N° 74
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 2004
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 2
AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Rapporteur spécial : M. Michel CHARASSE
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jegou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345
Sénat : 73 (2004-2005)
Lois de finances. |
SOMMAIRE
Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 5
I. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE L'APD FRANÇAISE : UNE VOLONTÉ DE COHÉRENCE MALGRÉ CERTAINS RISQUES 9
A. LA PRÉPONDÉRANCE DES ANNULATIONS DE DETTE 9
1. Une évaluation problématique 9
2. Un soutien encore incertain à la réduction de la pauvreté 10
3. Une transparence encore à parfaire 12
4. La difficulté de tenir les engagements d'accroissement de l'APD 12
B. LES ORIENTATIONS DU CICID DU 20 JUILLET 2004 13
1. La réaffirmation de l'objectif de 0,5 % du PIB en 2007 14
2. Le pilotage stratégique de l'aide 14
3. Le renforcement de l'AFD comme opérateur-pivot de l'aide française 18
II. LES ENSEIGNEMENTS DE LA MISSION DE CONTRÔLE DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL EN AFRIQUE DE L'OUEST 19
A. LA GESTION DES PROJETS DU FSP ET DE L'AFD 20
1. Le FSP, symbole des limites de la rhétorique diplomatique 20
2. Une gestion perfectible de la régulation budgétaire en 2003 22
3. L'AFD a davantage les moyens d'une certaine rigueur et de la diversification de ses interventions 23
B. LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET NON GOUVERNEMENTALE 24
C. LE DIALOGUE AVEC LES ETATS RECIPIENDAIRES ET L'ACTION EUROPÉENNE 25
1. La nécessité d'un dialogue structuré et ferme avec les pays partenaires 25
2. Le FED : une action enfin plus visible 27
PREMIERE PARTIE : ANALYSE GÉNÉRALE DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE 29
I. EVOLUTION DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE DEPUIS 1996 29
A. DEPUIS 2002, LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE SONT RESPECTÉS 29
1. Mise en perspective de l'aide française depuis dix ans 29
2. La poursuite du redressement de l'aide publique 32
B. LA HAUSSE PROFITE LARGEMENT À L'AIDE BILATÉRALE 37
C. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE 38
1. La diminution de l'aide multilatérale globale 38
2. La prégnance de l'aide européenne 38
II. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET SECTORIELLE DE L'AIDE FRANÇAISE 41
A. RÉPARTITION EN FONCTION DES PAYS BÉNÉFICIAIRES 41
B. RÉPARTITION PAR INSTRUMENT 45
III. SITUATION DE LA FRANCE PAR RAPPORT AUX AUTRES BAILLEURS 46
IV. LA FRANCE AU CoeUR DES GRANDS DÉBATS SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LE FINANCEMENT DES ODM 51
A. LA GESTION DE L'EAU 51
B. LE PROJET DE TAXATION INTERNATIONALE 52
C. L'INITIATIVE FRANCO-BRITANNIQUE SUR LA FACILITÉ DE FINANCEMENT INTERNATIONALE 53
D. LES BIENS PUBLICS MONDIAUX 54
SECONDE PARTIE : LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DES DIFFÉRENTS MINISTÈRES IMPLIQUÉS DANS L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 57
I. LES LIMITES TRADITIONNELLES DE L'ANALYSE BUDGÉTAIRE NE SERONT QUE PARTIELLEMENT LEVÉES PAR LA LOLF 57
A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES REPRÉSENTENT MOINS DE LA MOITIE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 57
1. L'écart croissant entre crédits budgétaires contribuant à la coopération et aide publique au développement au sens du CAD 57
2. Le poids des comptes spéciaux du Trésor 58
a) Le CST 903-07 « Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement » 58
b) Le CST 903-17 « Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France » 61
c) Le CST 906-05 « Opérations avec le Fonds monétaire international » 65
3. L'opacité des clefs de distribution retenues dans le « jaune » 70
B. LA FUTURE MISSION INTERMINISTÉRIELLE « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » DANS LE CADRE DE LA LOLF 70
1. Le cheminement tourmenté vers une mission dédiée 70
2. Une présentation plus claire mais loin d'être exhaustive 72
