EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Sécurités » - programme 152 -Gendarmerie nationale.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis du programme « Gendarmerie nationale ». - Le budget de la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 est, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », en hausse de 158 millions d'euros, soit 2,3 %. On ne peut que s'en féliciter, au regard du contexte budgétaire.

Cette hausse est principalement concentrée sur la relance de l'investissement immobilier, qui s'était amorcée l'année dernière. Avec 279 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 353 millions en autorisations d'engagement (AE), nous arrivons presque au seuil de 400 millions d'euros jugé nécessaire à l'entretien du parc immobilier de la gendarmerie. Cela permettra, en 2026, de lancer plusieurs importants projets de réhabilitation.

Autre bonne nouvelle, la gendarmerie travaille, avec la Banque des territoires, à un système de location avec option d'achat pour la construction de brigades de gendarmerie par les communes et offices d'HLM. Chacun y trouverait son compte : le coût du projet serait pleinement amorti au moment du retour en propriété à la gendarmerie ; les travaux d'entretien seraient financés dès le début du projet, car pris en compte dans l'annuité versée au bailleur ; enfin, la gendarmerie intégrerait à terme la caserne dans son parc domanial, avec un coût de gestion deux fois inférieur à ce qu'il serait en locatif.

Ce dispositif se substituerait à la location encadrée par les décrets de 1993 et 2016, qui ne donnait satisfaction ni aux communes ni aux offices d'HLM, car les loyers plafonnés ne reflétaient plus les coûts de construction. De plus, le locatif a atteint un poids insoutenable dans les dépenses immobilières de la gendarmerie : les loyers représentent plus de 640 millions d'euros en CP, soit environ les deux tiers du budget immobilier global, contre moins de 500 millions d'euros en 2019.

Nous avons donc, avec l'investissement relancé et la location avec option d'achat, qui pourrait faire l'objet d'un décret courant 2026, l'espoir d'une inversion durable de la dynamique de sous-investissement dont la gendarmerie paie aujourd'hui les conséquences.

J'en viens maintenant aux mauvaises nouvelles, car cet effort se paie dans les autres postes d'investissement, au premier chef les moyens mobiles. En effet, le budget prévu pour 2026 ne permettra de financer que l'acquisition de 600 véhicules légers, alors qu'il en faudrait 3 750 pour maintenir l'âge du parc à un niveau constant. Depuis 2022, le parc automobile est en phase de vieillissement accéléré. Aujourd'hui, plus de la moitié des 26 800 véhicules légers qui le constituent sont maintenus en service alors qu'ils ont atteint l'un des deux critères de réforme : huit ans d'activité ou 200 000 kilomètres parcourus.

Même constat pour les moyens aériens : alors que la gendarmerie dispose théoriquement de 56 hélicoptères, huit d'entre eux ont été mis au rebut en raison de corrosions trop importantes, et quatorze étaient immobilisés pour des maintenances longues. Au 31 juillet, seuls 34 d'entre eux étaient donc opérationnels. Nos 26 Écureuil, après quarante années de bons et loyaux services, seront retirés entre 2028 et 2030 ; nos 15 EC145, vers 2035. En attendant, les coûts de maintenance explosent ; les taux de disponibilité et les performances sont en chute libre. La livraison prévue de 10 H160 à partir de cette année, et de 6 H145, qui arriveront dans le cadre d'un contrat passé en 2023 avec Airbus Helicopters, ne suffiront pas à renouveler le parc. Il est impératif que la tranche supplémentaire de 22 H145 prévue dans ce dernier contrat soit activée avant février 2027 : il faudra par conséquent trouver 355 millions d'euros à cette échéance...

Enfin, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a lui-même indiqué lors de son audition devant notre commission que les fusils d'assaut Famas ne seraient bientôt plus soutenus. Leur remplacement par des HK416, engagé dans l'armée de terre dès 2017, représentera un coût pour la gendarmerie de 110 millions d'euros d'ici à 2030.

