TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. ANTOINE ARMAND, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET LAURENT SAINT-MARTIN, MINISTRE AUPRÈS DU PREMIER MINISTRE, CHARGÉ DU BUDGET ET DES COMPTES PUBLICS (11 OCTOBRE 2024)

Réunie le vendredi 11 octobre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu MM. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2025.

M. Claude Raynal, président. - Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir ce matin et pour la première fois MM. les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, qui viennent nous présenter le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, délibéré hier soir en conseil des ministres. Je vous adresse à l'un comme à l'autre la bienvenue et, pour commencer, mes voeux de réussite. Je vous souhaite aussi bonne chance pour l'examen de ce budget. Sans partager votre ligne politique, je crois que vous en aurez toutefois besoin !

En effet, ce budget a été préparé, si j'ose dire, à la « va-vite », du fait de circonstances que vous ne maîtrisez pas et qui sont essentiellement du ressort du Président de la République. Malgré cette précipitation, il nous parvient avec un important retard, plus d'une semaine après le délai limite de dépôt du PLF prévu par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) au premier mardi d'octobre. Autant de jours en moins pour l'examiner correctement au Parlement.

Si notre réunion porte sur le projet de budget, il vous est permis d'aborder, si vous le souhaitez, le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), sur lequel le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est également revenu ce matin puisque cette instance a rendu son avis sur ce plan qui doit être transmis à Bruxelles fin octobre.

En effet, les sujets sont liés, puisque ce budget est la première étape de ce plan budgétaire pluriannuel. Ainsi se fonde-t-il sur un scénario macroéconomique pour 2025 que le Haut Conseil trouve « dans l'ensemble fragile » et assis sur une prévision de croissance « un peu élevée ». Sans doute pourrez-vous apporter des éléments de réponse sur ces points.

Je vous rappelle que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat ainsi que sur les comptes de réseaux sociaux du Sénat.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Je vous remercie pour vos salutations républicaines et je forme des voeux de réussite pour les prochaines semaines de travail sur ces textes budgétaires, dans des circonstances exceptionnelles et qui nous contraignent toutes et tous. Je suis très heureux, avec mon collègue Laurent Saint-Martin, de pouvoir vous présenter ce PLF pour 2025, répondre à vos questions et ainsi entamer le parcours législatif de ce projet de loi.

De manière préliminaire, je voudrais partager avec vous le sentiment et le constat que notre pays se trouve dans une situation inédite et à un moment pivot. Nous sortons d'une crise sanitaire sans précédent et avons traversé une crise énergétique majeure, tandis que la guerre est aux portes de l'Europe, pesant directement sur le continent et sur notre économie. De la même manière, l'escalade au Proche-Orient et au Moyen-Orient fait peser des risques sur le tissu économique européen.

Dans ce contexte, la croissance européenne subsiste, après avoir été relancée au moyen d'investissements publics massifs. Sur l'ensemble du continent, cette croissance reste néanmoins atone : nos économies sont confrontées à un risque d'affaissement productif qui leur fait courir un risque d'effacement face à l'interventionnisme agressif de nos concurrents, notamment celui de la Chine et des États-Unis. Ce ralentissement devra inspirer un agenda de compétitivité nouveau au niveau européen, car, sans une meilleure coordination de nos politiques macroéconomiques et industrielles, sans une défense ferme et résolue de notre tissu productif et industriel, sans un investissement massif - à la fois privé et public - dans l'industrie et dans les transitions écologique et numérique, les économies européennes risquent d'être condamnées.

Dans ce contexte, la France résiste relativement bien, avec une croissance plus élevée que la moyenne des autres pays de la zone euro. L'Insee vient d'ailleurs de relever de 0,1 point la prévision de croissance pour le quatrième trimestre 2024, avec une croissance estimée à 1,1 % pour cette année. De plus, le chômage de masse n'est plus le fléau que nous avons connu, le taux de chômage étant même proche de son plus bas niveau depuis quarante ans, à 7,3 %. S'y ajoute un nombre d'ouvertures d'usines supérieur à celui du nombre de fermetures depuis 2016, d'où un gain de 130 000 emplois nets dans l'industrie depuis 2017. S'y ajoute le fait que nos exportations augmentent et que notre pays est le plus attractif de la zone euro en matière d'investissements directs étrangers, tandis que l'inflation continue à refluer : supérieure à 4,5 % l'an passé, elle devrait être inférieure à 2 % en 2025.

Nos fondamentaux économiques sont donc solides, grâce à une série de réformes conduites depuis 2017 et à l'action déterminée des gouvernements qui se sont succédé, parmi lesquelles la baisse des impôts de 60 milliards d'euros - moitié pour les ménages, moitié pour les entreprises - ; les réformes du droit du travail et de l'assurance chômage, à la fois pour viser le plein emploi et pour s'assurer que le travail paie mieux ; la réforme des retraites et la progression du taux d'emploi des seniors ; les efforts consentis en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur ; le développement de l'apprentissage, avec, à la clé, un record du nombre d'apprentis dans notre pays. Nous avons également fait voter un certain nombre de lois de transformation et de simplification de l'économie, une dynamique que nos entrepreneurs, quelle que soit la taille de leur société, souhaitent voir poursuivie. Est-ce suffisant ? Évidemment non. Faut-il continuer ? Évidemment oui.

L'économie française résiste, c'est un fait, mais notre dette publique est colossale. En 2024, elle devrait s'établir à 3 300 milliards d'euros, soit près de 113 % du PIB. Cette dette résulte de cinquante budgets nationaux en déséquilibre et d'une dépense publique qui a augmenté quasiment chaque année au cours des dernières décennies ; elle est également la conséquence de la réponse massive que la représentation nationale a souhaité apporter aux crises financière, sanitaire et énergétique.

Cependant, la dette n'est pas uniquement une question financière, elle est aussi une question politique, économique et sociale. Elle représente d'abord un enjeu de souveraineté, car si nous ne pouvons plus nous financer à des taux raisonnables sur les marchés, nous ne pourrons pas continuer de préparer l'avenir et de maîtriser nos déficits. Elle constitue ensuite un enjeu de crédibilité, car nous sommes, je le rappelle, le troisième pays le plus endetté de la zone euro. C'est pourquoi ce budget est le premier d'une série qui vise à repasser, en 2029, sous le seuil des 3 % de déficit, comme l'a annoncé le Premier ministre. Ce seuil n'a rien d'un dogme, mais il nous permettra de stabiliser notre dette et de fixer un horizon de désendettement.

Enfin, la dette est une question économique et sociale. Nous paierons en effet plus de 50 milliards d'euros d'intérêts de la dette cette année et, si rien n'est fait, cette charge de la dette deviendra le premier poste de dépenses de l'État. Concrètement, cela signifie que nous dépenserons plus d'argent pour rembourser les seuls intérêts que pour l'éducation, la sécurité ou le tissu socio-économique : je crois que nul ne peut s'y résoudre.

Une telle situation implique de bousculer nos pratiques et notre façon de dépenser l'argent public, ainsi que d'agir collectivement pour redresser nos comptes.

Le premier objectif de ce budget et de la trajectoire qui l'accompagne, conformément à la volonté du Premier ministre et en lien avec mon collègue Laurent Saint-Martin, consiste à réduire notre déficit et à contenir notre endettement dès cette année. Il s'agit d'une nécessité afin de protéger la signature de la France et d'assurer notre stabilité économique, à un moment où l'ensemble de nos partenaires européens nous regardent avec attention. Les questions budgétaires ont en effet été abordées au cours des réunions de l'Eurogroupe et du conseil Ecofin qui se sont tenues en début de semaine : si les prévisions de nos partenaires se réalisent - nous avons de bonnes raisons de penser que tel sera le cas -, nous serons le seul pays à dépasser les 3 % de déficit à partir de la fin de l'année 2026.

Nous devons donc nous interroger en profondeur sur l'ensemble de nos dépenses publiques : si nous dépensons davantage dans les services publics, les citoyens n'en sont pas plus satisfaits pour autant. Parmi les nombreux leviers que nous aurons à actionner à court et à moyen terme figurent la simplification et la réforme de l'État ; la maîtrise de la dépense de l'État, de la dépense sociale et de la dépense locale ; ainsi que la maîtrise de l'ensemble des emplois publics.

Ce budget doit aussi protéger nos leviers de croissance et de transformation dans un monde où la France a engrangé un cumul de croissance de près de trois points depuis 2019, contre 0,3 % pour une Allemagne qui n'a donc pas pu tirer la croissance au niveau européen. L'effort que nous consentons est important et nous permettra d'atteindre un déficit de 5 % en 2025, un point d'ancrage vital pour notre crédibilité européenne et notre crédibilité sur les marchés, afin de convaincre que nous nous situons bien sur une trajectoire permettant de redresser nos comptes, avec un déficit qui devra être de 3 % d'ici à 2029.

C'est pour cette raison que nous voulons faire porter l'essentiel de cet effort sur la baisse des dépenses plutôt que sur la hausse des prélèvements obligatoires. Ces efforts temporaires doivent être accompagnés de réformes profondes devant permettre d'améliorer l'efficacité de la dépense publique française, qui est la plus élevée de l'Union européenne. Si certaines de ces réformes sont d'ores et déjà inscrites dans ce projet de budget, d'autres devront venir en complément dans les prochaines semaines, afin de montrer que la France continue à améliorer à la fois l'efficacité de sa dépense et son système de soutien à l'emploi et à l'industrie. En liaison avec Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique, ainsi qu'avec Laurent Saint-Martin, nous engagerons un plan de simplification et de modernisation du service public visant à produire des gains durables d'efficacité tout en maintenant et en améliorant la qualité du service rendu aux usagers.