C. UN BICÉPHALISME MAINTENU AU SEIN D'INTERVENANTS MULTIPLES 75
1. Le poids des ministères des affaires étrangères et de l'économie, des finances et de l'industrie 75
2. La dispersion au sein des « ministères techniques » 76
3. Les effectifs globaux du personnel d'assistance technique 87
II. LES CRÉDITS INSCRITS AU BUDGET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 88
A. ANALYSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE COOPÉRATION DU MINISTÈRE 88
1. Hausse de la part globale des crédits du ministère des affaires étrangères affectée à la coopération 88
2. Ventilation par chapitre selon le « jaune » et évolution de la nomenclature 90
3. La disjonction des périmètres du « jaune » et de l'agrégat 21 du « bleu » 93
4. Une plus grande emprise des crédits consacrés à la coopération au sein du budget des affaires étrangères 93
B. LE FUTUR PROGRAMME « SOLIDARITÉ À L'ÉGARD DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT » 95
1. La définition encore inachevée du périmètre budgétaire 95
2. Objectifs et indicateurs 102
C. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT (TITRE III) 106
1. Les inévitables imperfections de l'agrégat 11 (« Personnel, moyens et équipements des services ») 106
2. Evolution globale : un effort important de maîtrise des dépenses de fonctionnement 107
D. LES MOYENS D'INTERVENTION (TITRE IV) 111
1. Une hausse très substantielle du fait du quadruplement des contributions volontaires 111
2. Des situations contrastées selon les chapitres 112
a) Augmentation des concours financiers du chapitre 41-43 à périmètre constant 112
b) Forte hausse de l'appui aux initiatives privées ou décentralisées 116
c) Stabilité des subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle 121
d) Diminution optique de 6,5 % des crédits du chapitre 42-15 « coopération internationale et développement » 122
e) La réorganisation des crédits d'aide alimentaire 126
f) Reconduction des crédits de la coopération militaire et de défense 126
g) Diminution des contributions obligatoires et forte hausse des contributions volontaires aux organismes internationaux 128
h) Forte progression de la dotation relative aux « autres interventions de politique internationale » 131
E. LA PROGRAMMATION DE LA DGCID : DES ORIENTATIONS PEU COHÉRENTES AVEC SA VOCATION 132
F. LES DÉPENSES EN CAPITAL (TITRE VI) 133
1. La contribution française au Fonds européen de développement : une hausse qui traduit une meilleure consommation des crédits 134
a) Origine, fonctionnement et financement du FED 134
b) La forte croissance du montant de la contribution française 136
c) Des progrès encore timides après des errements peu tolérables 137
d) La budgétisation du FED : une perspective toujours souhaitable malgré l'attitude quelque peu ambiguë de la France 141
2. Le Fonds de solidarité prioritaire : des solutions enfin entrevues à une situation de crise aiguë 143
a) Deux années et demi de pénurie de crédits de paiement 143
b) Un redressement tardif qu'il conviendra de pérenniser 146
c) Une ventilation géographique et sectorielle plutôt adaptée 148
d) Le Fonds social de développement : un outil efficace à mieux valoriser 150
e) Une gestion toujours perfectible du stock de projets 151
3. L'AFD : une capacité d'investissement en hausse, mais davantage assise sur des ressources de marché 153
a) L'évolution des concours financiers dans le cadre du nouveau Plan d'action stratégique 153
b) Les sources de financement de l'AFD 155
c) Une situation financière saine mais des risques encore relativement concentrés 157
d) Ventilation géographique et sectorielle des projets 159
e) La nouvelle méthode de notation des projets 162
f) Les conséquences du CICID du 20 juillet 2004 165
G. L'EXÉCUTION BUDGETAIRE DES CRÉDITS DE COOPÉRATION DU MAE EN 2003 ET 2004 168
1. L'exercice 2003 168
2. L'exercice 2004 170
III. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 171
A. LE FUTUR PROGRAMME « AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT » 172
1. Périmètre budgétaire 172
