B. UN AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DIFFÉRENCIÉ
1. Une diminution des crédits de Radio France et de l'INA
a) Radio France : des économies sur Mouv et France Musique
Le PLF 2026 prévoit une subvention de 648 M€ en faveur de Radio France, en baisse de 4,1 M€ (- 0,6 %). Compte tenu d'une évolution tendancielle des charges de 15 M€, l'effort demandé à la radio publique est, au total, d'environ 20 M€.
Étant donné les mesures déjà prises au cours de la dernière décennie pour maîtriser les charges, l'entreprise estime que cette évolution ne pourra conduire qu'à une aggravation du déficit ou à une réduction du périmètre de son offre.
Les économies dont la mise en oeuvre a été engagée cette année sont les suivantes :
- la suppression de la fréquence de la chaîne Mouv et sa transformation en une radio de flux musical (à la rentrée 2025) uniquement sur support numérique (à la rentrée 2026) pour un gain en année pleine estimé à 0,9 M€ ;
- la permutation des fréquences de France Musique et franceinfo, qui permettra d'améliorer la couverture et la qualité de la diffusion de franceinfo mais s'accompagnera d'économies sur la diffusion de France Musique estimées à 3 M€ en année pleine (à compter de 2027). Cette évolution est actuellement instruite par l'Autorité de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ;
- des suppressions de postes dans le cadre du budget 2025 (- 15 postes) et de l'évolution de Mouv (- 31 postes en année pleine), avec une limitation de l'augmentation mécanique de la masse salariale à 1,3 % par an.
Or, Radio France souhaite poursuivre la modernisation de sa stratégie éditoriale et numérique, notamment en priorisant le public jeune (lancement d'une radio destinée aux enfants en octobre 2025, évolution de Mouv vers le numérique).
b) L'Institut national de l'audiovisuel
L'effort demandé à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) est significatif : en 2026, sa dotation s'élèvera à 103,5 M€, en baisse de 1,5 M€ (- 1,4 %). L'établissement estime l'effort réel à réaliser à environ 10 M€, compte tenu de la hausse de ses charges.
L'établissement, média patrimonial du service public, développe depuis vingt ans ses activités numériques, au travers d'offres gratuites et payantes. La plateforme Madelen met par exemple à disposition plus de 11 000 programmes.
La stratégie de l'INA est triple : enrichissement de l'offre, éditorialisation des contenus et diversification de la distribution. L'INA a conclu des partenariats tant avec des fournisseurs d'accès à internet, que des plateformes numériques (y compris france.tv) ou encore des chaînes Fast3(*) et des fournisseurs de télévision connectée, devenant ainsi un acteur incontournable non seulement pour les professionnels mais aussi vis-à-vis du grand public. L'Institut souhaite aujourd'hui poursuivre les investissements qui ont été engagés dans les technologies, en particulier dans l'intelligence artificielle (IA), malgré la révision à la baisse de la trajectoire de ressources publiques. Il doit, par ailleurs, poursuivre la modernisation de ses sites.
En 2025, les ressources propres de l'Institut devraient atteindre 44 M€. Ces ressources proviennent principalement d'actions de formation, de prestations d'archivage, de cessions de droits, d'activités de production audiovisuelle... En 2024, le chiffre d'affaires réalisé par l'INA auprès des autres organismes de l'audiovisuel public s'élevait à 14,6 M€. L'intégration de l'INA au sein de la future holding de l'audiovisuel public vise à renforcer ces synergies internes à l'audiovisuel public.
Une subvention de 6,3 M€ en fin de gestion 2023 a permis de rehausser la trésorerie de l'INA de manière durable. Celle-ci devrait s'élever à 4,3 M€ à la fin de l'année 2025. L'établissement est confronté au défi de concilier le maintien d'une trésorerie positive et le haut niveau d'investissement nécessaire à l'achèvement des projets en cours et à l'identification de relais de croissance sur d'autres marchés, notamment à l'international.
2. Des subventions stables pour les médias internationaux
a) Arte France : la mutation européenne
La dotation inscrite au PLF 2026 en faveur d'Arte est stable. Elle s'élève à 298,1 M€. L'entreprise souligne la forte inflation à laquelle elle est confrontée, son coût de grille dépendant entièrement des prix du marché (coût de la production et des droits), ce qui entraîne une baisse de sa subvention en termes réels. L'augmentation tendancielle des charges est estimée à 8,6 M€.
Sa situation financière est équilibrée, avec un léger excédent anticipé en 2025, ce qui a permis d'éviter un prélèvement sur les réserves. Les ressources propres d'Arte sont estimées à 1,9 M€, au sein d'un budget qui s'élève à 300 M€.
La dérive des prix freine l'accélération du développement européen d'Arte ainsi que la mise en oeuvre de son plan d'innovation technologique. La plateforme franco-allemande est désormais disponible en sept langues, ce qui a un coût. La chaîne souhaiterait faire passer de 1800 à 5000 le nombre de programmes sous-titrés dans quatre langues, et porter progressivement à 24 le nombre de langues disponibles. Un recours accru à l'IA permettrait d'accélérer ce processus et d'améliorer la découvrabilité des contenus. Un investissement dans le marketing serait, par ailleurs, nécessaire pour faire connaître cette offre nouvelle.
Le rapporteur estime que la mutation européenne d'Arte renforce sa mission fondatrice de promotion d'une identité partagée tout en lui permettant de continuer à occuper un créneau unique en France, en offrant à ses téléspectateurs une véritable perspective européenne.
b) France Médias Monde : un média en première ligne
Le déficit de l'entreprise pour 2025 a pu être limité à 1 M€ grâce à l'augmentation de 2 M€ votée par le Sénat dans le cadre de l'examen de la LFI 2025 et aux évolutions prévues dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG : voir encadré).