Je souhaite également que nous puissions améliorer la qualité de nos prévisions et du suivi de nos comptes en y associant l'ensemble de la représentation nationale, un sujet que vous avez soulevé à plusieurs reprises. De nombreuses et légitimes interrogations ont émergé concernant les écarts de prévisions, autant en dépenses qu'en recettes, sur le budget de l'État, dès 2023 et plus encore en 2024 : il faut que toute la transparence soit faite sur ce sujet et que vous puissiez bénéficier de la totalité de l'information.

Une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) consacrée aux causes des écarts constatés a rendu ses conclusions cet été : nous devons dès maintenant en tirer les conséquences opérationnelles, et je lancerai un plan d'action interne pour améliorer la qualité et la transparence des prévisions des finances publiques, sur la base des propositions de cette mission et d'un diagnostic actualisé sur les écarts apparus entre prévision et exécution en 2024. Je vous présenterai, à l'occasion d'un point d'étape d'ici à la fin de cette année, le renforcement de ces outils.

Ces diagnostics étant établis, j'en viens à la question des prélèvements, qui revêtiront, j'y insiste, un caractère transitoire, exceptionnel et ciblé, dans un pays qui détient déjà le record mondial du taux de prélèvements obligatoires. Je rappelle que les entreprises ont été fortement soutenues, à la fois face aux crises et dans leur croissance. C'est sur cette base que nous demandons aux plus grandes entreprises - celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros et qui sont bénéficiaires - un complément exceptionnel sur leurs profits en 2025 et en 2026. Ce complément représentera 8 milliards d'euros pour 2025, 4 milliards pour 2026, et concernera 440 groupes. Considérable, cet effort est nécessaire pour atteindre l'ancre de 5 % de déficit dès 2025.

De la même manière, nous devons, en responsabilité, reporter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), quand bien même nous n'avons pas changé d'avis sur cet impôt de production qui pénalise notre industrie dans la compétition internationale : sa baisse devra donc reprendre dans trois ans. Nous poursuivons également la trajectoire d'évolution du malus automobile, qui permet d'inciter les constructeurs français et étrangers à déployer une offre de véhicules propres. C'est avec ce même objectif de verdissement que nous proposerons par amendement une hausse de la taxe sur les billets d'avion, dont le périmètre inclura les jets privés. L'augmentation sera mesurée, mais il nous paraît normal que ceux qui voyagent beaucoup en avion contribuent davantage aux investissements que nous devons effectuer pour la transition énergétique et écologique.

En conclusion, même si l'outil fiscal nous apparaît nécessaire à court terme pour rétablir nos comptes publics, rester crédibles et préserver notre modèle social, nous conservons une doctrine de soutien ferme à l'activité et une politique de l'offre. Compte tenu du fait que ce budget est perfectible eu égard à ses délais d'élaboration, nous nous engageons à ce que chaque proposition documentée qui viserait à remplacer un euro de fiscalité par un euro d'économies soit instruite et retenue à chaque fois que c'est possible.

Nous sommes à la disposition de la représentation nationale pour améliorer autant que faire se peut ce PLF, dans le cadre d'un débat que nous espérons sincère et constructif.

M. Claude Raynal, président. - En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai eu l'impression d'entendre à nouveau votre prédécesseur, avec ce rappel de réussites très largement contestables et une absence d'explications sur l'état désastreux de nos comptes publics, à un niveau jamais atteint hors période de crise. Le Sénat est cependant prêt à vous éviter un rappel permanent des périodes passées : parlons de l'avenir.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. - La présentation de ce budget s'effectue dans un calendrier inédit, avec du retard et les difficultés qui en découlent pour son examen au Parlement.

Avant de présenter le cadre de responsabilité et la méthode que nous entendons suivre, puis de détailler le contenu du budget, j'indique en toute transparence que le Gouvernement portera des propositions complémentaires au cours du débat. Compte tenu des contraintes de temps, et pour le dire de manière assez triviale, tout le texte n'y est pas. Vous remarquerez ainsi la différence entre le solde public visé en 2025 - 5 % - et l'ensemble des mesures en recettes et en dépenses présentes dans le texte. Par voie d'amendements, des compléments seront donc apportés, à la fois sur la baisse de la dépense publique et sur les recettes complémentaires.

S'agissant du cadre de responsabilité et de la méthode que nous vous proposons, je me suis engagé dès ma première audition à l'Assemblée nationale à tenir un discours de vérité, et je le tiens à nouveau devant vous : les deux textes financiers de cet automne, le PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, prévoient un effort de redressement de nos comptes publics à hauteur de 60 milliards d'euros, effort à la fois urgent et inédit par son ampleur. Je considère surtout que cet effort, qui représente deux points de PIB, est nécessaire pour ramener le déficit public à 5 %.

Monsieur le président, vous avez affirmé qu'il ne fallait pas se faire les avocats des gouvernements précédents, mais je crois qu'il ne faut pas non plus s'en faire les procureurs. L'enjeu consiste plutôt à évaluer l'effort financier que nous devons fournir afin de dessiner une nouvelle trajectoire permettant à notre pays de revenir sous le seuil des 3 % de déficit à l'horizon 2029. Cet objectif implique de franchir une première marche - très haute - d'un retour à 5 % de déficit dès 2025, ce qui équivaut à deux points de PIB compte tenu de l'augmentation tendancielle.

Nous devons tous être conscients de cet objectif, même si les voies et moyens pour trouver ces 60 milliards d'euros susciteront des divergences entre les différentes forces politiques, ce qui est tout à fait normal. Rappelons, malgré tout, que nous n'abordons pas ce défi sans élan, puisque les décrets d'annulations de crédits et la préparation des lettres plafonds constituent une base. En tout état de cause, nous ne devons pas compromettre cette trajectoire de réduction des déficits, qui est bien la priorité absolue : à l'intérieur de ce cadre de responsabilité, il existe un espace pour tracer collectivement un chemin et il appartient au Gouvernement de proposer des solutions pour atteindre l'objectif.

Le terme de « lignes rouges » a été très utilisé ces dernières semaines dès lors qu'il est question du budget. Pour ma part, je n'en ai qu'une : à la fin, le quantum d'efforts devra atteindre 60 milliards d'euros. Certains considéreront que cela doit davantage passer par des efforts fiscaux, tandis que d'autres privilégieront les économies budgétaires, dont acte, l'essentiel étant que nous ayons le même cap et partagions le même objectif final.

La proposition du Gouvernement vise à répartir l'effort entre deux tiers d'économies budgétaires et un tiers de nouvelles recettes, par le biais d'une fiscalité dont une bonne partie sera temporaire, exceptionnelle et ciblée. En résumé, nous nous sommes fixé une règle d'or : pour un euro de recettes nouvelles, il doit y avoir deux euros d'économies budgétaires, cette philosophie budgétaire nous semblant à la fois équilibrée, juste et nécessaire. Il n'est en effet pas question de casser les mécanismes qui ont bien fonctionné ces dernières années, à savoir une politique de l'offre, une diminution du chômage et une attractivité retrouvée. Il faudra donc faire preuve de vigilance quant aux effets de la fiscalité et assumer des baisses de dépenses publiques sans pour autant casser ou grever des services publics utiles à nos concitoyens.

L'effort de diminution des dépenses doit d'abord être porté par l'État, qui en assumera la moitié, soit environ 20 milliards d'euros. Plus précisément, 15 milliards d'euros sont déjà inscrits dans les lettres plafonds et 5 milliards d'euros seront ensuite proposés par voie d'amendements, auxquels s'ajoutera un effort de 1,5 milliard d'euros au niveau des opérateurs, là aussi par voie d'amendements. Il n'est en effet pas envisageable d'exiger une contribution de la part des collectivités territoriales sans que l'État montre l'exemple. Nous demandons à ces dernières un effort à hauteur de 5 milliards d'euros, un montant qui nous semble proportionné. Surtout, nous devrons trouver les voies et moyens pour le mener à bien de la manière la plus cohérente par rapport à la réalité des finances locales. Je serai ainsi très attentif à ce que leur hétérogénéité soit prise en considération de la façon la plus fine possible.

En outre, et même si ce n'est pas l'objet de ce texte, nous demanderons également des économies aux administrations de la sécurité sociale, en proposant de limiter à 2,8 % l'évolution de la dépense sociale, à un niveau qui restera de facto bien supérieur au niveau de l'inflation en 2025. Cette précision me permet d'anticiper la question portant sur la « casse sociale » ou sur le ralentissement trop brutal des dépenses sociales : il s'agit d'un nécessaire freinage à la suite d'évolutions trop rapides d'un certain nombre de dépenses, mais en aucun cas d'une cure d'austérité. Au contraire, les dépenses augmenteront, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) devant ainsi être supérieur d'un point à l'inflation.

Je reviens sur les efforts demandés à l'État, en soulignant que nous voulons faire mieux avec moins, d'où le fait d'assumer la suppression d'aides ayant permis de protéger nos entreprises, nos concitoyens et nos territoires contre les crises successives. Il est bien question de retirer les boucliers tels que ceux qui ont été déployés pour éviter une flambée des factures d'électricité : une fois que l'inflation reflue et que les prix de l'énergie baissent d'autant, nous devons être en capacité d'arrêter de dépenser l'argent du contribuable pour protéger le pouvoir d'achat.

