront en 2025 pour les milieux terrestre et aérien, mais augmenteront pour les forces navales. Ainsi, l'EPM des forces terrestres baissera de 8 millions d'euros en CP et l'EPM des forces aériennes de 67 millions d'euros en CP, tandis que l'EPM des forces navales augmentera de 219 millions d'euros. L'EPM entre ainsi dans une phase de plateau avant une indispensable reprise de la hausse des crédits en fin de période de programmation de la LPM.
B. UNE PROGRESSION DIFFÉRENCIÉE SELON LES MILIEUX, UNE DISPONIBILITÉ TECHNIQUE STABLE
Concernant en particulier les forces terrestres, qui avaient connu une hausse substantielle de l'EPM en 2024, les montants prévus pour l'entretien programmé des matériels doivent désormais permettre de développer les stocks, notamment de pièces détachées, dans l'optique de la haute intensité. Les marges de manoeuvres en 2023 et en 2024 avaient rendu plus aisée cette remontée des stocks, bien qu'en 2024 celle-ci ait été moindre que prévu pour préserver l'activité. En 2025, l'EPM terrestre diminuera au profit de l'EPM aéroterrestre, afin d'augmenter la disponibilité technique et l'activité des hélicoptères. Le bilan global sera une quasi-stagnation des moyens. Il sera donc nécessaire pour les gestionnaires de jouer, pour chaque ligne de MCO, d'un côté sur les besoins d'entraînement et d'activité des forces, de l'autre sur la reconstitution des stocks.
Dans le cadre du plan Ambition MCO-T 2030, pour récupérer des marges de manoeuvre, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) poursuit la renégociation des marchés de soutien afin d'en améliorer l'efficience et de dégager des gains de productivité. Les marchés de soutien en service (MSS) seront progressivement transformés en marchés de soutien hybride (MSH), avec la fin du soutien au forfait à l'unité de potentiel au profit de prestations toujours massifiées, mais permettant une plus grande marge de manoeuvre financière (approvisionnement en rechanges, réparation dans l'industrie étatique ou privée), ainsi que le recours à des marchés d'approvisionnement dits « transverses » pour l'acquisition des rechanges non spécifiques et des consommables. En début d'année 2025, cette transformation de MSS en MSH devrait concerner le parc VBCI.
La disponibilité technique des matériels terrestres augmentera légèrement en 2025, portée par la montée en puissance du parc Jaguar et par l'amélioration de la disponibilité des autres véhicules blindés. En revanche, la disponibilité des hélicoptères de l'armée de terre reste un point de vigilance important, du fait notamment des difficultés rencontrées avec les Caïman et les Puma.
S'agissant de la marine nationale, les crédits d'EPM augmentent de manière importante en AE en raison du renouvellement de certains contrats de MCO liés aux prochains chantiers d'entretien majeur et aux opérations d'entretien courant des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Les crédits CP augmentent également afin d'augmenter la disponibilité, de traiter des obsolescences pour prolonger des moyens anciens et afin de faire monter en puissance des flottes intérimaires.
L'amélioration de la disponibilité technique des matériels se confirme grâce, notamment à la fiabilité des frégates, dont la disponibilité atteint près de 80 %. L'action du service de soutien de la flotte (SSF) peut donc être globalement saluée, ainsi que les capacités de maintenance en mission développées par la Marine nationale. La disponibilité des avions de chasse de la Marine nationale sera en revanche nécessairement impactée par la mise au standard F4 du Rafale. Par ailleurs, le NH90 Caïman reste un point noir. L'hélicoptère a souffert de la corrosion saline et d'un soutien industriel fragile avec un manque de pièces de rechange, malgré les efforts du Service industriel de l'aéronautique (SIAé) qui a augmenté ses capacités d'entretien de cet hélicoptère ainsi qu'un engagement accru des industriels sur la disponibilité de certaines pièces. Lorsqu'il est en pleine possession de ses capacités, il s'agit pourtant d'un appareil très performant dont la complémentarité avec les frégates fait l'objet de tous les éloges, notamment en lutte anti sous-marine. Cette question de la disponibilité du NH90 doit donc continuer à concentrer tous les efforts, car ce matériel doit fonctionner encore au moins 20 ans.
La disponibilité du NH90 Caïman reste un point noir
S'agissant enfin de l'armée de l'air, plusieurs points appellent à la vigilance dans un contexte de destruction de deux Rafales dans un accident et de la perspective de cession de Mirage 2000 à l'Ukraine. En effet, les contrats verticalisés tardent à produire leurs effets. La disponibilité des aéronefs présentera ainsi en 2025 de forts contrastes entre les flottes, en raison des écarts d'âge entre celles-ci : les hélicoptères PUMA et les AWACS, par exemple, doivent être rapidement retirés. À cet égard, le remplacement, en 2025-2026 et en priorité, des PUMA de l'Outre-mer par des H225M Caracal, est une opération bienvenue. L'enjeu de la disponibilité des avions de combat reste prégnant, sachant que le format de la chasse a été considérablement réduit entre la précédente LPM et l'actuelle : ainsi les Mirage 2000D rénovés sont passés de 55 à 48, les Rafales de 185 à 137, les transporteurs de 50 à 35 Airbus A 400M. Il convient à cet égard de rappeler que le pont aérien en mai-juin 2024 en Nouvelle-Calédonie a, à lui seul, occasionné la mobilisation de 9 MRTT sur 12.
L'ensemble du maintien en conditions opérationnelle des trois milieux doit continuer à monter en puissance pour s'adapter à la haute intensité, ce qui suppose un meilleur entretien des flottes actuelles, mais aussi la capacité à augmenter rapidement la production en cas d'attrition plus rapide. À titre d'exemple, le SIAé s'est vu confier la mission de préparer cette adaptation à la haute intensité. Une telle évolution, en cours de réflexion, pourrait d'ailleurs permettre au SIAé de répondre aux recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci a en effet estimé lors d'un contrôle effectué en septembre 2024 que l'amélioration de la disponibilité technique des matériels aéronautiques supposait une amélioration de la productivité de ce service, qui constitue au demeurant un atout essentiel pour l'État. Autre sujet relevé par la Cour en matière de MCO des matériels aéronautiques, la transformation du projet Brasidas, d'un système informatique global en un système fédérateur des sous-systèmes des industriels, doit susciter la plus grande vigilance.