II. UNE NÉCESSAIRE RÉORIENTATION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'IMMOBILIER PÉNITENTIAIRE POUR GARANTIR LA DIGNITÉ DES CONDITIONS DE DÉTENTION ET UNE MEILLEURE ADAPTATION DES PEINES

A. UN TOURNANT POUR LE PLAN 15 000

Source : commission des lois, à partir des analyses de la
commission des finances et des documents budgétaires.

L'annonce faite à la presse par le Garde des Sceaux, Didier Migaud, le 10 novembre dernier que l'objectif de créer 15 000 nouvelles places de prison ne serait pas tenu pour 2027 a eu le mérite d'officialiser un constat objectif déjà formulé par l'ensemble des observateurs.

Le projet de budget pour 2025 marque ainsi un tournant dans le plan 15 000. En effet, si les crédits de paiement augmentent d'un peu plus de 100 millions d'euros, les autorisations d'engagement baissent de moitié. Cela correspond, d'après l'administration, à l'état d'avancement du plan.

Les éléments chiffrés sur l'avancement du programme sont difficiles à établir, en raison des confusions entre le nombre de places construites et celles relevant spécifiquement de la création des 15 000 places nettes. L'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) a indiqué au rapporteur que, sur 50 projets, 48 étaient engagés, qu'elle disposait de la maîtrise du foncier pour 13 400 places, que 12 500 étaient contractualisées et que près de 6 800 seraient livrées d'ici 2027.

En pratique, les crédits prévus par le projet de budget doivent permettre de poursuivre les travaux engagés pour 8 établissements pénitentiaires. Mais il est vraisemblable que les 20 autres établissements, qui sont à des degrés divers de conception (5 en phase d'étude et de conception, 10 en appel d'offre, 5 en étude préalable) verront leur progression gelée ou du moins étalée largement au-delà de la date initialement prévue de 2027, voire après 2029, nouvelle date affichée pour l'achèvement du plan.

La première difficulté réside incontestablement dans la maîtrise du foncier et dans le dialogue avec les collectivités territoriales qui, une fois le principe d'une nouvelle prison actée, peuvent conduire à des adaptations des projets et donc des surcoûts.

La visite du centre de Fleury-Mérogis par le rapporteur en octobre 2024 a illustré d'autres difficultés liées à la création de ces nouvelles structures. Le nouveau centre de détention de 400 places, équipement dont les aménagements intérieurs sont d'une incontestable qualité et dont le coût a été présenté par la presse comme s'élevant à 57 millions d'euros, devra être fermé plusieurs mois du fait d'un vice de construction entraînant une arrivée insuffisante d'eau chaude et de chauffage.

La mise en service de nouveaux équipements pénitentiaires ne peut donc reposer sur un calendrier certain et le suivi de la construction est un enjeu majeur au risque de déstabiliser encore plus le fonctionnement de la détention.

Fondamentalement, ainsi que l'avait souligné le rapporteur à l'occasion du projet de loi de finances pour 2024, la construction de places de prison supplémentaires ne peut être la solution à la surpopulation carcérale. Il lui a ainsi été indiqué que créer un nombre de prisons qui maintienne la parité avec le nombre de détenus supposerait de construire un centre de détention par mois.

Le budget 2025 est l'occasion de choix stratégiques permettant de réorienter les crédits des projets immobiliers vers des objectifs permettant d'améliorer beaucoup plus rapidement les conditions de détention et, ainsi, de remplir les obligations qui incombent à la France, mais aussi les conditions de travail des personnels. C'est l'entretien des bâtiments et la fermeture des établissements vétustes ou inadaptés qui doivent devenir la priorité.

L'action d'« accueil et d'accompagnement des personnes placées sous main de justice », qui représentait près de 40 % des crédits, n'en présente plus que 18 %. Concrètement ce sont les frais de fonctionnement des établissements qui se trouvent réduits de près de 80 % d'autorisation d'engagement. Cette réduction est en partie due à la conclusion en 2024 d'un contrat pluriannuel. Mais ces perspectives remettent en question la possibilité de faire face aux besoins des établissements dans les années à venir : singulièrement, elles remettent en question tant la possibilité de lutter contre la dégradation des locaux que le maintien de conditions dignes de détention. Même si, pour l'année 2025, les crédits de paiement de cette action augmentent légèrement, ce qui reporte le problème sur 2026, et que les crédits de maintenance des bâtiments en gestion publique (qui représentent des montants modestes, 47,3 millions en AE et 37 millions en CP) sont maintenus au même niveau qu'en 2024, les crédits pour l'entretien des bâtiments sont insuffisants.

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