In fine, nous actons dans ce budget la fin du « quoi qu'il en coûte » mis en oeuvre en réponse aux crises sanitaire et inflationniste. Nous devons en outre réajuster les dispositifs de soutien à l'emploi, qu'il s'agisse de l'activité partielle, de l'apprentissage ou des diverses aides à l'emploi, à un moment où le chômage est au plus bas dans notre pays depuis quarante ans, ce dont il faut se féliciter. Un certain nombre de recalibrages de ces aides publiques devra d'ailleurs être mené à la lumière des conclusions de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

Il nous faut également adapter les crédits aux besoins réels. Dans les différents services publics, le nombre des bénéficiaires va en effet évoluer naturellement et nous devrons donc adapter les moyens publics en conséquence, à la fois en crédits et en nombre d'équivalents temps plein (ETP). J'estime qu'il est temps d'abandonner le réflexe manichéen selon lequel un budget en hausse est un bon budget et un budget en baisse un mauvais budget.

Au contraire, un bon budget doit avant tout viser l'efficience de la dépense publique. Par exemple, les dépenses consacrées à l'apprentissage ont triplé pour atteindre environ 16 milliards d'euros depuis 2017, avec des résultats incontestables, mais une bonne gestion doit conduire à les réajuster. De la même manière, il existe trois différents outils d'aide aux véhicules propres, ce qui laisse à penser qu'il existe une marge de rationalisation et de diminution des coûts, même s'il faut poursuivre la démarche de transition.

D'autres rationalisations inscrites dans le PLFSS me semblent aller dans le bon sens, sans pour autant affecter la qualité de l'accès aux soins. Concernant les opérateurs, un esprit de réforme consistant à s'assurer qu'il n'existe pas de doublons me semble de bon aloi, tout comme le fait d'éviter de laisser subsister des trésoreries dormantes.

La réforme structurelle de nos dispositifs doit aussi permettre d'améliorer leurs effets économiques. De ce point de vue, les aides aux entreprises, notamment les allègements généraux de charges, doivent être examinées à l'aune des propositions relatives à la « désmicardisation » issues du rapport d'Antoine Bozio et d'Étienne Wasmer, ainsi qu'en fonction du freinage des aides de l'État qui paraissent nécessaires sur un quantum de près de 80 milliards d'euros d'allègements généraux. J'estime que nous pouvons avoir ce débat sans y voir la « casse » de la politique de l'offre ou de l'emploi dans notre pays.

Toujours au sujet de l'État, il nous faut savoir freiner avec courage certaines politiques publiques dont le coût a progressé trop fortement dans les années récentes par rapport aux moyens de l'État : tel est le cas de l'aide publique au développement (APD), en forte hausse depuis 2017, en vertu d'un engagement pris. Peut-on freiner l'augmentation de cette enveloppe sans qu'il s'agisse d'un reniement ? Je crois que oui.

En matière d'effectifs, il s'agit également de faire mieux avec moins. Là encore, point de rabot ou de coupes aveugles, mais bien une réflexion ligne à ligne en mettant en perspective les effectifs présents dans un certain nombre de ministères et d'opérateurs et le service public rendu. Nous procéderons à des hausses substantielles d'effectifs pour renforcer les fonctions régaliennes - la justice, les armées -, tandis que les effectifs du ministère de l'intérieur seront préservés. D'autres ministères connaîtront des baisses d'effectifs, à commencer par Bercy, tandis que la baisse du nombre de bénéficiaires conduira à une diminution d'effectifs au sein de France Travail.

Nous ne vous présentons donc pas une démarche à l'aveugle ou qui serait uniquement fondée sur le rabot : même si des baisses existent, elles émanent d'abord de réflexions autour de l'efficience de la dépense publique, autour des opérateurs et autour de réductions d'effectifs ne grevant pas la qualité de nos services publics.

En contrepoint, un tiers de l'effort portera sur la fiscalité, d'où une imposition renforcée pour les contribuables les plus fortunés, à qui il paraît légitime de demander une participation à ce redressement collectif des finances publiques.

En conclusion, je tiens à faire preuve de transparence sur les éléments du PLF susceptibles d'évoluer. Par exemple, le garde des sceaux a été clair quant à la nécessité de se rapprocher davantage de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, demande qui paraît tout à fait cohérente avec l'accent mis sur le renforcement des fonctions régaliennes. Dans le domaine de la proximité territoriale, les dotations versées à La Poste et à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) seront revues et réabondées par voie d'amendement afin d'assurer un maillage territorial plus fin. Nous proposerons également de rehausser les crédits dédiés au financement de notre patrimoine, tandis que la réduction de loyer de solidarité (RLS) sera maintenue en 2025.

En matière fiscale, nous proposerons, comme cela a été annoncé par le Premier ministre, une extension du prêt à taux zéro (PTZ) à l'ensemble du territoire pour tous les primo-accédants, même s'il faudra débattre plus précisément des conditions afin d'évaluer le coût du dispositif.

Enfin, je partage le souhait exprimé par le ministre de l'économie de vous rendre régulièrement compte des informations dont nous disposons sur les prévisions des finances publiques. De la même manière, le suivi des dépenses devra aussi faire l'objet de comptes rendus réguliers auprès de la représentation nationale.

Nous souhaitons sincèrement que ce texte puisse être enrichi, débattu et amendé, car ce budget est - sans doute plus que les autres - un budget de débat, au sein duquel plusieurs voies sont possibles, à l'opposé d'un budget « vertical ». Il convient cependant que nous convenions de la nécessité absolue de redresser nos comptes publics comme préalable à toute modification, car l'avenir de la souveraineté de notre Nation est en jeu quand nous débattons de notre endettement et de nos finances publiques.

M. Claude Raynal, président. - L'ouverture du principe de recettes nouvelles constitue un premier motif de satisfaction. Depuis la crise du covid, beaucoup ici annonçaient cette nécessité à terme et nous sortons enfin de l'hypocrisie, même si ceux qui sont, pour une large part, responsables de la situation actuelle de nos finances publiques osent encore fixer des « lignes rouges » quant à ces recettes nouvelles, pourtant indispensables.

Monsieur le ministre de l'économie, vous avez communiqué au HCFP une première mouture de la trajectoire associée au PSMT, pour l'instant très légère sur le plan de la documentation. Pourrez-vous nous transmettre des éléments plus fournis permettant de mieux comprendre ce PSMT ?

Monsieur le ministre du budget, la notion de « tendanciel » fait apparaître des niveaux variables de déficit et de baisses de dépenses. Pourriez-vous nous éclairer sur cette nouvelle base ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Messieurs les ministres, je vous souhaite la bienvenue dans un contexte aussi inédit que difficile.

Monsieur le ministre de l'économie, la France résiste, selon vous. Allons au bout du constat : si la France résiste, nos comptes publics dévissent dangereusement depuis le début de l'année et se dégradent à une vitesse folle. Sur les neuf mois qui se sont écoulés depuis l'adoption du budget pour 2024, le temps politique s'est lui aussi accéléré puisque nous avons connu trois Premiers ministres, ce qui est historique.

Si une feuille de route est possible, tâchons d'en partager les objectifs et, dans la diversité des sensibilités, de tenter de contribuer à tout ou partie de la réussite. Je ne fixe pour ma part aucune ligne rouge : nous ferons tout pour réduire le niveau de nos dépenses publiques, même s'il faudra, pour atteindre un total de 60 milliards d'euros, accepter une part d'effort en recettes qui, je l'espère, sera temporaire. Nous sommes en tout état de cause observés avec encore plus d'attention que par le passé.

Le contexte est également inédit en ce qui concerne les conditions d'examen de la loi de finances. Pour la première fois sous la Ve République, nous aurons en effet à débattre d'amendements susceptibles de modifier considérablement les équilibres du PLF. Une fois encore, nous ferons tout notre possible, car nous n'avons pas le droit de tricher avec les Français et encore moins avec leur argent, car la dépense publique, c'est l'argent des Français.

Vous évoquez un ajustement de 60 milliards d'euros en 2025, c'est-à-dire par rapport au solde public « à politique inchangée ». Ces 60 milliards d'euros ne proviennent pas d'une comparaison avec le solde 2024, mais avec le solde tel qu'il aurait été en 2025 si rien n'avait été fait. Est-ce à dire que le déficit public se serait élevé à 7 % du PIB en 2025, à politique inchangée ?

Ensuite, le ratio dette sur PIB rejoint le niveau atteint en 2020 : sa hausse, pour atteindre 112,9 % du PIB cette année, se poursuivrait l'année prochaine pour parvenir à 114,7 % du PIB. Je veux tout d'abord saluer la sincérité de ces prévisions : à la différence du gouvernement précédent, dont les prévisions changeaient environ tous les deux mois, vous dites la vérité aux Français.

Les conditions de financement de l'État deviennent, quant à elles, problématiques. En 2023 comme cette année, le déficit public a été plus élevé que prévu et, depuis juin dernier, les taux d'emprunt augmentent. On emprunte donc davantage et dans de moins bonnes conditions, tandis que la charge de la dette augmente fortement . Quelles mesures imaginez-vous afin de rompre ce cercle vicieux ?

En 2024, la loi de finances prévoyait un déficit à 4,4 %, tandis que le programme de stabilité anticipait 5,1 %. La prévision est désormais de 6,1 %, voire 6,3 % si l'on en croit une note interne de Bercy. Une partie de ce dérapage vient du fait que le Gouvernement n'a pas souhaité déposer de projet de loi de finances rectificative. Comment peut-on être certain que la prévision sera tenue ? Envisagez-vous de transformer les gels en annulations dans le projet de loi de finances de fin de gestion, ou bien de reporter encore des crédits de 2024 sur 2025 ?