2. Objectifs et indicateurs 175
3. L'impact de la stratégie ministérielle de réforme 179
B. DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT (TITRE III) 180
C. DÉPENSES D'INTERVENTION (TITRE IV) 183
1. L'ADETEF (chapitre 41-10) 183
2. La participation de l'Etat au service d'emprunts à caractère économique (chapitre 44-97) 184
D. DÉPENSES EN CAPITAL (TITRES V ET VI) 185
1. La participation de la France au capital d'organismes internationaux (chapitre 58-00) 186
2. L'action dans le domaine de l'énergie et des matières premières (chapitre 62-92) 187
3. L'aide extérieure (chapitre 68-00) 188
a) Le nouvel article 40 188
b) Le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) 189
4. La participation de la France à divers fonds (chapitre 68-04) 190
E. LE TRAITEMENT DE LA DETTE : UN VOLUME D'ENGAGEMENTS ÉLEVÉ 194
MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE 203
EXAMEN EN COMMISSION 205
L'article 49 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter de la date de dépôt du projet de loi de finances. A la date du 9 octobre 2004, le nombre de réponses qui étaient parvenues à votre rapporteur spécial était le suivant :
- 90 % pour le ministère des affaires étrangères ;
- 100 % pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- de 10 % à 100 % pour les ministères « techniques ».
PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L'année 2004 s'inscrit dans la continuité d'une meilleure prise de conscience, réelle depuis 2000, des enjeux et risques du développement. L'inquiétude sur le niveau de développement des pays du Sud intègre désormais plus largement certaines dimensions : la nécessité de relations commerciales plus équilibrées, le désastre humain causé par l'épidémie de sida et les difficultés d'accès à l'eau potable, et les nouvelles relations entre développement et sécurité.
Avec les objectifs du millénaire pour le développement (ODM) instaurés en 2000 (voir encadré ci-après), la communauté internationale s'est fixée des buts clairs d'ici à 2015, qu'elle a crus accessibles dans un horizon temporel assez lointain, mais qui paraissent aujourd'hui bien ambitieux. Le président de la Banque mondiale a ainsi manifesté une réelle inquiétude en avril 2004 en estimant que les objectifs relatifs à la santé, à l'éducation et à l'environnement - autant de thèmes représentatifs des besoins fondamentaux d'une population - ne seraient vraisemblablement pas atteints . La population mondiale vivant avec moins de un dollar par jour est certes tombée en vingt ans de 1,5 milliard à 1,1 milliard de personnes, mais ce progrès traduit un écart croissant entre le développement de l'Asie et de la Chine, dont le PIB par habitant a été multiplié par cinq depuis 1981, et l'aggravation de la pauvreté en Afrique , où le PIB s'est contracté de 15 % et où le nombre de personnes vivant avec moins de un dollar par jour a doublé sur la même période. L'explication est à la fois simple et inquiétante : une absence de croissance pérenne et le maintien de troubles politiques sur ce continent.
Les objectifs du millénaire pour le développement
En septembre 2000, la communauté internationale s'est assignée, avec la Déclaration du Millénaire, huit objectifs quantitatifs précis et très ambitieux pour l'APD mondiale, qui structurent aujourd'hui la stratégie d'aide de nombreux de bailleurs et en particulier de la France. La situation de départ est celle de l'année 1990 et les objectifs à atteindre ceux de l'année 2015 (sauf mention contraire).
Les pays membres de l'OCDE se sont également engagés à accroître leur aide au développement de 16 milliards de dollars par an d'ici 2006, soit 0,26 % de leur PIB, loin de l'objectif de 0,7 % annoncé en 1969 et réitéré lors des conférences de Monterrey et de Johannesburg (septembre 2002).
1 - Les huit objectifs
1 - Faire disparaître l'extrême pauvreté et la faim
Réduire de moitié la proportion de la population vivant avec moins de 1 dollar par jour, et réduire de moitié la proportion de la population souffrant de la faim.