Sur le plan des moyens humains, le constat est également contrasté. On peut d'abord saluer l'augmentation de 25 millions d'euros du budget de la réserve, après une baisse de 15 millions en 2025. Il fallait reprendre la trajectoire qui doit nous mener à 50 000 réservistes en 2027.

Nous nous félicitons également du schéma d'emploi positif de 400 équivalents temps plein (ETP), qui permettra de reprendre le déploiement des nouvelles brigades prévues dans le cadre du plan « 239 brigades », annoncé en octobre 2023. À compter du 1er décembre, 58 brigades supplémentaires seront déployées jusqu'à la fin 2026. Mais, en réalité, nous ne faisons que reprendre, sans rattrapage, le mouvement qui s'était arrêté fin 2024, avec un schéma d'emploi à zéro en 2025. Nous prenons donc une année de retard sur la trajectoire de progression des effectifs prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

De plus, avec des effectifs qui vont armer exclusivement les nouvelles brigades, les brigades existantes doivent faire face à un volant croissant de sollicitations à moyens humains constants. Ainsi, les déploiements supplémentaires d'escadrons de gendarmerie mobile en outre-mer, notamment en Nouvelle-Calédonie, ont contraint à employer la réserve et les brigades départementales pour les renforts estivaux et hivernaux, normalement assurés par les gendarmes mobiles. Mon collègue Jérôme Darras reviendra sur ce point lors de son intervention. Cela risque d'être un sujet de préoccupation croissant à l'avenir, alors que la gendarmerie doit engager un effort croissant contre le narcotrafic, qui touche de plus en plus les petits bourgs et les campagnes, mais aussi sur les violences intrafamiliales.

Mes chers collègues, la promesse de « réamorcer la pompe » en matière d'immobilier, faite par le DGGN à sa prise de fonctions, a été tenue, mais au prix de sacrifices dans les autres postes d'investissement. Ce « stop and go », alternance d'années maigres et d'années fastes, est la conséquence de choix budgétaires au niveau de la mission « Sécurités ». Cette année, la police a reçu les deux tiers des augmentations de crédits, quand d'autres années ont été plus favorables à la gendarmerie. On peut s'interroger sur la pertinence de ce fonctionnement, même si, globalement, les cibles de crédits fixées par la Lopmi sont atteintes et même dépassées, mais principalement au profit du titre 2.

L'autre sujet de préoccupation est l'arrivée, à échéance assez brève, d'un véritable mur d'investissement, à la fois dans les moyens mobiles et aériens, tandis que l'effort immobilier devra être poursuivi.

Nous allons, au vu de ces éléments, vous proposer de donner un avis favorable aux crédits proposés pour ce programme.

Je cède maintenant la parole à mon collègue Jérôme Darras, qui vous présentera le volet thématique de notre rapport, consacré aux outre-mer.

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis du programme « Gendarmerie nationale ». - Nous avons choisi, cette année, de consacrer le volet thématique de notre rapport aux outre-mer, et ceci pour plusieurs raisons.

D'abord, si 51 % de la population et 95 % du territoire français se trouvaient, au 1er janvier 2025, en zone gendarmerie, ces proportions montent respectivement à 70 % et 99 % en outre-mer : la gendarmerie est donc la force de sécurité intérieure la plus impliquée dans ces territoires.

Ensuite, les outre-mer se distinguent dans leur ensemble par une délinquance plus importante et plus violente que dans la métropole. Ainsi, les territoires ultramarins représentent 5,5 % de la population de la zone gendarmerie nationale, mais 70 % des vols à main armée par arme à feu, 25 % des faits de grande criminalité, 25 % des homicides et 45 % des tentatives d'homicide. Cette délinquance prend néanmoins des formes très diverses selon les territoires, et il faut se garder des généralisations : on peut difficilement comparer Wallis-et-Futuna ou Saint-Barthélemy et la Guyane. Néanmoins dans leur ensemble, ces territoires sont exposés aux flux croissants des trafics internationaux - drogue, mais aussi or, armes, animaux - qui suscitent une délinquance particulièrement organisée et déterminée.