Lorsque nous avons mené une mission flash pour comprendre le dérapage des comptes publics, votre prédécesseur avait trouvé une formule magique, la perfect storm - la tempête exceptionnelle - renvoyant à des erreurs de prévision de l'administration tout en promettant que cela ne se reproduirait plus. Mais la situation se poursuit ! Comprenez donc notre désarroi, notre inquiétude et mon agacement, parce que cela entache le travail du Sénat ; on peut en effet au moins reconnaître notre constance à pointer le risque de dérapage par la poursuite de mesures de crise, dont on paye aujourd'hui très lourdement le prix.

M. Antoine Armand, ministre. - Le PSMT sera présenté mardi prochain en conseil des ministres et fera ensuite l'objet d'une information complète au Parlement. Je puis néanmoins vous en dire quelques mots.

L'objectif est de passer nettement sous les 3 % en 2029, ce qui serait possible du fait de l'évolution des règles budgétaires européennes que nous avons adoptées récemment, et dont la France serait le premier bénéficiaire. Cela correspondrait d'ici là à un ajustement structurel primaire moyen d'un peu plus de 0,7 point de PIB par an, taux supérieur en 2025 et en moyenne annuelle à ce qu'exigent les règles de la Commission européenne telles que nous les interprétons. Ce n'est pas pour faire plaisir à une institution que nous nous désendettons et réduisons notre déficit pour passer sous la barre des 3 % ; nous le faisons pour les raisons que vous avez évoquées. Nous atteindrions en 2028 un point haut de la dette qui se réduirait à partir de cette date.

C'est assez rare pour le noter : l'effort porte d'abord sur les premières années, à rebours de ce qui se fait habituellement... Il faut, dès l'année prochaine, ancrer notre détermination à rétablir les comptes publics.

Monsieur le rapporteur général, nous n'appliquons pas une méthode particulière : les services travaillent sur le tendanciel, c'est-à-dire sur le niveau qu'atteindraient la dépense, les recettes et le déficit en l'absence de mesures. Écartons toute mauvaise interprétation : cela ne signifie pas que le déficit aurait été de 7 % avec le gouvernement précédent ou avec un autre gouvernement ; cela signifie qu'en l'absence de toute mesure le déficit aurait naturellement filé vers 7 %. C'est la preuve que lorsque nos dépenses publiques ont un rythme de croissance plus important que nos recettes, nous ne sommes plus maîtres de nos comptes publics...

M. Pascal Savoldelli. - Oui, c'est le chaos !

M. Antoine Armand, ministre. - Sur l'effet spirale que peut produire une augmentation du coût de la dette, je ne peux que vous rejoindre, surtout avec les chocs de taux d'intérêt que nous avons connus. Vous avez mentionné l'augmentation des écarts de financement avec un certain nombre de pays : nous nous finançons à dix ans - un des taux les plus importants - au même niveau que l'Espagne ; ce n'était pas le cas il y a quelques années. Notre écart avec l'Allemagne s'est accru sensiblement. Cela a un coût direct : à peu près 10 milliards d'euros - autant d'argent en moins pour réduire les déficits ou pour investir.

Les conditions de financement de la dette sont une préoccupation quotidienne du ministère de l'économie et des finances et de l'Agence France Trésor en particulier. Notre dette a une bonne liquidité, une bonne diversification et nous sommes arrivés à 90 % du programme d'émission. Mais cela n'enlève rien au fait que toute absence de signal clair de réduction du déficit public dans le budget adopté viendrait dégrader la confiance des marchés et des institutions dans notre capacité à nous financer durablement, ce qui aurait un impact direct sur notre propre déficit en retour.

Nous devons être transparents sur les prévisions : il y va de la confiance de la population et de la représentation nationale. Il est difficile de faire aujourd'hui le compte rendu exhaustif de tout ce qui s'est passé ; nous pourrons en reparler si vous le souhaitez. À ce stade, je puis vous dire qu'une évolution a pris par surprise les services et d'autres instituts, celle de l'élasticité des recettes à la croissance : notre croissance est visiblement plus pauvre en recettes fiscales que ce que nous pensions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pas de perfect storm, donc ! Cela me rassure.

M. Antoine Armand, ministre. - Un autre élément à prendre en compte, c'est notre capacité à nous remettre de la crise covid. Nous avons subi des pertes de PIB et l'élasticité des recettes au PIB a complètement changé. Nous cherchons à prévoir quand nous reviendrons à l'époque d'avant. Dans nos hypothèses sous-jacentes macroéconomiques, nous avons choisi un taux extrêmement prudent, validé par le HCFP. Mais étant donné ce qui s'est passé, je ne peux que vous dire cela avec beaucoup d'humilité et de transparence...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous vous en savons gré.

M. Antoine Armand, ministre. - Ce sont nos estimations à date. Je vous tiendrai informés de notre capacité à mieux analyser et expliquer ce que je viens simplement de décrire et vous associerai à notre réflexion pour la suite.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - S'agissant du tendanciel, les vecteurs d'accélération de la dépense peuvent être l'inflation ou la hausse des taux d'intérêt. Certaines grandes masses sont responsables au premier chef de l'accélération de nos dépenses dites tendancielles : la revalorisation des retraites indexée au 1er janvier, par exemple, a un effet de 10 milliards d'euros, contre 14 milliards au 1er janvier 2024. La charge de la dette représente quasiment une hausse de 10 milliards - sur ce sujet, nous n'avons pas de frein ; d'où l'importance de savoir la refinancer le mieux possible. L'Ondam connaît une accélération de 10 milliards d'euros avant les mesures de freinage.

Même si nous ne parlons pas du PLFSS aujourd'hui, le Ségur de la santé équivaut à 30 milliards d'euros par an, même si je ne juge pas le fond, car cela comprend des revalorisations et des investissements.

Parler en tendanciel de ce quantum de 60 milliards d'euros nous permet d'assumer la technique de freinage nécessaire pour ne pas aller dans le mur, avec des déficits publics qui nous empêcheraient durablement non seulement de redresser nos comptes, et donc de respecter nos engagements, mais qui feraient surtout peser un véritable risque sur le refinancement de notre dette. Nous avons eu au Sénat la semaine dernière un débat sur le financement de la dette : le risque pesant sur la signature est un sujet extrêmement important. La charge de la dette ne doit pas devenir la problématique budgétaire numéro un.

Il faut donc freiner fort et le plus tôt possible pour entamer un processus qui permettra à la France de se désendetter ; nous n'y sommes pas encore : avec 5 % de déficit public l'an prochain, la dette continuera à augmenter. Faisons en sorte que la charge de la dette ne soit pas continuellement le premier poste de dépenses budgétaires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous partageons cet objectif.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - C'est un enjeu majeur de souveraineté. Garder une qualité de signature, c'est aussi extrêmement important. Ce budget ne répond pas à tout : il nous faudra un agenda de réformes de structure. Les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) et les investisseurs qui observent la signature française regardent deux éléments en priorité : les principaux postes de dépenses d'une part - pourquoi notre dépense sociale est-elle supérieure de 5 points de PIB à celle de nos voisins ? Pourquoi la part des pensions est-elle si importante dans notre pays et comment régulons-nous son dérapage financier ? - et les réformes structurelles prévues d'autre part. Le freinage rassurera, mais ne sera pas totalement suffisant.

Monsieur le rapporteur général, oui, il y aura des annulations dans les 16 milliards d'euros de crédits qui ont été surgelés par le précédent gouvernement, mais pas la totalité, car c'est techniquement impossible. Il n'y aura pas de report.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Très bien.

M. Bernard Delcros. - Depuis de longues années, le groupe Union Centriste considère qu'on ne pourra pas redresser les comptes du pays en s'appuyant uniquement sur la réduction des dépenses. Lors du dernier projet de loi de finances, nous avons ainsi déposé de nombreux amendements visant à augmenter les recettes : progressivité différente de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), taxation des rachats d'actions, exit tax, contribution sur les superprofits, arbitrage des dividendes, ou report de la suppression de la CVAE. La plupart ont été adoptés par le Sénat, mais n'ont pas résisté à l'épreuve du 49.3. Vous reprenez un certain nombre de ces propositions ; nous les considérons évidemment de manière positive même si nous devons les examiner dans le détail.

À titre personnel, je ne suis pas complètement fermé à une participation des collectivités, mais sur la base d'une justice territoriale. De la même façon que nous sommes attachés au principe de justice fiscale, il faudrait établir, pour les collectivités, un principe de justice territoriale. Or parmi les trois principales mesures que vous proposez pour atteindre 5 milliards d'euros d'économies, la première est une baisse de deux points du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). En effet, la TVA étant payée sur le hors taxe, passer de 16,4 % à 14,8 % équivaut à une baisse de deux points. Une telle baisse uniforme pour toutes les collectivités, quelle que soit leur situation ou leur taille, ne nous paraît pas juste, en particulier pour les plus petites communes. Nous proposerons donc de revoir ce dispositif pour les collectivités concernées.

Vous proposez en outre de réduire l'éligibilité du FCTVA, excluant, par exemple, l'entretien de la voirie ; cela pénalisera encore les plus petites communes, notamment rurales, qui comptent 200 ou 300 habitants, mais ont 60 kilomètres de voirie à entretenir. Il faudra revoir cette mesure.