2 - Garantir à tous une éducation primaire
Donner à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires.
3 - Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes
Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaires et secondaires d'ici 2005 si possible, et à tous les niveaux de l'enseignement en 2015 au plus tard.
4 - Réduire la mortalité infantile
Réduire des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans.
5 - Améliorer la santé maternelle
Réduire des trois quarts le taux de mortalité maternelle.
6 - Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et autres maladies
Enrayer la propagation du VIH/SIDA, du paludisme et d'autres grandes maladies et commencer à inverser la tendance actuelle.
7 - Assurer la durabilité des ressources environnementales
- Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales ;
- réduire de moitié le pourcentage de la population privée d'un accès régulier à l'eau potable ;
- améliorer sensiblement, d'ici 2020, la qualité de vie des 100 millions de personnes vivant dans des taudis.
8 - Mettre en place un partenariat mondial pour le développement
- instaurer un système commercial et financier plus ouvert, fondé sur des règles, prévisible et non discriminatoire, ce qui implique un engagement en faveur de la bonne gouvernance, du développement et de la lutte contre la pauvreté, aussi bien à un niveau national qu'international ;
- subvenir aux besoins des pays les moins avancés, ce qui suppose l'admission, en franchise et hors contingents de leurs exportations, un programme renforcé d'allègement de la dette et l'annulation de la dette publique bilatérale, ainsi qu'une aide publique au développement plus généreuse aux pays qui démontrent leur volonté de lutter contre la pauvreté ;
- subvenir aux besoins spécifiques des pays enclavés et des petits Etats insulaires en développement en appliquant le Programme d'action pour le développement durable des petits Etats insulaires en développement et les conclusions de la vingt-deuxième session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies ;
- engager une démarche globale pour régler le problème de la dette des pays en développement par des mesures nationales et internationales propres à rendre cet endettement supportable à long terme ;
- en coopération avec les pays en développement, imaginer et appliquer des stratégies de nature à créer des emplois productifs décents pour les jeunes ;
- en coopération avec les laboratoires pharmaceutiques, proposer des médicaments essentiels accessibles à tous dans les pays en développement ;
- en coopération avec le secteur privé, mettre à la disposition de tous les bienfaits des nouvelles technologies, notamment celles de l'information et des communications.
2 - Quelques chiffres pour mémoire
- Sur une population mondiale de 6 milliards d'être humains, un milliard représente 80% du PIB tandis qu'un autre milliard lutte pour survivre ;
- 54 pays sont plus pauvres actuellement qu'en 1990 ;
- 115 millions d'enfants ne fréquentent pas l'école primaire. Le taux de scolarisation n'est que de 59 % en Afrique sub-saharienne et de 84 % en Asie du Sud ;
- 30 000 enfants meurent par jour (soit 10 millions par an) de maladies qui auraient pu être évitées ;
- 42 millions de personnes sont porteurs du virus du sida dans le monde, dont 39 millions dans les pays en développement ;
- 1 million de personnes meurent du paludisme chaque année ;
- 1 milliard de personnes (soit une sur cinq) n'ont pas accès à l'eau potable ;
- au rythme actuel, l'Afrique subsaharienne ne remplira pas les Objectifs du Millénaire concernant la pauvreté avant 2147 et ceux relatifs à la baisse de la mortalité infantile avant 2165.
Source : note du Haut conseil à la coopération internationale
Les montants consacrés à l'aide au développement sont de fait encore largement inférieurs aux besoins. Le volume global annuel de l'aide publique au développement (APD) atteint environ 60 milliards de dollars (à confronter aux 800 milliards de dollars de dépenses militaires annuelles), auquel la France contribue pour un peu plus de 10 %, mais seule la moitié se traduit en « argent frais », en raison de la croissance des annulations de dette. Faute de pouvoir aboutir, dans l'immédiat, au doublement de l'aide publique qui est jugé nécessaire pour espérer respecter les ODM, les bailleurs tentent d'explorer de nouveaux moyens de financement et d'imaginer des cadres tendant à une meilleure efficacité de l'aide.
