C. UNE CONTRACTION DES DÉPENSES CIBLÉE SUR LE PROGRAMME 232 « VIE POLITIQUE » À RAISON DE L'ABSENCE DE SCRUTIN NATIONAL PRÉVU POUR 2025

Le programme 232 « Vie politique » regroupe les crédits destinés à l'aide publique aux partis politiques, à l'organisation et au déroulement des élections, et enfin à la Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques (CNCCFP), en charge du contrôle du financement des campagnes électorales et activités politiques.

Eu égard à leur sensibilité accrue au calendrier électoral, qui détermine le nombre de scrutins à organiser, et de fait, le niveau d'indemnités électorales à verser ainsi que le volume d'activité de la CNCCFP, les crédits de ce programme sont donc logiquement en baisse pour 2025, de plus 157 millions d'euros, soit - 61 % en AE comme en CP, à raison de l'absence de scrutin national.

1. Un financement des partis et groupements politiques maintenu à l'identique

L'article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique dispose que le montant des financements alloués aux partis et groupement politiques se décomposent en deux fractions, avec, d'une part, une fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections à l'Assemblée nationale10(*), et, d'autre part, une fraction spécifiquement destinée au financement des partis et groupements aux bénéficiaires de la première fraction représentés au Parlement.

En 2025, le montant de cette aide publique, stable pour la douzième année consécutive, s'élève à 68,7 millions d'euros.

La CNCCFP indique que les financements sont attraits par les plus gros partis politiques. En effet, sur les 30 partis bénéficiaires de l'aide publique au titre de l'exercice comptable 2022, les trois bénéficiaires les plus importants ont perçu presque 40 millions d'euros, et les dix premiers près de 64 millions d'euros, soit 96 % du montant total alloué11(*). Toutefois, la CNCCFP relève qu'une « part non négligeable des partis bénéficiaires de l'aide publique directe reverse chaque année tout ou partie de l'aide ainsi perçue à d'autres partis politiques exclus du mécanisme de l'attribution de l'aide publique ». Ainsi, en 2022, la moitié des partis politiques bénéficiaires ont reversé une partie de leur aide, pour un montant de l'ordre de 8 millions d'euros, abondant ainsi le budget de 57 partis politiques non éligibles à l'aide publique directe.

Pour l'année 2024, force est de constater que la même tendance de concentration de cette aide publique peut être observée.

Répartition de l'aide publique aux partis politiques pour 202412(*)

(en pourcentage)

Source : Rapport d'activité pour 2023 de la Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques, juin 2024

2. Des crédits pour l'organisation des élections en nette baisse, reflet d'une année 2025 a priori sans scrutin national

Le montant des crédits portés par l'action 02 « Organisation des élections » du programme 232 étant corrélé au calendrier électoral, ils sont en baisse de - 87,2 % en CP par rapport à 2024, à raison de l'absence, pour l'heure, de scrutin national pour 2025, passant ainsi de 180,2 millions d'euros en 2024 à 23,08 millions d'euros pour 2025.

Ces crédits avaient connu une hausse de plus de 160 millions d'euros par rapport à 2023 dans la loi de finances pour 2024, au regard de l'organisation des élections européennes. Selon les éléments transmis à la rapporteure spéciale dans les réponses au questionnaire budgétaire, le coût de ces élections est estimé à 162,15 millions d'euros.

Eu égard à la dissolution de l'Assemblée nationale et de la tenue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet dernier, les crédits ont dû être revalorisés en cours d'année. Dans un premier temps, de juin à septembre, la trésorerie a été mobilisée afin de régler les dépenses urgentes. À partir d'octobre dernier, afin de faire face aux dépenses obligatoires jusqu'en novembre, telles que les indemnités électorales versées aux metteurs sous pli, le remboursement d'une partie des comptes de campagne des candidats et le paiement des frais d'assemblée électorales engagés par les communes, le programme 232 a été abondé par les programmes 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » et 551 « Provisions relatives aux rémunérations publiques » de la mission « Crédits non répartis ».

En outre, une partie des crédits sera reporté sur l'exercice 2025, pour un montant de l'ordre de 31,71 millions d'euros en vue du remboursement des comptes de campagne et de campagne audiovisuelle. L'article 51 du projet de loi de finances prévoit d'ailleurs une dérogation au plafond de 3 % de report des crédits initiaux prévu à l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)13(*) pour les crédits afférents au remboursement des dépenses de campagne des candidats aux élections législatives de 2024.

Dans le cadre des mouvements de gestion réalisés au cours de l'exercice 2024, le coût des élections législatives anticipées de 2024 est estimé à 171,5 millions d'euros, soit 7 millions de plus que les élections législatives de 2022 selon les réponses au questionnaire budgétaire.

Enfin, 1,75 million d'euros a été budgété au titre de 2024 pour le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, dont le report, au plus tard au 30 novembre 2025, a été voté par le Sénat14(*).

