B. LES COLLECTIVITÉS DEVRONT AUSSI FAIRE FACE À UN MUR D'INVESTISSEMENTS DANS LES ANNÉES À VENIR
1. Le défi de la transition écologique : un mur d'investissement de près de 40 milliards d'euros d'ici 2030
a) Un parc immobilier énergivore et des obligations de réduction de consommation énergétique ...
Les collectivités territoriales détiennent un patrimoine bâti constitué de plus de 225 000 bâtiments pour une surface totale d'environ 280 millions de mètres carrés, ce qui représente 27 % du parc national tertiaire.
Majoritairement construit avant 1975, l'immobilier appartenant aux collectivités est relativement ancien, mal isolé et, de fait, énergivore puisqu'il représente un tiers des volumes de CO2 émis par les bâtiments au niveau national et 84 % des émissions des seules collectivités contre 11 % pour les carburants et 5 % pour l'éclairage public.
De surcroit, les collectivités territoriales sont assujetties aux obligations d'actions d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires (dispositif éco-énergie tertiaire). Ainsi, l'article L.174-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que des actions de réduction de la consommation d'énergie finale doivent être mises en oeuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire, afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.
b) ...rendent nécessaires des investissements sur le patrimoine immobilier des collectivités
Face à un parc immobilier énergivore et à des obligations encadrées de baisse de consommation dans un objectif de décarbonation, les collectivités territoriales doivent accélérer leurs investissements en faveur de la transition écologique.
Selon l'analyse effectuée par l'Institut I4CE12(*), si l'on s'en tient aux seuls investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), le besoin d'intervention des collectivités territoriales peut être évalué à 12 milliards d'euros par an, ce qui représente environ un cinquième de leur budget d'investissement global.
Dans cet ensemble, les trois principaux postes de dépenses identifiés par l'Institut sont la mise en place d'aménagements cyclables (3,3 milliards d'euros), les transports en commun et la mobilité ferroviaire (3 milliards d'euros) ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments publics (2,7 milliards d'euros).
L'institut estime qu'environ 5,5 milliards d'euros d'investissements « climat » sont réalisés aujourd'hui par les collectivités. Ainsi, les collectivités devraient, chaque année, dès aujourd'hui et jusqu'en 2030, réaliser environ 6,5 milliards d'euros d'investissements « climat » additionnels. Le besoin d'accélération des investissements est particulièrement fort dans les aménagements cyclables (2,3 milliards d'euros par an) et dans la rénovation énergétique des bâtiments publics (1,4 milliard d'euros par an), mais aussi dans le ferroviaire et dans l'efficacité énergétique de l'éclairage public (800 millions d'euros par an chacun).
2. Le cas des bâtiments scolaires, un patrimoine immobilier considérable et vieillissant, qui nécessite des opérations de rénovation d'ampleur
Si le patrimoine immobilier des collectivités est caractérisé par une grande diversité dans sa structure et les fonctions des bâtiments (bâtiments administratifs, établissements scolaires, équipements sportifs, socio-culturels, etc.), les bâtiments scolaires représentent à eux seuls près de 50 % de la surface totale du parc.
Afin d'entretenir et valoriser ce patrimoine, les collectivités territoriales doivent multiplier les opérations de construction, de rénovation ou de restructuration d'ensembles scolaires et périscolaires, soit un ensemble d'opérations qui dépasse le seul cadre de la transition environnementale.
Cet aspect reste néanmoins crucial et les collectivités territoriales sont assujetties aux obligations d'actions d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires (dispositif éco-énergie tertiaire - cf. supra). L'institut de recherche I4CE a estimé à 1,4 milliard d'euros par an jusqu'en 2050 les investissements nécessaires pour la rénovation des bâtiments scolaires soit environ 40,5 milliards d'euros en 27 ans, pour atteindre le niveau « bâtiment basse consommation » (BBC)13(*).
L'institut estime qu'environ 1,3 milliard d'euros d'investissements « climat » sont déjà réalisés aujourd'hui par les collectivités sur les bâtiments publics. Il en résulte que ces dernières devraient donc, chaque année, réaliser environ 1,4 milliard d'euros d'investissements « climat » additionnels pour les bâtiments, ce qui correspondrait à 700 millions d'euros additionnels par an par rapport aux investissements réalisés actuellement pour le bâti scolaire.