Enfin, les territoires d'outre-mer se caractérisent par la récurrence des crises, qu'elles soient de nature sociale, économique ou politique, avec des troubles très importants à l'ordre public, mais aussi par leur exposition aux événements naturels aggravés par le changement climatique, les catastrophes naturelles, dans les Antilles ou à Mayotte notamment.

Ces trois caractéristiques font que les outre-mer pèsent d'un poids particulièrement lourd dans l'action de la gendarmerie nationale. Actuellement, environ 4 300 gendarmes sont déployés dans ces territoires, auxquels il faut ajouter, en temps « normal », environ vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile. Ceux-ci assurent les renforts en cas de troubles à l'ordre public, mais ils assument aussi des missions de la gendarmerie départementale.

Dotés d'une importante autonomie, puisque la plupart ont une antenne du GIGN et une section aérienne, ainsi qu'une section de recherches, les commandements de gendarmerie d'outre-mer (Comgend) sont en mesure de monter en puissance rapidement en cas de crise. Nous l'avons vu à Mayotte après le cyclone Chido, en Martinique avec les manifestations contre la « vie chère » en 2024, et aussi, bien sûr, lors de la crise de Nouvelle-Calédonie. Cette montée en puissance est également permise par les renforts de la gendarmerie mobile : en Nouvelle-Calédonie, on a ainsi compté jusqu'à trente-deux escadrons au plus fort de la crise, en mai 2024.

Au total, ces crises ont mis en avant la pertinence du modèle opérationnel de la gendarmerie, notamment en Nouvelle-Calédonie où les engagements ont été d'une dureté sans précédent. Pour rappel, la crise a été provoquée par la décision de mettre fin au gel du corps électoral à l'occasion des élections provinciales. Au plus fort de la crise, entre le 15 et le 28 mai 2024, 2 gendarmes ont été tués et 107 blessés, tandis que l'on dénombre 12 tués et 210 blessés entre mai et août parmi les participants aux troubles. Il nous a été indiqué que certains engagements, face à des groupes particulièrement expérimentés et déterminés, étaient de niveau quasi militaire.

Du fait de sa position de première force de sécurité intérieure, la gendarmerie assume souvent un rôle de chef de file dans les structures inter-services telles que les antennes de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) ou les groupes d'intervention régionaux (GIR) dédiés à la lutte contre la délinquance organisée. Les Comgend que nous avons entendus ont tous fait état de l'excellence de la coopération avec les autres forces (police, douanes) - c'est à relever alors que cette entente laisse parfois à désirer sur le territoire métropolitain.

Un autre point saillant de l'action de la gendarmerie outre-mer est la structuration de la coordination avec les forces armées. En Guyane, elle a été institutionnalisée avec la formation d'un état-major commun de l'opération Harpie contre l'orpaillage illégal, dirigé par un colonel de gendarmerie.

Ce modèle a fait la preuve de sa pertinence dans la réponse aux crises, et pourrait s'avérer précurseur en matière de coopération entre forces de sécurité. Je songe notamment à la défense opérationnelle du territoire, notion remise en lumière par le contexte international actuel.

Cependant, et c'est la seconde partie de notre constat, les capacités de la gendarmerie outre-mer sont clairement à la limite. Selon l'estimation du commandement de la gendarmerie outre-mer (CGOM), le général Poty, il manquerait environ 1 700 effectifs à la gendarmerie pour remplir pleinement dans la durée ses missions en outre-mer. L'utilisation graduée de renforts de gendarmerie mobile a le mérite de la souplesse, mais avec la succession des crises de tous ordres, nous arrivons peut-être au bout de ce modèle. Il n'est pas exagéré de dire que la gendarmerie mobile est épuisée, avec un stock très important de congés non pris par les gendarmes. Elle reste sollicitée bien au-dessus du « socle » de vingt-deux escadrons, puisque trente-neuf sont encore actuellement déployés outre-mer.