La France, outre qu'elle respecte en prévision comme en exécution ses engagements d'accroissement progressif de l'APD, participe activement à ces débats . Elle a ainsi apporté d'importantes contributions au titre de la facilité internationale pour le financement - qui constitue une solution innovante et pertinente tendant à impliquer davantage les marchés financiers par des mécanismes s'apparentant à la titrisation de créances -, de la réflexion sur les biens publics mondiaux ou de la mise en place d'une possible taxe internationale.
Le Nouveau partenariat économique pour le développement en Afrique ( NEPAD ), lancé le 3 juillet 2001 constitue également une initiative d'autant plus louable qu'elle émane d'une véritable volonté politique d'inversion de la dynamique de l'échec et n'est pas imposée par les bailleurs internationaux. Il témoigne d'un « retour en force » des grands chantiers d'infrastructures (malgré la réticence du Canada et des Etats-Unis) comme d'un certain réalisme territorial, mais ses lacunes et risques ne peuvent être éludés : faible participation de la société civile, épargne et entreprenariat très insuffisants, manque de réalisations concrètes, insuffisante prise en compte de la corruption et de la bureaucratie, etc . La France en a courageusement fait un des axes structurants de sa coopération, car le NEPAD, jugé tantôt irréaliste et dirigiste, tantôt paternaliste et trop libéral, ne doit pas être enterré par avance et mérite d'être soutenu. Mais il ne dispose que de quelques années pour réellement convaincre l'ensemble de la communauté des bailleurs.
Dans ce contexte pour le moins mitigé, la France respecte avec cohérence son engagement d'augmentation graduelle de l'APD, et intègre mieux les préoccupations d'efficacité de l'aide (plutôt que la seule efficience des moyens) et de coordination , non seulement avec les autres bailleurs, mais encore et surtout entre les nombreux opérateurs nationaux et locaux. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une augmentation de 10 % de l'APD (soit près de 700 millions d'euros) et traduit des orientations que votre rapporteur juge bénéfiques , telles qu'un accroissement important de l'aide bilatérale, une légère progression des dons, un soutien confirmé à l'Afrique subsaharienne et une forte contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida (150 millions d'euros). La France est ainsi aujourd'hui le premier bailleur d'APD en Europe, le premier contributeur au FED et le premier créancier des pays pauvres.
La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) permet de conforter, sur le plan de la gestion budgétaire, la modernisation de l'aide française et l'impulsion d'une logique d'objectifs et de performance. Le périmètre de la future mission interministérielle est à présent figé et son architecture se révèle plus satisfaisante que le projet bancal qui avait été soumis voici un an . Elle ne permet toutefois pas de réaliser les aspirations manifestement idéalistes à un regroupement de l'ensemble des crédits ministériels concourant à la coopération (à l'exception notable des crédits d'aide alimentaire) comme à une plus grande cohérence avec les données transmises à l'OCDE. Le futur document de politique transversale devrait permettre de pallier en partie ces imperfections budgétaires , pour autant qu'il ne reproduise pas les errements parfois constatés d'une rhétorique abstraite et impressionniste, et désigne un ministère chef de file, que le ministère des affaires étrangères a bien vocation à être.
I. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE L'APD FRANÇAISE : UNE VOLONTÉ DE COHÉRENCE MALGRÉ CERTAINS RISQUES
A. LA PRÉPONDÉRANCE DES ANNULATIONS DE DETTE
Les allègements de dettes, qui transitent essentiellement par des canaux extra-budgétaires, devraient représenter pas moins de 30 % de l'APD françaises en 2005, soit 2.258 millions d'euros. Ce montant a quasiment sextuplé en quatre ans , puisqu'il était de 388 millions d'euros en 2001, selon les données fournies par le « jaune » budgétaire. Cette évolution fait de la France le premier contributeur mondial à l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) , qui mobilise la majorité des annulations. Il s'agit donc bien d'une orientation structurante de notre aide, qui conduit votre rapporteur spécial à se poser plusieurs questions : cette aide est-elle vraiment efficace pour le développement et se traduit-elle en ressources supplémentaires pour les pays concernés ? Est-elle correctement évaluée et comptabilisée, et le Parlement dispose-t-il d'informations suffisantes ? Préserve-t-elle la composante budgétaire et l'aide-projet de la France ?