Pour 2025, les crédits s'élèvent uniquement à 23,08 millions d'euros et ont vocation à financer les différentes élections partielles qui pourraient se tenir en cours d'année15(*), les dépenses de matériel électoral, ainsi que le développement d'applications informatiques de la sphère électorale.

3. Une activité subséquemment réduite pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
a) Une autorité administrative indépendante exerçant une double mission de contrôle

La Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques (CNCCFP), autorité administrative indépendante16(*) créée par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques17(*), exerce une double mission. D'une part, elle contrôle les comptes de campagne des candidats à toutes les élections et consultations politiques, à l'exception des circonscriptions municipales de moins de 9 000 habitants. Dans le cadre de l'exercice de cette mission, elle peut approuver ou, après une procédure contradictoire, réformer ou rejeter les comptes de campagne et arrêter le montant du remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats. D'autre part, elle constate le respect de leurs obligations comptables par les partis et groupements politiques. En cas de manquement aux obligations comptables, la CNCCFP peut priver un parti ou groupement politique de son aide publique directe prévue par la loi du 11 mars 1988, pour une durée maximale de trois ans, et de la réduction d'impôts prévue pour les dons et cotisations consentie à son profit, à compter de l'année suivante.

Par ailleurs, l'activité de la CNCCFP pourrait s'accroître dès 2025, dans la mesure où elle sera désormais en charge de l'instruction des demandes de remboursement par l'État des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité, instauré par la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux18(*), quels que soient le résultat électoral et la taille de la collectivité. La commission des lois du Sénat a souhaité confier cette mission de contrôle des dépenses engagées à la CNCCFP, « seul organisme aujourd'hui en mesure de traiter la masse des demandes de remboursement et d'analyser l'éligibilité au regard de critères posés par la loi et par voie réglementaire de dépenses souvent disparates et évolutives d'une élection à une autre »19(*).

Le nouveau contrôle des dépenses des candidats en situation de menace avérée

La loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux instaure un nouveau régime de protection des candidats aux élections locales et nationales : : d'une part, il élargit le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, pendant toute la durée de la campagne électorale et, d'autre part, ouvre également le droit à une prise en charge par l'État, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité.

La prise en charge par l'État des dépenses du candidat pour assurer sa protection est soumise à la double condition que la prestation de sécurité ne soit pas exercée par les forces de l'ordre et qu'il existe une menace avérée envers un candidat.

La caractérisation de la menace avérée relève du représentant de l'État dans le département, à partir d'un référentiel national déterminant les différents niveaux de risque, qui doivent être fixés par décret en Conseil d'État, encore en cours d'élaboration à la date du présent rapport.

Une fois la menace caractérisée, les candidats pourront bénéficier d'une prise en charge de leurs dépenses de sécurité pendant les six mois qui précèdent l'élection et jusqu'au tour de l'élection auquel ils participent. Les dépenses éligibles comprennent la surveillance des biens et des personnes, par des moyens humains ou électroniques, le gardiennage des permanences électorales et la protection physique des candidats. Seuls les frais directement liés à la sécurité pourront être remboursés.

Afin d'obtenir le remboursement de leurs dépenses, les candidats devront soumettre à la CNCCFP un état détaillé des dépenses de sécurité engagées, accompagné de justificatifs tels que des devis ou des factures. La Commission procèdera ensuite à la vérification des demandes et pourra, le cas échéant, après une procédure contradictoire, approuver, réformer ou rejeter les remboursements sollicités.

Cette nouvelle procédure a vocation à entrer en vigueur en mars 2025, et dépendra de l'adoption du décret en Conseil d'État, qui doit définir, au-delà des différents degrés de menace, les plafonds de remboursement des dépenses, et préciser les modalités de transmission des informations entre le préfet et la CNCCFP. Si l'augmentation des crédits de la CNCCFP associée à cette nouvelle mission demeure encore incertaine, des renforts d'agents temporaires en cas de surcroît d'activité sont tout de même envisagés, de même que le développement de dispositifs informatiques nécessaires à la collecte et au traitement des données, en lien avec les préfectures. En effet, selon les informations transmises par la CNCCFP, une partie des crédits hors titre 2 pour 2025 servira à financer la création d'une nouvelle plateforme dématérialisée.

Source : Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques, d'après les éléments écrits transmis à la rapporteure spéciale

Pour l'exercice de ses missions, la CNCCFP s'appuie sur un secrétariat général, composé de trois services (service du contrôle et des affaires juridiques, service de l'administration générale et service des systèmes d'information et de la sécurité), et d'un pôle communication et relations publiques, dont les effectifs ont été progressivement renforcés et qui peuvent varier au regard du caractère cyclique de l'activité de cette autorité administrative.

b) Une légère diminution des dépenses de personnel illustrant le fonctionnement cyclique de la Commission

L'absence d'échéance électorale prévue pour 2025 explique la diminution des crédits de la CNCCFP de - 2,4 %, passant de 8,7 millions d'euros en 2024 à 8,5 millions d'euros en 2025.