Le PLF 2026 comporte une dotation de 303,9 M€ pour France Médias Monde (FMM), identique à celle de 2025. Si cette dotation du compte de concours financier est stable, le complément apporté au titre de l'aide au développement augmente, lui, substantiellement : il passe de 4,25 M€ en 2025 à 14,85 M€ en 2026 (+ 10,6 M€). En outre, un complément de 2 M€ a été apporté à FMM en juillet 2025, afin de déployer des actions d'urgence en Europe orientale et de soutenir le groupe dans ses missions internationales de lutte contre la désinformation.
FMM est donc le seul acteur de l'audiovisuel public dont les concours publics seront en hausse en 2026.
Le financement complémentaire du ministère des affaires étrangères est dédié à la mise en oeuvre de 4 projets spécifiques (voir encadré). En outre, l'augmentation de 10,6 M€ doit permettre à FMM de faire face au glissement incompressible de ses charges, conséquence de son modèle fondé sur la production interne des programmes et donc une masse salariale élevée. Or, il est plus que jamais nécessaire pour cet acteur de maintenir sa position en Afrique, où la censure s'étend et où la concurrence est exacerbée par le désengagement des États-Unis, dans un contexte de coûts de diffusion croissants.
4 projets financés au titre de l'aide au développement
? Une rédaction en ukrainien, basée à Bucarest ;
? Un hub régional de production de contenus en langue arabe basé à Beyrouth ;
? Une offre de contenus numériques panafricains en français, composée de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, permettant d'atteindre les jeunesses africaines, notamment de la bande sahélienne ;
? Un renforcement des contenus numériques de France 24 en français sur ses réseaux sociaux et son site par la création de contenus à Dakar et par le renforcement des offres numériques existantes en langues africaines.
FMM reste confrontée à la nécessité de financer, parallèlement, un accroissement significatif de sa présence numérique, notamment grâce à l'IA qui doit notamment permettre d'améliorer la production de contenus et leur référencement.
Enfin, FMM et son concurrent et partenaire allemand Deutsche Welle portent ensemble un projet de « bouclier informationnel », qui s'inscrit dans les objectifs du « bouclier démocratique européen » annoncé récemment par la Commission européenne. Il s'agit de lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation qui prolifèrent au niveau mondial, en ne laissant pas nos concurrents stratégiques occuper le vide laissé par les Américains dans des zones stratégiques telles que l'Afrique et l'Europe orientale. Parmi les actions envisagées dans ce cadre, sont particulièrement remarquables :
- en Afrique : la relance d'une offre de Radio France Internationale (RFI) en anglais, la production dans des langues africaines non encore couvertes (notamment en Éthiopie), un soutien à des radios fragilisées par le retrait des États-Unis ;
- en Europe : une présence accrue en Moldavie, un renforcement de RFI en russe et le développement d'une offre en arménien, géorgien et turc ;
- la récupération de fréquences suite à l'arrêt de Radio Sawa dans le monde arabe ;
- des actions en Amérique latine et en Asie.
c) TV5 Monde : la mue du média de la francophonie
Le PLF 2026 prévoit, pour TV5 Monde, une subvention stable d'un montant de 84,2 M€. En mars 2025, les États bailleurs ont adopté un nouveau plan stratégique pour la période 2025-2028. L'entreprise a réalisé en 2025 près de 2,2 M€ d'économies structurelles, dégagées par l'arrêt de trois émissions (1,2 M€) et par un recours accru à l'intelligence artificielle pour le sous titrage (0,8 M€) et la réduction de coûts de distribution en Allemagne (0,2 M€). Ces économies ont permis à la chaîne d'investir dans de nouveaux programmes et de renouveler entièrement son plateau ainsi que l'identité visuelle et sonore de la chaîne. En outre, en 2025, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a versé 1,3 M€ pour développer la chaîne jeunesse Tivi5 au Maghreb.
Comme les autres acteurs de l'audiovisuel public, TV5 Monde est confronté à la nécessité de conduire les investissements nécessaires pour réussir sa transformation numérique, dans un contexte de choc inflationniste, et alors que son marché publicitaire africain francophone est de taille limitée (174 M€ par an au total).
En avril 2025, un courriel officiel a été adressé aux chefs d'État de sept pays d'Afrique4(*) afin de formaliser un éventuel processus d'adhésion, qui conduirait à un élargissement de la gouvernance multilatérale de la chaîne. Deux modalités d'adhésion leur ont été ouvertes (individuelle ou groupée). Ce processus a également été étendu au Maroc. Cette démarche a rencontré un accueil favorable de la part des États sollicités, six d'entre eux ayant donné un accord de principe. À ce jour, les discussions les plus avancées concernent le Maroc, la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo.
Actualisation du montant de TVA affecté à l'audiovisuel public en 2025
La LFI 2025 prévoyait d'affecter pour 2025 un montant de TVA de 3 949,2 M€ au financement de l'audiovisuel public. Ce montant de TVA est porté à 3 959,6 M€ en projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) 2025, en hausse de 10,4 M€. Cette hausse vise à compenser les effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Elle se décompose comme suit :
? une hausse de + 9,9 M€ des crédits alloués à FMM ;
? un rehaussement de + 0,7 M€ des moyens de TV5 Monde ;
? une diminution de - 0,2 M€ des concours publics à Arte France dans la mesure où l'entreprise a payé moins de taxe sur les salaires que prévu.
* 3 Free ad-supported streaming television (chaînes linéaires diffusées en streaming et financées par la publicité).
* 4 Bénin, Cameroun, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Gabon, République démocratique du Congo, Sénégal.