B. L'ABSENCE DE LIGNES DIRECTRICES CLAIRES
1. Une réforme de la gouvernance attendue depuis cinq ans
Confronté à l'évolution des usages et à la concurrence croissante des plateformes numériques, l'audiovisuel public a développé ces dernières années des synergies indispensables, notamment au travers du développement des marques franceinfo et Ici, devenues, comme les autres plateformes de l'audiovisuel public, des plateformes de référence.
Le développement de ces synergies se heurtent toutefois aux rigidités héritées de l'histoire des entreprises : ce diagnostic, déjà énoncé en 2015 dans un rapport de la commission, puis à nouveau par la suite, dans le cadre de multiples travaux, est désormais connu et largement partagé. Les coopérations « par le bas » sont insuffisantes et doivent être relancées dans le cadre d'une gouvernance unifiée.
Déposée le 21 avril 2023 par le président Laurent Lafon, la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle a été adoptée par le Sénat en première lecture en juin 2023, puis, après avoir été rejeté à l'Assemblée nationale, en seconde lecture en juillet 2025.
La première partie de ce texte opère un regroupement des entreprises de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et l'INA), au sein d'une structure stratégique légère dénommée France Médias, sans remettre en cause l'identité de chacun des acteurs.
Depuis le dépôt d'un premier projet de loi en ce sens, en décembre 2019, par M. Franck Riester, alors ministre de la culture, cette réforme est continuellement annoncée sans jamais aboutir, ce qui crée un climat d'incertitude, tant dans le cadre des négociations sociales que pour l'élaboration d'une trajectoire financière ou la définition d'orientations stratégiques, qui ne peuvent être arrêtées tant que la question de la gouvernance n'est pas traitée. Dans ces conditions, l'audiovisuel public se trouve contraint d'avancer sans visibilité claire sur son organisation future.
2. Des opérateurs sans visibilité
À l'été 2024, le gouvernement a transmis pour avis au Parlement des projets de COM 2024-2028 comportant une trajectoire financière qui s'est révélée incompatible avec l'effort demandé par la suite à l'audiovisuel public lors de l'examen de la LFI 2025.
Le rapporteur6(*) avait alors jugé que ces projets de COM avaient perdu toute crédibilité, leur trajectoire financière étant obsolète. Il avait suggéré l'élaboration, dans des délais resserrés, de COM de courte durée, dans l'attente de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public.
Suite aux avis défavorables de l'Assemblée nationale et du Sénat, les projets de COM ont été abandonnés, sans qu'aucun cadre pluriannuel ne soit clairement défini. Le PAP annexé au PLF 2026 comprend des prévisions pour les exercices 2027 et 2028 qui ne sont, toutefois, étayées par aucun sous-jacent.
Les sous-jacents du budget 2026 ne sont guère mieux connus : ces orientations, qui figurent dans la lettre-plafond adressée par le Premier Ministre à la ministre de la culture, n'ont été communiquées qu'oralement aux entreprises. Si des pistes d'économies sont actuellement discutées entre les entreprises et le ministère de la culture, il revient à l'État de fixer des orientations et de prendre les mesures réglementaires éventuellement nécessaires à leur mise en oeuvre, sous le contrôle du Parlement.
Le projet de COM d'Arte suit, pour sa part, une temporalité spécifique, tout en subissant les mêmes incertitudes. Ce COM découle du projet de groupe de la chaîne franco-allemande. En octobre 2025, l'assemblée générale d'Arte, regroupant les trois entités du groupe (Arte France, Arte Deutschland et le GEIE7(*) d'Arte), a décidé des objectifs du groupe pour la période 2025-2028. Ces objectifs doivent être déclinés au niveau français par un COM, dont la négociation a démarré en 2024, mais qui s'est heurté, comme pour les autres entreprises de l'audiovisuel public, à la révision de la trajectoire financière.
L'absence de visibilité pluriannuelle constitue un frein important à l'action des entreprises, notamment dans la définition de leurs engagements en termes de contribution à la création mais aussi dans la réalisation des économies structurelles indispensables à la mise en oeuvre d'une trajectoire budgétaire de contribution à l'effort de réduction des dépenses publiques.
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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 3 décembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2026.
* 6 Les COM de l'audiovisuel public pour 2024-2028 : une copie à revoir, rapport d'information n° 133 (2024-2025) de M. Cédric Vial, sénateur, déposé le 13 novembre 2024, portant sur les projets de COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.
* 7 Groupement européen d'intérêt économique.