3. Des dépenses d'investissement à venir pour les transports : un choc de l'ordre de 60 milliards d'euros d'ici 2030
Les besoins d'investissement de l'ensemble du périmètre des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dépassent les 60 milliards d'euros d'ici 2030.
a) Les investissements à venir des AOM urbaines et régionales
D'après les données du groupement des autorités responsables de transport (GART), les AOM urbaines, hors AOM régionales et hors Île-de-France, ont investi environ 25 milliards d'euros dans les mobilités du quotidien entre 2008 et 2022. L'effort à réaliser dans les années à venir sera significativement supérieur.
En effet, en additionnant le développement de nouveaux transports collectifs en site propre (TCSP) et la rénovation des réseaux anciens, les investissements dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM) ou encore le renouvellement du matériel roulant, en particulier pour verdir les flottes de bus, le total des dépenses d'investissement en matière de transports collectifs urbains (TCU) pourrait, d'après les premières estimations du GART, atteindre 30 milliards d'euros entre 2023 et 2030.
Concernant plus spécifiquement le développement de l'offre de TCSP les 162 projets retenus pour être cofinancés par l'État et qui, selon les cas, doivent être déployés d'ici 2032, représenteraient près de 10 milliards d'euros d'investissement.
S''agissant des AOM régionales, leur forte dynamique d'investissement dans le matériel roulant des TER se poursuit. En effet, une part significative du matériel roulant des régions, pour les acquisitions réalisées dans les années 2000, arrive désormais à mi-vie et doit être modernisée. Aussi, un nouveau programme d'investissements a été lancé et représente, pour les AOM régionales, des investissements de l'ordre de 2,3 milliards d'euros.
Par ailleurs, pour l'activité TER, à offre constante, les dernières projections d'investissements en matière de matériel roulant pour la période 2026-2035 atteignent un total de 3,6 milliards d'euros. Les perspectives de développement de l'offre, notamment dans le cadre de l'ouverture à la concurrence et des projets de services express régionaux métropolitains (SERM) conduiront nécessairement à des montants plus élevés encore.
Enfin, dans le cadre du processus d'ouverture à la concurrence, des investissements significatifs devront également être réalisés par les AOM régionales pour déployer de nouveaux ateliers de maintenance des rames TER.
b) Les investissements à venir pour Ile-de-France Mobilités
Entre 2015 et 2023, les dépenses d'investissement d'Ile-de-France Mobilités (IDFM) ont presque quadruplé.
Cette tendance va se poursuivre dans la mesure où le programme d'investissement prévisionnel d'IDFM prévoit des dépenses cumulées de 32 milliards d'euros d'ici 2033 dont près de 30 milliards d'euros devront déjà être exécutées à horizon 2030.
Plus de 60 % de ce programme, soit 20 milliards d'euros concerne des investissements dans le matériel roulant.
S'agissant de la partie hors matériel roulant du programme d'investissement d'IDFM, 12,1 milliards d'euros sont nécessaires pour financer, entre autres, l'aménagement les dépôts de bus dans le cadre du verdissement de la flotte, la modernisation des ateliers de maintenance de la SNCF, les infrastructures sous maîtrise d'ouvrage IDFM réalisées dans le cadre du CPER Île-de-France.
Par ailleurs, le rapport de la mission diligentée par la Présidente d'IDFM pour réfléchir à l'avenir des cars express, publié en avril 2023, préconise de lancer un vaste plan de développement de lignes de cars express à destination de la grande couronne pour un montant total d'investissements d'un milliard d'euros sur dix ans.
Dans ce contexte, et face aux défis qui se présentent aux collectivités (transition écologique, transports) le maintien des dotations d'investissement de l'État prend, dès lors, une importance primordiale afin de contribuer au financement des investissements des collectivités et de les accompagner dans les travaux nécessaires au bon fonctionnement des services publics.
* 12 Institut de l'économie pour le climat (Institute for Climate Economics).
* 13 Ce chiffre découle de l'estimation qui est faite pour l'ensemble des bâtiments des collectivités (2,7 milliards d'euros) avec une proratisation sur les seuls bâtiments scolaires qui représentent environ 50 % du patrimoine immobilier des collectivités.