Par ailleurs, vous prévoyez une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de 320 millions d'euros, comme l'année précédente, fléchée principalement sur la péréquation, une mesure que nous approuvons. Nous approuvons l'article 27 tel qu'il est rédigé.

Enfin, j'évoquerai un dernier point auquel j'attache personnellement beaucoup d'importance, à savoir la suppression de 4 000 postes d'enseignants dans le primaire, une mesure inacceptable en l'état. Certes, la démographie scolaire est en baisse, mais celle-ci n'est pas linéaire : un nombre moindre de quelques élèves dans une classe ne justifie pas sa suppression. Les élus et les acteurs du monde éducatif ont besoin d'avoir une visibilité à trois ans - c'est d'ailleurs inscrit en toutes lettres dans le plan France Ruralités. Je ne refuse pas toute suppression de postes d'enseignants, mais cela ne peut pas suivre une logique comptable.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Quel est votre chiffrage global de l'effort qui est demandé à nos universités ? Pouvez-vous être plus précis sur la non-compensation et l'augmentation du compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions ? Quid du rabot sur la recherche ? Au moment où l'Europe est menacée d'un décrochage par rapport aux États empires qui déversent des trillions sur des technologies de rupture comme le quantique, l'intelligence artificielle (IA), les biotechnologies, l'ARN messager, est-ce le moment de faire des coupes ?

M. Pascal Savoldelli. - Merci, messieurs les ministres Renaissance : en vous écoutant j'ai l'impression de revivre la politique antérieure - il faut vous reconnaître cette cohérence.

Vous dites que tout va bien pour l'emploi. Le nombre de contrats de moins d'un mois a explosé de 18 % ; le marché du travail est gangrené par les sous-emplois - emplois occasionnels, uberisation... Vous gagneriez à un peu plus d'humilité, politiquement parlant, bien sûr.

J'ai fait un rapide calcul, mais peut-être me suis-je trompé... Les 30 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires que vous prévoyez ne porteront pas sur les plus riches, mais sur les autres. La contribution sur les revenus ne concernerait que 0,05 % des ménages, avec une ambition de 2 milliards d'euros. La surimposition des grandes entreprises sur leurs bénéfices ne représenterait que 8 milliards, mais après une baisse de 11 milliards : les bénéfices seront donc moins imposés qu'en 2019 ! Il faut prendre en compte le passif de votre précédente majorité.

Dès lors, qui paiera ? Augmentation des factures d'électricité ; du malus des véhicules neufs ; de la TVA sur les chaudières ; de la taxe sur les billets d'avion ; report de six mois de l'indexation des pensions de retraite sur l'inflation ; baisse de 4,9 milliards d'euros de l'Ondam qui pénalisera les assurés sociaux ; 6,3 milliards d'euros repris aux collectivités territoriales par différents mécanismes dont le plus brutal est l'article 64. Voilà la trajectoire ! Soit je me trompe, soit vous devez assumer ces choix-là.

M. Thomas Dossus. - Je ne rappellerai pas les péripéties qui privent ce budget de légitimité démocratique : vous nous présentez des orientations pour lesquelles personne n'a voté. Dans le dossier de presse, vous prétendez que c'est la hausse des dépenses qui a dégradé nos finances publiques ; je fais une analyse inverse : ce que nous payons aujourd'hui, c'est la note de sept ans de cadeaux fiscaux non compensés.

Vous sacrifiez l'écologie : rabot sur le fonds vert, sur la rénovation, sur les véhicules électriques, saignée dans le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)... Même l'électricité, pilier de la décarbonation, va être surtaxée. Le plan national d'adaptation dont on aurait tant besoin n'est pas financé. Chacun comprend que la dette financière passe avant la dette écologique.

Il y a une semaine, Michel Barnier nous assurait de sa confiance dans la qualité et l'engagement des enseignantes et des enseignants : 4 000 postes supprimés ! C'est une marque de confiance assez particulière, vous en conviendrez...

Vous attendez de nous 5 milliards d'euros d'économies en veillant à préserver les secteurs concernés par les lois de programmation : vous allez donc bien financer des nouvelles prisons et abonder le budget de l'armée. Mais, comme l'a observé Vanina Paoli-Gagin, en dépit de la loi de programmation de la recherche, il manquera deux tiers des financements prévus.

Notre illustre prédécesseur Victor Hugo disait : « Ouvrir une école, c'est fermer une prison. » Vous faites le choix inverse.

Michel Barnier a indiqué ne pas vouloir faire un budget sans les collectivités, ni contre les collectivités. Quand avez-vous discuté avec elles du coup de rabot de 3 milliards d'euros pour le fonds de précaution ? Dans le Rhône, par exemple, Vénissieux perdra 2,3 millions d'euros, alors que 34 % des habitants sont sous le seuil de pauvreté. Pensez-vous vraiment qu'une telle commune peut se passer de ces crédits pour ses services publics ? Est-ce de cette façon que vous voyez le changement de méthode, de dialogue avec les collectivités ?...

M. Antoine Lefèvre. - À l'inverse de Victor Hugo, je parlerai de la construction de prisons, en tant que rapporteur spécial de la mission « Justice ». J'ai bien entendu la nécessité de rester proche de la loi de programmation. Confirmez-vous que les crédits indiqués pour cette mission, soit 10,2 milliards d'euros, seront augmentés par un amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale ?

La remise en cause des lois de programmation sectorielle qui a été évoquée concernera-t-elle les créations d'emplois prévues pour la justice, soit plus de 10 000 ETP jusqu'en 2027 ?

M. Grégory Blanc. - Ma première question porte sur la fiscalité verte et notre infrastructure budgétaire. Vous évoquez des évolutions cette année avec la fin du slogan « stabilité fiscale ». Selon moi, ce dont ont besoin les acteurs, c'est plutôt de visibilité. Des évolutions auront lieu parce que nous sommes dans une phase de transition écologique : le rendement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) baissera, selon des études, d'un tiers d'ici à 2030 ; il faudra le compenser. Pour donner de la visibilité à l'ensemble des acteurs, comptez-vous, comme cela avait été prévu, créer une loi d'orientation et de programmation sur la transition écologique ?

Deuxième question : je suis très étonné qu'un certain nombre de départements soient concernés, dont le mien, qui ne dégage absolument pas d'épargne, mais qui sera sujet à une ponction de 15 millions d'euros. Cette somme correspond exactement au coût de la prise en charge des 300 enfants qui attendent actuellement une place sur décision de justice. Comment comptez-vous permettre aux départements d'assumer leurs compétences sociales alors qu'ils sont déjà à l'os ?

Troisième et dernière question : nous assistons à une baisse du fonds vert et des dotations aux collectivités. Or ces dernières doivent fournir les deux tiers de l'effort public en matière de transition écologique pour respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Bercy me semble adopter une position quelque peu schizophrène : d'un côté, on affirme que les collectivités disposent de marges de manoeuvre en matière d'endettement ; de l'autre, il leur est reproché d'avoir trop emprunté, notamment pour 2024, considérant cela comme une source de déficit pour notre pays au sens des critères de Maastricht. Je souhaite entendre votre avis sur le discours à tenir à leur endroit, en particulier pour que celles-ci puissent subventionner la transition écologique et investir en ce sens. Doivent-elles s'endetter ou non ?

Mme Nathalie Goulet. - Sur la méthode, votre prédécesseur au budget acceptait de travailler en amont les amendements que nous souhaitions déposer. Qu'en sera-t-il ?

J'attire votre attention sur le faible nombre de dispositifs de lutte contre la fraude fiscale et contre la fraude aux finances publiques en général dans ce budget, sujets sur lesquels je travaille depuis un moment. Concernant les questions de contrôle, simplifier, oui, mais pas à n'importe quel prix. Vous disposez par ailleurs d'une marge de manoeuvre très importante s'agissant du contrôle des rescrits fiscaux et des réductions d'impôts liées aux dons aux associations : la Cour des comptes, dans un référé du 8 décembre 2020, évalue leur coût à 3 milliards d'euros ; l'arbitrage des dividendes représentant, quant à lui, également 3 milliards d'euros. Je forme le voeu que nous puissions travailler avec vos services sur ces sujets, sans doute pas à l'occasion de ce projet de loi de finances, qui va être examiné dans un délai très court, mais sur la durée. Nous devrons faire avancer ces questions qui me semblent essentielles dès lors que l'on demande des efforts à l'ensemble des Français.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Concernant les collectivités territoriales, je répondrai de manière groupée. Oui, la justice territoriale est essentielle, et la proposition que nous faisons avec Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, est imparfaite, je le dis avec la plus grande humilité. Cependant, nous devons nous accorder sur la nécessité pour les collectivités de contribuer à l'effort. Une fois ce principe posé, le chemin pour y parvenir de manière juste est complexe, car nous sommes confrontés à des écueils partout. Le principe de donner à environ 450 collectivités la possibilité de participer au fonds de précaution dont nous avons proposé la mise en place, avec une gouvernance assurée par les collectivités, présente, certes, l'inconvénient de sanctionner les bons gestionnaires.

M. Olivier Paccaud. - Tout à fait !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Il est donc loin d'être parfait. À l'inverse, une généralisation de cette contribution conduirait à demander à des collectivités qui n'en ont objectivement pas les moyens, comme les départements, d'y participer, dans un contexte difficile. Face à une telle hétérogénéité des finances locales, la solution idéale n'existe pas. Il faut trouver le meilleur compromis, et nous dialoguerons à ce sujet au cours du débat parlementaire. Je suis personnellement ouvert à ce que les trois dispositifs que nous avons proposés évoluent, sans réserve de principe, en particulier concernant les collectivités. J'ai entendu, et compris, que la baisse de deux points du FCTVA posait un problème sérieux pour de nombreuses collectivités, notamment en matière d'investissement local. Si ce n'est pas la meilleure solution, nous pourrons discuter d'un recours accru à l'écrêtement de la TVA ou de sa dynamique. L'essentiel est de s'accorder sur un cadre de responsabilité vis-à-vis des collectivités.