Votre rapporteur spécial ne conteste pas la légitimité des allègements de dettes : il est indéniable que l'important service de la dette de certains pays conduit à amputer d'autant les moyens disponibles pour la satisfaction des besoins sociaux et infrastructures de base. Les annulations peuvent donc constituer un préalable afin de restaurer les marges de manoeuvre budgétaires des pays les moins avancés, et les conditionnalités que prévoit l'initiative PPTE sont de nature à inciter les Etats à élaborer une vraie stratégie de développement dans des conditions satisfaisantes de participation de la société civile (souvent moins du Parlement). Mais les annulations ne doivent pas devenir une fin en soi - alors qu'elles ne sont qu'une condition du développement - ou un expédient à une action sur le terrain, certes difficile à mener à bien mais aux effets structurants. Les annulations peuvent également faire l'objet des critiques suivantes.
1. Une évaluation problématique
La comptabilisation des allègements de dette peut être jugée problématique et donner lieu à une surévaluation . Le coût des allègements repose en effet sur la valeur contractuelle de créances et d'intérêts dont la probabilité de défaut était dès l'origine substantielle 1 ( * ) . Considérant le fait qu'une part importante de la dette n'aurait jamais pu être remboursée , il apparaîtrait plus pertinent de comptabiliser les allègements à la « valeur de marché » des créances sous-jacentes, c'est-à-dire celle qui intègre par une décote le risque de non-paiement . Or selon les estimations conduites par l'économiste Daniel Cohen, cette valeur réelle ne représenterait en moyenne que 28 % de la valeur actuelle nette de ces créances 2 ( * ) , ce qui conduit à une large surévaluation des annulations dans leur mode de comptabilisation actuel.
Certains observateurs remettent également en question la légitimité de certaines créances irrécouvrables , qui correspondent à d'anciens prêts octroyés de façon incontrôlée, davantage pour servir des intérêts géostratégiques et économiques que pour contribuer au développement des pays débiteurs. L'inscription en APD des annulations correspondantes est dans ces conditions jugée très discutable, comme en témoigne la part importante des créances commerciales garanties par la Coface 3 ( * ) , au titre de l'assurance-crédit des exportateurs nationaux, dans les allègements de dette.
Votre rapporteur spécial rappelle toutefois que toutes les annulations de dette ne ressortissent pas à l'APD , et que la comptabilisation de l'OCDE n'intègre dans l'APD que les intérêts annulés relatifs à un prêt qui a été lui-même été antérieurement considéré comme participant à l'effort d'APD.
* 1 L'économiste Daniel Cohen, dans un document de l'OCDE d'octobre 2000, intitulé « L'initiative PPTE : vraies et fausses promesses », considère ainsi que « le gros de la dette est une fiction qui ne correspond pas aux remboursements effectifs qui sont fait par ces pays ».
Il estime que l'évaluation de l'initiative PPTE est faussée par le fait que - contrairement à l'accord Brady - elle ne prend pas en compte la « valeur de marché » de la remise de dette. A partir d'une analyse économétrique des débiteurs à revenu intermédiaire des années 80, il estime que l'initiative PPTE serait en réalité dix fois moins généreuse que ce pourrait laisser penser sa valeur faciale comptable.
* 2 Le General Accounting Office des Etats-Unis considère en outre qu'en moyenne, la valeur réelle de la plupart des créances PPTE détenues par le Trésor américain n'excède pas 10 % de leur valeur nominale.
* 3 En 2005, les transports aux découverts de la Coface devraient représenter 40 % des allègements.