De plus, ces crises ont eu un effet d'éviction très important sur les dépenses du programme. Le cyclone Chido à Mayotte, ce sont 66 millions d'euros supplémentaires ; la crise de Nouvelle-Calédonie, 127 millions d'euros en crédits de paiement pour la seule année 2025, car vingt escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires y restent positionnés.

Quant aux moyens matériels, ils restent au plus juste. Les besoins immobiliers sont estimés par le CGOM à pas moins de 900 millions d'euros... Autre point noir, déjà évoqué par mon collègue Philippe Paul : les moyens aériens. Plusieurs sections aériennes n'ont qu'un appareil ; or ceux-ci sont de plus en plus fréquemment immobilisés pour maintenance, ce qui contraint à des fermetures temporaires de section. Au vu du relief, de l'isolement, de l'insularité, des élongations en outre-mer, l'hélicoptère est plus indispensable encore à la gendarmerie que dans l'Hexagone.

En somme, on retrouve dans les territoires ultramarins les problématiques présentes en métropole, mais sous une forme plus exacerbée. À bien des égards, si l'on considère les menaces sécuritaires auxquelles la France est confrontée, nos gendarmes outre-mer sont souvent en première ligne.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités ». - La commission des finances a émis un avis favorable sur le projet de budget pour 2026, avec des motifs de satisfaction sur l'immobilier, à la suite du rapport du Sénat qui relevait des aberrations. Lorsque j'ai visité la caserne de Dijon, j'ai pu constater que rien n'avait été fait depuis 1971, et que 400 militaires devaient être logés dans la ville, ce qui créait une carence de logements pour accueillir d'autres populations. Les travaux prévus dans le PLF seront les bienvenus. Je pense à la réhabilitation de logements datant des années 1930 dans le camp de Satory ou à la partie dédiée au groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Concernant les recrutements, 400 nouveaux postes sont prévus, mais ils sont essentiellement destinés à répondre aux besoins des 238 nouvelles gendarmeries annoncées par le Président de la République. De plus, 57 d'entre elles, prévues en 2025, n'ouvriront qu'en 2026 avec les moyens humains que nous venons d'évoquer. Finalement, il ne s'agit pas tant de nouveaux recrutements pour les autres brigades, puisqu'ils seront sans doute fléchés sur les nouvelles.

Ces nouvelles brigades posent encore des points d'interrogation aux élus locaux en cette fin de mandat municipal, notamment sur la question des financements. Le recours aux bailleurs départementaux, aux bailleurs sociaux et aux collectivités a ses limites. Un travail sur une nouvelle utilisation des décrets de 1993 et de 2016 est en cours ; un autre pourrait être engagé à la demande du rapporteur général Jean-François Husson sur l'implication de la Caisse des dépôts dans ces projets à travers sa compétence logement.

La question se pose également de savoir si la gendarmerie doit rester propriétaire de tout son immobilier. Faudra-t-il nouer de nouveaux partenariats pour accueillir plus dignement nos gendarmes ?

Philippe Paul a eu raison d'insister sur la question des équipements. Nos fameux fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne vont être dépassés. Dans ce monde tendu, il est grand temps que l'on donne aux gendarmes les moyens de nous protéger. Concernant les hélicoptères, sur un marché de 26 appareils, 24 ont été consacrés à la sécurité civile et seuls deux ont pu bénéficier aux gendarmes. Nous savons également que les Écureuil des années 1960 devront être rapidement remplacés. Enfin, le directeur général a beaucoup insisté sur le développement du système de lecture automatique des plaques d'immatriculation (Lapi), qui permet de suivre le parcours de personnes à bord de go-fast. La France dispose aujourd'hui de moins de 1 000 appareils, quand un pays comme la Belgique en compte 15 000. Vous imaginez bien qu'il y a un effort à faire, qui demande là aussi des moyens.