Une question portait sur les départements. Soyez rassurés concernant le fonds de précaution, au moins une vingtaine de départements en seront exclus : ceux dont la situation, entre la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et l'augmentation des dépenses, ne permet pas de contribution. Nous devrons également discuter de la définition des 450 collectivités à même de contribuer à ce fonds. Si vous souhaitez rediscuter du périmètre, nous le ferons volontiers.

Monsieur Delcros, vous avez évoqué l'éducation nationale. Ne prenez pas ma réponse comme uniquement comptable et technocratique, mais partons des faits statistiques, tout en considérant les réalités territoriales. Sur les quatre à cinq dernières années, nous avons connu une baisse démographique de près de 350 000 élèves, et 97 000 en moins sont encore attendus à la prochaine rentrée. En bonne gestion, il est nécessaire de s'interroger sur les recrutements à effectuer en conséquence. Il s'agit simplement d'allouer au mieux les ressources de l'État face aux besoins. Je ne prétends pas que tout va bien, qu'il n'y aurait pas de classes surchargées ou de disparités territoriales, mais, en commission des finances, notre travail commun consiste à faire aboutir un texte octroyant des moyens, ministère par ministère, mission par mission. S'agissant des ETP de l'éducation nationale dédiés aux enseignants, nous devons les examiner à l'aune de la démographie des élèves.

Par ailleurs, nous respectons notre engagement quant aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), avec l'embauche de plus de 2 000 d'entre eux, car c'est une nécessité constatée dans les établissements. Nous répondons ainsi à une réalité, qu'il nous revient également de confronter à la justice territoriale déjà évoquée, j'en conviens très volontiers.

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur n'est pas abandonnée. En toute transparence, la marche prévue pour 2025 ne sera pas respectée, seule la moitié de cette somme sera débloquée dans ce budget. Il s'agit néanmoins d'une augmentation. La mission apparaît en diminution en raison de la baisse des aides aux entreprises ; les crédits afférents à la loi de programmation augmentent encore de 250 millions d'euros - la moitié de la marche initialement proposée. Investir dans l'avenir reste une priorité, comme en témoigne la présence du programme France 2030, qui constitue également un investissement d'avenir nécessaire, malgré des efforts de lissage. La recherche ne connaît donc pas d'abandon, mais une poursuite de l'augmentation de ses moyens, dans le cadre de la loi de programmation que vous avez votée et qui est tout à fait nécessaire.

Monsieur Savoldelli, un effort collectif est nécessaire pour redresser les finances publiques. Toutes les administrations publiques et nombre de nos concitoyens seront mis à contribution, mais à des échelles très différentes. Je ne sais pas d'où vous tirez le chiffre de 0,05 %, son calcul m'intéresse. Selon nos estimations, 0,3 % des foyers pourraient être touchés par cette mesure, laquelle n'est d'ailleurs pas une taxe, mais un filet fiscal : il n'est pas normal que certains très hauts revenus français paient des taux moyens d'imposition de 3 % à 4 %. Nous allons donc mettre en place un seuil de fiscalité minimum sur l'impôt sur le revenu (IR) à 20 %, qui rapportera 2 milliards d'euros. C'est une question de justice fiscale.

Sur l'énergie, vous évoquez des choses très différentes : le retrait du bouclier tarifaire maintiendra néanmoins la baisse de la facture d'électricité pour nos concitoyens qui bénéficient des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE). Certes, il provoquera une hausse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), mais nous nous engageons à ce que la baisse des prix entraîne une diminution de la facture de 9 % à 10 % pour ceux qui sont au TRVE. C'est très important, car cela rend du pouvoir d'achat aux Français. Vous mentionnez également des mesures de fiscalité verte, comme le malus, qui sont des moyens de lutte contre les niches brunes. Il faut continuer à accompagner la transition écologique par la fiscalité, qui est un moyen d'incitation efficace ; à ce titre, le bonus-malus est une bonne mesure. Cela rejoint d'ailleurs la question d'une éventuelle loi de programmation posée par M. Grégory Blanc, que j'invite à échanger avec la ministre de la transition écologique à ce sujet.

Quant à moi, je me suis engagé à transmettre au Parlement, dans les tout prochains jours, la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique.

M. Thomas Dossus. - Elle est déjà sortie dans la presse !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Concernant la justice, nous augmenterons les crédits de la mission par voie d'amendements, c'est nécessaire et cela fait partie des priorités du Gouvernement sur lesquelles les Français nous attendent.

Sur le rapport entre Bercy et les collectivités locales, il faut sortir de la vision que vous évoquez, monsieur Blanc. Je vous rejoins sur un point : nous sommes parfois confrontés à des injonctions contradictoires, entre « investissez plus ! » puis « vous investissez trop ! ». Nous devons parvenir à rebâtir une relation de confiance mutuelle entre l'État - plus que Bercy - et les représentants des collectivités locales, en regardant vers l'avenir pour identifier les besoins en investissement local, en mettant fin aux compétences multiples sur les mêmes sujets et en repensant l'autonomie financière et fiscale, en relation avec l'imposition locale. Ces sujets ne seront pas réglés dans ce PLF, mais je suis ouvert à en débattre, avec la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. C'est le bon moment pour relancer ces réformes.

Deux rapports intéressants sont sortis, les rapports Ravignon et Woerth, qui vont nous servir de base, car leurs conclusions sont très pertinentes. Les rapports du Sénat sur ces sujets sont également importants et vous me trouverez à vos côtés si vous souhaitez aborder la réforme de la décentralisation, qui constitue un véritable sujet de réforme structurelle.

M. Antoine Armand, ministre. - Pour répondre à Mme Goulet, la fraude fiscale et sociale est un enjeu majeur pour tous les défenseurs du pacte républicain. Le texte comprend deux dispositifs : l'un visant à empêcher les détenteurs de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) d'échapper à l'imposition en glissant ces bons, obtenus à titre de rémunération, dans des plans d'épargne ; l'autre concernant la déclaration à l'administration fiscale des opérations sur cryptoactifs, parfois utilisés de manière détournée. Je précise en outre que la trajectoire du malus automobile n'a pas changé : elle est pluriannuelle et a été construite avec les constructeurs pour offrir une visibilité industrielle, compte tenu des changements massifs en jeu.

Concernant la fiscalité et la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, je partage la préoccupation exprimée. Bercy a mis en place il y a quelques années un budget vert pour mieux catégoriser les dépenses ; je suis convaincu que nous pouvons aller plus loin, y compris sur la fiscalité, dans les années à venir, grâce aux outils portés par la représentation nationale au Sénat et à l'Assemblée.

Mme Isabelle Briquet. - La situation est particulièrement grave et l'effort doit être justement réparti. Pour autant, la part octroyée aux collectivités n'est pas acceptable en l'état, malgré les compléments que vous avez apportés. Nous en discuterons lors de l'examen du PLF, mais aujourd'hui, les collectivités seraient mises à contribution bien au-delà des 5 milliards d'euros annoncés : avec les prélèvements sur les douzièmes de fiscalité, la baisse de la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la diminution du FCTVA, la réduction du fonds vert et la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), on dépasse déjà allègrement les 8 milliards d'euros.

Mon interrogation porte plus particulièrement sur la mesure prévoyant l'amputation de deux points du FCTVA. Celle-ci pénalisera grandement l'investissement des collectivités, avec des conséquences sur l'investissement local, les entreprises et l'emploi. En outre, elle est d'autant plus contestable qu'elle ne s'appliquera pas uniquement aux investissements à venir, mais également à ceux qui ont déjà été engagés, voire réalisés, compte tenu du décalage. Je souhaite donc obtenir des précisions sur vos intentions en la matière et sur les modalités d'application de cette mesure, si toutefois elle devait être mise en oeuvre.

M. Dominique de Legge. - Monsieur le ministre, permettez-moi une observation, une question et une suggestion. Tout d'abord, je vous le dis franchement, je ne pensais pas que vous reviendriez sur la chance que vous auriez d'hériter d'un tel bilan. Cela ne sert à rien, car personne ne croit véritablement à la qualité dudit bilan, sinon nous ne chercherions pas cet après-midi 60 milliards d'euros et vous n'auriez pas fait ce commentaire sur la difficulté de financer la dette. De plus, l'autosatisfaction conduit aux résultats des élections que nous avons connus. Si nous voulons avancer, si nous souhaitons que ce gouvernement réussisse, il est peut-être préférable de regarder vers l'avenir et de tourner la page du passé. J'espère que vous partagerez cette conviction personnelle et que, un jour, vous la comprendrez.

Concernant les collectivités territoriales, j'avais compris que l'effort serait évalué au prorata de leur importance dans la dépense publique. Sans faire de comptes d'apothicaire, je note que, à ce stade, la part des collectivités territoriales représente 8 % des dépenses alors qu'on leur demande près de 12 % de l'effort. Il me semble qu'un correctif est nécessaire ; à défaut, cela accréditerait la thèse selon laquelle les collectivités seraient plus responsables que l'État de la situation actuelle.