Évolution des crédits de paiement de la CNCCFP

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La baisse de 200 000 euros des crédits se concentre sur les dépenses de personnel, dont une partie est conjoncturelle car intrinsèquement liée au calendrier électoral. Dans ce contexte, le plafond d'emplois pour 2025 est de 55 ETPT, soit - 1 ETPT par rapport à 2024.

En effet, l'activité de la commission étant à la fois permanente (contrôle de la comptabilité des partis) et cyclique (approbation des comptes de campagne), ses ressources humaines sont constituées d'un socle d'agents permanents affectés auprès du secrétariat général (47 ETPT) renforcé, en période de contrôle d'élections, par des recrutements temporaires. Ainsi, en 2024, dans le cadre du contrôle des élections européennes du 9 juin 2024, dont l'instruction a été entièrement dématérialisée, la CNCCFP a recruté trois renforts temporaires supplémentaires de catégorie A. De plus, pour contrôler les comptes de campagnes des élections législatives anticipées de 2024, pour lesquels l'instruction se déroule sous format papier, la CNCCFP a fait appel à 16 agents temporaires pour assurer les missions de contrôle, de logistique et d'anonymisation des données induites par la tenue des élections.

La CNCCFP a indiqué à la rapporteure spéciale que ces recrutements ont pu être effectués sous le plafond d'emplois de 55 ETPT prévu en loi de finances initiale pour 2024, suite au départ non prévu d'agents début 2024 ayant entraîné des vacances de postes. La CNCCFP a également précisé que « le surcoût généré par le recrutement de ces renforts temporaires est estimé à 177 000 euros en 2024 et 88 500 euros en 2025 et seront financés sous enveloppe »20(*). À ces dépenses s'ajoutent aussi la rémunération des vacations des 122 rapporteurs21(*) pour assurer le contrôle des comptes de campagne22(*), pour un montant global de 450 000 euros, répartis sur les exercices 2024 et 2025. Enfin, 150 000 euros de dépenses hors dépenses de personnel sont estimées, afin de financer l'achat de matériels informatiques pour les renforts temporaires et les frais postaux.

S'agissant des dépenses hors titre 2, celles-ci s'élèvent à 3,4 millions d'euros au global23(*) en crédits de paiement et sont stables par rapport à 2024. La CNCCFP poursuit en 2025 le développement de deux grands projets d'investissement informatiques : le projet de plateforme « Fin'Pol », outil de dématérialisation de tous les comptes de campagne et des partis politique, et la modernisation de l'infrastructure informatique, en cours de finalisation. Les autorisations d'engagement sont quant à elles en légère augmentation de 1,1 % à raison des dépenses prévues pour ces projets.


* 10 L'article 34 de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques a introduit un seuil de 1 % des suffrages exprimés, dans au moins cinquante circonscriptions.

* 11 Rapport d'activité 2023 de la CNCCFP.

* 12 Répartition constatée avant les résultats des élections législatives anticipées de juillet 2024.

* 13 L'article 15 de la loi organique aux lois de finances (LOLF) prévoit que les crédits de paiement disponibles à la fin de l'année peuvent être reportés, dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même programme, et que ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances.

* 14 Texte n° 11 (2024-2025) adopté par le Sénat le 23 octobre 2024.

* 15 Le coût des sept élections législatives partielles de 2023 a été estimé par le ministère de l'intérieur à 3,58 millions d'euros.

* 16 Le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 91-1141 AN du 31 juillet 1991, et le Conseil d'État, dans son rapport public de 2001, ont qualifié la CNCCFP d'autorité administrative indépendante, statut ultérieurement consacré par l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale, et désormais codifié à l'article L. 52-14 du code électoral. La CNCCFP est composée de neuf membres : trois membres du Conseil d'État, trois membres de la Cour de cassation et trois membres de la Cour des comptes.

* 17 Article 1er de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990.

* 18 Article 12 de la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024.

* 19 Rapport n° 7 (2023-2024) au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, par Mme Catherine DI FOLCO.

* 20 D'après les éléments transmis dans la contribution écrite de la CNCCFP.

* 21 25 rapporteurs pour les élections européennes et 97 rapporteurs pour les élections législatives anticipées.

* 22 Les rapporteurs de la CNCCFP assurent « l'instruction initiale des comptes, la conduite de la procédure contradictoire et la formulation des propositions qui en découlent » (article 9 du règlement intérieur).

* 23 Le projet annuel de performances ne distingue pas les dépenses d'investissement des dépenses de fonctionnement. Selon les documents budgétaires, ces 3,4 millions d'euros seraient uniquement affectés à des dépenses de fonctionnement.

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