La commission des finances a donc émis un avis favorable sur le projet qui sera présenté en séance le 8 décembre, en présence du ministre Laurent Nuñez.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - S'agissant du déploiement de 239 brigades, certains départements tels que l'Yonne n'ont pas encore été « servis ». La première brigade doit être constituée en 2026 dans le cadre du déploiement de 57 brigades annoncé par Bruno Retailleau en novembre 2024, mais plusieurs dizaines de brigades doivent encore être constituées : avez-vous de la visibilité sur la poursuite du déploiement de ces 239 brigades ?

Par ailleurs, les gendarmes font état d'une situation critique au niveau des véhicules : certes, plusieurs milliers de véhicules ont été livrés en 2021-2022 dans le cadre du plan de relance, mais certaines brigades dotées d'une flotte de quatre à cinq véhicules ne sont parfois en mesure d'en faire rouler qu'un ou deux, ce qui me fait dire que la situation est particulièrement alarmante.

Quelles sont les perspectives de renouvellement du parc, au-delà des 600 véhicules évoqués pour le PLF pour 2026 ? Ce volume n'est pas à la hauteur des besoins alors qu'il était compris entre 2 000 véhicules et 2 500 véhicules les années précédentes.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. - Le déploiement des nouvelles brigades de cette année sera décalé à l'année prochaine pour des raisons liées aux crédits, environ 460 postes devant être créés.

De nombreux véhicules ont été achetés dans le cadre du plan de relance, mais les modèles 5008 ont été touchés par un problème de motorisation qui rend de nombreux véhicules hors service au bout de deux ans. Au total, 10 000 véhicules seraient nécessaires pour rattraper le retard pris ces trois dernières années, sachant que leur prix unitaire minimal est d'environ 25 000 euros pièce. En y ajoutant le coût des Famas et celui des hélicoptères, il faudrait trouver et lisser dans le temps 715 millions d'euros supplémentaires.

De manière générale, on constate qu'un accroissement des dépenses immobilières entraîne un moindre investissement dans le matériel : cette année, les premières sont privilégiées au détriment des véhicules, ce qui pose de sérieux problèmes. Lors de l'audition des membres du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG), un adjudant d'une brigade du Jura nous a ainsi indiqué que ses deux véhicules étaient défectueux et qu'il ne disposait d'aucune solution de remplacement, ce qui est désolant.

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis. - Parmi les véhicules les plus récents, les automobiles Stellantis équipées du moteur PureTech sont particulièrement fragiles.

M. Cédric Perrin, président. - Ces problèmes rencontrés sur des véhicules récents s'ajoutent aux difficultés d'un parc vieillissant. Au total, comme le soulignait Philippe Paul, près de 800 millions d'euros seraient nécessaires pour rééquiper l'ensemble des forces de gendarmerie.

Parmi ces équipements figure la lecture automatique des plaques d'immatriculation, qui constitue un réel enjeu dans la lutte contre le narcotrafic : le recours à l'intelligence artificielle devrait grandement renforcer l'efficacité de ce système. Mais il faut pour cela un maillage de vidéosurveillance, or seules 800 caméras sont installées en France, contre 10 000 caméras au Canada et le double en Espagne. Il faudra avancer sur ce sujet en lien avec les collectivités et compléter ces 800 caméras appartenant à l'État par des équipements locaux, afin d'assurer un véritable maillage territorial.

Je salue au passage l'action du directeur de la gendarmerie nationale, qui consacre une grande énergie à tous ces sujets d'avenir.

M. Olivier Cadic. - Ces sujets sont déjà d'actualité, comme nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de la commission d'enquête consacrée au narcotrafic : au Brésil, les forces de l'ordre sont capables d'anticiper les parcours des trafiquants, ce qui est une grande force.

M. Cédric Perrin, président. - Ce pays compte 49 000 caméras.

M. Olivier Cadic. - Ce dispositif impressionne par son efficacité et mérite que l'on s'y intéresse.

Sur un autre sujet, un article intitulé « Contrer une vague qui vient » paru dans la Revue de la gendarmerie nationale lance l'alerte au sujet du trafic d'armes et de munitions. Dans le prolongement de la lutte contre le narcotrafic, on constate que les trafiquants sont de mieux en mieux armés : sur le plan budgétaire, est-il prévu de renforcer les outils assurant la défense passive de nos gendarmes face à ces gangsters ?