Vous avez évoqué votre volonté d'examiner les amendements et les propositions du Parlement. Cette volonté irait-elle jusqu'à reposer la question de la taxe d'habitation, dont la suppression a coûté 20 milliards d'euros qui n'ont pas été financés autrement que par le déficit public ? Cela permettrait non seulement de trouver 20 milliards, mais aussi de redonner de l'autonomie fiscale aux collectivités qui en ont bien besoin.

Mme Christine Lavarde. - Messieurs les ministres, j'ai entendu votre difficulté à concilier les impératifs de court terme, qui obligent à une augmentation temporaire de la fiscalité pour faire face au mur de la dette, et les réformes structurelles de long terme, qui permettraient d'inverser la trajectoire.

Hier, j'ai parcouru tous les articles du projet de loi de finances et vous ai écouté attentivement ce matin : lorsque vous avez parlé de réformes structurelles, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait de la réforme du malus automobile, mais je doute que cela soit à la hauteur des enjeux. En lisant le PLF, la seule réforme un peu structurelle que j'ai identifiée concerne le post-Arenh - le dispositif visant à remplacer l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique - , le reste est constitué de mesures très techniques, certes bien documentées et présentant des exposés des motifs factuels, ce dont je vous félicite. Pour autant, où sont les véritables réformes structurelles ? Si demain nous devions supprimer les cinq interlocuteurs qui s'occupent de la gestion des espaces naturels, par exemple, il faudrait s'y prendre dès aujourd'hui pour n'en avoir plus qu'un seul dans trois ans, avec moins de fonctionnaires et d'instances. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Cela m'amène à ma seconde question, celle du plan budgétaire et structurel de moyen terme. Quelle copie allez-vous présenter à l'Union européenne pour justifier votre demande d'ajustement sur une période plus longue, étant donné que ce PLF ne prévoit pas vraiment d'investissements dans les dépenses considérées comme étant des dépenses d'avenir par l'Union européenne - recherche, écologie ou défense ?

Enfin, vous avez indiqué qu'il n'y aurait pas de report de crédit ; or, l'article 51 du PLF en prévoit déjà, au-delà du pourcentage inscrit dans la Lolf, pour huit missions. Comment faites-vous coïncider cet article et vos propos ?

M. Olivier Paccaud. - Monsieur le ministre de l'économie, merci d'avoir voulu nous redonner le sourire avec une peinture idyllique de la situation. « Sur un malentendu, ça peut marcher », aurait dit Jean-Claude Dusse ; c'était la philosophie de Bruno Le Maire. Puissiez-vous en choisir une autre ! J'ai entendu le mot « humilité », il me semble beaucoup plus approprié.

Le ministre Laurent Saint-Martin, quant à lui, a insisté sur la notion de « projet perfectible ». Je dois saluer, en tant que rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, le fait que la ministre et le secrétaire d'État ont déjà pris contact avec moi pour que nous travaillions ensemble. Je forme le voeu que cette volonté d'écoute se concrétise par l'adoption d'amendements et que ce projet reste seulement un projet.

Vous avez évoqué la notion de croissance. Je reviens sur les collectivités territoriales, qui sont des acteurs de la croissance dans nos territoires. En baissant les dotations, comme dans l'Oise, où nous avons réussi depuis des années à dégager des aides aux communes à hauteur de 50 millions d'euros afin de faire travailler le tissu économique local de façon remarquable, n'avez-vous pas peur de gripper l'activité locale ?

Ensuite, le ministre Antoine Armand a évoqué des enjeux de souveraineté au sujet de la dette ; un grand emprunt ne serait-il pas un moyen de retrouver un peu de souveraineté ?

Enfin, la France peut être un paradis fiscal pour des étrangers richissimes, comme les Qataris, avec qui nous avons une convention fiscale depuis longtemps. N'est-il pas temps, en cette période de disette budgétaire, de mettre un terme à ces formidables exonérations ? Cela rapporterait entre 150 et 200 millions d'euros.

M. Vincent Capo-Canellas. - Messieurs les ministres, nous mesurons la difficulté de votre tâche, et de la nôtre, pour aboutir à un PLF permettant de faire face à une situation difficile, dans des délais très contraints. Au vu du dérapage de 2024 et de la situation, il faut travailler sur la crédibilité, car les engagements n'ont pas été tenus jusqu'à présent. Il nous faut donc en retrouver tant vis-à-vis de l'Union européenne que des marchés.

Concernant le niveau de l'ajustement, tendanciel ou structurel, je m'interroge sur l'intérêt d'évoquer 60 milliards d'euros quand, en réalité, les besoins sont moindres. On noircit ainsi la situation et l'effort pour l'opinion, rendant psychologiquement l'objectif plus difficile à atteindre ; cela me semble contre-productif vis-à-vis de tous les acteurs qui font des micro-actions en termes d'économies. Les analystes, eux, voient bien la réalité de l'effort, leur parler de tendance est donc inopérant. Cette communication me paraît mauvaise à tous égards.

Ensuite, des prélèvements augmentent et des exonérations baissent. Nous avons compris que, dans l'urgence, on ne pouvait pas faire autrement. Pour autant, monsieur le ministre de l'économie, vous citez le rapport Bozio-Wasmer et vous profitez de cette mission, dont l'objectif était de « désmicardiser », pour prendre 4 milliards d'euros. Dans vos notes, il est ainsi écrit « dans l'esprit du rapport Bozio-Wasmer, nous prévoyons 4 milliards d'euros d'exonération en moins ». C'est donc une augmentation de la fiscalité. Or ce rapport visait justement à « désmicardiser », en rendant le processus neutre. Comment pouvez-vous affirmer que vous agiriez ainsi dans son esprit ? Ne s'agit-il pas d'un retournement de tendance, dans la mesure où, jusqu'à présent, l'objectif était de baisser le coût du travail ?

Enfin, vous avez parlé d'une augmentation « mesurée » de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Aujourd'hui, les taxes représentent environ 340 millions d'euros sur les billets d'avion ; vous entendez ajouter 1 milliard d'euros, opérant ainsi une multiplication par quatre. Cela constitue-t-il, à vos yeux, une augmentation mesurée ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Messieurs les ministres, pour partager les solutions, il faut tout d'abord partager le constat ; comme certains de mes collègues, je voudrais modérer le constat que vous faites concernant une réussite de votre politique de l'offre. Certes, 2 millions d'emplois ont été créés, mais notre taux de chômage est toujours nettement au-dessus de la moyenne européenne, à 7,3 % contre 6 % ; en outre, ces créations d'emplois se sont produites dans un contexte globalement favorable, on les retrouve dans les autres pays, et elles sont en partie liées à des taux d'intérêt très faibles, comme le démontrent les économistes. Ce bilan n'est donc pas seulement celui de votre politique de l'offre. Concernant les investissements directs à l'étranger, nous sommes bien le premier pays en termes d'accueil de projets, mais si l'on mesure les emplois créés par projet, nous sommes troisièmes, et si l'on rapporte ces chiffres à la taille de la France, nous passons en huitième position. Les résultats ne sont donc pas aussi bons que vous le prétendez. Pendant ce temps, les inégalités se sont accrues et le patrimoine des 500 premières fortunes a doublé.

La question est de savoir si l'on maintient cette politique de l'offre, qui est très coûteuse. Se pose alors la question des aides aux entreprises : plusieurs rapports récents, ont posé la question de leur coût et de leur efficacité, notamment s'agissant du crédit d'impôt recherche (CIR). Envisageriez-vous des économies sur ce dernier dispositif ? Doit-on laisser les inégalités s'accroître ? Je distingue un début de souci de justice fiscale, mais il faudrait aller plus loin sur l'imposition des revenus des grandes entreprises, et la rendre pérenne et pas seulement temporaire.

M. Stéphane Sautarel. - Je rejoins les propos du rapporteur général sur la nécessité de travailler à réduire la dépense en allant plus loin que ce qui est proposé et limiter ainsi l'effort fiscal. N'avez-vous pas envisagé d'autres pistes plus approfondies concernant la réduction de la dépense fiscale ? Je ne vois pas beaucoup de propositions dans ce PLF sur ce sujet.

Sur les lois de programmation, vous nous avez fait part de certaines intentions, mais entre le moment de leur adoption et aujourd'hui, notre paradigme a changé à beaucoup de titres. Vous avez évoqué des lignes rouges : les lois de programmation en sont-elles ou est-il possible de réfléchir à leur actualisation ?

Concernant les collectivités, je partage la volonté d'être responsable, même s'il peut paraître injuste de leur demander de contribuer à l'effort. Celui-ci doit, en tout état de cause, être juste. Je m'interroge à ce titre sur le fonds de péréquation et sur ses critères : vingt départements en seront exclus sur la base de critères de fragilité sociale, quid de ceux qui y figurent encore ? J'aimerais que nous puissions travailler sur cette question, car elle pose aujourd'hui de vraies difficultés et va remettre en cause la péréquation horizontale que les départements avaient su organiser. Les niveaux d'épargne brute sont très différents entre les niveaux de collectivité, et les départements méritent que l'on porte sur eux un regard particulier.

Enfin, sur les réformes de structure, j'entends qu'elles sont difficiles à mettre en oeuvre dans l'urgence, mais il en existe au moins une qui pourrait être engagée facilement : la débureaucratisation. Non seulement nous ferions des économies, mais nous gagnerions de l'argent. Ainsi, s'agissant de l'emploi dans l'éducation nationale, si nous devons en supprimer, faisons en sorte que cela ne concerne pas les postes devant les élèves.

M. Raphaël Daubet. - Sur l'APD, mission dont je suis le rapporteur spécial, et qui s'élèverait à 1,3 milliard d'euros, j'étais le premier, avec mon collègue Michel Canévet, à défendre un ajustement de ces crédits, mais je trouve ce chiffre disproportionné, à la fois par rapport aux objectifs que nous fixait la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et au regard des crises géopolitiques dont on sait qu'elles vont multiplier les besoins en la matière.

S'agissant des autres efforts d'optimisation et de gains de productivité, qui comptent pour 6,1 milliards d'euros d'économies, quels ministères ou opérateurs viseront-ils ? Il s'agit tout de même d'un très gros poste de moindres dépenses.

Enfin, sur les dépenses des collectivités locales, le fonds de précaution opérerait, si j'ai bien compris, une sorte de péréquation horizontale, puisqu'une redistribution ultérieure serait mise en oeuvre. Quelles en seront les modalités ? Ce dispositif me rappelle le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), dont la visibilité est très contestable, emportant des répercussions sur la lisibilité budgétaire des collectivités, ou, au moins, sur la programmation pluriannuelle de leurs investissements.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. - S'agissant des bases du débat concernant les collectivités locales, il convient de distinguer leur part dans la dette, qui s'élève à 8 %, de leur part dans les dépenses publiques, qui atteint 20 %. Ainsi, le taux de 12 % doit être apprécié au regard de la part dans les dépenses publiques et non dans la dette publique. Dans cette perspective, l'effort demandé aux collectivités est proportionnellement moindre, ce qui me semble justifié, compte tenu des circonstances et des éléments précédemment évoqués. La baisse du fonds vert, bien qu'affectant indirectement les collectivités, résulte, quant à elle, d'une décision nécessaire visant à réajuster certains accompagnements publics que nous jugeons essentiels. Toutefois, il ne s'agit pas à proprement parler d'une réduction des dotations de fonctionnement allouées aux collectivités. En revanche, en effet, la CNRACL n'entre pas dans le champ de ces dispositifs.

Concernant les annulations ou reports de crédits, l'article 51 permet effectivement d'énumérer les programmes susceptibles de faire l'objet de reports au-delà du plafonnement. Mon objectif politique, j'y insiste, est d'en limiter autant que possible le recours. C'est pourquoi j'ai indiqué au rapporteur général qu'il conviendrait, dans un souci de bonne gestion, particulièrement en cette période, de privilégier l'annulation de crédits gelés ou, si cela s'avère indispensable en exécution, leur consommation. La limitation des reports demeure un principe directeur qu'il nous faut impérativement maintenir dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), dont le dépôt est normalement prévu aux alentours du 6 novembre. Nous aurons l'opportunité d'y revenir à cette occasion.

Monsieur Paccaud, il est primordial d'éviter que la baisse des dotations n'engendre un effet récessif au niveau local. C'est précisément la raison pour laquelle ces mesures doivent être mises en oeuvre de manière réfléchie. J'ai été attentif à ce titre aux levées de boucliers concernant notamment le FCTVA.

S'agissant de la révision des exonérations dont peuvent bénéficier les investisseurs internationaux, il s'agit là d'un chemin de crête. Je me refuse à concevoir systématiquement notre politique fiscale dans une logique de retour sur investissement, car ce ne serait pas de bonne politique ; pour autant, il convient de prendre en considération les retombées potentielles en termes d'investissements directs étrangers. Comme l'a souligné Antoine Armand, si la France se hisse depuis cinq ans au premier rang européen en la matière, c'est aussi parce qu'elle a su se doter de certains outils favorisant son attractivité, qu'il convient de ne pas trop abîmer.

S'agissant du rapport Bozio-Wasmer, permettez-moi de revenir sur les ordres de grandeur. La lettre de mission adressée aux deux économistes imposait que leurs propositions soient élaborées à coût constant, ce qui explique leurs conclusions. Cela n'empêche nullement de nourrir des ambitions sur la réforme nécessaire de « désmicardisation » et, conjointement, en matière de participation au redressement des finances publiques. Ces deux objectifs sont parfaitement cumulables, si les proportions sont adéquates. Tout est question de proportions dans ce budget. Après 80 milliards d'euros d'allègements généraux de charges, nécessaires pour l'emploi et la dynamisation de l'économie, mais emportant des effets de bord sur la trappe à bas salaire, nous pouvons envisager, dans un premier temps, la mise en place d'une nouvelle courbe, basée sur les propositions Bozio-Wasmer. Il s'agit bien là d'une réforme de structure. Dans le même temps, il est possible de réduire les aides d'État, car les allègements généraux en font partie, même si vous les percevez comme des hausses de charges. Cela me semble juste et proportionné au regard de l'impératif collectif de redressement des comptes publics.

Je laisserai Antoine Armand s'exprimer sur le sujet du CIR.

Pour ce qui concerne les lois de programmation, il n'y a pas de lignes rouges. Je tiens simplement à souligner que le Gouvernement a des priorités de politique publique qui correspondent aux lois de programmation. D'ailleurs, les investissements d'avenir sont bien présents dans ce budget : le programme France 2030 se poursuit, tout comme les dispositions de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont les crédits sont en augmentation, même si les marches ne recouvrent pas exactement celles qui étaient initialement prévues. L'ambition demeure intacte pour ces investissements, lesquels sont simplement ajustés à la réalité de notre situation financière.

Enfin, concernant le fonds de précaution, ses modalités de répartition doivent impérativement être définies en concertation avec les collectivités, sans quoi le dispositif serait voué à l'échec dès le départ. J'ai bien pris note des écueils que vous souhaitez éviter, à l'image de ceux qu'ont rencontrés d'autres fonds de péréquation par le passé.

M. Antoine Armand, ministre. - Concernant la taxe sur les billets d'avion, une partie de ce prélèvement ne concernera pas l'aviation commerciale et son barème est encore en discussion. Je partage votre point de vue quant à la nécessité de déterminer les trajets concernés et de ventiler le dispositif en fonction de la longueur du trajet, afin que celui-ci touche des personnes se déplaçant plus loin, et donc à des occasions différentes.

Vous avez raison de souligner que le cadre du rapport de MM. Bozio et Wasmer diffère de celui du texte initial, qui implique un effort financier supplémentaire. Celui-ci peut être atténué si les entreprises augmentent les salaires à un rythme égal ou supérieur à celui des dernières années, grâce aux allègements de cotisations qui réduisent le coût de ces augmentations salariales, notamment au niveau du Smic. Ce texte est perfectible, et ce sujet est éminemment important pour la compétitivité des entreprises, la politique salariale et le rapprochement du brut et du net pour une meilleure rémunération du travail. Si nous parvenons à faire mieux, à trouver d'autres sources d'économies - j'ai entendu quelques propositions en ce sens aujourd'hui - pour remplacer celles-ci, vous pourrez compter sur notre soutien.

S'agissant des conventions fiscales, je ne répondrai pas sur un pays en particulier. Nous travaillons à leur évolution, mais notre attractivité doit être prise en compte, car dépecer une convention fiscale entraîne une perte de recettes. Certes, l'objectif peut être autre que budgétaire et fiscal, cela peut se discuter.

Quant à l'idée d'un grand emprunt, le financement de la dette ne fait pas partie aujourd'hui des difficultés que nous avons à traiter. Nous nous finançons assez bien, car la dette française se vend correctement. Cela pourrait le devenir si les conditions se dégradaient sérieusement, ce que nous voulons éviter grâce aux économies que nous avons détaillées devant vous aujourd'hui.

Concernant les aides aux entreprises, notamment le CIR, des efforts peuvent être consentis. Nous essayons de le faire avec précaution, car ces dispositifs comptent beaucoup pour la compétitivité et la prévisibilité des stratégies économiques des entreprises. En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche, le débat parlementaire va s'ouvrir. De nombreux rapports ont été produits et beaucoup de parlementaires travaillent individuellement sur ce sujet depuis un certain temps. Nous serons très attentifs à leurs propositions. Si des avancées sont possibles, il faut les concrétiser, tout en gardant à l'esprit que la France peine en matière d'attractivité de la recherche. Elle a réussi à maintenir son rang ces dernières années, mais cette position est fragile. Il est donc crucial de préserver un socle fort, et c'est le signal que nous voulons envoyer.

Madame Lavarde, vous avez parfaitement raison : les réformes structurelles et structurantes, qu'il s'agisse du marché du travail, de la simplification, etc., doivent être menées, y compris dans le cadre du dialogue social qui s'ouvre sur la réforme de l'assurance chômage. Je suis profondément convaincu qu'il faut continuer à soutenir d'abord l'activité, ce qui fera l'objet des prochains échanges que nous aurons ici, ainsi que sur ceux qui concerneront le plan d'investissement et de réforme avec la Commission européenne.

Concernant le bilan économique, j'appartiens à une génération politique qui se réjouit pour son pays, sans fierté pour telle ou telle mesure. Je suis persuadé qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une étiquette partisane pour se satisfaire d'une baisse du chômage, car cela signifie simplement moins de chômeurs, plus de pouvoir d'achat et plus d'émancipation sociale. Lorsque des progrès ont été réalisés, les reconnaître n'est pas une faiblesse, bien au contraire, c'est une preuve d'ouverture d'esprit. Quant aux petites phrases que j'ai entendues, qui conduisent à considérer que j'agirais avec condescendance et que les satisfecit ne devraient pas être de mon côté, je les laisse à leurs auteurs.

M. Claude Raynal, président. - Merci de cette première rencontre, nous nous reverrons régulièrement au cours de l'examen de ce projet de loi de finances.

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