M. Patrice Joly. - Il y a véritablement urgence dans le domaine immobilier : dans mon département, certaines gendarmeries n'ont pas été rénovées depuis des dizaines d'années et sont dans un état lamentable, alors que nous devrions offrir des conditions de travail et d'hébergement dignes à nos gendarmes.

À titre d'exemple, un plan de rénovation prévoyait, au début du mandat municipal, la réfection de cinq gendarmeries : in fine, aucune ne l'a été, tout simplement, car nous sommes incapables de trouver un plan de financement adéquat, même en scindant la partie « logements » de la partie professionnelle et même en tentant de faire porter une plus grande part de la charge aux collectivités, en rappelant qu'il est question d'une fonction régalienne de l'État. Des collectivités qui ne comptent qu'environ 500 habitants ne sont évidemment pas en mesure de consacrer les sommes nécessaires au bouclage d'un tel plan de financement.

Pour rebondir sur les observations de M. Belin, nous n'avancerons pas tant que les loyers devront être acquittés pour la totalité des espaces nécessaires à l'activité professionnelle ; il en résulte un problème d'attractivité pour nos territoires, car les conditions de travail et d'hébergement laissent beaucoup à désirer. De plus, cela contribue au sentiment d'insécurité qui peut s'exprimer dans les territoires ruraux, dans lesquels réside une population vieillissante.

L'enjeu est de taille et j'ajoute que les sommes en question ne sont pas si importantes, la rénovation d'une gendarmerie coûtant environ 1,5 million d'euros. Pourquoi ne pas mobiliser la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à cet effet au lieu de continuer à faire peser sur les collectivités locales des dépenses qui ne relèvent pas de leurs compétences et surtout qu'elles ne peuvent pas assumer ? Il y a urgence, vraiment.

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis. - Le nouveau dispositif de la redevance transparente correspond à une sorte de location avec option d'achat et permet de ne plus être contraint par le plafond du loyer ; les collectivités et bailleurs qui participent à l'opération y retrouvent leur compte. De cette manière, la gendarmerie repasse dans le domanial en devenant propriétaire en l'espace de vingt à vingt-cinq ans : il faudra voir si ce dispositif est de nature à régler progressivement la question.

Pour ce qui est du narcotrafic, la situation risque de nous échapper en Guyane avec l'orpaillage illégal, car nous faisons face non pas à des paysans brésiliens venant arrondir leurs fins de mois, mais à de véritables bandes armées et organisées. Il faut reconnaître que nos moyens sont extrêmement limités face à l'impressionnante montée de cette menace.

M. Cédric Perrin, président. - Ce sujet a fait l'objet d'un rapport d'information rendu il y a trois semaines, dans lequel nous abordions la question de la légalisation de l'orpaillage afin de faire face aux factions armées brésiliennes.

Dans le domaine immobilier, le partenariat de la gendarmerie avec la Banque des territoires est bienvenu. Les collectivités territoriales ne seront pas forcément perdantes dans cette affaire, à la condition que le programme soit correctement bâti. Lorsque des baux emphytéotiques d'une durée de trente ans existaient, les collectivités pouvaient redevenir propriétaires des locaux considérés, ce qui pouvait être intéressant.

Le nouveau mécanisme devrait donc améliorer la situation de la gendarmerie en lui permettant de devenir propriétaire et de placer de l'argent en réserve pour effectuer régulièrement les nécessaires travaux de rénovation. Le rapporteur spécial a évoqué le fait qu'aucun chantier de rénovation n'a été conduit à Dijon depuis 1971 : il faut sortir de ce type de situation et prévoir un budget annuel pour la rénovation et la mise en conformité des locaux. Nous allons donc dans la bonne direction, même si la démarche nécessite d'assortir le budget d'une vision à moyen terme, en ne nous limitant pas à des recherches d'économies régulières et à des coupes claires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

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